Joseph-Fortuné-Séraphin Layraud

peintre français

Joseph-Fortuné-Séraphin-Jean-Avit Leyraud, dit Fortuné Layraud, né à La Roche-sur-le-Buis (Drôme) le , et mort à Valenciennes (Nord) le (à 80 ans), est un artiste peintre français Prix de Rome en 1863.

Joseph Layraud
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Biographie

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Joseph-Fortuné-Séraphin-Jean-Avit Leyraud naît le [1],[Note 1] à La Roche-sur-le-Buis (Drôme) où son père est cabaretier et possède une petite exploitation de quinze hectares. Sixième enfant d’une fratrie de huit, défavorisé à la mort de ses parents par l'héritage qui privilégie les deux frères aînés, il reste, jusqu’à l’âge de 20 ans, un modeste berger, inculte, arpentant les collines de la Drôme en gardant le troupeau familial.

Berger talentueux

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Après avoir croisé la route d’un petit marchand ambulant de statuettes, Fortuné Layraud occupe ses mains durant les mois d’estive, seul avec son troupeau, à modeler de petits personnages en terre glaise, qu'il s'applique ensuite à colorier, ou à graver patiemment des pierres.

C’est Jouve, le curé de sa paroisse, à La Roche-sur-le-Buis, qui repère les dons artistiques du jeune berger et qui le prend sous sa protection, reprenant son alphabétisation, abandonnée depuis longtemps, s’occupant de son instruction et lui enseignant les rudiments du dessin. Dès lors, le jeune homme n’a de cesse de devenir peintre. Sa famille n’étant pas du même avis, il doit se constituer un capital pour pouvoir quitter son village : il se fait trappeur, probablement braconnier, vendant ainsi en 1853 pour près de 200 francs de fourrures (renard, martre...) à la foire locale.

À force d’obstination, il parvient en à se faire confier par sa famille à un oncle de Marseille qui exerce la fonction de douanier ; l'accueil de ce dernier n'est pas des plus chaleureux. La barbe et les cheveux hirsutes, l'accoutrement campagnard du pâtre des Baronnies, ses explications résolues, laissent ahuri le brave employé des Douanes.

Étudiant aux Beaux-Arts de Marseille

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Finalement, Fortuné Layraud parvient à convaincre son oncle de le présenter à Émile Loubon directeur de l'école des beaux arts de la ville. Celui-ci, également éberlué par la mine et les propos de son visiteur lui conseille tout d'abord de « retourner à ses moutons ». Après réflexion, cédant aux supplications et à l'obstination du jeune homme, il consent à l'admettre pour huit jours dans son atelier. L'épreuve doit être convaincante puisque Loubon, ce délai passé, non seulement ne le renvoie pas, mais au bout de six mois lui suggère de faire parvenir au Conseil Général de la Drôme une copie de l'allégorie de La Vie et la Mort qu'il vient de peindre.

Sur ces entrefaites, l'épidémie de peste qui ravage alors Marseille, l'ayant épargné, il est victime d'un nouveau contretemps : bien qu'exempté du service militaire par le tirage au sort d'un bon numéro, Layraud est mobilisé au cinquième Régiment d'Artillerie de Grenoble malgré une lettre de recommandation du préfet de la Drôme. Désigné pour partir en Crimée où la guerre fait rage, il est dirigé sur Marseille en vue de son embarquement pour Sébastopol mais pendant les préparatifs du voyage, Fortuné Layraud tombe malade.

Au cours de sa convalescence. il essaie de se trouver un remplaçant comme cela se fait à l'époque et peut à grand-peine recueillir les 2 000 francs nécessaires. Mais la malchance le poursuit : les trois premiers remplaçants qu'il présente sont successivement récusés pour des raisons diverses. Enfin, le quatrième est accepté en se faisant passer pour cordonnier. Entretemps, les conseillers généraux de la Drôme, frappés des qualités de l'allégorie de La Vie et la Mort qu'ils ont enfin reçue, allouent au jeune peintre une pension annuelle de 600 francs, pour lui permettre de poursuivre ses études à Paris, et font placer son tableau au Musée de Valence.

Apprentissage à Paris

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Joseph se fait reconnaître par ses frères
(Prix de Rome 1863)

Libéré de ses obligations militaires, Layraud peut enfin se rendre à Paris en 1855 où il est recommandé à Léon Cogniet. Il s'inscrit à l'école des Beaux-Arts de Paris[3] le 9 octobre 1856, sous le numéro 3010 du registre des élèves et commence son apprentissage, puis sa carrière d’artiste, auprès du maître, mais aussi de Robert-Fleury. En 1859, il participe pour la 1re fois au Salon de Paris et présente deux toiles dont un autoportrait[4].

Fortuné Layraud obtient le second Grand Prix de Rome[Note 2] au concours de peinture de 1860 dont le sujet est Sophocle accusé par ses fils[5] et le Conseil Général de la Drôme lui double sa pension. En 1861, toujours élève, il expose trois toiles au Salon de Paris[6] dont Le Portrait de Pierre Dupont[Note 3], – célèbre chansonnier et poète de l’époque[Note 4] avec qui il s'est lié d’amitié ainsi qu'avec Léon Gambetta et Émile Loubet, drômois comme lui – et Le Berger des Alpes, qui est très certainement un autre autoportrait[Note 5] vendu à l’occasion du salon.

C’est seulement deux ans plus tard, en 1863, que Layraud décroche, avec son tableau Joseph se fait reconnaître par ses frères, le précieux premier Grand Prix ex-æquo avec Alphonse Monchablon[11],[Note 6]. Mauvaise année que cette année 1863 : Napoléon III doit organiser le « salon des refusés » où sont exposés les impressionnistes Cézanne, Monet, Manet…. L’histoire de l’art ne retient que le « salon des refusés »[13]. Le conseil municipal de son village se fend pourtant de quelques lignes élogieuses dans une délibération d’ et ce succès ouvre à Layraud les portes de l'Académie de France à Rome où il séjourne de 1864 à 1870[Note 7].

Villa Médicis

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Layraud rejoint la Villa Médicis le  ; il voyage : Pompéi, Naples, etc. et produit de nombreuses œuvres, les « envois de Rome »[17],[18],[Note 8], en se spécialisant progressivement vers le portrait et en produisant ses premières grandes toiles : c’est à Rome qu’il réalise en 1869, sur fond de bitume, le Portrait de Franz Liszt[19],[Note 9] mais aussi le Saint-Sébastien qui est de nos jours en l’église de son village natal[22] et La Descente de croix dans l’église Saint-Martin à Vert-le-Petit[23].

Son séjour s'achève en principe en 1868 au bout de cinq ans, mais son envoi de 5e année justifie par les dimensions du tableau – 6,40 × 3 m – la prolongation de son séjour. Ce tableau Brigands et captifs est achevé en 1870 et présenté à l'exposition internationale de Londres de 1871[24], puis au Salon de 1872 ; il est acquis par le gouvernement anglais[25],[Note 10] qui le présente à Londres, puis à Melbourne où la toile disparaît mystérieusement entre 1955 et 1986, alors qu’elle est conservée à la National Gallery of Victoria[26] ; elle est rayée des inventaires en 1992.

En 1869, à la suite de fouilles ordonnées par Napoléon III, la Villa Livia est découverte sur le mont Palatin par Pietro Rosa[27]. Profitant de la prolongation de son séjour, Layraud peint la Vue des fouilles de la Maison de Livie sur le Mont Palatin et à cette occasion, il fait une copie très exacte de cinq fresques récemment révélées[28],[Note 11] ; ses cinq tableaux sont ensuite placés à l'école des Beaux-Arts de Paris dans le vestibule de la salle où se font les expositions publiques, du côté du quai Malaquais[29],[Note 12].

Période portugaise, Paris

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La sculpture- Paris (1886)
Hôtel de ville

Rentré à Paris en 1870, Fortuné Layraud est envoyé par Léon Gambetta[Note 13] suivre comme ambulancier les troupes sur les champs de bataille de Champigny et au salon de 1872, il expose Supplice de Marsyas[34], peint lors de son séjour à la Villa Médicis. Il voyage ensuite à Londres, en Espagne, mais surtout au Portugal où il séjourne de 1873 à 1877 et y côtoie la famille royale dont il réalise quelques portraits[35]. Il peint en 1874 La Rive droite du Tage et Vue de Lisbonne[36], en 1876, la reine Maria Pia et au Salon de Paris de 1878[37], Layraud expose le portrait en pied du roi de Portugal Ferdinand II et celui de son épouse morganatique Elisa Hensler, la comtesse d’Edla[Note 14]. Il est fait Chevalier de l'Ordre du Christ.

C’est au Portugal qu’il rencontre Pauline Saunier qui, laissant son époux à Lisbonne, devient la compagne de Layraud jusqu’à la fin de ses jours[Note 15]. Le peintre l’a représentée à plusieurs reprises, notamment dans le grand portrait en pied du musée de Valenciennes qu’il a gardé près de lui tant qu’elle était en vie. Il prête également ses traits en 1886 à sa Mater dolorosa offerte à l’église Saint-Christophe de La Roche-sur-le-Buis, sa ville natale[40]. De retour en France, Layraud s’installe avec Pauline rue Poussin, à Auteuil. Il retrouve son ami Émile Loubet et réalise plusieurs portraits de la famille du Président dont il fait plus tard le portrait exposé à l'Exposition universelle de 1900[41].

Au Salon de 1881, Layraud présente Diogène[42], exposé en 1883 à Amsterdam pour l'exposition internationale et coloniale[43] et déposé ensuite au Musée de Narbonne[44] puis, au Salon de 1882, La Mort d'Ines de Castro[45],[Note 16]. C'est ensuite La mort d’Agrippine[47], Les noceurs en 1884, La sculpture en 1886, Le marteau-pilon en 1889[48] qui obtiendra la médaille de bronze à l'Exposition universelle[49], Saint Jacques le Majeur en 1895, Les puiseurs d’eau à Pompeï en 1896.

Il est l'auteur du carton d'un des vitraux de la Cathédrale Saint-Apollinaire de Valence (1896). Le musée de la ville compte dans ses collections Le radeau de la Méduse, exécuté par Layraud d'après le tableau de Géricault[50] et la galerie de l'évêché un Portrait de l'évêque de Valence[51]. Le musée Bonnat de Bayonne possède de lui Portrait de femme au chapeau noir[52], l'Hôtel de Ville de Paris La sculpture[53]

Peintre parisien reconnu – Théophile Gautier, Guy de Maupassant, Barbey d’Aurevilly comptent parmi ses critiques d'art – Layraud est nommé en 1890 au grade de Chevalier de l'Ordre de la Légion d'honneur au titre des Beaux-Arts[16], et est reçu dans l’ordre par l’architecte Jean-Louis Pascal[Note 17], Prix de Rome également, qu’il a connu à Rome entre 1866 et 1870.

Valenciennes

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En 1892, Layraud postule pour le poste de professeur de peinture aux Académies de Valenciennes, qu’il dirige ensuite ; il a alors près de 60 ans. C’est probablement l’assurance d’un revenu régulier et l’idée d’éloigner sa compagne, dépensière, des tentations de la vie parisienne, qui motivent sa candidature et le font s'installer dans cette ville. Toutefois, Layraud connait déjà indirectement Valenciennes et sa tradition artistique pour avoir côtoyé au cours de sa carrière Abel de Pujol, Harpignies, Carpeaux, Crauk et plus particulièrement Ernest Hiolle.

La nomination d’un méridional aux Académies de Valenciennes est d'abord l’objet d’une polémique virulente dans la presse locale, mais Layraud est très vite parfaitement admis et intégré dans la société valenciennoise et l’on parle en ville affectueusement du « Père Layraud ». Outre ses fonctions d’enseignement, il participe activement aux travaux de la commission du musée de la ville et réalise les portraits de nombre de ses concitoyens : on lui doit ainsi, entre autres, les portraits de Mesdames Dutouquet et Jonas, de Jules Batigny, du sous-préfet Mosse, du maire Devillers, du chanoine Cappliez, d’Edouard Fromentin, de Théodore Deromby, du docteur Henri Wacquez et son épouse Héléna Vasseur, d'Émile Vasseur, leur neveu, de Julien Dècle, artiste peintre, conservateur du musée de Valenciennes[56],[Note 18], ou encore des sculpteurs Barbaroux et Delfoly.

Il participe aux salons artistiques de Valenciennes, Lille, Dunkerque, Arras ou Tourcoing, au moins jusqu’à ses 75 ans. Le ce sont 20 000 valenciennois qui font un accueil triomphal aux deux récents lauréats 1905 des Prix de Rome, Lucien Brasseur, 1er grand Prix de sculpture, et Lucien Jonas, 2e grand Prix de peinture qui fera en 1910 le portrait de son maître[58] : sur le parcours, de la gare jusqu'à l’hôtel de ville, les deux lauréats donnent en effet le bras à leur maître qui prend la parole en public lors de cette célébration ; c’est une première pour lui, il en est très fier.

Dans son discours, Layraud prédit « une ère de succès pour les peintres valenciennois que j’aperçois distinctement », prédiction qui s’est révélée exacte et qui a vu éclore une génération de peintres brillants au début du XXe siècle[Note 19],[13]. Au Salon de 1912 enfin, il expose Napoléon et le pope et à celui de 1913, sa dernière œuvre La Réception d’un prix de Rome en la cité ou Réception à Valenciennes de Mirland et Jonas[Note 20].

Fortuné Layraud démissionne en août et décède à Valenciennes le , jour anniversaire de ses 80 ans[2] ; il est inhumé au Cimetière Saint-Roch de la ville près de la tombe d’Ernest Hiolle[39].

Distinctions

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Voir aussi

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Bibliographie

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  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • E. Goreaud, Un artiste, J.F. Layraud, Valenciennes, .  
  • Édouard Fromentin, Layraud Fortuné-Joseph-Séraphin-Jean-Avit, 1833-1913, Valenciennes, (manuscrit), coll. « Hommes et Choses de Valenciennes », .  
  • Aimé Buix, Un grand peintre des Baronnies : Fortuné Layraud (1833-1913), Buis-les-Baronnies : "les Amis du Buis et des Baronnies", .  
  • Aimé Buix, Fortuné Layraud, Premier grand prix de Rome de peinture (1863), vol. no 433, Société d'Archéologie, d'Histoire et de Géographie de la Drôme, coll. « Revue drômoise », .  
  • M. Colomb, Notes sur deux œuvres de F. Layraud à Valence, vol. no 433, Société d'Archéologie, d'Histoire et de Géographie de la Drôme, coll. « Revue drômoise », .  
  • Ferdinand Calleron, Layraud : Le berger, prix de Rome de peinture en 1863, vol. no 9, Valenciennes, Cercle archéologique et historique de Valenciennes, coll. « Valentiana », (ISSN 0989-6139)  
  • Ferdinand Calleron, Philippe Grunchec, Chrystèle Burgard, Hélène Moulin, Martine Sadion et Pascale Soleil, Joseph Fortuné Layraud, itinéraire d'un peintre drômois au XIXe siècle, vol. Catalogue d'exposition, Valence, Musée de Valence, , 44 p. (OCLC 80594951)  
  • Marc Goutierre, Pour ne pas oublier Layraud..., vol. no 49, Valenciennes, Cercle archéologique et historique de Valenciennes, coll. « Valentiana », , p. 49-68 (ISSN 0989-6139)  

Articles connexes

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Liens externes

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Œuvres référencées

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Notes et références

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  1. L'acte de naissance mentionne Fortunet Joseph Séraphin Jean Avit Leyrault[1] et l'acte de décès Fortuné Joseph Séraphin Avit Leyraud[2].
  2. Le concours du prix de Rome fut institué en 1663 par l'Académie. Il permettait de sélectionner les étudiants qui séjourneraient à l'Académie de France à Rome. Parmi les différentes spécialités de ce concours, sculpture, architecture, estampe, composition musicale et peinture, celle-ci était sans aucun doute la plus prestigieuse. Pendant plusieurs siècles, obtenir le Grand Prix de Rome dans la catégorie peinture d'Histoire était sans aucun doute considéré comme le plus grand des honneurs, aussi bien en France qu'à l'étranger. Les éléments qui faisaient du prix de Rome un concours hors du commun étaient ses règles strictes, le nombre des juges, l'anonymat des concurrents, le vote secret et enfin l'appel au jugement de la presse et du public.
  3. D'abord exposé au salon de 1861 sous le n°1847, le tableau disparaît ensuite jusqu'en 1922 où il est retrouvé par hasard à Lyon lors du déménagement de l'ancienne mairie de la Guillotière[7]. Il est actuellement exposé au Smith College Museum of Art de Northampton dans l'état du Massachusetts (U.S.A.)[8].
  4. Pierre Dupont publie en 1864 dix églogues, poèmes bucoliques dont l'un, L'art naïf, évoque les débuts de trappeur d'un jeune berger, à l'évidence son ami Fortuné Layraud[9].
  5. Cogniet, Robert-Fleury, Delacroix, Bonnat, Flandrin et d’autres avaient vu ce tableau dans l’atelier de Layraud (une mansarde du 59 de la rue de Seine) et avaient alors encouragé le jeune artiste[10].
  6. Les concurrents pour la peinture avaient à représenter Joseph se faisant reconnaître par ses frères. En général ce sujet a été bien conçu et savamment traité ... M. Layraud a une jolie couleur ... Le jury a jugé ce concours comme il suit : Premier grand prix, M. Layraud. Deuxième premier grand prix, M. Montchablon[12].
  7. À la Villa Médicis, Layraud côtoie Charles Degeorge, également Prix de Rome de sculpture en 1866, auteur d'un médaillon en bronze le représentant et exposé au Salon de 1864[14] ainsi qu'Ernest-Eugène Hiolle, Prix de Rome de sculpture en 1862, qui fait également son buste[15]; il y croise aussi l’architecte Jean-Louis Pascal, Prix de Rome également, qui lui remettra en 1890 son ruban de Chevalier de l'Ordre de la Légion d'honneur[16], ainsi que le grand compositeur Jules Massenet, grand Prix de Rome en 1863.
  8. En 1803, Napoléon Bonaparte transfère l'Académie de France à Rome à la villa Médicis. L'intention du futur empereur des Français est de perpétuer une institution menacée un temps par la Révolution et, ainsi, de permettre aux jeunes artistes de pouvoir continuer d'approcher et de copier les chefs-d’œuvre de l'Antiquité ou de la Renaissance puis de s'en inspirer pour leurs « envois de Rome ». Ces travaux annuels, envoyés et jugés à Paris, constituent des exercices obligés pour tous les pensionnés.
  9. Il existe deux versions presque identiques de ce tableau. La première sur fond de bitume date de Rome en 1869 et exprime plus le sentiment ressenti lors de la performance de Liszt à laquelle assiste Layraud. Les détails de l’esquisse sur place puis les séances de pose sont largement relatés[10]. Layraud expose la 1re version à Chicago, puis à Valenciennes où le musée l’achète en 1895 avec une aide de l’État[19]. Celle de 1870 est présentée au salon et acquise par le prince Sigmund Radziwill ; dans une lettre datée du à sa compagne la princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein[20], Liszt écrit qu’il est heureux que son œuvre soit en possession du prince Radziwill. Elle passe dans les mains du grand marchand d’art collectionneur de cette époque Charles Sedelmeyer qui la présente à l’exposition « Portraits du siècle : 1789-1889 »[21]. Ce tableau largement reproduit, notamment en photogravure par Goupil, présente un décor beaucoup plus net.
  10. Le gouvernement anglais a acheté à M. Layraud une grande machine mélodramatique, Brigands et Captifs, une scène de l'Ambigu représentant un jeune gentleman et sa femme entourés par des bandits. Ces chevaliers de la montagne ont des figures rébarbatives et des façons toutes persuasives, une politesse affectée et soulignée par le canon du tromblon. L'un d'eux présente, avec la grâce ironique d'un Fra Diavolo, une plume au gentleman, qui paraît de méchante humeur. La jeune dame anglaise, vue de dos et charmante, regarde avec effroi un grand diable de brigand qui lui sourit d'un air trop galant. ... M. Layraud l'a peint grandeur naturelle et, au dire de ses amis, il s'est volontiers peint lui-même, avec son air robuste et mâle, dans chacun de ces détrousseurs italiens. Si bien que le tableau pourrait s'appeler M. Layraud, sous vingt costumes différents, arrêtant une famille anglaise[25].
  11. « M. Léon Renier présente à l'Académie, de la part de l'Empereur, un album de photographies représentant les peintures et les décorations de la maison de Livie. ... L'une de ces salles possédait des compositions, grandioses, qui dépassent tout ce que nous ont révélé les découvertes d'Herculanum et de Pompéi. Après un nettoyage accompli avec les soins les plus minutieux, on chargea un peintre de mérite, M. Layraud, de faire des copies. Elles sont, dit-on, d'une fidélité rare, de la grandeur des originaux, et reproduisent jusqu'aux moindres détails des dégradations du temps. Ces copies sont parvenues depuis quelques jours à l'Empereur, qui a bien voulu les communiquer à l'Académie. M. Léon Renier les a fait placer dans la galerie qui précède la salle des séances[28]. »
  12. Ces cinq tableaux faisaient partie de la collection de l'école des Beaux-Arts de Paris mais ils devaient ensuite disparaître. Lors de l’exposition Moi, Auguste, empereur de Rome... de 2014 au Grand Palais, trois ressortent dans la présentation[30] comme étant un dépôt de l'École des Beaux-Arts au département des antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre ; elles sont récupérées par le conservateur de l’école. À ce jour manquent toujours les deux tableaux Scènes de magie[31].
  13. Layraud fera plus tard quelques portraits de Gambetta exposés au Musée de Cahors Henri-Martin[32]. En 1883, il peint la Chambre mortuaire de Gambetta, esquisse faite le lendemain de la levée du corps le , tableau acquis ensuite de l'artiste par l'État au Salon 1897 et actuellement exposé au Musée d'Orsay[33].
  14. « Décidément, c'est à croire que les moralistes ont raison en soutenant que la fréquentation des cours (ne pas confondre avec les cours dispensés par l'École des Beaux-Arts) exerce à la longue une influence énervante sur les jeunes talents. M. Layraud, notre ancien Prix de Rome, suffirait presque à démontrer l'exactitude de cette proposition. Après un séjour de quelques années en Portugal, auprès de la famille royale, il a exposé au Salon de 1878 deux portraits en pied, dans lesquels nous avons vainement cherché la touche énergique de l'auteur des Brigands et du Berger des Alpes. Rien n'est bizarre comme la rapidité avec laquelle on se transforme en peintre officiel lorsqu'on se confine dans ces compositions de parade, où tout est meuble, costume et convention. Par suite de ce concours de circonstances, M. Layraud, dont le tempérament artistique était hier encore si robuste, n'est plus aujourd'hui que l'ombre de lui-même. ... S'il reste encore quelque chose de l'ancien M. Layraud, nous lui donnons rendez-vous au Salon prochain, où nous espérons nous voir en de meilleurs termes[37]. »
  15. Née Pauline Louise Blot, elle est l’épouse d’Octave Saunier et vit avec lui au Portugal jusqu’à sa rencontre avec Layraud, dans ce pays, dans les années 1870. Quand le peintre rentre en France, il est accompagné de Madame Saunier, qui sera toujours présentée comme une parente de Layraud, pour préserver la morale. Il en est ainsi, par exemple, sur les actes de mariage des enfants de Mme Saunier, à Bruxelles et à Paris : Layraud, témoin des mariages, y est donné comme l’oncle des jeunes mariés. Artiste peintre elle-même, l’adresse que donne Madame Saunier pour le livret des salons auxquels elle participe est celle de Layraud, 32 rue Poussin à Auteuil. Elle est donnée comme élève de Layraud, Dessart et Cellière. Elle est peintre céramiste et expose ainsi L’Amour se désaltérant d’après Aubert en 1881, ou encore un Portrait de M. E. Maison, sur porcelaine, en 1885. Elle est aussi l’auteur d’un Portrait d’Ernest Hiolle, dessin qu’elle offre à la Société d’agriculture de Valenciennes peu après la mort du sculpteur, et actuellement conservé au musée de Valenciennes[38]. À sa mort le à Valenciennes, elle est inhumée dans la tombe où Layraud la rejoindra plus tard, avant de disparaître complètement : la pierre tombale ayant été détruite par vandalisme, et une rénovation récente n’a plus inscrit sur la pierre que le seul nom de Layraud[10],[39].
  16. Sur une très vaste toile, M. Layraud a représenté l'un des épisodes les plus dramatiques de l'histoire du Portugal. Don Aifonso IV, roi de Portugal, avait fait périr Inez de Castro que Don Pedro, son fils, venait d'épouser secrètement. Mais, devenu roi à son tour, Pedro fit couronner en présence de toute sa cour Inez, exhumée de son tombeau de Coïmbre. M. Layraud a composé et peint son œuvre avec une ardeur sombre et une énergie farouche dignes du sujet. Le cadavre d'Inez, assis de face sur un trône, couronné et revêtu d'habits royaux, est surtout un morceau de peinture remarquable, d'une riche couleur et d'une exécution savante. La figure de Pedro et le groupe des courtisans, à gauche, sont rendus également avec beaucoup de sévérité et de force[46],[45].
  17. Grand prix de Rome d'architecture en 1866, Jean-Louis Pascal est nommé à son retour d'Italie en 1871 inspecteur aux travaux du Louvre et des Tuileries, chargé de la reconstruction du pavillon de Flore et de la partie occidentale de la galerie du bord de l'eau. Il est nommé architecte de la Bibliothèque nationale de France en 1875 et s’adresse à son condisciple de la villa Médicis pour faire les copies des portraits de Louis XIV et de Louis XV de Hyacinthe Rigaud qui ornent le salon Louis XV, reconstitué avec son mobilier et son décor de l'hôtel de Nevers de 1741, dans l’ancienne Bibliothèque nationale de France[54],[55].
    Jean-Louis Pascal assume également à partir de 1875 les fonctions d'architecte diocésain de Valence et s'adresse pareillement au même Layraud pour un carton d'un des vitraux de la cathédrale, Le radeau de la Méduse du musée de la ville d'après le tableau de Géricault[50] et le Portrait de l'évêque de Valence de la galerie de l'évêché[51].
  18. Julien Dècle est banquier, juge au tribunal de commerce de Valenciennes et aussi acteur de la vie politique locale. En parallèle de sa carrière professionnelle, il est l’auteur, mais en dilettante, de nombreuses œuvres de peinture conservées au musée de Valenciennes, dont un portrait de Layraud[57]. Après la mort de Nicolle, il est appelé à la direction du musée de Valenciennes, dont il sera le conservateur de 1888 à 1903[10].
  19. On a vu Jonas, Layraud pense en particulier à Pierre Boissart (22 ans en 1900) qui concourt pour le prix de Rome, se recentre sur le professorat de dessin, s’ensuit une brillante carrière de professeur et parallèlement, de graveur et de peintre. Max Decrouez, né en 1878, professeur aux Académies de Valenciennes après la guerre de 1914-1918. Paul-Elie Gernez, ce dernier en 1930 décrit avec force détails quelques traits pittoresques de son maître, mais surtout reconnaît la qualité exceptionnelle de son enseignement. Maurice Ruffin, quant à lui, avec ses œuvres colorées, se trouve aux antipodes des quatre couleurs de base préconisées par Layraud. Lucien Jonas (portrait de Layraud en 1910) illustre bien la qualité des relations qui lient le maître, 70 ans, et ses jeunes élèves. Fernand Membré, aquarelliste, portrait par Layraud en 1898. Autres élèves de Layraud : Grégoire Nicolas Finez, Arthur Guillez, 2e Grand Prix de Rome, Georges Gonthier, Charles Hauville- Baudouin, René Leseurre architecte, Léon Jacquet d’Anzin, Ernest Roch, Florent Méreau, professeur à l’école des Beaux Arts de Douai ; chez les dames, Irma Mangeot, Jeanne Lemaire, Caroline Emilienne Drue, future Mme Ruffin
  20. Grand tableau destiné au musée de Valenciennes, il est exposé au Salon de 1913, puis on en perd la trace, même si les archives mentionnent son achat, avec participation de l’État à 50%, en 1912. Peut-être n’est-il jamais parvenu physiquement au musée du fait de la « Grande » guerre[10] ?

Références

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  1. a et b Acte naissance, Archives départementales de la Drôme, 2 Mi 993/R1 - 1831-1874 (p. 36-37/684) [lire en ligne]
  2. a et b Acte décès, Archives départementales du Nord, Valenciennes / D [1913-1913] (p. 150/200) [lire en ligne]
  3. L'école des Beaux-Arts et ses bâtiments au XIXe siècle, Charlotte Denoël [lire en ligne]
  4. Salon des artistes français (1859) [lire en ligne]
  5. Palmarès du Prix de Rome 1860 [lire en ligne]
  6. Salon des artistes français (1861) [lire en ligne]
  7. Un curieux portrait du chansonnier Pierre Dupont, La Lanterne, [lire en ligne]
  8. Le Portrait de Pierre Dupont, five colleges Deerfield (USA) [lire en ligne]
  9. Dix églogues : poèmes bucoliques, Pierre Dupont, 1864 [lire en ligne]
  10. a b c d et e Le rêve du peintre Joseph-Fortuné Layraud, exposition 2013 au Musée des beaux-arts de Valenciennes [lire en ligne]
  11. Palmarès du Prix de Rome 1863 [lire en ligne]
  12. Concours de l'École impériale des Beaux-Arts, François-Fortuné Guyot de Fère, [lire en ligne]
  13. a et b Joseph Fortunet Séraphin Layraud (1833 – 1913), conférence de Jean Claude Poinsignon [lire en ligne]
  14. Dictionnaire universel des contemporains, Gustave Vapereau, L. Hachette (Paris), 1880 [lire en ligne]
  15. Buste par Ernest Hiolle [lire en ligne]
  16. a b et c « Cote LH/1631/34 », base Léonore, ministère français de la Culture
  17. Les envois de Rome de 1863 à 1914, thèse de France Lechleiter, 2008, p. 250-252 [lire en ligne]
  18. Envois de Rome (1866), Théophile Gautier, L'Illustration, [lire en ligne]
  19. a et b Portrait de Franz Liszt, 1869, Valenciennes, musée des Beaux-Arts [lire en ligne]
  20. Lettres de Liszt à la princesse Carolyne Sayn-Wittgenstein, lettre no 415 du [lire en ligne]
  21. Portraits du siècle : 1789-1889, catalogue, p. 52 [lire en ligne]
  22. Le Martyre de Saint-Sébastien, église Saint-Christophe, La Roche-sur-le-Buis [lire en ligne]
  23. La Descente de croix, église Saint-Martin, Vert-le-Petit [lire en ligne]
  24. Exposition internationale de Londres 1871, Gazette des Beaux-Arts [lire en ligne]
  25. a et b Peintres et sculpteurs contemporains, Jules Claretie, Charpentier (Paris), 1874 [lire en ligne]
  26. (en) Brigands et captifs, National gallery of Victoria (1882) [lire en ligne]
  27. Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 1870, Vol. 14, no 1, p. 28-29 [lire en ligne]
  28. a et b Bulletin de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Journal officiel de l'Empire français, [lire en ligne]
  29. Promenades archéologiques : Rome et Pompéi, Gaston Boissier, Hachette (Paris), 1880, p. 80-84 [lire en ligne]
  30. Moi, Auguste, empereur de Rome..., Grand Palais, 19 mars – 13 juillet 2014, dossier de presse, p. 27 [lire en ligne]
  31. Les peintures du Palatin, deux scènes de magie, Georges Perrot (1832-1914) [lire en ligne]
  32. Le fonds Gambetta, musée de Cahors [lire en ligne]
  33. Chambre mortuaire de Gambetta, Musée d'Orsay [lire en ligne]
  34. Supplice de Marsyas, Musée d'Épinal [lire en ligne]
  35. Famille royale du Portugal, 1876, Palais national d'Ajuda [lire en ligne]
  36. Musée de Troyes, don du comte Armand, ministre plénipotentiaire de France en Portugal [lire en ligne]
  37. a et b Salon des artistes français (1878) [lire en ligne]
  38. Portrait d'Ernest Hiolle, Pauline Saunier [lire en ligne]
  39. a et b Tombe de Joseph-Fortuné Layraud, Cimetière Saint-Roch, Valenciennes [lire en ligne] ou [lire en ligne]
  40. Vierge de Douleur, église Saint-Christophe, La Roche-sur-le-Buis [lire en ligne]
  41. Exposition universelle de 1900, L. Baschet (Paris), 1900 [lire en ligne]
  42. Salon de 1881 [lire en ligne]
  43. Catalogue de l'exposition universelle Amsterdam de 1883 [lire en ligne]
  44. Diogène, catalogue du Musée de Narbonne [lire en ligne]
  45. a et b Une cigale au Salon de 1882, Emmanuel Ducros [lire en ligne]
  46. La Mort d'Ines de Castro, Le Monde illustré, 1882 [lire en ligne]
  47. Achat de l'État (1883=, Musée de Constantine (Algérie) [lire en ligne]
  48. Le Marteau-pilon, Forges et aciéries de Saint-Chamond, Ecomusée du Creusot-Montceau [lire en ligne]
  49. Layraud (Fortuné-Joseph-Séraphin), Médaille de bronze à l'Exposition universelle de 1889 [lire en ligne]
  50. a et b Le radeau de la Méduse, Notice des tableaux et objets d'art : musée de Valence, 1899 [lire en ligne]
  51. a et b Gueulette (Nicolas-Edouard-François) (1865-1874) [lire en ligne]
  52. Portrait de femme au chapeau noir, musée Bonnat [lire en ligne]
  53. La sculpture, salon des Arts, Hôtel de ville de Paris [lire en ligne]
  54. Salon Louis XV, Jean-Louis Pascal (1837-1920) [lire en ligne]
  55. Jean-Louis Pascal ou le respect du patrimoine, Anne Richard-Bazire [lire en ligne]
  56. Portrait de Julien Dècle, conservateur du musée de Valenciennes [lire en ligne]
  57. Portrait de Joseph Fortuné Layraud, Julien Benoit Dècle [lire en ligne]
  58. Portrait du peintre Layraud, Lucien Jonas [lire en ligne]
  59. (en) Wenceslau Cifka [lire en ligne]

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