Aoutourou
Aoutourou, Aotourou ou Ahutoru, né à Raiatea vers 1740 et mort à Fort-Dauphin (Madagascar) le , est un Tahitien resté célèbre par le voyage de Louis-Antoine de Bougainville en 1768.
Biographie
modifierVoyage de Tahiti à Paris
modifierAoutourou est le fils d'un chef de Raiatea et d'une captive d'Opoa. Il se montre vite intéressé par l'équipage européen pour lequel il n'éprouve aucune peur[1]. Conseillé par le chef Ereti, Bougainville l'embarque, après neuf jours à Tahiti, sur La Boudeuse, le 15[2] ou 16 avril 1768[3].
Bougainville le trouve physiquement très différent de ses compatriotes, mais remarque rapidement son intelligence et son grand sens de l'observation. Aoutourou a d'importantes connaissances d'astronomie et se révèle un compagnon plein d'humour, ce qui le rend populaire auprès de l'équipage.
Bougainville lui donne le prénom de Louis, mais Aoutourou préfère celui de son protecteur, qu'il ne parvient pas à prononcer, et se désigne ainsi sous les surnoms de Boutaveris ou Poutaveri.
Aoutourou est logé sous le gaillard. C'est lui qui découvre un jour que l'équipage compte une femme, Jeanne Barret, compagne clandestine de Philibert Commerson[4].
Le , Aoutourou fait connaissance avec le monde dit civilisé à Buru en Indonésie. Il s'y fait passer pour un chef tahitien mais Bougainville, en prise à des soucis diplomatiques, le consigne à bord, ce qu'il prend très mal. À Batavia, il est atteint de dysenterie et mettra de nombreux mois à se rétablir. Lors de l'escale à l'île de France, il rencontre l'intendant Pierre Poivre[5] et l'écrivain Bernardin de Saint-Pierre[1].
Séjour à Paris
modifierIl est le premier Océanien à mettre les pieds sur le continent européen lors du débarquement[1] à Saint-Malo le . À Paris quelques jours plus tard, il reçoit un accueil très mitigé. Il est en effet reproché à Bougainville d'avoir arraché un autochtone à sa patrie[1]. Présenté à Louis XV, Aoutourou est éduqué par Bougainville, qui tente d'empêcher qu'il soit regardé comme une bête de foire[1]. Aoutourou rencontre ainsi, entre autres, Denis Diderot, Lalande et Charles de La Condamine et s'adapte rapidement à la vie parisienne, se passionnant pour le théâtre et l'opéra[1].
Aoutourou sympathise avec de nombreuses personnalités dont la Duchesse de Choiseul[1]. Il est aussi sujet d'expériences par Jacob Rodrigue Pereire, qui étudie son langage et par La Condamine qui l'examine (1769).
Après onze mois de séjour, Bougainville remarque qu'il commence à déprimer et cherche alors à le faire rapatrier. Il consacre 36 000 francs pour armer un navire chargé de le ramener. La duchesse de Choiseul, devenue très proche d'Aoutourou, lui remet une forte somme d'argent[6].
Voyage retour
modifierAoutorou embarque ainsi le à La Rochelle sur le Brisson. Il arrive à l'île de France le , où il est hébergé par Pierre Poivre. Après une année d'attente, le 18 octobre 1771, Aotourou embarque pour une nouvelle expédition dirigée par Marion-Dufresne avec les flûtes Mascarin et Marquis-de-Castries, dont un des objectifs principaux est de ramener le Tahitien chez lui à Tahiti[1]. Malheureusement, Aotourou meurt de la petite vérole lors d'une escale du Mascarin à Madagascar le [7].
Lors d'une cérémonie chrétienne de la Marine royale, son corps est immergé dans l'océan Indien[1]. Marion-Dufresne établit alors un procès-verbal détaillé de ses derniers moments.
Bibliographie
modifier- Louis-Antoine de Bougainville, Voyage autour du monde, par la frégate du roi La Boudeuse et la flute L’Étoile , 1772
- Denis Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville, 1772
- Véronique Dorbe-Larcade, Ahutoru ou l'envers du voyage de Bougainville à Tahiti, Pirae, Au vent des îles, 2023. (Présentation sur le podcast Chemins d'histoire)
- Abbé Rochon, Mission pour le retour d’Aoutourou à Tahiti. (1771-1772), extrait de Voyage à Madagascar, à Maroc et aux Indes orientales, vol. 3, 1801, p. 315 (Lire en ligne)
Notes et références
modifier- Antoine Lilti, « Des Tahitiens en Europe », L'Histoire, no 514, .
- Serge Tcherkézoff, Tahiti 1768. Jeunes filles en pleurs, 2004, p. 112.
- Pierre-Jacques Charliat, Le temps des grands voiliers, tome III de Histoire Universelle des Explorations publiée sous la direction de L.-H. Parias, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1957, p. 167
- Glynis Ridley, The Discovery of Jeanne Baret, 2010, p. 168-179.
- Xavier Beguin Billecocq, French travellers to the Cape of Good Hope, 1996, p. 142.
- Jean-François de La Harpe, Nouveaux voyages dans la mer du Sud, 1780, p. 199.
- Patrick O'Reilly, Raoul Teissier, Tahitiens: répertoire biographique de la Polynésie française, 1975, p. 420.
Annexes
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifier- « À la recherche d’Ahoturu, premier Tahitien en Europe », LSD, La série documentaire, série « Tahiti, de l’autre côté du miroir » , France Culture, 8 août 2023.
- [PDF] Un Tahitien à la cour de Louis XV, Revue des Deux Mondes, 2016
- L'histoire d'un pauvre tahitien voyageur : Aotourou, sur le site Les Amis de Bougainville
- Aotourou, le Tahitien des lumières, compagnon de voyage de Bougainville, communication de Denis Escudier à l’Académie d’Orléans, 2010