Expédition de Carthagène (1697)
L'expédition de Carthagène du fut le dernier grand combat entre les royaumes de France et d'Espagne avant le traité de Ryswick de 1697. Elle fut une totale réussite pour le chef d'escadre Jean-Bernard de Pointis et son commanditaire, l'amiral Jean-Baptiste du Casse, gouverneur français de Saint-Domingue.
Date | |
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Lieu | Carthagène des Indes |
Issue | Victoire française |
Royaume de France | Monarchie espagnole |
Baron de Pointis Amiral du Casse |
Don Sancho Jimeno Don Diego de los Ríos |
2 780 hommes | 400 hommes |
Guerre de la Ligue d'Augsbourg
Batailles
- Philippsbourg (1688)
- Sac du Palatinat (1689)
- Baie de Bantry (1689)
- Mayence (1689)
- Walcourt (1689)
- Fleurus (1690)
- Cap Béveziers (1690)
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- Limerick (1690)
- Staffarda (1690)
- Québec (1690)
- Coni (1691)
- Mons (1691)
- Leuze (1691)
- Aughrim (1691)
- La Hougue (1692)
- Namur (1692)
- Steinkerque (1692)
- Lagos (1693)
- Neerwinden (1693)
- La Marsaille (1693)
- Charleroi (1693)
- Saint-Malo (1693)
- Rivière Ter (1694)
- Camaret (1694)
- Texel (1694)
- Dieppe (1694)
- Bruxelles (1695)
- Namur (1695)
- Dogger Bank (1696)
- Carthagène (1697)
- Barcelone (1697)
- Baie d'Hudson (1697)
Coordonnées | 10° 24′ 41″ nord, 75° 32′ 06″ ouest | |
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Déroulement
modifierContexte
modifierLa guerre de la Ligue d'Augsbourg touchait à sa fin et son issue demeurait indécise. La marine anglaise, la Royal Navy, avait pris un net ascendant sur la Marine royale de Louis XIV et le roi de France était à la recherche d'un succès sur les mers, afin de pouvoir signer le traité de Ryswick[1], avec les Espagnols en position de force.
De son côté, ce traité permettrait au royaume d'Espagne de mettre fin aux incertitudes sur son empire sud-américain. L'expédition de Carthagène est également pour Louis XIV un moyen d'obtenir un territoire qu'il convoitait : la partie ouest de Saint-Domingue, qui lui permet de créer dès 1698 la Compagnie de Saint-Domingue, puis la Compagnie de Guinée, confiée à son proche financier Antoine Crozat.
L'expédition
modifierLe roi s'associe à l'expédition en fournissant sept vaisseaux et trois frégates. L'escadre part de Brest, le [2] et arrive le 3 mars à Saint-Domingue. Jean-Bernard de Pointis convainc Jean-Baptiste du Casse de s'y associer, malgré ses craintes et la difficulté à rallier les flibustiers. Ducasse espère s'emparer de Porto Bello, pour franchir l'isthme de Panama, mais Carthagène des Indes en est trop éloignée jugent beaucoup de flibustiers[3].
Joseph d'Honon de Gallifet, qui succédera à Du Casse en 1700, fut l'un des acteurs de l'expédition de Carthagène, à la tête de « 110 volontaires coloniaux »[4], assistés de « 180 noirs libres » sous la direction de Jean-Joseph de Paty[5].
Début mars, la flotte quitte le port de Petit Goâve à Saint-Domingue[6] et est en vue de Carthagène à la fin du mois, avec 1 200 hommes venus de Brest accompagnée d'environ 650 flibustiers et boucaniers[2].
Elle se présente devant la ville le . Les Français débarquent deux jours après à Boca-Chica (en). Ils montent à l'assaut des châteaux de San Luis de Bocachica, barrant l'entrée de la baie, et défendue par Don Sancho Jimeno et 139 hommes, qui se rendent le 16 avril. Le 20 avril, les Français attaquent la ville qui se rend rapidement et verse une rançon de 9 millions de livres, ce qui n'empêchera pas le pillage de cette dernière[7].
Le , les Français entrent dans la ville et jusqu'au 24 mai la pillent, pour un butin estimé entre 10 et 20 millions de livres. Il est en principe partagé à égalité, mais une partie des 650 flibustiers et boucaniers jugent le partage inégal[8] et se livrent à un second pillage de la ville. Près de 2 millions auraient dû revenir aux flibustiers selon le pacte passé avec eux le , à bord du navire amiral, puis renouvelé devant le porche de leur église, celle de Petit Goâve, dans l'ouest de Saint-Domingue. On ne donne pourtant qu'une solde de militaires, décision qui peut s'expliquer par la présence de près de 1 200 militaires venus de France, majoritaires dans l'expédition. Le botaniste et voyageur-naturaliste Charles Plumier, en visite à Saint-Domingue, est chargé d'intercéder auprès de Versailles pour obtenir un partage plus juste, dans le récit qu'il fait au roi[9].
Les flibustiers s'étonnent que Jean-Bernard de Pointis quitte la terre ferme espagnole alors qu'il avait promis que Du Casse en deviendrait le gouverneur[3]. Mais la fièvre jaune décime peu à peu l'expédition, tout comme elle anéantira une partie des Écossais du projet Darién peu après. Les maladies tropicales faisaient facilement des ravages dans un corps expéditionnaire de grande dimension venu directement d'Europe, le nombre de soldats augmentant la possibilité pour le virus de se nourrir d'un organisme plus vulnérable que les autres et de là se propager à toute la troupe.
Plusieurs des flibustiers français ne rentrent pas à Saint-Domingue et préfèrent mettre le cap vers le Rendez-vous de l'île d'Or[10], et ses environs, où le projet Darién vient d'échouer[11]. Trois navires de flibustiers s'échouèrent sur la terre ferme, près de Carthagène, et furent repris par les Espagnols, quatre autres furent capturés par les Anglais et ramenés à la Jamaïque[12].
Du Casse lui-même, informé des bonnes relations entre les indiens du Darién et les flibustiers français, avait proposé au roi de France d'installer une colonie à cet endroit[10], mais le ministre de la Marine l'en décourage car il craint que la toute jeune Louisiane ne fasse les frais de la fureur espagnole.
Le duc de Saint-Simon a décrit l'expédition avec précision et emphase dans ses Mémoires, comme « un opéra créé pour Louis XIV, produit par Pontchartrain ; livret, musique et mise en scène du baron de Pointis ; exécuté par la troupe et l'orchestre de la marine royale, avec le concours du chœur des flibustiers, Ducasse coryphée »[13].
L'expédition comptait Jean-Joseph de Paty, Jean-Bernard de Pointis, Jean-Baptiste Du Casse et Joseph d'Honon de Gallifet. Jacques Yvon des Landes, marchand, planteur de sucre à Saint-Domingue, et flibustier des autres expéditions, participa en finançant l’armement de deux vaisseaux, mais ne fut pas présent physiquement. Parmi les bénéficiaires de cette expédition et celle de la Jamaïque, l'historien Pierre Pluchon cite aussi Bréda, Brach, Dantzé et Jean Fournier de Varennes[8].
Notes et références
modifier- Également appelé "Paix de Ryswick"
- L'expédition de Carthagène
- Étienne Taillemite, Denis Lieppe, page 41
- (en) David Marley, Wars of the Americas: a chronology of armed conflict in the New World, 1492 sur Google Livres
- David Marley, Wars of the Americas: a chronology of armed conflict in the New World, 1492, page 213
- Moreau de Saint-Méry, Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l'isle Saint-Domingue, Philadelphie, Paris, Hambourg, 1797-1798, (réédition, 3 volumes, Paris, Société française d'histoire d'outre-mer, 1984), p. 1170.
- Collectif. Sous la direction de Jacques Garnier., Dictionnaire Perrin des guerres et des batailles de l'histoire de France, Paris, Perrin, , 906 p. (ISBN 2-262-00829-9), p. 186 - 187notice rédigée par Etienne Taillemite
- Chapitre de Pierre Pluchon dans "La Percée de l'Europe sur les océans vers 1690-vers 1790" [1]
- "Saint-Domingue en 1690. Les observations du père Plumier, botaniste provençal", par Philippe Hrodej, dans la Revue française d'histoire d'outre-mer de 1997
- Étienne Taillemite, Denis Lieppe, page 42
- Paul Butel, page 141
- Paul Butel, page 155
- PyréGraph Editions : MARINS ET FLIBUSTIERS DU ROI-SOLEIL de Jean-Yves NERZIC et Christian BUCHET
Bibliographie
modifier- Frantz Funck-Brentano, L'Ile de la Tortue, La Renaissance du Livre, 1929, réédition Librairie Jules Tallandier, 1979, p. 157-172.
- Étienne Taillemite, Denis Lieppe, La Percée de l'Europe sur les océans vers 1690-vers 1790 sur Google Livres, dans Revue d'histoire maritime, numéro spécial,
- Paul Butel, Les Caraïbes au temps des flibustiers : XVIe – XVIIe siècles, Paris, Aubier Montaigne, coll. « histoire », , 299 p. (ISBN 978-2-700-70287-3)
- Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0)
- Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, BNF 35734655)
- Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4)
- Patrick Villiers, Jean-Pierre Duteil et Robert Muchembled (dir.), L'Europe, la mer et les colonies : XVIIe – XVIIIe siècle, Paris, Hachette supérieur, coll. « Carré histoire », , 255 p. (ISBN 2-01-145196-5)
- Patrick Villiers, La France sur mer : De Louis XIII à Napoléon Ier, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », , 286 p. (ISBN 978-2-8185-0437-6)
- Guy Le Moing, Les 600 plus grandes batailles navales de l'Histoire, Rennes, Marines Éditions, , 619 p. (ISBN 978-2-35743-077-8)
- Garnier Jacques (dir.), Dictionnaire Perrin des guerres et des batailles de l'histoire de France, Paris, éditions Perrin, , 906 p. (ISBN 2-262-00829-9)
- Lucien Bély (dir.), Dictionnaire Louis XIV, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1405 p. (ISBN 978-2-221-12482-6)
- John A. Lynn (trad. de l'anglais), Les Guerres de Louis XIV, Paris, éditions Perrin, coll. « Tempus », , 561 p. (ISBN 978-2-262-04755-9).
- Olivier Chaline, La mer et la France : Quand les Bourbons voulaient dominer les océans, Paris, Flammarion, coll. « Au fil de l’histoire », , 560 p. (ISBN 978-2-08-133327-7)
- Étienne Taillemite (nouvelle édition revue et augmentée), Dictionnaire des marins français, Paris, éditions Tallandier, , 573 p. (ISBN 2-84734-008-4)
- Onésime Troude, Batailles navales de la France, t. 1, Paris, Challamel aîné, 1867-1868, 453 p. (lire en ligne)
- Charles La Roncière, Histoire de la Marine française : La crépuscule du Grand règne, l’apogée de la Guerre de Course, t. 6, Paris, Plon, , 674 p. (lire en ligne)