Lorraine allemande
La Lorraine allemande est le nom traditionnel donné jusqu'au XIXe siècle à la partie germanophone de la Lorraine. Cette appellation était utilisée tant par les Lorrains germanophones que par l’administration ducale, royale, révolutionnaire puis impériale[n 1].
Le terme « allemand » ayant pris de l'ambiguïté à la suite de l'unification allemande et de la possession d'une partie de la Lorraine par l'Empire allemand entre 1871 et 1918, l'emploi du nom « Lorraine allemande » disparait progressivement au XXe siècle, époque à laquelle les noms « Lorraine germanophone », « Lorraine francique » et « Lorraine thioise » font leur apparition.
Les habitants de cette région linguistique étaient appelés Lorrains allemands, à l'instar du gentilé Suisses allemands pour la Suisse allemande.
Situation territoriale
modifierCette entité culturelle et linguistique, qui représente une partie du Westrich[1], n’a jamais connu d'unité politique ou administrative. Avant leur rattachement progressif à la France du XVIIe siècle au XVIIIe siècle, les divers territoires de la Lorraine allemande relevaient du Saint-Empire romain germanique mais le morcellement féodal avait conduit à la coexistence de fiefs relevant selon les cas du duché de Lorraine (formant le bailliage d'Allemagne), de la principauté épiscopale de Metz, ou encore de diverses petites principautés ecclésiastiques ou laïques qui bénéficièrent jusqu’à la Révolution française de l’immédiateté impériale.
Le traité de Ribemont de 1179 démembre le duché de Lorraine et assure à Ferry Ier la possession des territoires lorrains de langue allemande avec Bitche pour capitale[2]. Simon II, son frère, conserve quant à lui le reste du duché qui sera finalement réunifié en 1205 sous Ferry II.
XVIIIe siècle
modifierEn 1771, la Lorraine allemande est traversée par la Sarre qui y reçoit la Blies et la Nied ; elle est délimitée à l'est par la basse-Alsace et le duché de Deux-Ponts, au nord par le Palatinat et l'électorat de Trèves, à l'ouest et au sud par le pays messin[3]. À la même époque, selon Robert de Hesseln, les lieux les plus remarquables de la Lorraine allemande sont : Sarreguemines, Bitche, Sarralbe, Dieuze, Lixheim, Fénétrange, Boulay, Schambourg, Bouquenom et Bouzonville[3].
D'après Girault de Saint-Fargeau, les territoires administratifs suivants font partie de la Lorraine allemande au XVIIIe siècle : le bailliage de Dieuze, le bailliage de Lixheim, la principauté de Phalsbourg, le bailliage de Château-Salins, le bailliage de Fénestrange, le bailliage de Sarreguemines, le bailliage et comté de Bitche, le bailliage de Boulay, le comté de Créhange, le bailliage de Bouzonville et le Luxembourg français[4].
En 1790, à l’époque de la Révolution, des députés du bailliage de Sarreguemines réclament la création d’un département spécifique de « Lorraine allemande », qui aurait comme chef-lieu Saint-Avold ou Sarreguemines ; demande qui est rejetée par l'Assemblée constituante à Paris[5],[n 2]. La Lorraine allemande est finalement partagée en deux départements en grande partie francophones : la Moselle et la Meurthe. En , une partie de la Lorraine allemande, le comté de Sarrewerden[6], est rattachée au département du Bas-Rhin[7].
XIXe siècle
modifierL'excroissance géographique qui va de Vaudrevange jusqu'à Tholey est cédée à la Prusse via le traité de Paris de 1814 (canton de Tholey) et via celui de 1815 (canton de Relling, canton de Sarrelouis)[8].
À l'issue de la guerre franco-prussienne de 1870, l’Empire allemand obtient en 1871 via le traité de Francfort la quasi-totalité de l'Alsace et une partie de la Lorraine correspondant à l'actuel département de la Moselle. La région annexée est alors désignée sous le nom de Reichsland Elsaß-Lothringen, ce qui est alors traduit en France par « Alsace-Lorraine » et, après , par « Alsace-Moselle »[n 3]. La partie lorraine de ce Reichsland correspond à l'entité administrative appelée le Bezirk Lothringen, ce qui est parfois traduit par « Lorraine allemande »[9],[10],[11] lorsqu'il est question de cette époque. Dès lors le mot « allemande » perd son sens purement linguistique car, indépendamment des critères linguistiques et culturels antérieurs, une partie de cette entité (Metz, Delme et Vic entre autres) n'est pas traditionnellement germanophone.
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Aux électeurs de Lorraine Allemande (1848), document BNF.
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An die Wahlmänner des Deutsch-Lothringens (1848), document BNF.
Linguistique
modifierÀ la fin du XIXe siècle, la limite linguistique romano-germanique de Lorraine suit une ligne allant du Donon au sud-est à Rédange (Redingen) au nord-ouest[12]. La partie située à l’est de cette limite, qui constitue une partie du département de la Moselle, était désignée jusqu'en 1870 sous le nom de Lorraine allemande et ses habitants sous le nom de « Lorrains allemands », « Allemands de Lorraine ».
Nancy, la capitale historique du duché de Lorraine, et Metz, l'ancien chef-lieu de la région Lorraine, se situent toutes deux dans la partie historiquement francophone. Précisons que Metz a comporté, durant l’annexion de 1871-1918, une importante communauté germanophone[13], du fait de l'émigration de nombreux Français refusant cette annexion et l’installation de Lorrains de la Lorraine germanophone, où la natalité était forte, et de l’immigration allemande, nécessairement puissante dans un chef-lieu et forteresse militaire[14]. La toponymie témoigne de cette limite linguistique : il y a ainsi de part et d’autre de l’ancienne frontière linguistique Audun-le-Tiche (Deutsch-Oth) et Audun-le-Roman (Welsch-Oth). De même, la rivière Nied est composée de la Nied allemande (deutsche Nied) et de la Nied française (französische Nied), qui suivent presque exactement la limite linguistique et non pas la frontière politique[15].
C'est le duc Mathieu II de Lorraine (1193-1251) qui est le premier à ordonner que les actes publics soient écrits en français dans le pays roman et en allemand dans la Lorraine allemande[16]. Dom Calmet témoigne expressément pour le dix-huitième siècle comme pour le treizième, qu'une partie de la Lorraine parle l'allemand et l'autre le français, et que sur les frontières la plupart des peuples parlent ces deux langues[17]. Par ailleurs, Robert de Hesseln indique vers 1771 que « L'idiôme de cette partie de la Lorraine est l'Allemand ; mais tel qu'il ne seroit peut-être pas entendu dans une des villes d'Allemagne »[3].
D'après Henri de Sybel, la partie Nord-Est de la Lorraine s'appelait l'Allemagne dans la bouche du peuple, les habitants en étaient allemands, presque sans mélange ; jusqu'en 1748, les délibérations officielles s'y faisaient en allemand, l'instruction s'y donnait en allemand, la justice s'y rendait aussi en allemand dans toutes les instances[17].
Historique du terme
modifierL’appellation « Lorraine allemande » fait son apparition dans les ouvrages francophones au minimum dès 1692[18]. Son équivalent en langue allemande, soit Deutsch-Lothringen, fait quant à lui son apparition au minimum dès 1742[19].
Avant la Renaissance et jusqu'au XIXe siècle, les habitants de la Lorraine allemande se désignaient eux-mêmes comme Deutschlothringer (Lorrains allemands) et leur langue comme « Deutsch », y compris à une époque où il n’existait pas encore de langue allemande normée commune à l’ensemble de l’espace germanophone. Avant l'unification allemande de 1871, le terme « Deutsch » ne renvoyait pas à une notion politique ou géographique (citoyen ou habitant de l’Allemagne) mais à une communauté linguistique rassemblant l’ensemble des populations de langue allemande, quelle que soit leur nationalité[20]. Ce terme ne recouvrait pas uniquement la langue allemande normée (l’allemand standard, langue officielle dans plusieurs États européens) mais l’ensemble composé par la langue normée, les différentes formes d’allemand régional (regionale Umgangssprache) et l’ensemble des dialectes et sociolectes de l’espace germanophone. Les habitants de la Lorraine francophone étaient désignés par leurs voisins germanophones sous le terme de « Welschlothringer », l’adjectif Welsch désignant plus généralement toutes les populations de langue romane[21].
L’appellation de Lorraine allemande a trouvé sa consécration dans la terminologie officielle. Le Duché de Lorraine fut découpé au XIIIe siècle en trois bailliages (districts administratifs et judiciaires) : le bailliage de Nancy, le bailliage des Vosges et le bailliage d'Allemagne, dont la capitale fut d’abord Vaudrevange (Wallerfangen) avant d’être transférée à Sarrelouis (Saarlouis) en 1680 puis à Sarreguemines (Saargemünd) en 1698[22],[n 4]. En 1630, le duc François II manifestait la volonté que « la langue allemande soit entretenue, voire cultivée, dans notre comté [Saarwerden], en faveur de nos sujets allemands qui sont environ un tiers des habitants de la Lorraine »[22],[n 5]. En 1760, Voltaire fait la remarque suivante au comte de Tressan : « Vous voilà gouverneur de la Lorraine allemande : vous aurez beau faire, vous ne serez jamais Allemand [...] La Lorraine allemande vous fait-elle oublier l'Académie française, dont vous seriez l'ornement ? »[23].
En 1823, Johan Jacob Weber, originaire de Boulay (Bolchen) et curé (archiprêtre) de Volmunster (Wolmünster) dans le pays de Bitche, publia un ouvrage intitulé Etwas Gegengift wider den Zeitgeist für den gemeinen Mann in Deutsch-Lothringen (« Un peu d'antidote contre l’esprit du temps, pour l’homme ordinaire de Lorraine allemande »)[24]. En 1848, l'Assemblée nationale constituante rédige en allemand standard un document destiné aux électeurs de la Lorraine allemande[25].
En 1869, deux ans avant la première annexion par l'Allemagne, une pétition intitulée « Pétition en faveur de l'enseignement simultané du français et de l'allemand dans les écoles primaires de la Lorraine allemande (Moselle) - Les habitants de la Lorraine allemande (Moselle) à Sa Majesté l'Empereur » fut adressée à Napoléon III après la décision du conseil départemental de l’éducation de la Moselle de supprimer l’enseignement de l’allemand. Un exemplaire de cette pétition est déposé aux Archives départementales de la Moselle. Cette pétition est très claire quant à la perception de leur langue par les Mosellans germanophones de l’époque. La pétition de 1869 commence par la phrase suivante : « Nous prenons la respectueuse liberté de porter devant Votre Majesté nos humbles doléances au sujet du système de proscription, adopté dans nos écoles primaires, contre l'enseignement de l'allemand, notre langue maternelle». Les signataires refusent pour l’allemand la qualification de langue étrangère et incluent dans cette désignation à la fois la langue littéraire et le dialecte (« N'est-ce pas aussi nous faire une insulte sanglante que d'assimiler à une langue étrangère au milieu de nous, notre vieille langue maternelle, la langue parlée par nos ancêtres, sans interruption et à l'exclusion de tout autre, depuis plus de 2000 ans.»)[26].
Cette demande témoigne que dans l'esprit des mosellans de l'époque la notion de langue allemande ou d' allemand ne coïncide pas encore avec le sens que ces mots ont commencé à prendre après la fin du premier Empire dans plusieurs États de ce qui constituait un embryon de la future Allemagne : la confédération germanique. Certains mouvements pangermanistes développent progressivement l'idée que tous ceux qui parlent l'allemand doivent former une nation allemande, Cela se concrétisera en 1866 par la confédération d'Allemagne du Nord puis en 1871 par la création du second Empire germanique en 1871 sous la domination prussienne. Il fut encore longtemps d’usage dans les dialectes mosellans de désigner les Allemands en général, et les voisins sarrois en particulier, comme « d’Prèisse » (les Prussiens, la Sarre étant devenue territoire prussien après 1815), et non pas comme «d’Dèitsche/Ditsche» puisque dans la conception qui prévalait jusqu’à l’annexion de 1871. Un Lorrain germanophone était à la fois Français (citoyen français) et Deutsch (de langue et culture allemandes), ce qui ne signifiait en aucun cas une adhésion de cœur à la nationalité allemande. Ce n’est que plus tard que le terme « Dèitsch/Ditsch » s’est généralisé pour désigner ce qui se rapporte à l’Allemagne stricto sensu. Au XXIe siècle, nombre de Lorrains germanophones désignent leur langue maternelle comme « Dèitsch/Ditsch » ou « Plattdèitsch/Plattditsch » lorsqu'ils se réfèrent au seul dialecte et précisent « Hochdèitsch/Hochditsch » s’ils veulent se référer à la langue allemande littéraire normée. D'autres termes ont cependant fait leur apparition en raison des événements ultérieurs.
Ce n'est en effet qu'après 1918 que la notion de Lorraine allemande deviendra beaucoup plus ambigüe, certains continuant à se situer dans le cadre de la conception traditionnelle, d'autres faisant référence à l'actuel département de la Moselle dont seulement une partie était traditionnellement de langue allemande, le reste ayant été germanisé. Après le second conflit mondial et les tentatives d'assimilation forcée par le régime nazi, le terme Lorraine allemande avait pris une nouvelle signification et de ce fait sa disparition était inéluctable. Les appellations « Lorraine allemande » ou « Lorraine de langue allemande » et leur équivalent allemand "Deutsch-Lothringen/Deutschlothringen" ont cependant été utilisées dans toute une série d'articles historiques faisant référence à la situation avant 1870 publiés en français et en allemand entre 1929 et 2002 par l'historien sarregueminois Henri Hiegel [27] dans diverses revues d'histoire régionale [28]. L'expression «Lorraine allemande» est également utilisée par les historiens Gérard Bodé, Pascal Flaus, Pierre Horn et Denis Schneider [29]. Dans une présentation de l'ouvrage «Pour Dieu et pour le Roi. Le combat pastoral et «politique» de Jean-Jacques Weber 1767-1833), archiprêtre de Volmunster et de Rohrbach» [30] coécrit avec Henri Hiegel, faite à l'occasion des « Journées d'Études Mosellanes », Gérard Henner indique «Est-ce que les actuels habitants de Volmunster sauront lire en notre livre le destin tumultueux de leurs ancêtres, frappés de plein fouet par les événements nationaux et si proches des frontières...? En tout cas, nous Lorrains de la Lorraine-Allemande (Weber la délimite de Sierck aux Vosges, en passant par Boulay, Forbach, Sarreguemines et Sarrebourg) nous nous y retrouverons bien pour ce qui concerne 1823»[31].
Mentions du gentilé
modifierEn français, le gentilé est mentionné sous la forme Lorrains allemans en 1635[32], puis Lorrains-Allemands en 1758[33], 1809[34], 1844[35] et 1851[36] ; ainsi que sous la graphie Lorrains allemands en 1859[37], 1864[38] et 1866[39].
En allemand, ce gentilé est mentionné sous la forme Deutsch-Lothringer en 1841[40] et en 1869[41].
Apparition de l'appellation « Lorraine francique »
modifierL'ambiguïté du terme « Lorraine allemande » étant devenue gênante en raison du sens pris par le mot « allemand » depuis 1870 puis sous le régime nazi, il fallait bien désigner ce territoire par un terme nouveau, non pour en nier les aspects plus anciens mais pour couper avec les connotations nationalistes du mot. Certains utilisèrent « Lorraine germanophone » ou « Lorraine thioise » mais le concept de « Lorraine francique » se répandit. Cette dénomination a l'avantage de faire référence à l'implantation géographique et à l'histoire de la langue pratiquée. C'est une langue apparentée à celle des francs et située sur le territoire lorrain. La désignation de « Lorraine francique », et son corollaire la « langue francique lorraine » pour désigner la langue régionale de Lorraine germanophone, ne fait pas l'unanimité linguistiquement parce que la Lorraine germanophone comporte une petite zone où l’on parle un dialecte qui présente certains caractères du Bas-alémanique du groupe de l’allemand supérieur. Cela concerne en fait partiellement 5 des 108 points d'enquête de l'atlas linguistique de Lorraine germanophone[42]. La dialectologie allemande subdivise certes les principaux dialectes allemands parlés en Moselle, en dehors de la petite zone citée précédemment, en francique mosellan, francique luxembourgeois et francique rhénan lorrain. Mais Il n'existe pas de langue francique uniforme ou normée (« langue toit ») on fait référence à un continuum dialectal[43]. Ce continuum relève du moyen-allemand et plus précisément du Westmitteldeutsch (moyen allemand de l’ouest). L'ensemble des dialectes mosellans est désigné par certains sous le terme générique de Lothringerdeutsch (allemand de Lorraine)[44], par d'autres sous le terme de lothringisch, par d'autres encore sous le terme de francique de Lorraine. Cette dernière appellation est reprise en particulier par Albert Hudlett, professeur à l'université de Haute Alsace dans son ouvrage charte de la graphie harmonisée des parlers franciques -platt- de la Moselle germanophone.
Historiquement l'origine franque de ces dialectes est incertaine. Les historiens sont partagés sur l’origine du peuplement de la Lorraine allemande et donc sur l’origine des dialectes qui y sont parlés. Il est cependant certain que les francs se sont établis sur ce territoire, La revendication d’une filiation directe de la langue régionale de Lorraine allemande avec la langue de Charlemagne et de Clovis relève partiellement du mythe[45] car ces deux figures historiques n'ont pas implanté systématiquement leur langue dans les territoires qu'ils ont conquis. La langue a ensuite subi de nombreuses évolutions, à la suite de l'immigration, principalement après la guerre de Trente Ans, de populations venues du Tyrol, de Suisse alémanique et de Bavière (zones où l’on parle des dialectes de l’allemand supérieur).La langue parlée a également interféré avec l’allemand littéraire, langue écrite, de culture et du culte depuis la fin du XVe siècle[46],[47].
Discussion sur la dénomination des dialectes lorrains
modifierLes événements politiques de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle ont altéré le sens du mot « allemand ». La désignation de Lorraine allemande et l’attachement des Lorrains germanophones à leur langue maternelle allemande sont attestés jusqu’au XXe siècle par des documents historiques et des témoignages. Ce n'est qu’au XXe siècle que l’appellation de « Lorraine francique » est revendiquée par Daniel Laumesfeld dans une thèse de doctorat soutenue à la fin des années 1970. Cette dernière appellation est destinée à marquer la différence avec l'allemand standard. C'est une démarche volontariste car le vocabulaire usuel est marqué idéologiquement depuis la Seconde Guerre mondiale et il faut clarifier le rapport avec l'Allemagne.
Ce qualificatif n'est pas utilisé spontanément par l'ensemble des Lorrains germanophones. Parmi les frontaliers lorrains germanophones interrogés dans le cadre de deux études de terrain, aucun n’a désigné sa langue comme « francique » ou « Fränkisch », les désignations employées étant « allemand », « platt », « platt lorrain », « dialecte » ou, dans le nord, « luxembourgeois »[48],[49]. Cette désignation « luxembourgeois » tient à la fois de l'usage dans ce nord et de l'état Luxembourgeois et de ses institutions qui proposent ou fixent une définition de la langue luxembourgeoise. Le journaliste Jacques Gandebeuf a rassemblé des témoignages de Mosellans ayant vécu l’annexion de fait de 1940-45, qui comportent de nombreux passages dans lesquels les témoins désignent leur langue maternelle comme « dialecte allemand », « patois allemand » ou tout simplement « allemand ». Un témoin racontant ses souvenirs d’enfant indique à propos des soldats allemands : « Moi je ne les percevais pas comme nos ennemis puisqu’ils parlaient notre langue » ; un autre témoin raconte : « J’étais reçu major de promotion en allemand. Je voulais leur montrer que j’étais aussi capable qu’eux. C’était notre langue ! »[50],[51].
Cependant le mot « francique », malgré sa nouveauté gagne du terrain et bon nombre de Lorrains s'y reconnaissent aujourd'hui. Il permet de distinguer la langue régionale parlée de l'allemand standard, même si de par le continuum linguistique, il existe un lien fort entre les deux. Ce terme est fréquemment utilisé dans la presse et dans nombre d'ouvrages. Dans son ouvrage Moselle plurielle. Identité complexe et complexes identitaires, paru en 2010, Albert Weyland mentionne « la langue allemande dans sa version francique »[52]. Gérard Botz a publié en 2013 L'histoire du francique en Lorraine - Lothringer Platt[53].
Personnalités notables
modifier- Famille de Brucken (XIIe – XVe siècle)
- Mathias Robert de Hesseln (1731 - ap. 1780), professeur d'allemand puis cartographe
- Angelika Merkelbach-Pinck (1885 - 1972)
- Wolfgang Musculus alias Wolfgang Meuslin (1497 - 1563)
- Michel Ordener (1755 - 1811), général dialectophone
- Louis Pinck (1873 - 1940) folkloriste
- Henri Hiegel (1910 - 2001) historien de la Moselle
Notes et références
modifierNotes
modifier- Voir Premier Empire (1804-1815) et Second Empire (1852–1870).
- La demande des députés est conservée aux Archives nationales, Document D IV bis 11, dossier 235.
- Par la directive du 14 août 1920 du sous‑secrétaire d’État à la présidence du Conseil, adressée au commissaire général de la République à Strasbourg, l'appellation d'« Alsace‑Lorraine » a été interdite, afin d'éviter les confusions (cf. Céline Gueydan, « La constitutionnalisation du droit local d’Alsace‑Moselle et la question prioritaire de constitutionnalité », in Revue française de droit constitutionnel, no 96, 2013
- Vaudrevange et Sarrelouis se trouvent aujourd’hui dans le Land allemand de la Sarre.
- Une copie manuscrite de cet acte se trouve aux Archives nationales, K 1195, no 48
Références
modifier- L. Benoît, « Notes sur la Lorraine allemande : Le Westrich », in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine, seconde série, volume 3, Nancy, A. Lepage, 1861
- Robert Parisot, Histoire de Lorraine (duché de Lorraine, duché de Bar, Trois-Évêchés), tome 1, Paris, Auguste Picard, 1919, p. 214
- Robert de Hesseln, Dictionnaire universel de la France, tome 4, Paris, Librairie Desaint, 1771
- Girault de Saint-Fargeau, Bibliographie historique et topographique de la France, Paris, Firmin Didot frères, 1845.
- Jean-Louis Masson, Histoire administrative de la Lorraine : des provinces aux départements, Fernand Lanore / Sorlot, Collection : Reflets de l'Histoire, 1982 (lire en ligne)
- Augustin Calmet, Histoire de Lorraine, nouvelle édition, tome VI, Nancy, 1757, « Le Comté de Sarwerden est un petit Etat situé sur la Sâre, dans la Lorraine Allemande. »
- Paul Leuillot, L'Alsace au debut du XIXe siècle, tome 1, Paris, SEVPEN, 1959, p. 5
- M. Chastellux, Le territoire du département de la Moselle : Histoire et Statistique, Metz, Maline, 1860
- Les Prussiens en Alsace-Lorraine, par un Prussien, traduit de l'allemand de Gustave Rasch par Louis Leger, Paris, E. Plon et Cie, 1876, p. 217
- Stéphanie Dalbin, Visions croisées franco-allemandes de la Premiere Guerre mondiale, Peter Lang, 2007 (ISBN 3039112503), p. 226
- André Payan-Passeron, Quelques vérités sur la guerre de 1914-18, L'Harmattan, 2017 (ISBN 9782140041525), p. 9 et 16
- (de) Constant This, Die deutsch-französische Sprachgrenze in Lothringen, Strassburg, Heitz, 1887, p. 23 et 24
- On en a un très beau témoignage littéraire avec le Colette Baudoche de Barrès, inquiet du changement humain et esthétique qui affecte la vieille ville romane de Metz. Pour achever l’ambiguïté, la cathédrale gothique, est le coeur de la ville française, tandis que le quartier neuf germanique est entièrement roman de style !
- Stéphanie Dalbin, Visions croisées franco-allemandes de la première guerre mondiale : étude de deux quotidiens : la Metzer Zeitung et L'Est Républicain, Peter Lang, 2007, (ISBN 9783039112500), (p. 36).
- L. Gallois, Les limites linguistiques du français d'après les travaux récents, Annales de Géographie, volume 9, Numéro 45, 1900 (p. 215-216)
- Auguste Wahlen, Nouveau dictionnaire de la conversation ou répertoire universel, tome 16, Bruxelles, 1843.
- Henri de Sybel, Les droits de l'Allemagne sur l'Alsace et la Lorraine, Bruxelles, 1871 (BNF 31424498)
- Nicolas Chevalier, Histoire de Guillaume III, roy d'Angleterre, d'Ecosse, de France et d'Irlande, prince d'Orange, etc., Amsterdam, 1692 « Déja la France avoit envahi par cette voye nouvelle, l'Alsace, la Lorraine Allemande, presque toutes les Terres, & tous les païs que j'ay marquez ».
- (de) Grosses vollständiges Universal Lexicon aller Wissenschaften und Künste, Leipzig und Halle, Verlegts Johann Heinrich Bedler, 1742 « Altdorff in Deutsch-Lothringen geschencket ».
- Frédéric Schoell, Tableau des peuples qui habitent l'Europe, 2e édition, Paris, 1812, p. 37
- Alain Ruzé, Ukrainiens et Roumains : rivalités carpatho-pontiques, L'Harmattan, 1999, p. 37
- Maurice Toussaint, La frontière linguistique en Lorraine, Paris, 1955, Éditions A. et J. Picard, p. 15.
- Œuvres de Voltaire avec des remarques et des notes historiques, tome 5, nouvelle édition, Paris, 1839.
- (de) Weber, Johan Jacob "Etwas Gegengift wider den Zeitgeist für den gemeinen Mann in Deutsch-Lothringen" Angermünde, Michael Weiss, 1823. 435 pages.
- Assemblée nationale constituante, An die Wahlmänner des Deutsch-Lothringens : Aux électeurs de la Lorraine-Allemande, Nancy, imp. de Wagner, 1848 (BNF 34059383)
- (fr + de) Petition.pdf (BNF 33535576)
- Biographie et bibliographie d'Henri Hiegel ANM_2002_41.pdf.
- Hiegel, Henri, « La rivalité en Lorraine allemande au Moyen Âge entre les ducs de Lorraine et les comtes de Sarrebruck », Les Cahiers lorrains, 1937, p. 51-52, 1955: « Le carnaval à Sarreguemines et en Lorraine allemande », Pays Lorrain, 1955, p. 31-38. «Chronique de la Lorraine de langue allemande en 1956 et en 1957», Annales de l'Est, 1957 p. 149-150, 335-337.« Les apparitions de la Sainte-Vierge en Lorraine de langue allemande en 1799 et 1873 », Les Cahiers Lorrains, p. 68-74, « René Bazin et la Lorraine de langue allemande », ibid., p. 118-124. « L'historiographie française et allemande en Lorraine de langue allemande de 1858 à l958 », A.£., p. 127-157.
- Bode, Gérard, « L'enseignement du français en Lorraine allemande sous le Second Empire », L'Enseignement du français en Lorraine allemande sous le Second Empire. Contributions à l'histoire de l'enseignement du français. Actes de la section 3 du Romanistentag d'Aix-la-Chapelle du 27 au 29 septembre 1989. - Gießener Beiträge zur Fremdsprachendidaktik (Tübingen), 1990 et Documents pour l'histoire du français langue étrangère ou seconde (Paris), no 6, septembre 1990; p. 50-60. google.fr, Flaus, Pascal, « Saint-Avold dans la tourmente (1631-1650): la vie quotidienne et le fonctionnement institutionnel d’une petite ville de Lorraine allemande durant la Guerre de Trente ans », Annales de l’Est, numéro 2001-2 ; Flaus, Pascal, « Les Gerardy, une famille d'officiers au service de la ville de Saint-Avold (1714-1792) ». Les Cahiers lorrains : Actes des Journées d'études mosellanes (12-13 octobre 1996 ; Saint-Avold), septembre 1997, no 3, p. 231-245. Cl_1997_3_231.pdf, Horn, Pierre, «Le mythe de l’obéissance de la Moselle napoléonienne (1811-1814)», Revue historique 2012/2 (no 662), P.U.F., I.S.B.N. 9782130593980 cairn.info ; Schneider, Denis, «L’évolution du paysage urbain dans les petites villes de Lorraine allemande au XVIIIe siècle», Actes du 3e colloque de Mamers de novembre 1998, Mamers, 1999, 201780.pdf.
- Henner, Gérard, Hiegel, Henri, « Pour Dieu et pour le Roi » Le combat pastoral et politique» de J.-Jacques Weber, archiprêtre de Volmunster et de Rohrbach, Confluence, Sarreguemines, 1999, 132 p.
- Henner, Gérard, "le combat de «restauration catholique» d'un curé du pays de Bitche au lendemain de la Révolution française", Journée d'Études Mosellanes" [1].
- L'Austrasie : revue de Metz et de Lorraine, volume 2, Metz, Rousseau-Pallez, 1854, p. 281
- Béat Fidèle Antoine Jean Dominique de La Tour-Châtillon de Zurlauben, Code militaire des Suisses : pour servir de suite à l'histoire militaire des Suisses, au service de la France, tome 1, Paris, Vincent, 1758, p. 128, « enrôler comme ci-devant des Alsaciens et Lorrains-Allemands »
- Journal des mines, vol. 26, Paris, Bossange et Masson, 1809, p. 277
- Jean-Baptiste Capefigue, Richelieu, Mazarin et la Fronde, volume 2, nouvelle édition, Paris, Belin-Leprieur, 1844, p. 370 « La défense commune avait forcé le duc d'Orléans à prendre à sa solde une troupe de Lorrains-Allemands »
- La république du peuple : almanach démocratique, 3e édition, Paris, Prost, 1851, p. 78, « une grande partie des remplaçans soi-disant Lorrains-Allemands et Alsaciens. »
- Revue catholique de l'Alsace, t. 1, Strasbourg, 1859 « ces fonctionnaires sont généralement des hommes pourvus de plus de talents que le plus grand nombre peut-être des Alsaciens et des Lorrains allemands. »
- M. Houzé, Étude sur la signification des noms de lieux en France, Paris, Hénaux, 1864 « nos Lorrains français disent Fouligny et Hattigny, quand les Lorrains allemands disent Fulling et Hatting. »
- Societé d'anthropologie de Paris, Bulletins de la Societé d'anthropologie de Paris, tome 1, 2e série, Paris, Victor Masson et fils, 1866, p. 722, « Lorrains allemands ont conservé leur type anthropologique et leur caractère. »
- (de) Carl von Rotteck und Carl Welcker, Staats-Lexikon oder Encyklopädie der Staatswissenschaften, Altona, Hammerich verlag, 1841, p. 158, « die Elsasser, und ähnlich die Deutsch-Lothringer, würden eine Wiedervereinigung mit Deutschland als eine Befreiung von fremdem Joche. »
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Voir aussi
modifierBibliographie
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