Adam (abbé de Saint-Denis)
Adam, mort en 1122, est abbé de l'abbaye de Saint-Denis de 1098 ou 1099 à 1122. Il coopère avec le roi de France Louis VI et conforte la position de Saint-Denis comme nécropole royale. Il est un adversaire de Pierre Abélard. Son rôle est minoré par son successeur, Suger.
Biographie
modifierAbbé d'une abbaye importante
modifierAdam devient abbé de l'abbaye de Saint-Denis en 1098 ou 1099[1],[2]. Son seul parent connu est un moine de l'abbaye Notre-Dame de Coulombs nommé Pierre[2]. Il est possible qu'Adam ait été l'oncle de son futur successeur Suger, mais ce lien n'est pas prouvé. Comme le nom d'Adam est aussi attesté dans la famille de Garlande, on peut supposer que l'abbé Adam a un lien de parenté avec notamment Étienne de Garlande[3].
Au printemps 1107, Adam assiste à la rencontre entre le pape Pascal II et le roi de France Philippe Ier, organisée dans son abbaye de Saint-Denis, ce qui montre l'importance de cette dernière[3]. En , Adam, accompagné de Suger, assiste un concile organisé au palais du Latran à Rome et consacré à la question des investitures[4].
Abbé d'une nécropole royale
modifierEn 1108, le Philippe Ier est inhumé à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, à sa demande. Il rompt avec la tradition instaurée par l'inhumation de Dagobert Ier en 639, qui fait de l'abbaye de Saint-Denis la sépulture principale des rois de France. En réaction à cette potentielle perte de position[5],[6], Adam décide la même année d'instaurer la célébration de l'anniversaire du roi Dagobert, considéré comme le fondateur du monastère et premier roi à l'avoir choisi comme lieu de sépulture[7],[6].
Cette célébration, chaque 19 janvier, mobilise des ressources importantes. Pour financer cet anniversaire, Adam prévoit d'utiliser les revenus des terres de l'abbaye à Berneval et entame un procès contre le prévôt de la ville de Berneval accusé d'usurpation[8],[9]. Adam a confié la prévôté de Saint-Denis à Berneval à un moine prometteur, Suger, avant de le nommer en 1109 prévôt de Toury[10],[11],[4].
Vers 1108-1111, Adam fait commencer la rédaction des Historia regum Francorum, poursuivie par Suger, qui fera de Saint-Denis le centre de l'historiographie officielle de la France[12]. En 1111 ou juste avant, Adam fait reconstruire le prieuré de Notre-Dame-des-Champs que l'abbaye possède à Essonnes[13]. En 1113, Adam récupère pour l'abbaye de Saint-Denis des terres situées à Beaune-la-Rolande qui étaient auparavant aux mains du roi de France Louis VI[14]. Adam collabore avec Louis VI pour maintenir sous l'obéissance de celui-ci les châtelains du domaine royal comme Bouchard IV de Montmorency et Hugues III du Puiset, ce qui est profitable pour son abbaye[15].
En 1120, Louis VI remet à l'abbé Adam la couronne de son père le roi Philippe Ier. Il confie ainsi à l'abbaye de Saint-Denis la garde des insignes royaux[10],[16]. C'est une étape importante dans l'établissement définitif de Saint-Denis comme nécropole royale[17]. Il s'agit aussi de contrebalancer le don d'une relique de la vraie Croix fait à Notre-Dame de Paris[11].
Adam et Abélard
modifierEn 1118, Adam accueille à Saint-Denis Pierre Abélard, qui s'y fait moine. Celui-ci critique l'abbé, qui selon lui, « ne tenait le premier rang entre tous que par la dissolution et l'infamie de ses mœurs »[10],[18],[19]. Adam envoie alors Abélard dans un des prieurés dépendant de Saint-Denis, à Maisoncelles[20].
En 1122, Pierre Abélard, sans doute par vengeance, met en doute l'identité du saint Denis célébré à Saint-Denis avec Denys l'Aréopagite. Adam le menace d'un procès devant le roi[18],[21]. L'affaire est interrompue par la mort d'Adam[21].
Un rôle minoré par Suger
modifierAdam meurt le [1],[16],[22]. Sa mort est pleurée par son successeur, Suger, qui considère l'abbé Adam comme son « père spirituel »[10],[22].
Toutefois, Suger, dans ses écrits, ne met pas en valeur l'œuvre de son prédécesseur mais exalte la sienne propre[2]. Il affirme que c'est sous son propre abbatiat, en 1124, que Louis VI a confié à l'abbaye de Saint-Denis la couronne de Philippe Ier[16],[17] et il tait le rôle d'Adam dans la récupération par l'abbaye des revenus de Berneval et des terres de Beaune-la-Rolande[14] et la reconstruction du prieuré de Notre-Dame-des-Champs[13].
Références
modifier- Barroux 1942-1943, p. 139.
- Grosse 2004, p. 32.
- Grosse 2004, p. 33.
- Françoise Gasparri, « L'abbé Suger de Saint-Denis et la papauté », dans Rolf Grosse (dir.), Suger en question : Regards croisés sur Saint-Denis, Munich, Oldenbourg Verlag, coll. « Pariser Studien » (no 68), , 176 p. (ISBN 9783486568332, lire en ligne), p. 69-80.
- Barroux 1942-1943, p. 145.
- Grosse 2004, p. 34-35.
- Barroux 1942-1943, p. 141.
- Barroux 1942-1943, p. 142-143.
- Grosse 2004, p. 35.
- Barroux 1942-1943, p. 140.
- Jean Dufour, « Suger, personnage complexe », dans Rolf Grosse (dir.), Suger en question : Regards croisés sur Saint-Denis, Munich, Oldenbourg Verlag, coll. « Pariser Studien » (no 68), , 176 p. (ISBN 9783486568332, lire en ligne), p. 11-20.
- Grosse 2004, p. 38.
- Grosse 2004, p. 37.
- Grosse 2004, p. 36.
- Grosse 2004, p. 40-41.
- Bernard Guenée, « Chancelleries et monastères. La mémoire de la France au Moyen Âge », dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, vol. 1 : La République - La Nation - Les France, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », , 2e éd. (1re éd. 1986), 1647 p. (ISBN 9782070749027), p. 587-605
- Grosse 2004, p. 42.
- Pierre Aubé, Saint Bernard de Clairvaux, Paris, Fayard, (ISBN 978-2-213-61539-4), p. 175, 403.
- Minois 2019, p. 212.
- Minois 2019, p. 215.
- Minois 2019, p. 226-227.
- Grosse 2004, p. 31.
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Robert Barroux, « L'anniversaire de la mort de Dagobert à Saint-Denis au XIIe siècle. Charte inédite de l'abbé Adam », Bulletin philologique et historique, 1942-1943, p. 131-151 (lire en ligne).
- Rolf Grosse, « L'abbé Adam, prédécesseur de Suger », dans Rolf Grosse (dir.), Suger en question : Regards croisés sur Saint-Denis, Munich, Oldenbourg Verlag, coll. « Pariser Studien » (no 68), , 176 p. (ISBN 9783486568332, lire en ligne), p. 31-43.
- Georges Minois, Abélard, Héloïse et Bernard : Passion, raison et religion au Moyen Âge, Paris, Éditions Perrin, coll. « Biographies », , 430 p. (ISBN 978-2-262-07580-4, DOI 10.3917/perri.minoi.2019.01, lire en ligne).