Cahiers de Ramanujan

Les cahiers de Ramanujan sont quatre recueils de manuscrits de Srinivasa Ramanujan, mathématicien indien et membre du Trinity College de Cambridge, où il a noté ses découvertes mathématiques depuis le début de sa carrière en Inde ; le quatrième, un ensemble épars redécouvert en 1976, est appelé le cahier perdu de Ramanujan.

Extrait de Srinivasa Ramanujan- The Mathematician & His Legacy (Srinivasa Ramanujan : le mathématicien et son héritage), un documentaire indien sur le mathématicien produit par le Ministère des Affaires étrangères de l'Inde, montrant les cahiers conservés à Chennai.

Histoire

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À partir de 1908 (il a alors 21 ans), Srinivasa Ramanujan, ayant échoué à ses examens, n'essaie plus de suivre un cursus conventionnel, mais continue des recherches personnelles en mathématiques, tout en vivant dans une grande pauvreté matérielle ; à cette époque, faute de papier, il effectue ses calculs et ses raisonnements de tête ou sur une ardoise, ne notant que les résultats définitifs sur un cahier ; il conservera cette méthode de travail toute sa vie[1], produisant ainsi trois cahiers[n 1] contenant au total 3 900 formules et théorèmes sans pratiquement aucune démonstration ; de plus, son isolement l'amène à se construire un système de notations personnel, rendant difficilement déchiffrable son travail[2].

Le quatrième cahier n'est en fait qu'une liasse de feuillets en désordre, écrits durant la dernière année de sa vie (1919-1920) ; il était considéré comme perdu jusqu'à ce qu'il soit redécouvert par le mathématicien George Andrews en 1976, dans une boîte à effets personnels de George Neville Watson stockée à la bibliothèque Wren (en) du Trinity College de Cambridge. Il est constitué de 87 feuilles contenant plus de 600 formules ; cet ensemble est décrit comme le cahier perdu de Ramanujan (Ramanujan's lost notebook).

Une photocopie des trois cahiers a été publiée en deux volumes en 1957, par le Tata Institute, et une bien meilleure édition en couleur a été établie en 2012. Les versions numérisées des trois cahiers et du « cahier perdu » sont désormais disponibles en ligne[3],[4].

À partir de 1977 et pendant plus de vingt ans, Bruce Carl Berndt se consacre à l'édition commentée des trois cahiers (appelés désormais cahiers de Ramanujan), en cinq volumes totalisant plus de 1 800 pages[5]. En tout, les cahiers contiennent près de 3 900 « assertions »[n 2], le plus souvent sans aucune démonstration. Berndt et ses collaborateurs, notamment les mathématiciens George Andrews, Richard Askey et Robert Rankin, s'attèlent soit à les démontrer, soit à chercher des références dans la littérature existante ; Berndt peut également s'appuyer sur les notes que Watson et Wilson ont prises dans les années 1930 pour leur projet abandonné d'édition. Entre 2005 et 2018, il publie une édition commentée, en cinq autres volumes, des résultats du « cahier perdu »[7], en étant cette fois aidé en particulier par Ken Ono, qui s'appuie sur certains de ces résultats pour obtenir, en 2014, un ensemble spectaculaire de nouvelles formules algébriques[8],[5].

En 2003, Berndt a retracé (en s'appuyant sur la correspondance des différents acteurs) les vicissitudes des cahiers. Le premier était resté en Angleterre en 1919 ; après la mort de Ramanujan, Hardy l'envoya à l'université de Madras, qui lui en fournit une copie manuscrite, suivie de l'envoi des deux autres cahiers, ainsi que de notes éparses constituant le « cahier perdu », entre 1923 et 1925. À une date indéterminée après 1935, les cahiers (mais non les autres documents) furent retournés à Madras par George Neville Watson, qui avait commencé à les exploiter, mais s'en était désintéressé[9].

Contenu des trois premiers cahiers

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Contenu du « cahier perdu »

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Rankin a décrit ce dernier cahier en détail[10]. La majorité des formules concerne les q-séries et les fausses fonctions thêta, environ un tiers concerne les équations modulaires et les invariants modulaires singuliers, et le reste porte principalement sur les intégrales, les séries de Dirichlet, les congruences et les développements asymptotiques.

Plusieurs milliers de résultats ont été proposés par Ramanujan dans ces cahiers ; ils ont été analysés et sont désormais tous démontrés (parfois à l'aide d'outils informatiques)[11] : très peu sont faux (le plus souvent à la suite d'erreurs de copie) et les deux tiers sont originaux[12],[13]. Ramanujan ne disposant pas de certaines théories inconnues ou en cours de développement au début du vingtième siècle, comme la théorie analytique des nombres, et ignorant même des résultats fondamentaux de l'analyse complexe, comme le théorème des résidus[14],[n 3], les méthodes qui lui ont permis de découvrir une telle quantité de formules et de théorèmes restent obscures[12],[n 4].

Notes et références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Ramanujan's lost notebook » (voir la liste des auteurs).
  1. Parfois mentionnés comme les « cahiers effilochés de Ramanujan » (Ramanujan' frayed notebooks) en raison de leur état d'usure.
  2. Le nombre exact n'est pas tout à fait clair, d'une part à cause de répétitions, d'autre part parce que certaines « formules » regroupent plusieurs résultats similaires[6].
  3. Bien qu’il ait contribué par exemple au développement de la méthode du cercle, son intuition l’a ainsi trompé dans l’étude de la répartition des nombres premiers : « Ramanujan agissait comme si les zéros complexes de la fonction zêta de Riemann n'existaient pas » (The Man who knew Infinity, p. 220).
  4. Certaines déclarations de Ramanujan, attribuant par exemple ces formules à Namagiri Thayar, sa déesse tutélaire[15], ont contribué à entretenir le mystère. Si Hardy a insisté pour qu'on ne voie là qu'une « extraordinaire puissance de manipulations formelles, de rapidité dans la formation et le rejet d'hypothèses, et d'intuition des relations cachées entre objets apparemment sans lien »[16], Ken Ono mentionne sa perplexité devant certaines prédictions de Ramanujan, confirmées récemment par de pénibles calculs informatiques, et qui lui paraissent inaccessibles avec les outils dont Ramanujan disposait[17],[18].

Références

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  1. Kanigel 1991, p. 55-56.
  2. Kanigel 1991, p. 342.
  3. « Ramanujan, Published Papers, Unpublished Notebooks » (consulté le ).
  4. « Site du projet Janus » (consulté le ).
  5. a et b Voir le détail des éditions dans l'article consacré à leur auteur.
  6. (en) Frontline (magazine), « Rediscovering Ramanujan », vol. 16, no 17, , une interview de Bruce Carl Berndt.
  7. (en) George Andrews et Bruce Carl Berndt, Ramanujan's Lost Notebook, Part 1, Springer, , 441 p. (ISBN 978-0-387-25529-3, lire en ligne), p. 1.
  8. (en) Michael J. Griffin, Ken Ono et S. Ole Warnaar, « A framework of Rogers–Ramanujan identities and their arithmetic properties » [« Un cadre pour les identités de Rogers-Ramanujan et leurs propriétés arithmétiques »], Duke Mathematical Journal,‎ (DOI 10.1215/00127094-3449994, arXiv 1401.7718).
  9. (en) Berndt, Bruce C., « An overview of Ramanujan's notebooks » [PDF], sur www.math.uiuc.edu/~berndt/articles/aachen.pdf, , p. 3.
  10. (en) Robert A. Rankin, « Ramanujan's manuscripts and notebooks. II », Bull. London Math. Soc., vol. 21, no 4,‎ , p. 351-365.
  11. Ce travail de vérification, s'étalant sur plus de 25 ans, et achevé pour l'essentiel en 1996, est en grande partie dû à Bruce Carl Berndt, avec la collaboration de plusieurs autres mathématiciens, dont les frères Jonathan et Peter Borwein.
  12. a et b Édouard Thomas, « Les mystérieux carnets de Ramanujan enfin décryptés », Maths Société Express, Comité International des jeux mathématiques (www.cijm.org),‎ , p. 57 à 62.
  13. (en) Introduction au dernier volume de ces analyses, par Bruce Carl Berndt.
  14. (en) Godfrey Harold Hardy, « The Indian Mathematician Ramanujan », American Mathematical Monthly, vol. 44, no 3,‎ , p. 145 (lire en ligne)
  15. Kanigel 1991, p. 30.
  16. Hardy 1937, p. 149.
  17. Ono 2006, p. 649.
  18. Bleicher 2014, p. 55.

Voir aussi

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Bibliographie

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Liens externes

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