Langues anglo-frisonnes
L’anglo-frison est le groupe linguistique regroupant les langues qui, vers le IIIe siècle, se sont différenciées à l'intérieur de territoires allant du nord des Pays-Bas (Saxons) jusqu'au sud du Danemark (Angles), aire linguistique des actuelles langues frisonnes et des anciennes langues angles. Ces parlers anglo-frisons : le vieil anglais, le vieux frison, et leurs descendants actuels, forment un groupe des langues germaniques occidentales[2]. Les rameaux de l'anglo-frison sont :
- Anglo-frison
- groupe anglo-saxon[Quoi ?]
- anglais moderne
- scots (dont scots d'Ulster)
- yola (langue) et fingalien (éteints)
- groupe frison
- groupe anglo-saxon[Quoi ?]
Anglo-frison Anglo-Frisian | |
Période | IIIe siècle-Ve siècle |
---|---|
Langues filles | vieil anglais, vieux scots, vieux frison |
Pays | Mercie, Frise, Lowlands |
Typologie | SVO, flexionnelle, accentuelle |
Classification par famille | |
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Codes de langue | |
IETF | gmw[1]
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ISO 639-5 | gmw [1]
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Glottolog | angl1264
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Carte | |
Carte des langues anglo-frisonnes (en français). | |
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Les langues anglo-frisonnes se distinguent en partie des autres langues germaniques occidentales par une loi phonétique, la « Loi des nasales spirantes ingvaeoniques », la diphtongaison anglo-frisonne, et par la palatalisation du *k germanique commun en une consonne affriquée coronale devant les voyelles à l'initiale.
Exemple
- anglais cheese, frison occidental tsiis — néerlandais kaas, bas allemand Kääs, allemand Käse; ou
- angl. church, fris. occ. tsjerke — néerl. kerk, b. all. Kark, all. Kirche.
Depuis la fin du XXe siècle, on assiste à une extinction progressive des langues frisonnes dont l'usage n'est plus sauvegardé que par des populations rurales des Pays-Bas, d'Allemagne et du Danemark, essentiellement dans les îles de la Frise.
Évolution historique des langues anglo-frisonnes
modifierDiachronie
modifierVoici, par ordre chronologique, un résumé des principales évolutions phonétiques ayant affecté les voyelles[3] :
- Postériorisation et nasalisation de ā̆ devant une nasale ;
- Amuïssement de n devant une spirante, se traduisant par l'allongement compensatoire et la nasalisation de la voyelle précédente
- Exemple : westique *ganz « oie » → angl. goose, frs. occ. goes, guos
- Le pluriel des temps verbaux réduit à une seule forme ;
- Antériorisation de a : westique ā̆ → ǣ, agissant même sur les diphtongues ai et au ;
- Première palatalisation de k germanique (c'est-à-dire sans phonémicisation des palatales) ;
- Exemple : westique *kirikō « église » → v.angl. ċiriċe, v.fris. tsirke, tzirke → angl. church, fris. oriental säärke, fris. du Nord schörk, sark
- Rétablissement de a sous l’influence de consonnes adjacentes : ǣ → ā ;
- Coalescence de certaines diphtongues : ǣ → ē aussi bien en frison qu'en vieil anglais (sauf l'ouest-saxon);
- Rétablissement de a devant une voyelle antérieure à la syllabe suivante (tardivement dans le Southumber) ; frison : *æu → *au → vieux-frison ā ~ a ;
- Fracture (diphtongaison) en vieil-anglais, suivie en ouest-saxon d'une diphtongaison palatale ;
- Métaphonie par i suivie d'une syncope ; suivie d'une diphtongaison en vieux-frison;
- Seconde palatalisation (mouillure des palatales et assibilation) ; celle-ci fut suivie d'une seconde antériorisation dans la Mercie occidentale ;
- Exemples : west. *gestra- « hier » → angl. yesterday, fris. occ. juster ; west. *gelwaz « jaune » → angl. yellow, fris. oriental jeel
- Coalescence et métaphonie des voyelles postérieures.
Divergence entre l'anglo-saxon et les langues frisonnes
modifierLes peuples parlant les dialectes frisons et anglo-saxons habitaient des régions voisines ; les confins de leurs territoires finirent par former un carrefour linguistique, ce qui explique les traits communs à ces deux sous-groupes germaniques[4]. Mais malgré leur communauté d'origine, l'anglais et les langues frisonnes ont beaucoup divergé, d'une part à cause du poids du vieux-norrois et du français sur l’anglais, et d'autre part à cause de l'influence considérable du néerlandais et du bas-allemand sur les langues frisonnes. C'est pourquoi elles sont beaucoup plus proche aujourd'hui du néerlandais et des dialectes bas allemands géographiquement voisins, que de l'anglais ; il s'inscrit ainsi dans le continuum linguistique des langues germaniques continentales, alors que le lexique de l’anglais est imprégné d’emprunts scandinaves et latins.
Variété morphologique des dialectes anglo-frisons
modifierVoici les noms des chiffres dans différentes langues anglo-frisonnes:
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Comparaison des lexiques anglo-frison, néerlandais et allemand
modifierFrison occidental | Anglais | Néerlandais | Allemand |
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dei | day | dag | Tag |
rein | rain | regen | Regen |
wei | way | weg | Weg |
neil | nail | nagel | Nagel |
tsiis | cheese | kaas | Käse |
tsjerke | church kirk (Écosse) |
kerk | Kirche |
tegearre | together | samen tegader (archaïque) |
zusammen |
sibbe | sibling | sibbe | Sippe |
kaai | key | sleutel | Schlüssel |
ha west | have been | ben geweest | bin gewesen |
twa skiep | two sheep | twee schapen | zwei Schafe |
hawwe | have | hebben | haben |
ús | us | ons | uns |
hynder | horse | paard ros (vieilli) |
Ross / Pferd |
brea | bread | brood | Brot |
hier | hair | haar | Haar |
ear | ear | oor | Ohr |
doar | door | deur | Tür |
grien | green | groen | Grün |
swiet | sweet | zoet | süß |
troch | through | door | durch |
wiet | wet | nat | nass |
each | eye | oog | Auge |
dream | dream | droom | Traum |
it giet oan | it goes on | het gaat door | es geht weiter/los |
« Anglo-frison » ou « Ingvaeonique » ?
modifierL’Ingvaeonique, ou germanique de la mer du Nord, est un groupe hypothétique de langues germaniques occidentales incluant le vieux frison, le vieil anglais et le vieux saxon[6].
Il ne s'agissait pas, dans l'esprit des chercheurs, d'une proto-langue monolithique, mais plutôt d'un groupe de dialectes étroitement apparentés ayant évolué de façon à peu près uniforme[7]. Le promoteur de ce regroupement est le linguiste et philologue allemand Friedrich Maurer (en) (1898–1984) qui, dans Nordgermanen und Alemannen (1942), propose cette alternative à la généalogie stricte qui prévalait depuis le XIXe siècle sous l'impulsion d'August Schleicher, et qui postulait l’existence d’un « groupe anglo-frison[8]. »
Notes et références
modifier- code générique
- L'autre étant le groupe allemand
- D'après Robert D. Fulk, Approaches to Old Frisian Philology, Amsterdam, Rodopi, coll. « Amsterdamer Beitrage zur Alteren Germanistik », , 360 p., « The Chronology of Anglo-Frisian Sound Change », p. 185
- Le linguiste allemand Friedrich Maurer rejetait l'anglo-frison comme une catégorisation désuète des langues germaniques. Il proposait de lui substituer le concept d'ingvaeonique, ancêtre hypothétique commun au vieux frison, au vieil anglais et au vieux saxon.
- L'adjectif épithète (précédant un nom) prend la désinence ae /eː/, /jeː/ : cf. à ce propos William Grant et James Main Dixon, Manual of Modern Scots, Cambridge University Press, , p. 105.
- On y inclut aussi parfois le flamand occidental. Cf. Bremmer (2009:22).
- Pour une revue exhaustive des isoglosses et de leur évolution dans le temps, cf. Voyles (1992).
- Friedrich Maurer (chaire de Philologie Germanique et de Linguistique)
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Friedrich Maurer, Nordgermanen und Alemannen: Studien zur Sprachgeschichte, Stammes- und Volkskunde (1942), Strasbourg: Hünenburg.