En pharmacologie, la génotoxicité d’une substance ou d’un rayonnement est sa capacité à compromettre l'intégrité physique (cassure chromosomique) ou fonctionnelle du génome.

Le chromosome, la cellule et l'organisme disposent de mécanismes de réparation de l'ADN ou d'élimination des cellules mutantes (par apoptose), mais si la réparation est imparfaite, incomplète ou absente, les lésions de l'ADN conduisent à des mutations permanentes et irréversibles (généralement neutres ou délétères).

Ces mutations peuvent concerner des gènes individuels (mutation génique), des blocs de gènes (mutation génomique) ou des chromosomes (mutation chromosomique).

Selon la gravité de la mutation (ou des mutations), les produits génotoxiques peuvent alors notamment être à l'origine d'une déficience transmise à la descendance ; et s'ils ont muté des gènes impliqués dans la prolifération et/ou la survie cellulaire, peuvent être la source de tumeurs bénignes et/ou de cancers.

Éléments de définition

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Un agent (substance, rayonnement ionisant, rayonnement micro-onde, certains virus) est dit génotoxique quand il se montre capable de modifier irréversiblement le génome d'une cellule ou d'un organisme ou de perturber l'expression normale des gènes. Quand l'ADN de gamètes est concerné (spermatozoïdes, ovocytes) si la mutation est délétère mais viable, elle peut être transmise à la descendance, de même, parfois, si elle survient plus tardivement durant l'embryogenèse ou le développement de l'organisme[1]. Certaines mutations enclenchent un processus tumoral ou cancéreux ; la présence d'effets d'agents mutagènes dans l'organisme est l'un des indicateurs du risque de cancer[2].
L'exposition à l'agent génotoxique peut se faire via l'eau, l'air, le sol, l'alimentation ou la proximité de sources de rayonnement mutagène.
La mutagénicité n'est qu’un cas particulier de la génotoxicité[3].

La génotoxicité est l'une des formes de la cytotoxicité. Le concept de génotoxicité n'est pas synonyme de celui de mutagénicité et encore moins de celui de cancérogénicité (car la plupart des cassures de l'ADN sont réparées), mais un produit génotoxique est souvent mutagène et potentiellement cancérigène[2]. Un test de génotoxicité n'est différent d'un test de mutagénicité et encore moins d'un test de dépistage de cancers (qui recherchera des marqueurs tumoraux)[2]. En outre, si un cancérogène est souvent génotoxique, il existe des cancérogènes non-génotoxiques, les dioxines par exemple[4].

Mécanismes d'action

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Un agent mutagène peut avoir deux types d'effets :

  1. impact direct, conduisant à un événement clastogène (sous l'effet de la radioactivité et des rayonnements ionisants par exemple, qui sont notamment source de cassure de l'ADN double-brin, considérées comme les plus graves quant à l'effet biologique[5]) ;
  2. impact indirect, qui dégrade la machinerie cellulaire de maintien et de réparation de l’intégrité du génome (ex : modification des protéines de l'appareil mitotique), conduisant à un événement aneugène, c'est dire se traduisant par des anomalies de la ségragation chromosomique)[2].

Le métabolisme élimine plus ou moins vite la plupart des toxines pénétrant l'organisme. Chez les vertébrés et certains invertébrés, cette détoxication s'accomplit dans le foie, via les systèmes enzymatiques, et notamment les cytochromes P450, en mobilisant des cofacteurs (oxygène et NADPH)[2]. Cependant ce métabolisme produit alors souvent des espèces chimiques réactives intermédiaires, électrophiles, qui sont mutagènes. Nombre de composés génotoxiques ne le deviennent qu'après avoir été métabolisé ou via une « bioactivation »[6]. Les composés génotoxiques ou leurs résidus sont le plus souvent éliminés via l'urine (qui est donc utilisée par différents tests) ou dans les excréments, la sueur…

Typologie

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Trois grands types d'agents génotoxiques, aux mécanismes d'action très différents sont :

  1. des rayonnements ionisants (radioactivité) ;
  2. des rayonnements énergétiques mais non ionisants (ultraviolets, microondes, et notamment microondes pulsées[7]…) ;
  3. des « substances chimiques, souvent électrophiles, qui directement ou après bioactivation par des systèmes enzymatiques adéquats, vont se lier à l’ADN pour former des adduits. Ces adduits vont pouvoir être responsables de cassures et de pontage de l’ADN, d’erreurs de réplication et de substitution de bases »[2].

Champ d'étude

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Ce champ d'étude relève de la biogénotoxicologie, qui inclut notamment la recherche :

… chez l'homme (dans le domaine de la toxicologie) ou chez l'ensemble des espèces vivantes (écotoxicologie).

Ce champ d'étude s'intéresse aussi aux molécules antimutagènes, qu'elles soient synthétiques ou naturelles. Quand elles sont naturelles, on les recherche dans le monde végétal, animale, fongique ou microbien qui doivent aussi lutter contre des cancérogènes environnementaux naturels ou contre des produits génotoxiques produits et/ou disséminés par l'homme. Il s'agit aussi d'étudier les mécanismes moléculaires et physiologiques expliquant ces propriétés[8].

Tests de génotoxiques

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Il existe de nombreux tests de génotoxiques, notamment utilisés en écotoxicologie, en toxicologie et en santé au travail. Le tableau suivant liste ceux qui sont les plus utilisés (dans les années 2000-2010)[2].

Principaux test de génotoxicité, et nature des effets détectés.
Type de test Exposition à des génotoxiques Effet génotoxique Effet mutagène
Test d'Ames
(Urines)
oui non non
Test HPRT
(lymphocytes sanguins)
oui oui oui
Test glycophorine A
(hématies)
oui oui oui
Test des comètes
(leucocytes sanguins
cellules buccales...)
oui oui non
Test d’échange des chromatides sœurs (SCE)
(lymphocytes sanguins)
oui oui non
Aberrations chromosomiques
(lymphocytes sanguins)
oui oui oui
Test des micronoyaux
lymphocytes sanguins)
oui oui oui
Détection d'adduits chimiques
(leucocytes sanguins)
oui oui non

Pour la plupart de ces tests, des facteurs confondants existent (notamment l'âge et l'exposition au tabac, le polymorphisme d’expression des enzymes du métabolisme et du système de réparation des lésions de l’ADN, l'exposition à une autre pollution environnementale que celle qu'on veut tester, l'exercice physique, le régime alimentaire)[2]. En outre les tests utilisant des hématies (globules rouges) sont faciles à mettre en œuvre (pas besoin de culture cellulaire, hématies faciles à collecter et à conserver par simple prise de sang) mais ils ne détecteront que des mutations des cellules de la moelle osseuse[réf. souhaitée]. Le test des comètes peut être couplé à l'hybridation in situ par fluorescence (FISH) afin de détecter une mutation ou la réparation spécifique d'un gène d'intérêt[9].
La détection d'aberrations chromosomiques est corrélée à un risque accru de cancers[10],[11].

Problèmes émergents

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Smog électromagnétique

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Des études récentes montrent qu'une partie du rayonnement électromagnétique (micro-ondes notamment) est génotoxique, or elles constituent une part croissante du smog électromagnétique auquel tous les organismes vivants sont exposés sur une part croissante de la planète. [réf. souhaitée]

Nanotoxicologie

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Outre certains produits chimiques génotoxiques "classiques", la diffusion récente dans notre environnement de nanoparticules et nanomatériaux dont les effets sanitaires sont encore inconnus ou très mal connus préoccupe les acteurs de la santé et certains consommateurs.

Pour mieux cerner le risque, un projet dit « Nanogenotox » projet Nanogenotox , coordonnée par l'Afsset et impliquant plusieurs pays européens, vise (sur trois ans) à donner à la Commission européenne « une méthode alternative, robuste et fiable de détection du potentiel génotoxique des nanomatériaux susceptibles d’engendrer un risque de cancer ou de toxicité pour la reproduction chez l’homme »[12]. Dans ce cadre, 14 nanomatériaux manufacturés (classés en trois groupes : dioxyde de titane, silice et nanotubes de carbone, trois matériaux choisis car déjà utilisés dans des produits tels que cosmétiques, aliments, produits de consommation courante) seront étudiés dont du point de vue des risques d'exposition (exposition par inhalation, par la peau ou orale, avec test in vivo). Il est aussi prévu d'évaluer les quantités produites en Europe[12].

Références

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  1. « Génotoxique », sur Futura (consulté le ).
  2. a b c d e f g et h O. FARDEL, L. VERNHET, V. NOUVEL, A.-V. JUNG& A. LEGRAND-LORANS (2009), Rapport RECORD ; Utilisation des tests de génotoxicité pour la surveillance de l’exposition des travailleurs dans l’industrie du traitement et recyclage des déchets, 163 p., no 07-0667/1A.
  3. « Master Environnement et Santé ; Plus sur la relation entre génotoxicité et arcinogénicité », sur www.aphekom.uvsq.fr (consulté le ).
  4. Bolt HM, Foth H, Hengstler JG and Degen GH (2004) Carcinogenicity categorization of chemicals-new aspects to be considered in a European perspective. Toxicol Lett 151:29-41
  5. I. Sari-Minodier, D. Paul, F. Coletti, T. Orsière, A. Botta (2006), Évaluation dosimétrique et biogénotoxicologique de l'exposition aux rayonnements ionisants, Radioprotection DOI: 10.1051/radiopro:2007025 Vol. 41, no 5, pages S209 à S226
  6. Guengerich FP (2000) Metabolism of chemical carcinogens. Carcinogenesis 21:345-351
  7. (en) Vera Garaj-Vrhovac et Goran Gajski, « Assessment of cytogenetic damage and oxidative stress in personnel occupationally exposed to the pulsed microwave radiation of marine radar equipment », sur International Journal of Hygiene and Environmental Health, (DOI 10.1016/j.ijheh.2010.08.003, consulté le ), p. 59–65.
  8. Faculté de Pharmacie de Marseille (2013), présentation de l'Équipe FR CNRS 3098 - Biogénotoxicologie - Santé humaine et Environnement Responsable(s), consultée 2013-05-15
  9. Rapp A, Hausmann M and Greulich KO (2005) The comet-FISH technique: a tool for detection of specific ; DNA damage and repair. Methods Mol Biol 291:107-119
  10. Norppa H, Sorsa M, Vainio H, Grohn P, Heinonen E, Holsti L and Nordman E (1980) Increased sister chromatid exchange frequencies in lymphocytes of nurses handling cytostatic drugs. Scand J Work Environ Health 6:299-301
  11. Boffetta P, van der Hel O, Norppa H, Fabianova E, Fucic A, Gundy S, Lazutka J, Cebulska-Wasilewska A, Puskailerova D, Znaor A, Kelecsenyi Z, Kurtinaitis J, Rachtan J, Forni A, Vermeulen R and Bonassi S (2007) Chromosomal aberrations and cancer risk: results of a cohort study from Central Europe. Am J Epidemiol 165:36-43.
  12. a et b portail du projet, consulté 2012-04-02, et présentation (PDF) du projet et pays impliqués

Voir aussi

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Bibliographie

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  • (en) Jha AN, Cheung VV, Foulkes ME, Hill SJ, Detection of genotoxins in the marine environment: adoption and evaluation of an integrated approach using the embryo-larval stages of the marine mussel, Mytilus edulis ; Depledge MH. Mutat Res. 2000 Jan 24; 464(2):213-28 (résumé).

Articles connexes

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Liens externes

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