Chapitre III. — Les spirantes
§ 48. Les spirantes se divisent en labiales (ou labio-dentales, selon les sujets) et gutturales. Il n’existe pas de spirantes dentales, correspondant aux occlusives dentales. En revanche, on retrouve dans le système des spirantes les deux oppositions qui dominent le système des occlusives : opposition entre palatales et vélaires, qui s’étend au reste à tout le système consonantique ; opposition entre sourdes et sonores qui, comme on le verra, est spéciale aux occlusives et aux spirantes.
vélaires | palatales | |||
lab. |
gutt. |
lab. |
gutt. | |
Sourdes. . . . . | f | χ (χʺ) | fʹ | ç |
Sonores. . . . . | v (w), ṽ (w̃) | ǥ (ǥʺ) | vʹ | j |
Le système des spirantes est en pleine évolution.
§ 49. Les spirantes labiales sont, chez les sujets âgés, des bilabiales mais ce type archaïque tend, dans notre parler comme dans la plupart des langues où il s’est rencontré, à s’éliminer, et l’on peut dire que tous les sujets de moins de cinquante ans ont des spirantes labio-dentales ; par ailleurs v (w) nasalisé est rare et tend à être supplanté par v (w) non nasalisé (quoique toujours avec nasalisation des voyelles environnantes).
En ce qui concerne les spirantes gutturales se fait sentir une tendance à l’ouverture.
On verra, à propos de chaque phonème, comment χ et h sont confondus dans certains mots, comment ç ne subsiste plus dans notre parler qu’à l’initiale, comment j, qui occupe dans le système de la langue la place d’une spirante, n’est à proprement parler qu’une demi-voyelle.
Le système des spirantes est, par l’effet de ces deux tendances, la seule partie du consonantisme du parler qui présente des flottements individuels assez généraux et prononcés.
§ 50. Vélaires. — Dans le type bilabial ancien la position des lèvres est la même que pour l’articulation de p, b, avec cette différence que l’air ne cesse de s’échapper entre les lèvres légèrement écartées ; les lèvres ne sont jamais arrondies pour la sourde f, mais, à côté de la sonore v, on peut voir apparaître une labiale arrondie w.
La vélarisation est très nette.
Devant voyelle d’avant ou mixte d’avant apparaît un glide vélaire ʷ.
Dans le type labio-dental, qui est celui des deux dernières générations, le resserrement du passage de l’air est causé par le contact des dents du haut avec la lèvre inférieure, qui reste lâche. La position de la langue est la même. Les sujets qui ne possèdent plus les bilabiales non arrondies peuvent cependant avoir le w.
§ 51. f (écrit f, aussi, à l’initial, ph‑, à l’intérieur, ‑mhth‑, bhth).
f est une spirale bilabiale, ou labio-dentale, selon les sujets (voir plus haut), sourde et vélarisée. Le glide w, là où il apparaît après f, est sourd.
Je n’ai pas rencontré de forme nasalisée de f, quoiqu’on pût en attendre une dans les mots ɑ꞉fəχ (ámhthach) « cependant » ; lʹi꞉ᵊfə (líomhtha) « poli, souple », etc.
§ 52. f se trouve en contact avec des voyelles ou avec des consonnes vélaires, et ceci, en position initiale aussi bien que médiane. A la finale, seulement dans des emprunts récents.
fɑ꞉s (fás) « croître » ; fɑ꞉h (fáth) « raison » ; fɔkəl (focal) « mot » ; fo꞉d (fód) « motte de terre » ; fᴀᴜn (fonn) « désir » ; ɛr fõ꞉nəv (ar fóghnamh) « en bon état » ; fʷᴇ̈꞉r (faobhar) « tranchant (d’une lame) » ; fʷɪ꞉ʃtʹɩnʹɩ (faoistine) « confession » ; fʷɪ꞉ʃəv (faoiseamh) « répit » ; flahᴜ꞉ⁱlʹ (flaitheamhail) « généreux » ; frᴇ̈꞉ᵊχ (fraoch) « bruyère » ; fo꞉s ʃeꞏ (phós sé) « il épousa » ; ə fɑ꞉dᵊrɪgʹ (a Phádraig) « Patrick ! » ; do fɑ꞉ʃtʹi꞉ (do pháisti) « tes enfants ».
fɑ꞉kfər (fágfar) « on laissera » ; fɑ꞉kfʷɪ꞉ (fágfaí) « on laisserait » ; sgafʷɩrʹɩ fʹirʹ (scafaire fir) « un homme robuste et intrépide » ; dʹrʹïfᴜ꞉r, (dearbhshiúr) « sœur » ; lɔfə (lobhtha) « pourri » ; ʃαfo꞉ⁱdʹ (seafóid) « sottise » ; ᴜꞏəfɑ꞉s (uathbhás) « chose horrible » ; gə dʹαrəfə (go dearbhtha) « certainement » ; nᴇ̈꞉ᵊfə (naomhtha) « saint » ; tɑfənt (tafant) « insister ».
A la finale : sg̬ɑrf (scarf) « écharpe ».
v bilabial ou labio-dental s’articule comme f, bilabial ou labio-dental, mais est sonore.
Là où v remplace un ancien m devenu spirant, il peut être nasalisé, et il l’est chez certains sujets âgés, quoique la prononciation non nasalisée soit aussi répandue, même chez la plus vieille génération. En revanche, les voyelles environnantes sont généralement nasalisées.
Nous ne notons pas d’ordinaire la nasalisation toujours capricieuse et dans certains cas non attestée de v.
§ 54. v apparaît en contact avec des voyelles et avec des consonnes vélaires, en position médiane ou finale et, à l’initiale, seulement comme alternance grammaticale de f, de b ou de m, ou, exceptionnellement, dans des emprunts récents.
ɛr ə vɑlə (ar an bhfalla) « sur le mur » ; ən vɑnfɑ꞉ tɑməl (an bhfanfá tamall ?) « est-ce que tu restes un instant ? » ; ɑnəvo̤χt (ana-bhocht) « très pauvre » ; ə vɑ꞉hɩrʹ ou ə ṽɑ̃꞉hɩrʹ, ou ə vɑ̃꞉hɩrʹ (a mháthair !) « maman ! »
ɑnəvᴜχ, ou ɑnəvᴜ̃χ, ou même ɑnəṽᴜ̃χ (anamhoch) « de très bonne heure » ; ə vʷɪ̃꞉nʹəχ (a mhaoineach) « chéri » ; ɑnəvʷᴇ̈ᵊχ (anabhuidheach) « très reconnaissant ».
kɑt tɑ꞉ vᴜɛtʹ (cad tá uait), « qu’est-ce que tu veux ? », etc., cf. § 295.
A l’initiale : vo꞉tə (vóta) « vote ».
kʹiꞏəlvər (ciallmhar) « raisonnable » ; klʹiꞏvɑ꞉n (cliabhán) « berceau » ; kʲo꞉lvər (ceolmhar) « gai » etc. (tous les adjectifs de cette classe ont le v non nasalisé) ; dəvɑ̃꞉n (dubhán) « hameçon » ; en général aussi avərk (amharc) « champ visuel » ; mais, avec v susceptible d’être nasalisé : əvɑ̃꞉ⁱnʹ (amháin) « seul » ; ɑdvɑ̃꞉ⁱlʹtʹ (admháilt) « avouer », ou əṽɑ̃꞉ⁱnʹ, ɑdṽɑ̃꞉ⁱlʹtʹ, lɑ̃꞉vʷɪ꞉χt ou lɑ̃꞉ṽʷi꞉ᵊχt (lamhuíocht) « coup de main, aide ».
dᴜv (dubh) « noir » ; ɩnʲλv (indiu) « aujourd’hui » ; ganʲəv (gaineamh) « sable » ou ganʲə̃ṽ ; lɑ̃꞉v ou lɑ̃꞉ṽ (lámh) « main » ; sɑ̃꞉v ou sɑ̃꞉ṽ (sámh) « tranquille » klᴜ̃꞉ṽ ou klᴜ̃꞉v (clúmh) « duvet » ; knɑ̃꞉v ou knɑ̃꞉ṽ (cnámh) « os ».
Forme arrondie de v. Peut être nasalisé dans les mêmes conditions que v. Apparaît de façon assez capricieuse.
Parfois à l’initiale, comme forme aspirée de m, b, devant ᴀ, ɑ, a brefs, au lieu de v (ou ṽ) :
χowᴀᴜn (chomhbhonn) « qui a le même sens » à côté de χovᴀᴜn ; ə wɑk (a mhac) « son fils », à côté de ə vɑk ; də warʹɩvʹ ʃeꞏ eꞏ (do mhairbh sé é) « il le tua ».
Dans des emprunts récents : waɩrʹ (wire) « fil de fer ».
Quand un mot commence par ᴜꞏɛ, il peut arriver que, l’accent frappant la deuxième partie de la diphtongue (cf. § 211), la première partie donne la demi-voyelle w : wɛnʹɩ (uaine) « gris ou vert ».
Enfin v intervocalique (suivi de glide vélaire) peut donner w, par exagération de la tendance à l’arrondissement que présente v, quoique normalement celui-ci ne soit pas nettement arrondi :
dʹi꞉wi꞉nʹ (díomhaoin) « oisif », à côté de dʹi꞉vʷɪ̃꞉nʹ ; sg̬ʹαw̃ɪ̃꞉ᵊl (sceamhuíol) « aboyer » ; rɑ̃꞉w̃ɪ̃꞉ᵊχt (rámhuíocht) « ramer ».
§ 56. Palatales.—Dans le type bilabial, la position des lèvres est la même que pour l’articulation de pʹ, bʹ, sauf que l’occlusion n’est pas complète. La partie antérieure de la langue est élevée dans la direction de la position i. Devant voyelles d’arrière ou mixtes d’arrière apparaît un glide palatal j.
Dans le type labio-dental, normal chez les plus jeunes générations, le resserrement du passage de l’air est causé par le rapprochement des dents du haut et de la lèvre inférieure, qui est tendue, les coins de la bouche étant tirés en arrière. La position de la langue est la même.
§ 57. fʹ (écrit f, aussi ph- à l’initiale, ‑thbh- en position médiane).
fʹ est une spirante bilabiale ou labio-dentale, selon les sujets (voir plus haut), sourde et palatalisée. Quand fʹ est suivi d’un glide j, ce dernier est sourd.
fʹ se rencontre en contact avec des voyelles ou avec des consonnes palatales, aussi bien en position initiale que médiane ; à la finale seulement dans des emprunts récents.
fʹi꞉ᵊr (fíor) « vrai » ; fʹïs (fios) « savoir » ; fʹiꞏɛnʹ (fiadhain) « sauvage » ; fʹe꞉nʹ (féin) « même » ; fʹαr (fear) « homme » ; fʲo꞉ⁱlʹ (feóil) « viande » ; fʲᴜ꞉ (fiú) « digne (de) » ; fʹlʲλχ (fliuch) « humide » ; də fʲaᴜn (do pheann) « ta plume » ; ɩ fʹαtə vʹigʹ (a pheata bhig) « enfant gâté ! (terme d’amitié) ».
αfʹrʹən et αfʹⁱrʹən (aifreann) « messe » ; ɑ꞉ⁱfʹe꞉ʃ (áiféis) « exagération » ; dʹᴇfʹɩrʹ (deithbhir) « hâte » ; ɛfʹɩgʹ (oífig) « bureau ».
stɪfʹ (stuif) « substance, matériel ».
vʹ s’articule comme fʹ, mais est sonore. Il existe, pour vʹ comme pour fʹ, une forme bilabiale ancienne et une forme labio-dentale récente.
vʹ se rencontre, comme fʹ en contact avec des voyelles ou avec des consonnes palatales ; vʹ ne se rencontre à l’initiale que comme alternance grammaticale de fʹ, bʹ, mʹ ou dans des emprunts récents.
Il existe une forme nasalisée ṽʹ qui apparaît lorsque vʹ représente un ancien mʹ devenu spirant. Cette forme n’est au reste pas générale et n’apparaît que chez des sujets âgés.
Même chez les sujets où vʹ provenant de mʹ devenu spirant n’est pas nasal, la voyelle précédente et parfois la voyelle suivante sont plus ou moins fortement nasalisées (cf. § 127).
§ 59. vʹᴇʃtʹɩ (veiste) « veste » ; ɛr ɩ vʹì꞉ar (ar an bhféar) « sur l’herbe » ; de fʹì꞉ar (féar) « herbe » ; ɩ vʹì꞉atfɑ꞉ (an bféadfá ?) « est-ce que tu pourrais ? » ; do vʹẽ꞉rʹəntə (do mhéireanta) « tes doigts » ; ɑnəvʹä̃λⁱrʹ ou ɑnəṽʹä̃λⁱrʹ (ana-mheabhair) « vive intelligence » ; ɩ vʹikʲ o꞉ (a mhic ó !) « jeune homme ! » (en général non nasalisé) ; mavʹrʹo꞉ⁱtʹɩ (mabhreóite) « maladif ».
i꞉vʹɩnʹ (aoibhin) « délicieux » ; i꞉vʹnʹəs (aoibhneas) « délice » ; lʹinʹɩvʹi꞉nʹ (leinbhín) « petit enfant » ; anʹɩvʹĩ꞉ ou anʹɩṽʹĩ꞉ (ainmhidhe) « animal » ; sɛvʹɩrʹ (saidhbhir) « riche ».
ganʹɩvʹ (gainimh), dat. de ganʲəv (gaineamh) « sable » ; nʹivʹ (nimh) « poison » ; oꞏ çiꞏɛnʹivʹ (ó chiainibh) « depuis un moment » ; nʹi꞉ rɛvʹ ʃeꞏ (ní raibh sé) « il n’était pas » ; ʃlʹe꞉vʹ (sleibh), dat. de ʃlʹiꞏəv (sliabh) « montagne » ; əgʷɩvʹ (agaibh) « à vous » ; lʹivʹ (libh) « avec vous ».
§ 60. Vélaires. — Articulées avec la partie postérieure du dos de la langue, rapprochée du voile du palais ; les deux spirantes vélaires du parler correspondent assez bien respectivement au son ach et au ‑g- intervocalique de l’allemand. Cependant, dans notre parler, le canal par où passe l’air est plus large, la friction moindre, et la spirante se rapproche davantage d’un simple souffle.
Devant les voyelles d’avant ou mixtes d’avant se développe après les spirantes vélaires un glide vélaire w.
La position des lèvres se règle sur celle des phonèmes environnants, avec cependant tendance à avoir les lèvres lâches, et non collées sur les dents, par opposition à ce qui se passe pour les spirantes palatales. Il n’y a pas d’arrondissement. Il importe de souligner que ces spirantes ne sont pas des labio-vélaires.
§ 61. Il existe une variété de spirantes intermédiaires entre les vélaires et les palatales quoique plus proches des vélaires, articulées avec le dos de la langue contre le palais dur ou contre la limite entre le palais dur et le voile du palais (cf. § 35). Ces phonèmes, qui apparaissent seulement devant rʹ, lʹ, nʹ, n’étant pas caractéristiques, on ne les a pas distingués de χ, ǥ, dans le courant de la transcription ; on aurait pu le faire en les notant χʺ, ǥʺ.
χ est une spirante gutturale vélaire, sourde, comparable au son ach de l’allemand, mais plus ouverte, particulièrement en position intervocalique ou finale. Le glide w qui la suit devant voyelles d’avant ou mixtes d’avant est assourdi.
χ se rencontre en contact avec des voyelles ou avec des consonnes vélaires, aussi devant tʹ, en position médiane ou finale, à l’initiale seulement comme alternance grammaticale de k ou dans quelques mots accessoires.
Une variété avancée de χ, notée ici χʺ (voir plus haut) se rencontre devant rʹ, lʹ, nʹ.
χo꞉ (chomh) « aussi » ; χʷɪgʹ (chuigh) « vers » ; χu꞉m (chugham) « vers moi » ; χᴜ꞉ⁱg (cúig) « cinq » ; ə χɑrə (a chara) « cher ami ! » ; is trᴜꞏə lʲo̤m də χɑ꞉s (is truagh liom do chás) « je plains ton sort » ; χʷɪ꞉nʹɩgʹ ʃeꞏ (chuimhnigh sé) « il se souvint » ; ɑnəχʷᴇ̈꞉ᵊl (anachaol) « très mince » ; ɑnəχlairʹɩ (anachladhaire) « fameux coquin » ; mə χrɑ꞉ eꞏ (mo chrádh é), exclamation de chagrin, de krɑ꞉ (crádh) « contrariété » ; bɑ꞉r ə χnɪkʹ (barr an chnuic) « sommet de la colline ».
ɑχʷɪnʹi꞉ (athchuinge) « prière » ; ɑχərnəχ (acharnach) « rocailleux » ; gə bʹαχt (go beacht) « exactement » ; dᴜ꞉χəs (dúthchas) « naissance » ; lɑχə (lacha) « canard » ; faχtə (faghta) « obtenu » ; ʃαχtɩnʹ (seachtmhain) « semaine » ; səlaχər (salachar) « saleté ».
əmaꞏχ (amach) « dehors » ; ɑχ (acht) « mais » ; brᴜꞏəχ (bruach) « rivage » ; et toute une série de noms et d’adjectifs en ‑aꞏχ ou ‑əχ, selon que l’accent porte ou non sur la finale (cf. pour plus d’exemples § 261).
χᴜ꞉hə (cúcha) « vers eux », à côté de χᴜ꞉χə (ici la tendance à la dissimilation a secondé la tendance à l’ouverture) : gɑh e꞉nʹɩ (gach éinne) « chacun » à côté de gɑχ e꞉nʹɩ ; tʲɑ̃ŋgəhə (teangacha), plur. de tʲɑ̃ŋgə (teanga) « langue », à côté de tʲɑ̃ŋgəχə et, en général, divers pluriels en ‑əhə (‑acha) pour ‑əχə.
Inversement on a parfois χ, concurremment avec h, là où on attendrait h. Ainsi dans gə brɑ꞉χ (go bráth), régulier pour gə brɑ꞉h, et dans kɑnəχᴇ̈꞉v (cad n‑a thaobh) « pourquoi ? » à côté de kɑnəhᴇ̈꞉v.
də χʺrʹᴇtʹ ʃeꞏ (do chreid sé) « il crut », de kʺrʹᴇdʹimʹ (creidim) « je crois » ; lɑ̃꞉v χʺlʹe꞉ (lámh chlé) « main gauche », de kʺlʹe꞉ (clé) « gauche » ; ɑnəχʺnʹαstə (anachneasta) « très poli », de kʺnʹαstə (cneasta) « poli ».
Tous mots que nous transcrivons régulièrement avec χ : də χrʹᴇtʹ ʃeꞏ, etc.
S’articule comme χ, mais est sonore ; ǥ s’apparente à la spirante allemande dans tage. Le degré d’ouverture est approximativement le même que pour initial, c’est-à-dire plus grand que pour la spirante correspondante allemande, sans que l’impression acoustique cesse cependant d’être distincte de celle produite par un h sonore.
ǥ apparaît en contact avec des voyelles ou avec des consonnes vélaires, mais seulement en position initiale et, là même, seulement comme alternance grammaticale de d ou g.
Il existe une variété avancée de ǥ que l’on pourrait noter par ǥʺ, qui est la forme sonore de χʺ. Cette variété n’apparaît que comme alternance grammaticale de gʺ ou de dʺ, devant rʹ, lʹ, nʹ.
ɑnəǥɑrəv (ana-gharbh) « très rude », de gɑrəv (garbh) « rude » ; mo ǥʌrən (mo dhorn) « mon poing » ; is kᴜmə ǥötʹ (is cuma dhuit) « cela n’a aucune importance pour toi », de dötʹ (duit) « à toi» ; ɑnəǥʷᴇ̈꞉ᵊh (anaghaoth) « vent violent », de gʷᴇ̈꞉h (gaoth) « vent » ; foǥʷɩnʹɩ (fo-dhuine) « quelques personnes », de dɪnʹi (duine) « personne » ; mə ǥrɑ꞉ (mo ghrádh) « mon amour » ; də ǥnɑ꞉h (de ghnáth) « d’habitude ».
əŋ ǥʺrʹiꞏən (an ghrian) « le soleil », de gʺrʹiꞏən (grian) « soleil » ; ɑnəǥʺlʹikʹ (ana-ghlic) « très habile », de gʺlʹikʹ (glic) « habile » ; nə ǥʺnʹi꞉ᵊv (i n‑a ghníomh) « réalisé (en parlant d’une prédiction) ».
Tous mots que nous transcrivons régulièrement avec ǥ : əŋ ǥrʹiꞏən, etc.
Il arrive qu’on entende ǥ, pour l’usuel g, dans des formes fléchies de la préposition ɛg (ag) « à » ; əǥʷɪvʹ (agaibh) « à vous », etc.
Cette prononciation paraît localisée dans certains hameaux.
§ 67. Palatales. — Articulées avec la partie antérieure du dos de la langue, rapprochée du point le plus élevé de la voûte palatine. Le passage de l’air est plus resserré dans le cas de la sourde, qui est une véritable spirante, que dans le cas de la sonore (q. v.).
ç est une spirante palatale sourde, prononcée plus en avant et avec une ouverture légèrement plus considérable que le son ich de l’allemand, sans que cependant le phonème cesse d’être nettement spirant et que la confusion avec hʹ soit possible.
ç se rencontre en contact avec des voyelles, ceci seulement en position initiale et, là même, seulement comme alternance grammaticale de kʹ ou de ʃ suivi de voyelles d’arrière ou mixtes d’arrière ;
dans ce dernier cas ʃ peut développer un glide palatal j qui, combiné avec le souffle sourd qui représente l’alternance initiale de ʃ, donne ç ; là au contraire où ʃ ne développe pas de glide, la palatalisation ne subsiste pas sous la forme « adoucie » et le résultat de l’aspiration est h (cf. § 89). Pour une évolution parallèle de tʹ « adouci », cf. Sommerfelt, Torr, § 197.
ᴀᴜnçαrt (anncheart) « injustice », de kʹαrt (ceart) « droit » ; ɑnəço꞉ (anacheó) « brouillard épais », de kʲo꞉ (ceó) « brouillard » ; ɑnəçu꞉ⁱnʹ (anachiúin) « très tranquille », de kʲu꞉ⁱnʹ (ciúin) « tranquille » : nʹαçαrt (neamhcheart) « de travers » ; ən vʹαn çì꞉anə (an bhean chéadhna) « la même femme ».
ɩ çɑ꞉ⁱnʹ (a Sheáin) « Jean ! », de ʃʲɑ̃꞉n (Seán) « Jean » ; ɩ ço꞉rʃɩ (a Sheóirse) « Georges ! », de ʃʲo꞉rʃɩ (Seóirse) « Georges » ; ɑnəçᴜ꞉l (anashiubhal) « longue marche », de ʃʲᴜ꞉l (siubhal) « marche » ; ço꞉ləmʷɩrʹ (sheólamair) « nous nous mîmes en marche », de ʃʲo꞉lɩmʹ (seólaim) « je me mets en marche ».
J’ai entendu ç provenant du glide j combiné avec h dans anʹçᴜ (aithniughadh) « reconnaître ».
j est articulé sensiblement au même point que ç, mais avec une ouverture plus considérable. Ce n’est pas une spirante avec friction nette mais une demi-voyelle comparable au y d’anglais yes ou de français yeux.
j apparaît en contact avec des voyelles, en règle générale seulement à l’initiale, le plus souvent comme alternance grammaticale de dʹ ou gʹ ; on peut noter aussi quelques cas de j apparaissant à l’initiale devant un i, ou même, en position médiane, à la place d’un i deuxième élément de triphtongue.
ɑnəjαs (anadheas) « très joli », de dʹαs (deas) « joli » ; nʹiꞏ jinʹɩmʹ (ni dheinim) « je ne fais pas », de dʹᴇnʹɩmʹ (deinim) « je fais » ; mo ji꞉həl (mo dhícheall) « mon possible », de dʹi꞉həl (dícheall) « possible » ; ə χɑrə jilʹ (a chara dhil !) « mon cher ami ! », de dʹilʹ (dil) « cher » ; əm jiꞏɛgʹ (im dhiaidh) « après moi », de dʹiꞏɛgʹ (diaidh) « suite » ; jaᴜl ʃeꞏ (gheall sé) « il promit », de gʹαlɩmʹ (geallaim) « je promets » ; jɑ꞉r ʃeꞏ (ghearr sé) « il coupa », de gʹαrɩmʹ (gearraim) « je coupe ».
dɩ jimʹɩ ʃeꞏ (do imthigh sé) « il s’en alla », de ɩmʹi꞉mʹ (imthighim) « je m’en vais » ; et cf. § 295.
nʹiꞏ vajən (ní bhfaigheann) « il n’obtient pas » ; en face de nʹiꞏ vaimʹ (ní bhfaighim) « je n’obtiens pas », cf. § 196.