Au revoir là-haut
Au revoir là-haut est un roman de Pierre Lemaitre paru le aux éditions Albin Michel. Il reçoit plusieurs prix littéraires la même année, dont le prix Goncourt.
Au revoir là-haut | ||||||||
Auteur | Pierre Lemaitre | |||||||
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Pays | France | |||||||
Genre | Roman | |||||||
Éditeur | Albin Michel | |||||||
Date de parution | ||||||||
Nombre de pages | 576 | |||||||
ISBN | 978-2226249678 | |||||||
Chronologie | ||||||||
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Résumé
modifierÀ la fin de la Première Guerre mondiale, deux anciens Poilus, Édouard Péricourt (fils de la haute bourgeoisie, dessinateur fantasque, rejeté par son père) et Albert Maillard (modeste comptable) font face à l'incapacité de la société française de leur ménager une place. Leur relation naît le , juste avant la fin de la Grande Guerre. Albert est le témoin d'un crime : lors d'une offensive française lancée ce jour-là suite à la mort de deux éclaireurs, il découvre les cadavres des dits deux éclaireurs. Or, ceux-ci sont morts touchés dans le dos, donc tués par des alliés. Albert comprend qu'Henri d’Aulnay-Pradelle, aristocrate et lieutenant arriviste, a envoyé les deux éclaireurs en mission et les a tués, afin d'imputer leur mort aux Allemands (qui attendent pourtant l'Armistice comme les Français) et justifier une dernière offensive. Le lieutenant espère ainsi gagner ses galons de capitaine et donc augmenter sa solde d'après-guerre. Pendant l'offensive, Pradelle, se voyant démasqué, pousse Albert dans un trou d’obus. Une grenade explose, et ce dernier se retrouve enterré vivant face à une tête de cheval mort. Alors qu'Albert va mourir étouffé, il parvient à obtenir une légère exhalaison d'air vicié de la tête du cadavre de cheval, ce qui lui sauve la vie. Il perd conscience. Pendant ce temps, Édouard creuse frénétiquement la terre et parvient à sortir Albert. Après un massage cardiaque improvisé, Albert finit par ouvrir les yeux. Alors qu'Édouard veux crier sa joie, un obus explose près d'eux, et un éclat lui arrache la mâchoire. Cet épisode fait de lui une gueule cassée, alors qu'Albert, traumatisé, devient paranoïaque[1].
Démobilisés, Albert et Édouard, amers, vivent difficilement à Paris. Édouard est dépendant de la morphine qu'Albert a de grandes difficultés à se procurer. Ces deux laissés-pour-compte se vengent de l'ingratitude de l’État en mettant au point une escroquerie qui prend appui sur l'une des valeurs les plus en vogue de l'après-guerre : le patriotisme. Ils vendent aux municipalités des monuments aux morts fictifs. Édouard se créé également des masques en papier mâché qui lui permettent de cacher son absence de mâchoire. Les deux hommes se reconstruisent difficilement grâce au jeu des masques, Édouard en masquant sa défiguration et Albert à l'aide d'un masque représentant une tête de cheval mort. Quant au lieutenant Pradelle, désormais capitaine, qui a épousé Madeleine la sœur d'Édouard, il profite des nombreux morts inhumés dans des tombes de fortune sur le champ de bataille pour signer un contrat avec l’État qui prévoit de les inhumer à nouveau dans des cimetières militaires, vendant « aux collectivités des cercueils remplis de terre et de cailloux, voire de soldats allemands »[2].
Dans le cadre de leur arnaque aux faux monuments aux morts, Édouard répond à une mise au concours pour la création d'une grande œuvre commémorative dans l'arrondissement qui l'a vu naître. Le commanditaire de cette œuvre n'est autre que Marcel Péricourt, père d'Édouard, qui souhaite honorer son fils qu'il croit mort. C'est à ce moment en effet que Péricourt comprend qu'il aimait son fils. Après quelques semaines d'attente, l'argent demandé en acompte arrive en masse et permet aux deux complices d'envisager un départ pour les colonies fixé au . Pendant ce temps, les magouilles de Pradelle sont démasquées par un fonctionnaire tatillon, Joseph Merlin. Ce dernier se voit offrir l'équivalent de dix ans de son salaire actuel par Pradelle mais, incorruptible, il passe une nuit entière à coller les billets du pot-de-vin dans le dossier par lequel il dénonce le nouveau capitaine. Il sera par la suite complètement ignoré de sa hiérarchie, et n'obtiendra rien de son acte de totale abnégation.
Les événements s'emballent à l'approche du . Des journaux parlent d'une possible arnaque monumentale. M. Péricourt apprend qu'il s'est fait tromper et demande à Pradelle, son gendre, de retrouver les coupables. Ce dernier retrouve la trace d'Édouard, qui mène la grande vie à l'hôtel Lutetia. M. Péricourt décide de se rendre à l'hôtel en voiture, comme poussé par une force incompréhensible. Au même moment, Édouard Péricourt sort de l'hôtel avec un nouveau masque qui représente exactement un visage normal, et aperçoit la voiture. Il se jette sous les roues de celle-ci, et meurt. Albert parvient de son côté à s'enfuir vers les colonies avec sa nouvelle compagne Pauline.
Analyse
modifierRéalité historique d'une escroquerie
modifierPierre Lemaitre a emprunté le titre de son roman à la dernière lettre adressée à sa femme par le soldat Jean Blanchard, l'un des six « martyrs de Vingré », fusillés pour l'exemple en et réhabilités par la Cour de cassation en 1921. Il finissait sa lettre par « Au revoir là-haut ma chère épouse »[3],[4].
L'écrivain Alexandre Vialatte évoque déjà plusieurs escroqueries dans ses romans sur la Grande Guerre[5].
Si l'arnaque des monuments aux morts est inventée par l'auteur, celle du trafic des cercueils se base sur une réalité historique. À l'issue de la Première Guerre mondiale, la majorité des familles endeuillées souhaite exhumer le corps de leur parent mort au combat afin de l’inhumer dans le cimetière communal, mais le gouvernement français interdit cette pratique par souci d'hygiène, d'économie et pour ne pas mettre en danger l’intégrité et l'identité des cadavres. Bravant cette interdiction, ces familles entreprennent par elles-mêmes ou en faisant appel à des « mercantis de la mort[Note 1] » (entrepreneurs locaux ou « maisons » de pompes funèbres parisiennes, voire des escrocs), de violer les sépultures militaires et ramener clandestinement les corps[6]. Le développement de cette pratique illicite dans les années 1919 et 1920 incite le ministère de l'Intérieur à prendre des décisions, oscillant entre prévention et répression, jusqu'à la loi du qui prévoit que la totalité des frais de transfert autorisé des corps de soldats morts sont désormais à la charge de l’État[7].
Pierre Lemaitre, pour étudier dans le détail la réalité des faits évoqués et des malversations autour des cadavres de soldats[8], s'est appuyé sur une étude parue dans la Revue historique des armées et rédigée par Béatrix Pau[9]. Cette étude étant elle-même extraite de la thèse de 3e cycle qu'elle a soutenue en 2004 (« Le transfert des corps des militaires de la Grande guerre : étude comparée France-Italie, 1914-1918. Une analyse historique »)[10]. Le succès d’Au revoir là-haut, en rendant visible l'ampleur réelle du phénomène relatif aux corps, rend possible une édition remaniée pour le grand public de l'étude en 2016 sous le titre Le Ballet des morts : État, armée, familles : s'occuper des corps de la Grande Guerre[11].
Place de ce roman dans l'œuvre de son auteur
modifierAu revoir là-haut marque dans l'œuvre de Pierre Lemaitre un important changement : il signe, cette fois, un roman picaresque[12] (genre dans lequel il trouve plus adéquat de classer son livre que dans celui de roman historique[13]), et non un roman policier, genre dans lequel il avait connu ses premiers succès. Avec Couleurs de l'incendie (2018) et Miroir de nos peines, il constitue une trilogie sur la grande guerre, l'entre-deux-guerres et la drôle de guerre.
Délaissant le genre policier, l'auteur reste néanmoins fidèle à l'esprit de ses premiers romans puisqu'il cite (d'Émile Ajar à Stephen Crane et de Victor Hugo à La Rochefoucauld) plusieurs auteurs qu'il salue dans ses remerciements avec, notamment, un hommage appuyé à Louis Guilloux et Carson McCullers.
Réception critique et ventes
modifierAu revoir là-haut a été salué par la presse[14]. Le roman s'est vendu à 490 000 exemplaires durant l'année 2013 et figure parmi les dix livres les plus vendus cette année-là[14]. En janvier 2018, il s'en était écoulé au total un million d'exemplaires[15]. Il a également été salué par de nombreuses récompenses (prix Goncourt…).
Récompenses
modifierLe roman est retenu dans les premières listes des principaux prix littéraires 2013 dont le prix Goncourt[16], le grand prix du roman de l'Académie française[17] et le prix Femina[18]. Le , il est lauréat du prix Goncourt au douzième tour de scrutin par six voix contre quatre à Arden de Frédéric Verger[19]. Les autres principaux prix ayant récompensé Au revoir là-haut sont :
- Prix des libraires de Nancy – Le Point, 2013[20]
- Roman français préféré des libraires à la rentrée, 2013[21]
- Meilleur roman français 2013 décerné par le magazine Lire[22]
- Prix roman France Télévisions 2013[23]
- Coup de cœur 2014 de l'Académie Charles-Cros pour sa version livre-audio[24]
- Prix Tulipe du meilleur roman français 2014[25]
- Premio letterario internazionale Raffaelo-Brignetti 2014[26]
- Nommé aux Globes de Cristal 2014 dans la catégorie Meilleur Roman-Essai.
Adaptations
modifierEn bande dessinée
modifier- 2015 : Au revoir là-haut, adaptation de l'auteur, dessins de Christian De Metter, Rue de Sèvres (ISBN 978-2-369-81199-2)
Au cinéma
modifier- 2017 : Au revoir là-haut, film français joué et réalisé par Albert Dupontel, avec Laurent Lafitte et Nahuel Pérez Biscayart. Cette adaptation permet une hausse des ventes du livre[27]. Le film reçoit plusieurs récompenses lors de la 43e cérémonie des César, dont le César du meilleur réalisateur et le César de la meilleure adaptation pour Lemaitre et Dupontel.
Une suite au roman, intitulée Couleurs de l'incendie, est publiée le .
Notes et références
modifierNote
modifier- Appelés ainsi dans la presse de l’époque.
Références
modifier- Brigit Bontour, « Pierre Lemaitre : "Je m'identifiais à ces jeunes gens morts dans les tranchées" », sur Nouvel Obs,
- « "Au revoir là-haut" : "On entend la rage de Dupontel !" », Le Masque et la Plume, sur France Inter,
- « "Au revoir là-haut" de Pierre Lemaître, la révélation de la rentrée littéraire », sur RTL,
- Nicolas Totet, « L’histoire des fusillés de l’Aisne sur grand écran dans «Au revoir là-haut» », sur courrier-picard.fr, (consulté le )
- Alain Schaffner, Le porte-plume souvenir : Alexandre Vialatte romancier, Honoré Champion, , p. 34.
- Béatrix Pau, « La violation des sépultures militaires, 1919-1920 », Revue historique des armées, no 259, , p. 33-43 (lire en ligne)
- Béatrix Pau-Heyriès, « La démobilisation des morts français et italiens de la Grande Guerre », Revue historique des armées, no 250, , p. 66 (lire en ligne)
- « Pierre Lemaitre : "J'ai été bouleversé par Les Croix de bois" », sur lefigaro.fr, (consulté le )
- Béatrix Pau, « La violation des sépultures militaires, 1919-1920 », Revue historique des armées, no 259, , p. 33–43 (ISSN 0035-3299, lire en ligne, consulté le )
- Béatrix Pau-Heyriès, Le transfert des corps des militaires de la Grande Guerre: étude comparée France-Italie 1914-1939, Université Paul-Valéry, (lire en ligne)
- « Le Ballet des morts », sur La Librairie Vuibert (consulté le )
- Littérature : le Goncourt décerné à Pierre Lemaître, le Renaudot à Yann Moix - France 24, 4 novembre 2013
- Pierre Lemaître revient de guerre - Pierre Assouline, L'Histoire no 393, 24 octobre 2013.
- Mohammed Aïssaoui et Françoise Dargent, « Les dix best-sellers français de l'année 2013 », sur Le Figaro,
- La suite du Goncourt Au revoir là-haut prend la tête des meilleures ventes - Bertrand Guyard, Le Figaro, 17 janvier 2018
- Prix Goncourt 2013 : la première sélection dévoilée dans Télérama du 6 septembre 2013.
- Première sélection du Grand Prix du Roman de l'Académie française, dans La Croix du 26 septembre 2013.
- Prix Femina: première sélection dévoilée dépêche AFP du 12 septembre 2013.
- "Pierre Lemaitre Goncourt 2013 pour "Au revoir là-haut"" dans L'Express du 4 novembre 2013.
- « Prix des libraires de Nancy Le Point », sur Le Livre sur la Place Nancy (consulté le )
- « Palmarès complet des libraires de la rentrée littéraire 2013 », Livres-Hebdo, 6 septembre 2013.
- « Palmarès Lire : les 20 meilleurs livres de l'année 2013 révélés », sur le site de L'Express, le 26 novembre 2013.
- « Après le Goncourt, Pierre Lemaitre reçoit le prix Roman France Télévisions » sur le site de France Télévisions, le 12 décembre 2013.
- Le cœur de l'Académie Charles Cros bat pour Audiolib ! sur le site www.audiolib.fr le 16 juin 2014.
- Prix Tulipe du meilleur roman français 2014 sur le site de l'Institut français aux Pays-Bas
- (it) “Ci rivediamo lassù” di Pierre Lemaitre vince il 42° Premio Brignetti dans Il Tirreno du 12 juillet 2014.
- « Romain Gary en vedette dans les meilleures ventes. », Livres Hebdo,
Liens externes
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