Kresy

région historique

Les Kresy, pluriel qui signifie « périphérie » ou « frontière » en polonais et équivaut au français « confins », correspondent au territoire oriental de la république des Deux Nations, qui était la réunion de la couronne de Pologne et du grand-duché de Lituanie. Aujourd'hui, ce terme n'a qu'un sens historique[1].

Voïvodies polonaises de 1922 à 1939. À cette époque, les « Kresy » correspondent aux six régions orientales.

Histoire

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Le sens et la portée géographique du terme « Kresy » est complexe et a évolué au fil du temps. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le nom propre « Kresy » (écrit avec une majuscule) désigne une bande étroite de terres frontalières dans la partie sud-est de la république des Deux Nations sur laquelle sont cantonnées des unités militaires du Royaume.

L'introduction du terme dans le vocabulaire polonais au sens actuel est le fait du poète et géographe polonais Wincenty Pol qui l'emploie dans sa rhapsodie Mohort, publiée en 1854, pour désigner une région frontalière éloignée vivant à son propre rythme[2]. À cette époque, la république des Deux Nations n'existe plus et, peu de temps après, le terme acquiert une signification géographique plus large. Il désigne les territoires du sud-est de l'ancien État polono-lituanien, annexés par l'Empire russe à la suite des partages de la Pologne, situés à l’est des fleuves Boug et Niémen. Dans la nomenclature russe, ces terres sont appelées « gouvernement du sud-ouest » ou « pays du sud-ouest ».

Le terme Kresy ne deviendrait donc populaire dans la langue polonaise que durant 1795-1919, période durant laquelle la Pologne est rayée de la carte européenne[2].

Après le recouvrement de l'indépendance par la Pologne en 1918, dans la période durant l'entre-deux-guerres, « Kresy » désigne les six voïvodies orientales de la deuxième république de Pologne.

En , en application du pacte Hitler-Staline, l'Union soviétique annexe les Kresy plus Białystok et Lwów, et les intègre dans les républiques socialistes soviétiques d'Ukraine et de Biélorussie (qui laisse neuf mois plus tard la région de Wilno à la Lituanie, elle-même alors annexée et transformée en république soviétique). En 1941, le Troisième Reich prend le contrôle de la région, avant de la céder en 1944 à l'URSS.

Cette situation est confirmée après la Seconde Guerre mondiale, la conférence de Yalta s'appuyant sur la ligne Curzon, sauf pour Białystok qui est rendue à la Pologne[3]. Le gouvernement polonais en exil, cependant, ne reconnaîtra jamais cet accord. En Pologne communiste, le terme « Kresy » est supprimé du dictionnaire des termes nationaux polonais. Du fait de la politique des autorités communistes polonaises subordonnées à l'Union soviétique, c'est en pratique un mot interdit. À la place, les termes dérivés de la terminologie soviétique « Biélorussie occidentale » et « Ukraine occidentale » sont alors employés[4].

Depuis la dislocation de l'Union soviétique, ces territoires appartiennent aux trois nouveaux États indépendants que sont la Biélorussie, la Lituanie et l'Ukraine. L'historiographie polonaise a retrouvé la liberté d'utiliser le terme « Kresy », mais en même temps un nouveau terme, plus neutre est recherché qui serait moins polono-centré pour les historiens des pays frontaliers de la Pologne[5].

Étymologie

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Le mot Kres est un germanisme, emprunté au moyen bas allemand « Kres » et fixé dans l'écrit au XVIIIe siècle, après les partages des territoires polonais entre la Prusse, l'Autriche et la Russie, par lequel les colons prussiens du Drang nach Osten désignaient la zone au-delà de leurs implantations[6]. Le mot correspondant en allemand moderne est Kreis, qui signifie au sens littéral « cercle » et, au sens d'un découpage territorial, « arrondissement ».

En polonais, le mot kres au singulier signifie « frontière, limite », tandis que le même terme au pluriel, kresy, désigne « la partie du pays située près de cette frontière, en particulier les anciens territoires polonais de l’Est »[7].

Villes principales

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Langue maternelle de la population des 24 villes principales des Kresy selon le recensement polonais de 1931[8]
Ville Population Polonais Yiddish et hébreu Allemand Ukrainien et ruthène Biélorusse Russe Lituanien Autre Fait aujourd'hui partie de :
Lwów 312 231 63 % 24 % 1 % 11 % 0 % 0 % 0 % 0 %   Ukraine
Wilno 195 071 66 % 28 % 0 % 0 % 1 % 4 % 1 % 0 %   Lituanie
Stanisławów 59 960 44 % 38 % 2 % 16 % 0 % 0 % 0 % 0 %   Ukraine
Grodno 49 669 47 % 42 % 0 % 0 % 3 % 8 % 0 % 0 %   Belarus
Brześć 48 385 43 % 44 % 0 % 1 % 7 % 5 % 0 % 0 %   Belarus
Daugavpils 43 226 21 % 27 % - - 2 % 19 % - 30 %   Lettonie
Borysław 41 496 55 % 25 % 1 % 19 % 0 % 0 % 0 % 0 %   Ukraine
Równe 40 612 28 % 56 % 1 % 8 % 0 % 7 % 0 % 1 %   Ukraine
Tarnopol 35 644 78 % 14 % 0 % 8 % 0 % 0 % 0 % 0 %   Ukraine
Łuck 35 554 32 % 49 % 2 % 9 % 0 % 6 % 0 % 1 %   Ukraine
Kołomyja 33 788 65 % 20 % 4 % 11 % 0 % 0 % 0 % 0 %   Ukraine
Drohobycz 32 261 58 % 25 % 0 % 16 % 0 % 0 % 0 % 0 %   Ukraine
Pińsk 31 912 23 % 63 % 0 % 0 % 4 % 9 % 0 % 0 %   Belarus
Stryj 30 491 42 % 31 % 2 % 25 % 0 % 0 % 0 % 0 %   Ukraine
Kowel 27 677 37 % 46 % 0 % 9 % 0 % 7 % 0 % 0 %   Ukraine
Włodzimierz 24 591 39 % 43 % 1 % 14 % 0 % 3 % 0 % 0 %   Ukraine
Baranowicze 22 818 43 % 41 % 0 % 0 % 11 % 4 % 0 % 0 %   Belarus
Sambor 21 923 62 % 24 % 0 % 13 % 0 % 0 % 0 % 0 %   Ukraine
Krzemieniec 19 877 16 % 36 % 0 % 42 % 0 % 4 % 0 % 1 %   Ukraine
Lida 19 326 63 % 33 % 0 % 0 % 2 % 2 % 0 % 0 %   Belarus
Czortków 19 038 55 % 26 % 0 % 19 % 0 % 0 % 0 % 0 %   Ukraine
Brody 17 905 45 % 35 % 0 % 20 % 0 % 0 % 0 % 0 %   Ukraine
Słonim 16 251 52 % 41 % 0 % 0 % 4 % 2 % 0 % 0 %   Belarus
Wołkowysk 15 027 50 % 39 % 0 % 0 % 7 % 5 % 0 % 0 %   Belarus

Notes et références

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  1. Małgorzata Kowalska, « Des confins de l'Europe à l'Europe des confins », dans Pierre-Wilfrid Boudreault, Denis Jeffrey, Identités en errance : Multi-identité, territoire impermanent et être social, Presses de l'Université Laval, , 201 p. (ISBN 978-2763784212, lire en ligne), p. 35.
  2. a et b Sylvain Witkowski, « Kresy » où le tropisme des confins dans les relations de la Pologne avec ses voisins orientaux : Lituanie, Biélorussie et Ukraine (mémoire), Institut d'études politiques de Lyon, , 121 p. (lire en ligne [PDF]), p. 11.
  3. (pl) Dz.U. 1946 nr 2 poz. 5 : Ustawa z dnia 31 grudnia 1945 r. o ratyfikacji podpisanej w Moskwie dnia 16 sierpnia 1945 r. umowy między Rzecząpospolitą Polską a Związkiem Socjalistycznych Republik Radzieckich o polsko-radzieckiej granicy państwowej. [« Loi du portant ratification de l'accord signé à Moscou le entre la République de Pologne et l'Union des Républiques socialistes soviétiques concernant la frontière polono-soviétique »], Diète de Pologne, sur Internetowy System Aktów Prawnych (pl).
  4. Catherine Gousseff, « Des Kresy aux régions frontalières de l'URSS. Le rôle du pouvoir stalinien dans la destruction des confins polonais », Culture d'Europe centrale,‎ , p. 25-46 (lire en ligne).
  5. (pl) Jan Szumski (pl), Sowietyzacja Zachodniej Białorusi 1944–1953. Propaganda i edukacja w służbie ideologii [« La soviétisation de la Biélorussie Occidentale 1944-1983. Propagande et éducation au service de l'idéologie »], Cracovie, ARCANA, , 1re éd., 362 p. (ISBN 978-83-60940-21-1).
  6. (pl) Stanisław Dubisz (pl), Granice i pogranicza, język i historia : materiały międzynarodowej konferencji naukowej, Varsovie, Université de Varsovie, 27-28 mai 1993, 239 p. (ISBN 83-85466-60-6), p. 43,45.
  7. (pl) Słownik języka polskiego, t. 1, Varsovie, PWN, , p. 1044.
  8. (pl) Piotr Eberhardt, Problematyka narodowościowa Łotwy, Académie polonaise des sciences, coll. « Zeszyty IGiPZ PAN » (no 54), , 30, tableau 7 (lire en ligne [PDF]), sur Repozytorium Cyfrowe Instytutów Naukowych .

Sources

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Sur les autres projets Wikimedia :

  • (pl) Encyklopedia Gazety Wyborczej [« Encyclopédie de Gazeta Wyborcza »], t. 9 : krema – ludno, Cracovie, Mediasat Poland / Mediasat Group, Wydawnictwo Naukowe PWN, Agora (ISBN 978-83-89651-44-0, 84-9789-829-X et 83-89651-44-0), « Kresy », p. 9−10.
  • T. Snyder, La reconstruction des nations : Pologne, Ukraine, Lituanie, Bélarus (1569-1999), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Histoires », .

Articles connexes

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