Fib
Poème de Fibonacci
Le poème de Fibonacci est une forme de poésie s'appuyant sur la suite de Fibonacci. Chaque vers du poème doit compter autant de syllabes que la somme des deux précédents, soit 1/1/2/3/5/8/13…, conformément à la séquence de Fibonacci. Le poème est court avec généralement six vers non rimés, évoquant un haïku (rythmé 5/7/5).
Expérimental et confidentiel jusqu'au début du XXIe siècle, le poème de Fibonacci connaît en 2006, sous le nom de fib, une popularité soudaine sur internet due au blogueur américain Gregory K. Pincus.
Histoire
modifierPassant pour une création du XXIe siècle, le poème de Fibonacci est plus ancien : le poète et universitaire John Frederick Nims (en) l'avait étudié dans son ouvrage Western Wind: An Introduction to Poetry, publié en 1974. Ron Silliman publie en 1981 un recueil de poèmes de Fibonacci intitulé Tjanting aux éditions The Figures[1],[2]. La même année, Inger Christensen (1935-2009) dans Alphabet[3] en danois donne quatorze poèmes dont chacun comporte autant de vers que le numéro correspondant de la séquence de Fibonacci (1-610)[4].
Deborah Haar Clark note qu'on retrouve la suite de Fibonacci en poésie « sous une forme ou une autre depuis des siècles, avec des œuvres appliquant la séquence numérique aux syllabes, aux mots ou aux lettres[5]. » Pour Phillis Levin (en), la suite de Fibonacci a même influencé le développement du sonnet[6].
En 2005, John McCosh publie dans The Dudley Review de l’université Harvard un article sur le poème de Fibonacci, qu’il nomme fibonaïku[7] en raison de sa ressemblance avec les haïkus. La démocratisation du poème de Fibonacci sous le nom de fib est lancée par l'auteur américain Gregory K. Pincus qui, le , prétend sur son blog GottaBook avoir créé cette nouvelle forme de poésie :
One
Small,
Precise,
Poetic,
Spiraling mixture:
Math plus poetry yields the Fib.
— Gregory K. Pincus, GottaBook[8].
L'information est reprise sur Slashdot. Dès lors, le fib crée l'engouement partout sur la Toile et des centaines de visiteurs en publient à leur tour sur internet. Deux semaines plus tard, un article dans le New York Times consacre le fib et sa popularité[9]. Le phénomène arrive en France et dans le monde francophone en mai 2006, lorsque le Courrier international reprend en français un article de David Usborne extrait de The Independent et intitulé « Quand mathématique rime avec poésie »[10]. Gregory Pincus écrit lui-même : « À ma grande surprise (et avec joie), je continue de trouver de nouveaux fils de discussion sur les fibs partout sur le Web. J'ai vu des fibs dans plus d'une douzaine de langues différentes. […] je pense qu'on peut dire sans se tromper que les fibs voyagent bien. »
Cette forme poétique demeure peu fréquente mais présente en anglais, français, espagnol, japonais avec Les chansons de Kitagawa Iroito[11], en portugais (qui se comprend bien)[12]:
Bem,
Vou
Tentar
Escrever
Um poema de
Leonardo Fibonacci,
Mas é um pouco complicado escrevê-lo.
Formalisme
modifierJacquelyn Sturge (2009) définit le Fib comme un poème de 20 syllabes en 6 lignes[13], successivement de 1/1/2/3/5/8 syllabes comme la suite de Fibonacci[14]. Une 7e ligne de 13 syllabes (ci-dessous[15]) est parfois ajoutée, rarement une 8e de 21[16].
Une
Rose
Éclose
S'interroge
Longtemps sur l'éveil
Et les causes de son émoi :
Caresses de Zéphyr ou baisers de papillon ?
Un 1/1/2/3/5/8/13/21/34 a été écrit pour un défi de la poésie courte[17].
Le 1/1/2/3/5/8/13/8/5/3/2/1, qui inverse la suite à sa plus grande longueur, est une forme atypique[18], le poète barcelonais Ramón Pereira le nomme Flor de Fibonacci dans le livre Hachís (Poésie 2005-2011)[19].
Auteurs du XXIe siècle
modifierLors d'un voyage en mai 2006, Marc Lebel[Qui ?] écrit son journal de voyage sous forme de fibs[20] :
Toute
La
Beauté
De ce monde
Qui tient sur six lignes
Et en chante la gratuité
Leroy K. May, blogueur, écrivain et slameur québécois, en propose une quarantaine sur son site[21].
En 2010, le critique littéraire et poète américain Tony Leuzzi publie ses poèmes de Fibonacci dans son recueil Radiant Losses[22].
Denis Duboule conclut son cours La génétique et les architectures du vivant (2013) par le fib[23] (l'escargot est un thème récurrent des haïkus japonais et la figure d'expansion de la suite de Fibonacci)[24] :
Toi
Belle
Coquille
D'escargot
De Fibonacci
Ne bave pas et tourne sans fin[25]
Références
modifier- Les éditions The Figures sont spécialisées dans la littérature expérimentale.
- (en) Thomas Fink, « No Other Sentence Could have Followed but This » [archive du ], Titanic Operas (consulté le ).
- (it) Salvatore Tedesco, La poesia e la forma del nostro tempo: Ontologia, Poetica, Storia, Mimesis, (ISBN 978-88-5519-966-7, lire en ligne).
- (es) César Tomé, « Poemas Fibonacci », sur Cuaderno de Cultura Científica, (consulté le ).
- (en) Deborah Haar Clark, « 1, 1, 2, 3, 5, 8, Fun… », sur Essay, Poetry Foundation (consulté le ).
- (en) « Introduction », dans The Penguin Book of the Sonnet, Penguin. 2001 (ISBN 978-0-14-058929-0).
- (en) John McCosh, « Fibonaiku ».
- (en) « The Fib ».
- (en) Motoko Rich, « Fibonacci Poems Multiply on the Web After Blog's Invitation », sur The New York Times, (consulté le ).
- « Quand mathématique rime avec poésie », sur Courrier international, (consulté le ).
- (ja) « フィボナッチ級数の歌集 », sur 紀伊國屋書店ウェブストア|オンライン書店|本、雑誌の通販、電子書籍ストア (consulté le )
- « curiosidadesMCE », sur www.mat.uc.pt (consulté le )
- (en-GB) « LKM - Tout est fiction », sur lkm696.blogspot.com (consulté le ).
- (en) Jacquelyn Sturge, Live, Love, Laugh with Me Through Poetry A to Z., Lulu.com, (ISBN 978-1-4092-7929-7, lire en ligne), p 145.
- « Cinquains francais », sur www.quettar-orenyallo.ch (consulté le )
- (en) Anne Schuster, To the Islands, Siber Ink, (ISBN 978-0-9946505-0-4, lire en ligne), p 86.
- « Un peu de fantaisie - Le pissenlit (suite de Fibonacci) - Wattpad », sur www.wattpad.com (consulté le ).
- madamedekeravel, « fibhaiku (mathématikart 4) », sur la-minute-encyclopédique (consulté le ).
- (pt) José Carreiro, « Folha de Poesia: Poemas Fibonacci », sur Folha de Poesia, sábado, 29 de abril de 2023 (consulté le ).
- Marc Lebel, « Fibs à la Fibonacci », sur mlebelm.ca (consulté le ).
- Leroy K. May, « LKM - Tout est fiction : fib », sur lkm696.blogspot.com (consulté le ).
- (en) Glenn Sheldon, « Interview with Tony Leuzzi », Cervena Barva Press (consulté le ).
- « La génétique et les architectures du vivant | Collège de France », sur www.college-de-france.fr, (consulté le )
- http://www.100pour100haiku.fr/revue_ploc/Ploc_revue_haiku_numero_22.pdf#page=5.08
- Le dernier vers compte une syllabe de trop (9 syllabes et non 8) car le mot « bave » compte deux syllabes, le e muet étant suivi d’un son-consonne.
Annexes
modifierVoir aussi
modifier- Le terme anglais Pi poems (« poèmes en pi ») désigne des poèmes construits avec un nombre de syllabes ou de mots du nombre pi (3.1415926535…) ; il existe des poèmes pour mémoriser pi, les Piem[réf. nécessaire].
- Les première lignes du triangle de Pascal sont aussi des sources de rythmique poétique chez le poète et mathématicien indien Pingala (IIIe ou IIe siècle av. J.-C.).
- Stefano Beccastrini, Maria Paola Nannicini. Fibonacci e la letteratura. A cura del Laboratorio di didattica della matematica. 2012.