Histoire des Îles Salomon

étude et narration du passé des Salomon
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Cet article retrace l'histoire des Îles Salomon (Solomon Islands), aujourd'hui un État souverain, de 28 450 km2 et 724 273) Salomonais(es) (en 2022), archipel de l'Océan Pacifique, en Mélanésie, au Nord-Est de l'Australie, entre Nouvelle-Guinée et Vanuatu. La population solomonaise, majoritairement mélanésienne (95 %) et chrétienne (93 %), était de 408 145 en 1998, 305 132 en 1988, 204 082 en 1976, 105 209 en 1950.

Sahul, Sunda, Wallacea vers -26000
Dispersion austronésienne vers -1200
Archipel des îles Salomon
Archipel des îles Salomon
Monument à Álvaro de Mendaña à Honiara.

Origines

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Lors du peuplement de l'Océanie, les premiers êtres humains s'installent dans la partie nord et occidentale des Salomon il y a quelque 28 000 ans. Venus d'Asie du Sud-Est, ces premiers habitants de l'Océanie proche sont notamment les ancêtres des Papous et des Aborigènes d'Australie[1].

Une seconde vague de peuplement atteint les Salomon il y a environ 3 200 ans, les Austronésiens, qui s'unissent à la population existante. Les Salomonais aujourd'hui sont principalement des descendants de ces migrants austronésiens[2].

Sans unification politique (connue à ce jour), les habitants de ces îles vivent en villages autonomes, et développent des dizaines de langues distinctes, dont environ 75 subsistent au début du XXIe siècle[3]. Alors que des Austronésiens s'installent de manière permanente aux Salomon, d'autres poursuivent leurs migrations vers l'est, devenant à terme les Polynésiens.

Des siècles plus tard, des migrants polynésiens effectuent le voyage retour, et forment des enclaves polynésiennes dans les îles salomonaises de Rennell, Bellona et Ontong Java du XIIIe au XVe siècle. Du XIVe au XVIIIe siècle, ces territoires sont intégrés à la sphère d'influence tongienne, sous la dynastie des Tuʻi Tonga[4].

Ère coloniale

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Le , l'Espagnol Álvaro de Mendaña est le premier Européen à découvrir les Salomon. Il y réside avec ses hommes jusqu'en août, une période marquée par des « rencontres continuellement sanglantes » avec les autochtones, auxquels les Espagnols réclament de force de la nourriture[5]. Lorsqu'il revient en Espagne et relate sa découverte, les Espagnols, persuadés qu'il a découvert la légendaire Ophir, terre d'origine de l'or du roi biblique Salomon, indiquent le nom Islas Salomon sur leurs cartes[5].

Ces cartes sont approximatives, et, malgré les expéditions de 1595 et 1605, l'emplacement exact des îles tombe longtemps dans l'oubli , jusqu'à ce que le Britannique Philip Carteret les redécouvre en 1767[6]. Plusieurs navires de diverses nationalités se présentent, mais rencontrent l'hostilité des populations.

Aventuriers, écumeurs, missionnaires, colons

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Le beachcombing ou ratissage de plages est un mode de vie des populations locales indigènes. Avec certaine supériorité technologique européenne (surtout en armement), cela devient une activité lucrative pour des aventuriers, entre brigandage et piraterie.

Au milieu du dix-neuvième siècle, des missionnaires européens arrivent , mais peinent à convertir les habitants. Une première mission mariste, sur l'île Santa Isabel s'achève avec l'assassinat du missionnaire Jean-Baptiste Épalle en 1845. Une seconde mission en 1850 semble mieux reçue.

En 1856, le Royaume d'Hawaï (1795–1893) revendique, en tant qu'une des exclaves polynésiennes en Mélanésie, le petit archipel (2 km2 de terres émergées et environ 300 habitants) de Sikaiana (atolls-îles de Tehaolei, Matuiloto, et Matuavi).

Dans le même temps, les îles sont sillonnées par les blackbirders, Européens qui recrutent (par force et/ou tromperie) des insulaires du Pacifique, les expédiant notamment sur les plantations du Queensland ou des Fidji, ou de Nouvelle-Calédonie ou de Tahiti. Ces enlèvements avivent les tensions, et les Salomonais réagissent dès lors souvent avec méfiance et violence à toute visite d'Européens[6].

Protectorats (1885/1893-1976)

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La Royal Navy parvient finalement à réprimer ces enlèvements, et le Royaume-Uni déclare un protectorat sur le sud des Salomon en 1893. Le nord est un protectorat de l'Empire allemand : Salomon du Nord (1885–1919). Le Traité de Samoa de , accord germano-britannico-américain, par lequel le Royaume-Uni cède à l'Allemagne et aux États-Unis ses intérêts aux Samoa, aboutit à l'intégration du nord des Salomon dans le protectorat britannique des Îles Salomon britanniques (1893–1978). Seules les îles de Bougainville et Buka, dans l'extrême nord de l'archipel, demeurent partie de la Nouvelle-Guinée allemande (1884–1919). Ce rattachement de Bougainville à la Nouvelle-Guinée est à l'origine d'un conflit à la fin du vingtième siècle entre l'Armée révolutionnaire de Bougainville et l'État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée, conflit dont les Salomon se gardent alors de se mêler[6].

En août 1914, le théâtre océanien de la Première Guerre mondiale consiste d'abord dans l'attaque des alliés sur les colonies allemandes d'Océanie,particulièrement lors de la campagne de Nouvelle-Guinée (1914). À la suite des combats, le traité de Versailles entérine de facto les victoires militaires des alliés : l'Allemagne perd ses colonies dans le Pacifique. Le Japon hérite de la Micronésie, la Nouvelle-Zélande des îles Samoa, l'Australie de la Nouvelle-Guinée et des îles Salomon.

Le protectorat britannique facilite les activités des missionnaires, et permet la venue d'entreprises britanniques et australiennes, principalement pour des plantations de noix de coco. Le territoire connaît toutefois très peu de développement économique, et l'administration coloniale est minimaliste, se contentant notamment du maintien de la paix et de l'ordre[6].

Fin 1927, sur l'île de Malaita, le District Officer (1915-1927) William R. Bell (en) (1876-1927) est tué lors de la perception annuelle de la taxe dite impôt par tête : le massacre de Malaita (en) fait quinze morts (relevant de l'administration du protectorat). La perception de cet impôt est considérée comme une attaque contre les valeurs traditionnelles, surtout quand il est assorti de la menace de confiscation des armes à feu, au moins chez le peuple Kwaio (en) mené par le chef Basiana (1880-1928) (en). S'ensuit une expédition punitive : combats, mort de 60 Kwaio, arrestation de 200, destruction et profanation assez systématiques d'importants sanctuaires ancestraux et objets rituels Kwaio, procès, pendaisons (de Basiana et de deux de ses fils). Cet événement marque profondément les populations de l'île (Kwaio et non-Kwaio), en lien avec l'effondrement des traditions, de la moralité, et la maladie des feuilles du taro.

 
Monument japonais à Honiara
 
Monument américain à Honiara

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la majeure partie de la très petite population de colons blancs quitte le pays, qui devient le théâtre d'importants affrontements : campagne des îles Salomon. En , les Japonais envahissent et occupent la colonie. En , la bataille de la mer de Corail marque le début de plus d'un an et demi de combats continus entre les Alliés (emmenés par les Américains) et les Japonais. La Bataille de Guadalcanal, d' à , marque une étape importante dans la Guerre du Pacifique. En , les Salomon sont à nouveau sous le contrôle des Alliés, et l'autorité britannique est rétablie. La présence de soldats américains en grand nombre, toutefois, a une influence importante sur les Salomonais, provoquant des mouvements millénaristes dits « cultes du cargo », et incitant certains à contester l'autorité coloniale[6].

Dans les années qui suivent la guerre (1945-1950), le mouvement Maasina Ruru (en) (« unité fraternelle » en langue 'are'are) prône l'auto-détermination et la désobéissance civile. En 1947, les Britanniques incarcèrent les partisans du mouvement qui refusent de payer leurs impôts, et l'élan s'estompe à la fin de la décennie[7].

Autonomie (1976)

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Dans les années 1950, les Britanniques intègrent peu à peu les Salomonais aux instances gouvernementales, pour les préparer à l'autonomie. En 1960, un conseil législatif est mis en place, permettant aux autochtones de participer à la législation de la colonie. En 1974, une Constitution prévoit la création d'institutions démocratiques fondées sur le système de Westminster. Cette année est aussi marquée par la fondation de la Bibliothèque nationale.

Le , les Salomon deviennent autonomes, avec un gouvernement démocratiquement élu ; Peter Kenilorea devient « ministre en chef », et mène le pays jusqu'à l'indépendance le . Il prend alors le titre de premier ministre[6]. Les Salomon sont une monarchie parlementaire, reconnaissant de jure la reine Élisabeth II comme chef de l'État, l'autorité réelle étant exercée par le premier ministre et le Parlement national.

Indépendance (1978)

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Depuis l'indépendance, le pays a été marqué par une certaine instabilité politique, et notamment par des conflits inter-ethniques à la fin du vingtième siècle et au début du vingt-et-unième.

Le , les Salomon, sous le premier ministre Ezekiel Alebua, sont l'un des États fondateurs du Groupe Fer de lance mélanésien, association internationale de coopération et de solidarité mélanésienne[8].

Troubles ethniques (1998-2003/présent)

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En 1998, des habitants autochtones de l'île de Guadalcanal s'arment et fondent le Isatabu Freedom Movement (IFM), dirigé notamment par Harold Keke. Ils s'attaquent aux migrants et descendants de migrants venus en grand nombre de l'île de Malaita au cours des décennies précédentes. Les Malaitans sont sur-représentés parmi les chefs d'entreprise, dans la fonction publique et notamment dans la police, et une partie de la population autochtone de l'île réclame une meilleure prise en compte de ses propres intérêts. Des Malaitans sont chassés de leurs foyers, et parfois tués. Les Malaitans de Guadalcanal s'organisent et s'arment en retour, formant la Malaita Eagle Force (MEF), avec Andrew Nori pour principal porte-parole. Les personnes accusées de sympathiser avec l'IFM sont à leur tour chassées de leur foyer, agressées, voire tuées. Les forces de police sont dépassées (et le pays n'a pas d'armée)[9].

Le , la MEF et Andrew Nori prennent en otage le premier ministre Bartholomew Ulufa'alu, l'accusant de n'avoir pas su empêcher cette spirale de violence. Le Commonwealth (des Nations) dépêche une délégation dans le pays, et enclenche des négociations, qui aboutissent à l'Accord de paix de Townsville le , signé par l'IFM et la MEF. Les milices ethniques acceptent de désarmer, à l'exception de Harold Keke et d'une centaine de ses partisans. Au cours des trois années qui suivent, « certains des principaux militants de la MEF prennent presque totalement le contrôle de la police et du nouveau gouvernement » du premier ministre Manasseh Sogavare, bien que ce dernier ait l'appui du Parlement démocratiquement élu. Les militants se servent dans les finances de l'État, au nom du droit à la compensation pour les violences subies par les Malaitans. Les services publics périclitent. Des compagnies d'exploitation forestière étrangères sont autorisées à opérer à leur guise, versant en échange une partie de leurs profits au gouvernement. En 2002, la police arme des groupes de militants, leur confiant la tâche d'éradiquer les derniers partisans armés de Harold Keke. Les violences reprennent ; des villages de partisans supposés de Keke sont brûlés[9]. Les habitants font face à des intimidations, n'ont parfois plus accès aux services publics essentiels -dont les soins de santé-, et la corruption est devenue endémique[10].

En , le premier ministre Sir Allan Kemakeza se tourne vers les pays voisins et leur demande leur aide pour rétablir l'ordre. Cette demande donne lieu à la RAMSI : la Mission régionale d'assistance aux Îles Salomon. « Menée et financée par l'Australie et la Nouvelle-Zélande », cette mission inclut des participants de tous les pays membres du Forum des îles du Pacifique[10]. Le Parlement salomonais autorise le déploiement de la mission le . Deux jours plus tard, des soldats, policiers et divers experts civils arrivent en provenance d'Australie, de Nouvelle-Zélande, de Papouasie-Nouvelle-Guinée, des Fidji, des Tonga, du Vanuatu, des Samoa, des Kiribati, des îles Cook et de Nauru. Ils parviennent à désarmer les militants, restaurent la paix, réforment et entraînent les services de police, et conseillent les autorités sur des réformes institutionnelles et économiques[10].

Les élections législatives de 2006 sont suivies d'émeutes à Honiara contre l'élection du gouvernement de Snyder Rini, les émeutiers pillant et incendiant le quartier chinois de la ville pour protester contre ce qu'ils perçoivent comme l'influence d'hommes d'affaires d'ascendance chinoise (notamment Sir Thomas Chan) sur le gouvernement. Les soldats de la RAMSI mettent fin aux violences, mais le Parlement destitue le gouvernement Rini. Quelques mois plus tard, la justice révèle un complot qui visait à assassiner les ministres Snyder Rini, Allan Kemakeza, Peter Boyers et Laurie Chan durant les émeutes ; les députés Nelson Ne'e et Charles Dausabea (en), dont la responsabilité dans les émeutes est reconnue, sont soupçonnés d'avoir participé à ce complot[11].

Le volet militaire de RAMSI prend officiellement fin le , demeurant dès lors principalement un service d'assistance policière[12].

Annexes

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Articles connexes

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Salomon

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Culture

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Références

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  1. Donald Denoon, "Human Settlement", in D. Denoon (éd.), The Cambridge History of the Pacific Islanders, Cambridge University Press, 1997, (ISBN 0-521-00354-7), p.45
  2. D. Denoon, op.cit., p.58
  3. (en) "Solomon Islands", Ethnologue
  4. (en) "Solomon Islands: History", Lonely Planet
  5. a et b (en) "Alvaro de Mendaña de Neira, 1542?–1595", Université de Princeton
  6. a b c d e et f (en) "Solomon Islands: History", Université d'État du Michigan
  7. Stewart Firth, "The War in the Pacific", in D. Denoon (éd.), The Cambridge History of the Pacific Islanders, op.cit., p.318
  8. (en) "Cherising Our Unique History", Groupe mélanésien Fer de lance, 7 novembre 2011
  9. a et b (en) "Gun in one hand, Bible in the other", The Age, 26 juillet 2003
  10. a b et c (en) "Why RAMSI was formed", RAMSI
  11. (en) "Solomons plot to kill Kemakeza revealed in court", Radio New Zealand, 29 août 2006
  12. (en) "RAMSI Defence Ends Mission", Solomon Times, 3 juillet 2013
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