Machine de Marly

ancien dispositif de pompage des eaux de la Seine destiné à l’alimentation hydraulique des jardins du château de Marly et du parc de Versailles

La machine de Marly à Bougival est un gigantesque dispositif de pompage[1] des eaux de la Seine destiné à l’alimentation hydraulique des jardins du château de Marly et du parc de Versailles. Construite entre et , sous le règne de Louis XIV par le maître charpentier et mécanicien liégeois Rennequin Sualem, d'après le projet d’Arnold de Ville, elle s'inspirait des machines d'exhaure des mines de Liège et du Harz, ce qui en faisait l'une des machines les plus complexes de son temps. Elle fonctionna 133 ans, mais ne parvint jamais longtemps à fournir le débit attendu, et fut remplacée, en , par plusieurs pompes successives plus performantes, jusqu'à des électro-pompes en .

La Machine de Marly par Pierre-Denis Martin, 1723. Au premier plan, l'ile Gauthier ou île de la Machine du roi, territoire royal. On aperçoit à droite en arrière-plan, l'aqueduc de Louveciennes et sa tour du Levant dans laquelle arrivait l'eau pompée.
La Machine de Marly à vol d'oiseau.

« Cette machine immense qui frappe d'étonnement tous ceux qui la voient, par l'énormité de sa construction, est une grande chose qui fera toujours un honneur infini à son Inventeur, malgré ses défauts. »

— Denis Diderot, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 1751[2]

« Il ne paroit pas que l'on ait jamais exécuté de machine qui ait fait autant de bruit dans le monde que celle de Marly… »

— Bernard Belidor, Architecture Hydraulique, ou L'art de conduire, d'élever et de ménager les eaux pour les différens besoins de la vie, t. 2nd, 1737[3]:195.

Contexte historique

modifier

Dès la construction du château et du parc de Versailles s'est posé le problème de l'approvisionnement en eau. Le site choisi par Louis XIV sur un ancien pavillon de chasse de Louis XIII était loin de toute rivière et en hauteur. La volonté du souverain de disposer d'un parc avec toujours plus de bassins, de fontaines et de jets d'eau marquera son règne par l'extension ou l'amélioration quasi permanente du système d'adduction d'eau avec la construction de nouvelles pompes, aqueducs et réservoirs pour aller chercher toujours plus d'eau, toujours plus loin.

L'idée d'amener l'eau de la Seine jusqu'à Versailles était déjà dans l'air. Mais plus que la distance - le fleuve se situe à près de 10 km du château - se posait le problème du dénivelé à franchir, près de 150 mètres. Depuis 1670, Colbert s'était ainsi opposé à plusieurs projets, dont celui de Jacques de Manse, tant pour des raisons de faisabilité que de coût[4].

Mais Arnold de Ville (1653-1722), un jeune et ambitieux bourgeois de Huy dans le pays de Liège, qui avait déjà fait construire une pompe à Saint-Maur, réussit à présenter au roi son projet pour pomper les eaux de la Seine pour le château du Val en forêt de Saint-Germain, en assurant pouvoir faire de même pour alimenter Versailles. Cette machine, sorte de modèle réduit de ce que pouvait être la machine de Marly, ayant été mise en œuvre avec succès[5], le roi accepta alors de lui confier la réalisation d'une machine sur la Seine pour approvisionner les jardins de Versailles, mais aussi ceux du château de Marly[4] alors en construction.

Situation géographique

modifier

La machine de Marly se trouve à 7 km au nord du château de Versailles et à 16,3 km à l'ouest de Paris centre, sur la Seine dans le département des Yvelines. Les anciennes machineries des pompes et les bâtiments d'administration ont été situés à Bougival ; les puisards, les chevalets, l'aqueduc et les réservoirs ont été situés à Louveciennes. Un réservoir se trouve toujours à Marly-le-Roi.

Entre Port-Marly et Bezons, la Seine est, sur sa longueur, divisée en deux bras par une suite d'îles et d'atterrissements que l'auteur propose de réunir par des digues de charpente, de façon à former comme deux lits de rivière parallèles, sans communication, sur plus de dix kilomètres de longueur. En travers du bras de gauche, un peu au-dessous du petit village de la Chaussée, en aval de Bougival, est établie une pompe avec machine hydraulique, refoulant l'eau de la rivière jusqu'au sommet du coteau qui borde la Seine[6]:95.
Le barrage de Bezons et la machine ont ainsi créé sur la rivière une chute de 3,10 m qui est utilisée par les roues hydrauliques[6]:101.

La construction

modifier
 
Carte de 1783 montrant la dérivation de la Seine.

Pour concevoir et construire cette machine, Arnold de Ville, qui n'avait pas les compétences techniques, fit appel à deux Liègeois, le maître charpentier et mécanicien Rennequin Sualem (1645-1708) et son frère Paulus. Il avait déjà travaillé avec eux pour une pompe au château de Modave et Rennequin Sualem était le concepteur de la pompe du château du Val. L'ensemble des travaux, chenal et digues sur la Seine, construction de la machine et du réseau d'aqueducs et de bassins, allait durer six ans. Le site choisi sur la Seine fut celui de Bougival (à hauteur des actuelles écluses de Bougival)

Assez loin en amont, Colbert fit canaliser une partie de la Seine en reliant les îles par des digues depuis l'île de Bezons et séparant ainsi le fleuve en deux bras, un bras occidental laissé à la navigation et un bras oriental destiné à alimenter la machine en créant un rétrécissement et une chute artificielle d'un[4] à deux mètres[5] pour entraîner les 14 roues à aubes de la machine.

La construction allait mobiliser 1 800 ouvriers et nécessiter plus de 100 000 tonnes de bois, 17 000 tonnes de fer et 800 tonnes de plomb et autant de fonte[5].

Une légende assez souvent reprise[7] veut que les pièces et les matériaux aient été importés du pays liégeois. En fait seules des manivelles furent réalisées par les frères Cox, cousins des Sualem. Arnaud de Ville tenta également, pour accroître son profit financier, de faire fabriquer par son père, à Huy, des corps de pompes, mais ceux-ci ne convinrent pas. Le bois ayant servi à la construction de la plate-forme et des roues de la machine, pour l'endiguement entre les îles ou pour les bâtiments, vint des forêts environnantes, le fer pour les tringles vint du Nivernais, puis de Champagne et la plupart des tuyaux de fonte furent produits en Normandie[4].

Un grand nombre de Wallons vinrent travailler sur le chantier. Ils possédaient un savoir-faire acquis par les travaux d'hydraulique dans les mines. Beaucoup s'exilèrent aussi à cause des difficultés économiques rencontrés alors dans une Wallonie qui avait été ravagée par les guerres. Illettrés, les frères Sualem étaient issus d'une famille de maîtres-charpentiers des mines de Liège. Ils avaient travaillé pour les mines du comte d'Arenberg et pour celles de l'abbaye du Val-Saint-Lambert, à Liège. Ils firent aussi venir des membres de leur famille, charpentiers ou menuisiers. Les frères Sualem étaient les seuls à maîtriser le mécanisme de commande à distance, la feldstange nécessaire au bon fonctionnement de la machine de Marly. Les principaux artisans qui ensuite assureront son entretien seront d'ailleurs ces Wallons[4].

 
Vue rapprochée de la première machine de Marly.

Le chantier commença en par la canalisation de la Seine. La construction de la machine commença à la fin de 1681. Le , une démonstration réussie se déroula en présence du roi[4]. L'eau put être acheminée en haut du coteau. La machine fut inaugurée le [5] par Louis XIV et sa cour. L'aqueduc de Louveciennes fut achevé en 1685 et l'ensemble des travaux, trois ans plus tard, en 1688.

Le coût total du chantier fut de 5,5 millions de livres tournois. Il comprenait les travaux de construction de la machine proprement dite (3 859 583 livres), des bâtiments, des aqueducs et bassins, la fourniture des matériaux, les salaires des ouvriers et artisans (Rennequin Sualem était le mieux payé avec 1 800 livres par an[4]).

Après la fin des travaux et la démonstration réussie, Rennequin Sualem fut nommé Premier ingénieur du Roy par Louis XIV et anobli. Au roi, qui lui demandait comment il avait eu l'idée de cette machine, Rennequin répondit en wallon: « Tot tuzant, sire » (« En y réfléchissant, sire »)[8]. Arnold de Ville gagna beaucoup d'argent dans la réussite de cette machine et en profita pour se hisser dans l'aristocratie[4].

Description

modifier
 
Vue de la Fameuse Machine de Marly
De bas en haut: les roues et les pompes; les petits et les grands chevalets ; les puisards et le réservoir de la mi-côte.

Actionnées à 3 révolutions par minute par le courant de la Seine et la chute d'eau artificielle créée, 14 (le "chiffre" du roi) grandes roues à aubes de 12 mètres de diamètre[5] entraînaient des pistons refoulants. Par un système de balancier et de chaînes, chaque roue actionnait ainsi en continu 8 pompes immergées dans la Seine et une série de pompes situées aux niveaux supérieurs[5] sur les 700 mètres du coteau[5]. La dénivellation était trop forte, plus de 150 mètres, pour faire monter l'eau d'un seul jet[9] jusqu'à l'aqueduc. Les cuirs des pistons n'auraient pas résisté à la pression de 15 bars, si bien qu'il fut nécessaire de diviser la montée en trois paliers de 50 m avec deux puisards qui seront creusés à 48 m et 99 m au-dessus du fleuve et deux bassins intermédiaires, eux-mêmes munis de pompes. Chaque roue à aubes était munie d'un varlet qui, pivotant autour d'un axe vertical, transformait le mouvement parallèle au fleuve des roues en un mouvement perpendiculaire[5]. Celui-ci actionnait alors des doubles tringles en fer maintenues par des balanciers, eux-mêmes fixés sur un chemin de bois continu comprenant des chevalets, innovation principale de la machine[réf. nécessaire] et qui actionnaient les pompes intermédiaires sur le coteau.

La partie amont des transmissions s'arrêtant à la station intermédiaire dite de mi-côte était appelée « transmission des petits chevalets ». La partie d'aval montant jusqu'à la station intermédiaire supérieure s'appelait « transmission des grands chevalets ». Elle actionnait aussi au passage un ensemble de pompes à la station de mi-côte. La machine comptait au total plus de 250 pompes[5]. La puissance théorique de la machine était de 700 chevaux environ et son débit théorique maximal de 6 000 m3 (6 millions de litres) par jour.

L'eau effectuait sa dernière remontée dans la tour du Levant, haute de 23 mètres et construite par Mansart au sommet du coteau de Louveciennes.

Aqueduc et réservoirs

modifier

Cette tour du Levant était l'extrémité septentrionale de l'aqueduc de Louveciennes (appelé quelquefois aqueduc de Marly) qui acheminait l'eau par simple gravité sur 640 mètres à son autre extrémité, la tour du Jongleur ou du Couchant, haute de 12 mètres, d'où elle était déversée par un siphon jusqu'au regard du Jongleur, qui répartissait l'eau vers les réservoirs destinés aux jardins du château de Marly et ceux pour Versailles. Depuis ces derniers, un aqueduc souterrain, dit de Picardie ou de Marly, long de 6 km acheminait l'eau, toujours par gravité, vers ce qui était alors nommé la « montagne » de Picardie dans un bassin homonyme[4]. De là, un autre aqueduc, dit mur de Montreuil, acheminait l'eau jusqu'au mont de Montbauron[4], une hauteur de Versailles où quatre réservoirs avaient été construits. Ceux-ci recueillaient aussi les eaux des étangs dit inférieurs, situés au sud du château[4]. Des tuyauteries enterrées partaient de Montbauron vers les réservoirs dits intermédiaires du parc situés sous le parterre ou au-dessus de l'aile Nord[4].

Le stockage continue de fonctionner de nos jours à Montbauron, fournissant une heure de réserve d'eau pour l'alimentation des grandes eaux de Versailles[10].

Fonctionnement et difficultés

modifier

Cette machine est souvent considérée comme « la plus complexe du XVIIe siècle[5] ». En plus des artisans wallons, plus d'une soixantaine d'ouvriers assuraient jour et nuit son fonctionnement et entretien. Il y avait des charpentiers, des menuisiers, des plombiers ou de simples poseurs de tuyaux, des forgerons mais également des gardes. Les frères Sualem resteront chargés du bon fonctionnement des pompes, tringles et autres mécanismes jusqu'à leur mort[4], Paulus en 1685 et Rennequin en 1708[11].

Très bruyante, la machine fonctionnait sans cesse, jour et nuit sauf lors des crues, des basses eaux ou en hiver si la Seine venait à geler[4]. En amont, un dispositif de brise-glaces et un « dégrilleur » furent installés pour éviter la dégradation des aubes.

Avant même son achèvement, une organisation administrative fut mise en place pour gérer la machine. Louvois, qui venait d'être nommé Surintendant des Bâtiments du roi à la mort de Colbert, nomma Joachim Cochu avec le titre de Contrôleur des bâtiments du roi. Homme de confiance de Louvois, son rôle était de surveiller les travaux et d'autoriser les paiements. Louvois lui demanda aussi de surveiller Arnaud de Ville. Ensuite, et pendant une trentaine d'années, Cochu allait administrer l'établissement responsable de la machine de Marly. La totalité du site sur le coteau fut enclos, des logements, des ateliers et des réserves, à l'écart du village de Bougival, furent construits sur le site pour héberger artisans, ouvriers et gardes[4].

La machine de Marly devait initialement fournir 6 000 m3 par jour[5] pour une puissance théorique de 700 ch. Mais en raison d'une mauvaise synchronisation du dispositif, le rendement initial n'était que de 83 % environ. Malgré l'entretien continu de la machine par de nombreux charpentiers, forgerons, plombiers ou goudronneurs[5], les pièces s'usaient prématurément à cause du frottement et cassaient souvent[5]. Au-dessus des 14 grandes roues, un système anti-incendie permettait d'éteindre rapidement les fréquents embrasements résultant de frictions excessives sur l'axe principal des roues. La production initiale de 5 000 m3/jour chutera à 2 000 à 3 200 m3 au milieu du XVIIIe siècle[4],[5].

Ce rendement insuffisant poussera assez rapidement à la recherche d'une nouvelle source d'approvisionnement pour le parc de Versailles et au lancement de la construction du canal de l'Eure[5], canal qui ne sera cependant jamais achevé. Dès 1685, l'usage de la machine de Marly était presque entièrement réservé aux jardins du château de Marly[12]. À partir de 1739, elle alimentera les fontaines et certains hôtels particuliers de Versailles[4].

La machine était bruyante et son entretien coûteux. Le coût annuel, entre les salaires des personnes affectées à son entretien et le coût d'achat des matériaux, fer, bois, charbon, plomb ou cuir, se montait à 60 000 [4].

Constituée à 90 % de bois, elle se détériora au fil des ans. On arrêta finalement de l'entretenir dans le courant du XVIIIe siècle, accélérant sa dégradation. Son rendement continuera de baisser, passant de 640 m3 par jour en 1798 à 240 m3 par jour en 1803. Sous la Révolution, on envisagea même de la détruire[12].

Néanmoins, la machine de Marly fonctionna durant 133 ans[9]. Elle sera détruite en 1817 et remplacée par une machine provisoire[12].

Machines suivantes

modifier

Machine provisoire

modifier

La machine « provisoire » construite par l'ingénieur Louis Martin et l’architecte François-Charles Cécile pour remplacer la machine de Marly devait laisser le temps de construire une pompe plus performante. Elle allait rester en service 10 ans et fonctionna ensuite en même temps que la machine à vapeur[12].

On construisit d'abord une machine d’essai qui réutilisait une roue de l’ancienne installation, ce qui permit, dès 1814, d’obtenir l’élévation de l’eau en une seule fois. L'essai étant convaincant, la machine hydraulique provisoire fut réalisée à partir de deux roues restaurées de l’ancienne machine de Louis XIV, pour un débit bien supérieur à celui que les pompes de la première machine avaient fini par donner à la fin du XVIIIe siècle[13]:7.

Huit pompes élevaient ensemble, d'un seul jet, en 24 heures, plus de 800 m3 d'eau à 160 mètres de hauteur[14]:221.

Les conduites étaient faites de tuyaux provenant de l'ancienne machine. La machine provisoire fut mise en marche pour la première fois le , jour de la fête du roi[6]:101.

Pompe à vapeur

modifier

Martin et Cécile conçurent pendant ce temps une « pompe à feu[12] ». Assemblée en 1825 et installée à Bougival dans le bâtiment Charles X (du nom de son inaugurateur), elle fut mise en service en 1827[12]. Fonctionnant à la vapeur, elle délivrait une puissance de 95 ch pour un débit de 2 000 m3 par jour et une consommation de 10 tonnes de charbon par jour[6]:158. La « pompe à feu » était une machine à vapeur à double effet de type Watt. Elle fonctionna de façon satisfaisante dès son démarrage en 1827.

Cependant, ses coûts d'exploitation ayant été jugés trop élevés[12], la décision de son remplacement fut prise en 1837[15].

Machine de Dufrayer

modifier

La pompe à vapeur fut remplacée en 1859, sous Napoléon III, par une machine hydraulique conçue par l'ingénieur Dufrayer[12] (les deux machines fonctionneront simultanément entre 1858 et 1859[12]). Cette machine comportait six roues[12] de 12 m de diamètre et 4,5 m de large, pesant 120 t et entraînant quatre pompes. Chaque roue était capable d'assurer un débit de 3 500 m3 par jour, soit 21 000 m3 par jour pour l'ensemble de l'installation. Un bâtiment sur la Seine, dit bâtiment Napoléon III, fut construit pour l'abriter[12]. En 1893, elle arrêta de pomper l'eau du fleuve[12], trop polluée, pour pomper dans la nappe phréatique[12].

Un petit édifice, construit au milieu de la Seine et visible de nos jours, servait à remiser les « aiguilles », lattes de bois de 3,20 m de longueur, posées les unes à côté des autres qui régulaient le débit de la Seine.

En 1910, la machine de Dufrayer fut renforcée par une machine à gaz actionnant des pompes et en 1938 par des moteurs diesel actionnant deux pompes d'une puissance de 400 ch pour environ 1 200 m3 refoulés par heure[réf. nécessaire].

La machine de Dufrayer fut arrêtée en 1963[12] et détruite en 1968[12].

Groupe d'électro-pompes

modifier

En 1968, un groupe d'électro-pompes a remplacé la machine du Second Empire. Celui-ci fournit une puissance de 760 ch pour 1 100 m3 refoulés par heure, en renforcement des autres groupes. Le service n'a cessé d'évoluer jusqu'à nos jours, avec des meilleurs rendements de pompe. Actuellement[Quand ?], en heures de pointe, le refoulement atteint 5 500 m3 par heure ; il fournit environ 22 communes, dont Versailles[réf. nécessaire].

Les vestiges

modifier

De l'ensemble des machines installées jadis, ne subsistent de nos jours que quelques bâtiments, dont les réservoirs de Marly, le Regard du Jongleur, l’aqueduc de Louveciennes, la conduite d’eau sur le coteau de Bougival, des canalisations souterraines et des vestiges hydrauliques dans le parc de Marly, restant de la machine du roi Louis XIV, le bâtiment Charles X abritant à l'époque la machine à vapeur et le petit édifice sur la Seine, vestige de la machine de Dufrayer[15].

Références historiques

modifier

À propos de la visite du tsar Pierre Ier le Grand de Russie en France, en 1717, Jean Buvat écrit :

« Il fut à Versailles, à Marly, à Trianon, à la Ménagerie et à Saint-Cyr. Il parut étonné de la machine de Marly pour l'élévation des eaux, de sorte qu'à son retour à Paris, étant à table, on le vit faire des mouvements de corps et figurer cette machine avec une cuiller et une fourchette[16]:271. »

Dans le poème de M. Cassan publié dans le Mercure galant en l'année 1699, une nymphe de la Seine est captée par la machine de Marly et est forcée vers le haut dans les aqueducs. Elle est rassurée par Apollon et arrive à Marly, qu'elle trouve si belle qu'elle s'endort. Louis XIV se réveille, trouve la nymphe dans le jardin avec le premier de l'eau de la Seine, et lui demande d'en faire sa maison[17]:42.

L'auteur décrit d'abord le cours de la Seine avant son arrivée au château de Marly. Au moment où le fleuve se resserre par suite des travaux d'endiguement, il décrit ainsi la machine[18]::190


Mais enfin son penchant lui faisant violence,
L'entraîne dans ce lieu, malgré sa résistance,
Et fait voir à la nymphe, au-delà du tournant,
Le formidable objet d'un travail surprenant.
Comme on voit en hiver la forêt des Ardennes,
Quand la bise a fait choir le feuillage des chênes,
Et chassé les voleurs de tous les défilés,
Présenter ses vieux troncs qui paraissent brûlés;
Ainsi se voit de loin la machine effroyable,
Ouvrage de nos jours, qui paraît incroyable,
Avec tout l'attirail de son corps hérissé
De rouage et de ponts, l'un sur l'autre exhaussé,
Dont les bras, s'étendant vers le haut de la côte,
Meuvent les balanciers comme on voit une flotte,
Que la vague entretient dans le balancement,
Incliner tous ses mâts à chaque mouvement.
Quoi ! dit-elle en voyant la machine étonnante,
Serai-je donc contrainte à poursuivre ma pente ,
Et me faire rouer parmi tous les ressorts
Que je vois remuer par de si grands efforts!
Non, non, dit-elle alors, la nymphe de la Seine
Se mêlera plutôt avec l'eau qui l'entraîne,
Et, par son changement, saura bien éviter
Les outrages cruels qu'elle voit apprêter.
Ainsi dit, à l'instant elle se rend liquide;
Son corps va se mêler avec l'onde rapide,


Et, dans le fil de l'eau , tâche de s'allonger,
Croyant par ce moyen éviter le danger.
Mais en vain, car aux ponts cent pompes aspirantes
L'enlèvent de son lit à reprises fréquentes,
Et la livrent ensuite aux pistons refoulants,
Qui font pour l'enlever des efforts violents.
Alors par ces efforts elle sent qu'elle monte
Vers le haut du coteau dans des tuyaux de fonte,
Qui vont la revomir au prochain réservoir,
Où cent autres tuyaux viennent la recevoir.
Là, les pistons changeant leur manière ordinaire,
Pressent de bas en haut par un effet contraire.
Elle reçoit le jour pour la seconde fois,
Et reprend en ce lieu l'usage de la voix,
Pour se plaindre en passant du chevalier de Ville
Qu'elle voit sur sa gauche avec son air tranquille.
Qui l'oblige, dit-elle, avec ton art maudit,
A venir malgré moi m'enlever de mon lit ?
A ces mots les pistons lui coupant la parole,
Le clapet la retient, s'ouvrant à tour de rôle ,
Et la fait parvenir, après tant de détours ,
Sur le haut du regard pour lui donner son cours.
De là sur l'aqueduc, sa pente naturelle
Lui fait prendre bientôt une route nouvelle.
Enfin elle descend par des tuyaux de fer
Dans un long réservoir appelé Trou d'Enfer[19]:10.

Le bruit de la machine était légendaire.

Elizabeth-Francoise-Sophie de la Live, Comtesse d'Houdetot, était une des offensée pendant un séjour au château de Fourqueux en 1778 :

« Malheureusement, on entendait le bruit de la machine de Marly, bruit confus, formé de sons discordants et désagréables. Elle écrivit alors ces vers :

SUR LA MACHINE DE MARLY
Cet appareil de fer et ces grands mouvements,
Ces efforts redoublés et ces gémissements
Offrent partout aux sens la nature offensée ;
Elle semble gémir d'avoir été forcée,
Et, cédant à regret aux entraves de l‘art,
Aux caprices des rois se plaint d'avoir en part.»[20]:63.

Mme Vigée Le Brun, venue à Louveciennes en 1786 peindre le portrait de la comtesse du Barry, tout en étant plus laconique n'en est pas moins autant affectée : « son bruit lamentable m'ennuyait fort…[21]:290.

Et « dans le magnifique jardin de madame Dubarry, pres du Temple de l'Amour entouré de fleurs» elle se plaint du « bruit sinistre de la machine[22]:219

Illustrations

modifier

Contrôleurs des bâtiments du roi et de la machine de Marly

modifier
  • Arnold de Ville, maître de forges, a été chargé de la métallurgie et de la gestion générale de la machine. Il reçoit 240 000 livres entre 1680 et 1685, et une pension de 6 000 livres.
  • Louis Petit, fils de Louis Petit, contrôleur général des Bâtiments du roi jusqu'à sa mort en 1672. Il a travaillé avec son père jusqu'en 1665. À cette date il est nommé par Jean-Baptiste Colbert contrôleur des bâtiments du roi au château de Saint-Germain-en-Laye. Il conserve cette fonction jusqu'en 1682. Quand Louis XIV décide de construire le château de Marly, le domaine de Marly est ajouté à ses fonctions en 1679. La machine de Marly a probablement fait partie de son contrôle[23].
  • L'ingénieur Joachim Cochu (1645-1706), ingénieur des fortifications de Maubeuge, appelé par Louvois en 1683. Il reste en place jusqu'à sa mort, en 1706[24],[25].
  • Pierre Delespine (1676-1745) succède à l'ingénieur Cochu en 1706. Il est le fils de Nicolas Delespine, beau-frère de Jacques V Gabriel, neveu de Thomas Gobert. Il a d'abord été avocat au parlement de Paris, puis contrôleur des bâtiments du roi au château de Monceaux avant de devenir contrôleur des bâtiments du roi et de la machine de Marly. Il s'est marié en 1703 à Françoise-Perrette Hardouin, sœur de Jules-Michel Hardouin et petite-nièce de Jules Hardouin-Mansart. Il reçoit une gratification ordinaire de 1 000 livres pour les années 1706 et 1707[26],[27].
  • Pierre-Jules Delespine, fils du précédent. Son père le fait admettre comme adjoint en 1742. Il lui succède à sa mort mais doit démissionner en 1749.
  • Antoine Lucas, contrôleur des bâtiments du roi, directeur de la Machine de Marly à partir de 1776. Il est le fils de Jean-Baptiste-Jacques Lucas, entrepreneur des ouvrages de plomberie des bâtiments du roi[28], et le petit-fils de Jacques Lucas, plombier des Bâtiments du roi qui est intervenu sur tous les Bâtiments royaux de Paris et d'Ile-de-France. Il s'est occupé notamment de la fourniture et de la pose des conduites de plomb de la Machine de Marly.

Notes et références

modifier
  1. « Une perle du patrimoine ; la machine de Marly ».
  2. Denis Diderot (1713-1784), Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris, Briasson, David, Le Breton, S. Faulche, (lire en ligne)
  3. Bernard Forest de Belidor (1697-1761), Architecture Hydraulique, ou L'art de conduire, d'élever et de ménager les eaux pour les différens besoins de la vie, Tome Second, Paris, L. Cellot (Paris), , 423 p. (lire en ligne)
  4. a b c d e f g h i j k l m n o p q et r Bruno Bentz et Éric Soullard, « La Machine de Marly », Château de Versailles - de l'ancien régime à nos jours, no 1,‎ , p. 73 à77.
  5. a b c d e f g h i j k l m n et o Philippe Testard-Vaillant, « Des grands travaux en cascade », Les Cahiers de Science & Vie, no hors-série Les Sciences au château de Versailles,‎ , p. 70-71.
  6. a b c et d Louis-Alexandre Barbet, Les Grandes Eaux de Versailles: installations mécaniques et étangs artificiels: description des fontaines et de leurs origines, Paris, H. Dunod et E. Pinat, , 356 p.
  7. Fonderie des Vennes sur le site La Braise, Liège.
  8. «Rennequin Sualem» de: Famous Belgians, in Belgium, the place to be.
  9. a et b http://www.arts-et-metiers.net/pdf/machine-marly.pdf
  10. Chronologie du dispositif hydraulique mis en place pour alimenter les eaux de Versailles [1]
  11. Rennequin Sualem est enterré dans l'église de Bougival avec écrit sur sa pierre tombale « seule inventeur de la machine de Marly ».
  12. a b c d e f g h i j k l m n et o Archives des Yvelines, « Ressources en ligne > Les machines de Marly », Archives des Yvelines (consulté le )
  13. Musée Promenade de Marly-le-Roi / Louveciennes, Fiches de l'exposition Les Maitres de l'eau, Marly-le-Roi, 4 mars au 30 juillet 2006 (lire en ligne)
  14. J.-A. Borgnis, Théorie de la méchanique usuelle, ou Introduction à l'étude de la méchanique appliquée aux arts, Paris, Bachelier, (lire en ligne)
  15. a et b Musée promenade de Marly
  16. Jean Buvat, Journal de la Régence : 1715-1723. Tome 1, Paris, H. Plon, (lire en ligne)
  17. (en) John Dixon Hunt, Michel Conan et Claire Goldstein, Tradition and Innovation in French Garden Art: Chapters of a New History, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, (lire en ligne)
  18. Joseph-Adrien Le Roi(1797-1873), Curiosités historiques sur Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme du Barry, etc., Paris, H. Plon, (lire en ligne)
  19. M. Cassan, La nymphe de Chanceaux, ou L'arrivée de la Seine au château de Marly, Paris, A. Chrétien, (lire en ligne)
  20. Hippolyte Buffenoir, La Comtesse d'Houdetot, Paris, Calmann Lévy,
  21.  » déplore-t-elle dans ses Souvenirs Jacques Laÿ et Monique Laÿ, Louveciennes mon village, Louveciennes (France), Jacques Laÿ, (ISBN 9782950391308)
  22. Louise-Elisabeth Vigée-Lebrun, Souvenirs de Madame Vigée Le Brun, Paris, Charpentier & Cie, (lire en ligne)
  23. Château de Versailles : Petit (Louis)
  24. Château de Versailles : Cochu (Joachim)
  25. Rodolphe Kohler, La fin de Joachim Cochu, premier contrôleur de la Machine de Marly, p. 34, Le Vieux Marly : bulletin de la Société archéologique, historique et artistique de Marly-le-Roi, 1967, tome III, no 2 (lire en ligne)
  26. Jules Guiffrey, Comptes des bâtiments du Roi sous le règne de Louis XIV, Tome 5, Jules Hardouin-Mansard et le Duc d'Antin, 1706-1715, p. 191, Imprimerie nationale, Paris, 1901 (lire en ligne)
  27. Rodolphe Kohler, Notes sur Pierre de l’Espine, contrôleur à la Machine de Marly, p. 2, Le Vieux Marly : bulletin de la Société archéologique, historique et artistique de Marly-le-Roi, 1980, tome III, no 9 (lire en ligne)
  28. Marquis de Granges de Surgères, Artistes français des XVIIe et XVIIIe siècles (1681-1787): Extraits des Comptes des États de Bretagne, p. 137, Charavay frères éditerus, Paris, 1893 (lire en ligne)

Voir aussi

modifier

Bibliographie

modifier
  • Rodolphe Kohler, « À propos de la Machine de Marly : Arnold de Ville, sa famille, ses descendants. La chapelle de la Machine de Marly. Deux maquettes au Conservatoire des Arts et Métiers », Le Vieux Marly : bulletin de la Société archéologique, historique et artistique de Marly-le-Roi, 1974, p. 14-16.(lire en ligne)
  • Pierre Nickler, De la Machine de Marly à l'Observatoire de Paris. Le transfert de la Tour de bois en 1685, p. 13-17, Le Vieux Marly : bulletin de la Société archéologique, historique et artistique de Marly-le-Roi, 2005 (lire en ligne)
  • Louis Bruyère, État des divers mémoires, rapports et dessins relatifs à l'art de l'ingénieur et recueillis par M. Bruyère. Volume 15, Machine de Marly et eaux de Versailles (lire en ligne)
  • Henri Navier, Notice sur M. Bruyère, dans Annales des ponts et chaussées. Mémoires et documents relatifs à l'art des constructions et au service de l'ingénieur, 1833, 2e semestre, p. 390-391 (lire en ligne)

Articles connexes

modifier

Liens externes

modifier

  NODES
chat 3
ELIZA 1
innovation 2
iOS 2
mac 126
Note 3
os 31
text 2