Becket ou l'Honneur de Dieu

pièce de théatre de Jean Anouilh
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Becket ou l'Honneur de Dieu est une pièce de théâtre de Jean Anouilh créée au théâtre Montparnasse (Paris) le , dans une mise en scène de l'auteur et de Roland Piétri, dans des décors et des costumes de Jean-Denis Malclès[1].

Becket ou l’Honneur de Dieu
Image illustrative de l’article Becket ou l'Honneur de Dieu
Détail de la Châsse de Thomas Becket, représentant son assassinat dans la Cathédrale de Cantorbéry en 1770 (Conçue à Limoges au XIIIème siècle, conservé au Musé de Louvre à Paris)

Auteur Jean Anouilh
Pays Drapeau de la France France
Genre Théâtre
Éditeur Éditions de la Table ronde
Lieu de parution France
Date de parution 1959
Nombre de pages 210
Date de création
Metteur en scène Roland Piétri et Jean Anouilh
Lieu de création Théâtre Montparnasse-Gaston Baty
Chronologie

Elle fait partie des Pièces costumées avec L'Alouette (1953) et La Foire d'empoigne (1962).

Jean Anouilh en 1940

À New York, la pièce Becket or The Honor of God (en) reçut trois récompenses aux Tony Awards le qui attribuaient des médailles d'argent aux meilleures réalisations de l'année théâtrale se terminant le précédent. "Becket" obtint trois récompenses : une pour la pièce elle-même, une seconde pour Elizabeth Montgomery (costumes) et une troisième pour Oliver Smith (décors).

Cette pièce a fait l'objet en 1964 d'une adaptation cinématographique réalisée par Peter Glenville, avec Richard Burton dans le rôle de l'archevêque de Canterbury Thomas Becket et Peter O'Toole dans celui du roi Henri II Plantagenêt.

Le , à l'initiative de Pierre Dux, la pièce entre au répertoire de la Comédie-Française, avec Robert Hirsch et Georges Descrières dans les rôles respectifs de Henry II Plantagenêt et de Thomas Becket[1].

Résumé

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Les rapports entre le roi d'Angleterre Henri II et l'archevêque de Canterbury Thomas Becket évoluent de l'amitié à la confrontation, Thomas Becket préférant s'opposer au roi par fidélité à sa fonction de primat de l'Église d'Angleterre ; confrontation qui s'achève par l'assassinat de Becket dans la cathédrale de Canterbury le .

Argument

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L'argument de la pièce avait déjà été exploité par T.S. Eliot dans sa pièce Meurtre dans la cathédrale, qui fut créée en France le au théâtre du Vieux-Colombier, dans une traduction d'Henri Fluchère et mise en scène par Jean Vilar.

La lutte entre l'Imperium et le Sacerdotium, de l'égoïsme contre l'Honneur de Dieu

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" Si je deviens Archevêque, je ne pourrais plus être votre ami " (extrait de la pièce)

 
Miniature enluminée représentant Henri II d'Angleterre, extraite des Historia Anglorum de Mathieu Paris (vers 1250-1255).
 
Insigne du pèlerinage St Thomas Becket, le représentant. (Conservé au MET)
 
Assassinat de Thomas Becket : Autre manière d'envisager la confrontation entre Imperium et Sacerdotium. Becket tourne le dos aux barons du roi, et se met à genoux face au calice.(Enluminure de 1390)
 
Henri II, Becket et les Barons du roi. Sorte de triptyque des forces en jeu dans la pièce : Le roi et ses barons (pouvoirs politique et physique) de part et d'autre de la miniature, Becket et Dieu (pouvoir spirituel) au centre. (Miniature du XIVe siècle)

Tout l'argument de la pièce d'Anouilh réside en effet dans la rupture de l'amitié entre le Roi Henri et Thomas Becket. Afin d'avoir la main mise sur l'Église d'Angleterre, le Roi place son ami le plus proche sur la cathèdre de Cantorbéry, en dépit du fait que ce dernier ne soit pas même prêtre mais seulement archidiacre. Cet acte irréfléchi crée des distorsions au sein de l'épiscopat anglais, mais aussi dans les rapports entre Becket et son Roi. En effet, les projets de ce dernier s’effondrent dès la nomination en tant qu'archevêque de son ami. Ce dernier se sépare alors de son suzerain, en lui rendant sa charge et son anneau de Chancelier d'Angleterre, pour les remplacer par ceux de Primat d'Angleterre et d'Archevêque de Cantorbéry. "Tu me renvoie les trois lions (du sceau de chancelier) comme un petit garçon qui ne veut plus jouer avec moi" (Henri II dans le IIIe Acte)[2]Observons alors que les deux têtes des deux pouvoirs s'affrontent et s'opposent dans le souvenir d'une amitié commune. C'est ce que l'Histoire appelle communément la Controverse Becket.[3]Le chef politique et le chef religieux se font face et opposent leurs deux pouvoirs. C'est la lutte entre ce que Bernard Beugnot, dans sa préface à la pièce appelle[4] l'Imperium ou le pouvoir politique, et le Sacerdotium ou le pouvoir religieux[5]. La lutte entre les deux personnages devient une lutte des pouvoirs, du Roi d'Angleterre contre son archevêque, du pouvoir politique contre le pouvoir religieux. "Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu" (Luc 22,21). Henri II manifeste à plusieurs reprise dans la pièce, la tristesse que lui inflige cette rupture, sombrant dans une folie terrible. Il ne supporte pas que Becket serve seul l'Honneur de Dieu, et non plus le sien. S'opposent alors sur scène, à travers les différents personnages, une lutte ouverte entre Dieu et l'égoïsme. Le Roi, du début à la fin de la pièce, ne fait que rechercher son propre plaisir. Nommer Becket à la tête de l’Église d'Angleterre pour en prendre les biens, les multiples femmes avec lesquelles il entretien des liaisons adultères, c'est en fait un enfant capricieux qui se débat sur scène, en comprenant qu'il y a plus fort que lui: Dieu. Les deux personnages s'opposent également par leur "race", l'un est saxon, l'autre normand. C'est une opposition radicale qui n'est pas sans rappeler celle des Montaigues et des Capulets dans Roméo et Juliette de Shakespeare : Deux familles distinctes, opposées, rendant un amour impossible. Chez Anouilh, la mère de l'un est l’Église, la mère de l'autre est l'Angleterre, l'un est normand, l'autre est saxon. De plus, Henri II évolue tout le long de la pièce avec ses barons, qui le suivent et le servent, et qui assassineront Becket par la suite, tandis que Becket vit avec les plus humbles et les plus pauvres, à qui il cède tout ses biens avant de devenir archevêque. "Quarante pauvres ! il a invité quarante pauvre à dîner !" (Henri II au troisième acte)

Cette lutte entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux se concrétise par l’excommunication d'un ami proche du roi, Guillaume d'Aynesford, pour avoir assassiné un prêtre, malgré l'interdiction de Becket de juger ses prêtres. Son pouvoir n'est pas symbole, c'est lui qui a le contrôle du salut de l'Angleterre, et il n'hésite pas à l'affirmer par des actes marquant la politique de son pays, exacerbant ainsi la lutte entre les deux pouvoirs précédemment cités. Son honneur à lui, le Roi même avec de fausses accusations, ne peut l'atteindre. Becket est en effet accusé à tort par Henri II lui-même de détournement de fonds royaux. Dans la pièce, les actes du Roi lui sont dictés par son égoïsme, et sont donc voués à l'échec. Ils ne sont que recherche du bien personnel. Ceux de Becket sont dictés par Dieu, et ont pour vocation de s'opposer à ces desseins égoïstes. Becket est en quelque sorte un "diplomate de Dieu". Au IVe acte de la pièce, lors de la dernière rencontre des deux personnages, voici un extrait du dialogue entre ces deux derniers :

« Le Roi : Tu sais que je suis roi, et que je dois agir comme un roi. Qu'espères-tu ? Ma faiblesse ?

Becket : Non, elle m'atterrerait

Le Roi : Me Vaincre par la Force ?

Becket : C'est vous qui êtes la force

Le Roi : Me Convaincre ?

Becket : Non plus. Je n'ai pas à vous convaincre. J'ai seulement à vous dire non. »

Cette prise de position ne lui est pas agréable, voir mène à une certaine forme de souffrance "Ah, que vous rendez tout difficile, et que votre honneur est lourd à porter !" (Becket à Dieu, IVe acte). Quant au Roi, ce "non" dont il n'a pas l'habitude mène à une lutte intérieur d'une grande violence, qui se manifeste dans cette réplique[4] : "Rien, je ne peux rien ! [...] Tant qu'il vivra, je ne pourrais rien. Je tremble étonné devant lui... Et je suis roi !" Faute d'avoir du pouvoir sur son archevêque, Henri II fait assassiner de ce dernier à Cantorbéry, par ses barons , passage de la pièce où Becket prononce les mots précédemment cités : "Que votre honneur est lourd à porter"[4]


''Nous avons une grande force, [...] c'est de ne pas savoir exactement ce que nous voulons. De l'incertitude profonde des desseins naît une étonnante liberté de manœuvre." (extrait de la pièce)[5]

Distribution

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Création[6] au théâtre Montparnasse en 1959, dans une mise en scène de Roland Piétri et de l'auteur, et des décors et costumes de Jean-Denis Malclès.

Reprise[6] au théâtre Montparnasse en 1966, dans une mise en scène de Roland Piétri et de l'auteur, et des décors et costumes de Jean-Denis Malclès.

  • Daniel Ivernel : le roi Henry II Plantagenêt
  • Paul Guers : Thomas Becket
  • Claude d'Yd : l'archevêque
  • Jean Juillard : Georges Folliot, évêque de Londres
  • Jean-Pierre Bernay : l'évêque d'Oxford et Guillaume de Corbeil
  • Gilbert Robin : l'évêque d'York, le deuxième baron français
  • Marcel Champel : le père saxon, le 2e moine, le Cardinal
  • Hugo Nauze : le petit moine
  • Gérard Dournel : 1er baron anglais, 1er moine
  • Étienne Diran : 2e baron anglais
  • Jean-Pierre Dravel : 3e baron anglais
  • Claude Richard : 4e baron anglais, le garde
  • Claude Marcault : Gwendoline
  • Denis Gunzbourg : le Prévôt, 1er baron français
  • Jean-Michel Perret : 2e valet de Becket, le comte d'Arundel, le jeune garde
  • Odile Mallet : la reine-mère
  • Marie Chantraine : la jeune reine
  • Francis Menzio : le fils aîné du roi Henri II
  • Michel Derain : le page du roi Henri II
  • Michel de Ré : le roi de France
  • Roland Piétri : le pape
  • Robert Grazioli : un soldat
  • Benjamin Guise : un soldat
  • Pierre Bastien : un soldat, 1er valet de Becket
  • Gérard Hérold : un soldat, l'officier, le moine Guillaume
  • Marie Médioni : la Saxonne
  • Lise Martel : la fille française

Reprise à la Comédie-Française en 1971, dans une mise en scène de Roland Piétri et de l'auteur, et des décors et costumes de Jean-Denis Malclès.

Reprise[6] du au , dans une mise en scène de Didier Long, des décors de Nicolas Sire, des costumes de Véronique Seymat, des lumières de Patrick Besombes et une musique originale de François Peyrony.

Distinctions

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La pièce a été nommée cinq fois aux Molières 2001, dans les catégories Molière du comédien (Bernard Giraudeau), Molière du metteur en scène, Molière du créateur de costumes, Molière du créateur de lumières, Molière de la meilleure pièce du répertoire, sans toutefois obtenir aucun prix.

Lors des Tony Awards 1961, aux États-Unis, la pièce remporte les prix suivants[7] :

Notes et références

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  1. a et b Bernard Beugnot, Becket ou l'Honneur de Dieu - Notice, in Jean Anouilh, Théâtre – II, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade (2007), pp. 1411-1423 (ISBN 978-2070115884)
  2. Jean Anouilh et Bernard Beugnot, Becket ou L'honneur de Dieu, Gallimard, coll. « Collection Folio », (ISBN 978-2-07-035803-8)
  3. David Knowles et Edmond-René Labande, « Thomas M. Jones. — The Becket Controversy. », Cahiers de Civilisation Médiévale, vol. 16, no 61,‎ , p. 76–77 (lire en ligne, consulté le )
  4. a b et c Jean Anouilh et Bernard Beugnot, Becket ou L'honneur de Dieu, Gallimard, coll. « Collection Folio », (ISBN 978-2-07-035803-8)
  5. a et b Jean Anouilh et Bernard Beugnot, Becket ou L'honneur de Dieu, Gallimard, coll. « Collection Folio », (ISBN 978-2-07-035803-8)
  6. a b et c Becket ou l'Honneur de Dieu sur le site de l'Association de la Régie théâtrale - Consulté le 30-03-2012
  7. (en) Tony Awards 1961, site officiel des Tony Awards.

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Marguerite Rabut, « Le thème de Thomas Becket dans Becket ou l'honneur de Dieu de J. Anouilh, et Meurtre dans la cathédrale, de T. S. Eliot », Bulletin de l'Association Guillaume Budé : Lettres d'humanité, 4e série, no 23,‎ (lire en ligne).

Article connexe

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  NODES
Association 2
Note 2