Melencolia I
Melencolia I ou La Mélancolie est le nom donné à une gravure sur cuivre de l'artiste allemand de la Renaissance Albrecht Dürer datée de 1514. Ce titre fait référence au mot "Melencolia" figurant au sein de la composition.
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Lieu de création | |
Dimensions (H × L) |
239 × 168 mm |
Mouvement | |
No d’inventaire |
43.106.1, 219761, 3486-4, 1949.1.17, 1943.3.3522, 1943.3.3523, 1926.211, x1952-1, G.1998-0052, mkp.KA (FP) 2058 D, 1900-513, 19.73.85, 1984.1201.18, 2003.446.1, 33377 D, NMG B 67/1982, 2012.16, 627G44, I 848, 2013-EQ |
Inscription |
Melencolia I |
Place dans l'histoire de l'art
modifierCette œuvre est d'une grande richesse symbolique ; elle a fait l'objet d'une vaste littérature dans le domaine de l'histoire de l'art, suscitant de nombreuses études[1]. Elle est l'une des estampes de vieux maître les plus connues et pose encore aujourd'hui de nombreuses questions d'interprétations.
La figure centrale, une femme ailée, énigmatique et sombre, est considérée comme une personnification de la mélancolie. Pour certains historiens de l'art, l'attitude de ce personnage peut être associée aux affres de l'activité créatrice[2]: le personnage serait une muse attendant désespérément l'inspiration. Il se pourrait que Dürer ait fait figurer ici sa propre angoisse ; Melencolia serait alors un autoportrait voilé.
D'autres historiens voient dans cette figure une réflexion sur la nature de la beauté, ainsi que sur la valeur de la créativité artistique à la lumière du rationalisme[3]. Certains la considèrent comme une œuvre délibérément obscure, qui marque les limites de l'art allégorique ou symbolique.
L'historien de l'art Erwin Panofsky a détaillé sa relation possible avec la conception de la mélancolie des humanistes de la Renaissance. À propos de son importance dans l'histoire de l'art, il écrit que «l'influence de Melencolia I de Dürer - la première représentation dans laquelle le concept de mélancolie a été transplanté du plan du folklore scientifique et pseudo-scientifique au niveau de l'art - s'est étendue à tout le continent européen et a duré plus de trois siècles»[4].
Melencolia I a probablement fait l'objet de plus d'études que toute autre estampe. Comme l'écrit l'historien de l'art Campbell Dodgson en 1926: « La littérature sur Melencolia est plus étendue que celle de toute autre gravure de Dürer : cette affirmation resterait probablement vraie si les deux derniers mots étaient omis. »[5]. Les études de Panofsky en allemand et en anglais, réalisées entre 1923 et 1964, et parfois avec des coauteurs, ont été particulièrement influentes[6].
Description
modifierLa figure centrale avec ses ailes d'anges est considérée comme une personnification de la mélancolie ou de la géométrie[7]. Elle est assise sur une dalle, avec un livre fermé visible sur ses genoux ; elle tient légèrement un compas et regarde intensément au loin. À ses pieds se trouve un chien décharné, endormi, comme une sorte de compagnon, enclin à la mélancolie jusqu'à même atteindre la folie[8].
Elle ne prête aucune attention aux nombreux objets qui l'entourent[9] et semble se morfondre, repliée sur elle-même[10]. Représentation iconographique médiévale de la mélancolie, sa tête repose sur son poing fermé[11]. Son visage est sombre et son regard est alerte, presque ardent[10].
Elle porte sur sa tête une couronne de plantes aquatiques (persil d'eau et cresson de fontaine[12],[13] ou livèche). Un trousseau de clés et une bourse pendent à sa ceinture; Dürer a indiqué sur le dessin préliminaire la signification de sa longue robe : symbole de puissance et de richesse[8]. Derrière elle, un bâtiment sans fenêtres et sans fonction architecturale claire[14],[12] s'élève au-delà du sommet de la charpente. Une échelle à sept échelons s'appuie contre la structure, dont ni le début ni la fin ne sont visibles. Un putto se trouve au sommet d'une ribe, ou aiguisoir, souvent interprétée comme la roue de la vie. Il griffonne sur une tablette, peut-être avec un burin utilisé pour la gravure, une gomme grattoir se trouvant à son extrémité[15]; il est le seul figurant actif de la gravure[16].
Une balance est attachée à la structure au-dessus du putto. À droite, au-dessus de figure ailée se trouvent une cloche et un sablier, ainsi qu'un cadran solaire. Il n'a que huit chiffres indiqués, avec le quatre (IV) comme dernière heure (la mort et l'éphémère). L'ombre du bâton n'indique pas l'heure au clair de lune. De nombreux outils et instruments mathématiques sont éparpillés: un marteau et des clous, une scie, un rabot, des pinces, une règle d'ajusteur, une forme de mouleur et, soit la buse d'un soufflet, soit une seringue à lavement (clystère). Sur le muret derrière le grand polyèdre, se trouvent un brasero avec un creuset d'orfèvre et une paire de pinces[7]. À gauche du chien, un encensoir ou un encrier relié par une sangle à un porte-plume[17].
Une créature ressemblant à une chauve-souris déploie ses ailes dans le ciel ; elle révèle une bannière imprimée avec les mots «Melencolia I». Au-delà, se trouvent un arc-en-ciel et une comète, qui pourrait aussi être l'astre de Saturne, nommée d'après la divinité de la mélancolie[10] Au loin, un paysage avec de petites îles boisées, suggère la présence d'une étendue d'eau ou d'une mer. L'astre est donc dominé par le nom de la gravure, inscrit sur les ailes de la chauve-souris ; c'est l'une des rares estampes de Dürer à porter un titre[10]. La partie la plus à droite de l'arrière-plan pourrait représenter une grande vague s'écrasant sur la terre. Panofsky pense qu'il fait nuit, citant « l'ombre portée » du sablier sur le bâtiment, avec la lune éclairant la scène et créant un arc-en-ciel lunaire[18].
La gravure contient de nombreuses références aux mathématiques et à la géométrie. Une sphère parfaite se trouve devant le chien, qui a un rayon égal à la distance apparente marquée par le compas du personnage[6]. Sur la façade du bâtiment, se trouve un carré magique 4 × 4 ; c'est le premier imprimé en Europe[19]. Les deux cellules du milieu de la rangée du bas donnent la date de la gravure, 1514; elle est également visible au-dessus du monogramme de Dürer en bas à droite. Le carré suit les règles traditionnelles des carrés magiques: chacune de ses lignes, colonnes et diagonales s'ajoute au même nombre, 34. Il est également associatif: cela signifie que tout nombre ajouté à son opposé symétrique est égal à 17 (par exemple, 15+2, 9+8). De plus, les coins et chaque quadrant totalisent 34, tout comme d'autres combinaisons[20],[21]. La mère de Dürer est décédée le 17 mai 1514[22] ; certains interprètes relient les chiffres de cette date avec les ensembles de deux carrés qui totalisent 5 et 17. Le parallélépipède inhabituel qui domine la moitié gauche de l'image est un rhomboèdre tronqué[23],[24] ; il présente ce qui peut être un memento mori[6] ou un visage pâle, peut-être même celui de Dürer[25]. Cette forme est maintenant connue sous le nom de polyèdre de Dürer. Au fil des ans, de nombreuses analyses de ses propriétés mathématiques ont été effectuées[26].
Contrairement à Saint Jérôme dans sa cellule, qui présente un sens aigu de la perspective linéaire et une source de lumière évidente, Melencolia I est désordonnée, elle manque de « centre visuel »[27]. Il y a peu de lignes de perspective menant au point de fuite , il se découvre sous la créature ressemblant à une chauve-souris à l'horizon ; il divise le diamètre de l'arc-en-ciel dans le nombre d'or[28]. Par ailleurs, l'œuvre n'a guère de lignes fortes. Le polyèdre inhabituel déstabilise l'image : il bloque une partie de la vue au loin et envoie l'œil dans différentes directions[25]. De nombreux historiens de l'art notent le peu de contraste tonal et, malgré son immobilité, un sentiment de chaos, une « négation de l'ordre »[12]. La source lumineuse mystérieuse à droite, qui éclaire l'image, est placée de manière inhabituelle chez Dürer et contribue à « l'espace sans air et onirique »[27].
Il s'agit aussi d'un chef-d'œuvre de technique, une variété d'exécution sans pareille dans le rendu des matières, ménage d'habiles jeux de lumière ; ils heurtent les plis de la robe, tout en laissant dans l'ombre le reste de la composition et le visage de l'allégorie, celle de l'artiste pris à son propre piège[10].
Contexte
modifierLa gravure a été créée lors de la période de transition entre le Moyen Âge et Renaissance allemande, initiée par Albrecht Dürer. Les outils qui traînent et le putto travaillant sur une tablette avec un burin reflètent le lien médiéval entre l'art et l'artisanat ; le polyèdre et le carré magique font référence au lien entre la science et l'art à la Renaissance[29].
Melencolia intègre, de manière synthétique, de nombreux éléments symboliques. Ces objets symboliques se parent également d'éléments affectifs ; ils renforcent les contrastes, destinés à susciter la fascination du spectateur : ainsi, la posture du grand ange, hiératique, par l'indifférence et la force de son regard, semble induire une tension secrète vers le dénouement.
Melancholia I est l'un des trois Meisterstiche (« estampes maîtresses ») de Dürer, avec Le Chevalier, la Mort et le Diable (1513) et Saint Jérôme dans sa cellule (1514)[18],[30]. Les trois estampes sont considérées comme thématiquement liées par certains historiens de l'art, représentant des travaux de nature intellectuelle (Melencolia I), morale (Le Chevalier) ou spirituelle (Saint Jérôme)[11]. Dürer diffusait parfois Melancholia I avec Saint Jérôme dans sa cellule. Rien ne prouve qu'il les ait conçues comme un groupe thématique[6].
L'impression a deux états , dans le premier, le nombre neuf dans le carré magique apparaît à l'envers[31]. Dans le second, des impressions plus courantes, le neuf est régulier et quelque peu étrange.
La documentation permettant de connaître l'intention de Dürer[6] est réduite. Il a fait quelques études au crayon pour la gravure , certaines de ses notes s'y rapportent. Une note couramment citée fait référence aux clés et à la bourse : « Schlüssel - gewalt / pewtell - reichtum beteut » (« les clés signifient le pouvoir, la bourse signifie la richesse »)[32]. Cela peut être la simple transcription de leur symbolisme traditionnel[33]. Une autre note réfléchit sur la nature de la beauté.
En 1513 et 1514, Dürer connaît la mort de plusieurs amis, puis celle de sa mère ; il fait son portrait à cette époque son chagrin pourrait s'exprimer dans cette gravure[6],[34],[35]. Il ne mentionne la mélancolie qu'une seule fois dans les écrits qui nous sont parvenus : dans un livre inachevé pour jeunes artistes, il avertit que trop d'efforts peuvent conduire à « tomber sous la main de la mélancolie »[36].
Étymologiquement, mélancolie est exactement traduit par « atrabile » ou humeur noire. Le tempérament mélancolique, avec prédominance de l'atrabile (ou bile noire), est le quatrième et dernier tempérament dans la médecine hippocratique.
Dürer a inséré un signe entre le mot Melencolia et le I final. Les exégètes se sont interrogés sur sa signification. Il est probable que Dürer l'ait dessiné de manière intentionnelle. Ce peut être une simple arabesque décorative, mais son caractère ornemental ne se rencontre pas dans les autres lettres.
À l'époque de Dürer, ce signe est appelé typus, du grec typo : image, figure, statue (telle que la Margarita philosophica de Gregor Reisch). En ce sens, Melencolia typus I pourrait introduire un genre ou une suite. Erwin Panofsky le comprend comme un des différents types de mélancolie. Il est aussi possible d'y reconnaître la première des humeurs, attribuée à Saturne, la plus haute des planètes, toujours citée la première dans l'échelle ancienne des sept planètes. Le carré magique du tableau est jovien et Jupiter est censé équilibrer la dangereuse bipolarité de Saturne. Mais les interprétations divergent : le nombre « I » peut se lire comme le I, neuvième lettre de l'alphabet.
Panofsky a examiné puis rejeté la suggestion selon laquelle le « I » dans le titre pourrait indiquer que Dürer avait prévu trois autres gravures sur les quatre tempéraments[37]. Il suggère plutôt que le « I » fait référence au premier des trois types de mélancolie définis par Henri-Corneille Agrippa de Nettesheim. D'autres voient le « I » comme une référence au Nigredo, la première étape du processus alchimique[38].
Ce motif devient un sujet pour l'artiste , son génie le plonge souvent dans un état d'esprit similaire à celui de l'allégorie : vouloir créer mais ne rien pouvoir faire. Une représentation et une pose très similaires de la figure peuvent être trouvées dans le tableau de Dürer L'Homme de douleurs, qui est conservé à la Staatliche Kunsthalle Karlsruhe.
La présence des divers éléments symboliques, leurs relations mutuelles et les multiples échos qu'ils se renvoient, l'unité organique qui se dégage de leur arrangement, peuvent conduire à une autre interprétation : la description d'un monde divin et angélique en attente, prêt à restituer à un monde humain sous l'emprise des ténèbres la lumière divine oubliée. Elle plongerait le spectateur au cœur d'un univers de connaissances hermétiques. Erwin Panofsky voit dans la melancholia un autoportrait spirituel du Maître, interprétation nullement exclusive d'autres points de vue.
Ursula Marvin du Smithsonian Astrophysical Observatory a identifié l'étoile en arrière-plan de l'image comme la météorite d'Ensisheim du 7 novembre 1492[39]. Dürer se trouve alors à Bâle, à 38 kilomètres d'Ensisheim, et peint l'explosion de la météorite au dos d'un petit panneau de bois, avec son tableau de Saint Jérôme dans sa cellule au recto. L'historien de l'art David Carritt a attribué l'œuvre à Dürer en 1956[40].
Éléments symboliques
modifierL'inventaire des éléments présents dans la gravure inclut une vingtaine d'articles, tous identifiables.
Un ange est assis, tenant sur ses genoux un livre, avec un compas à la main ; une bourse et des clés pendent de sa ceinture. L'ange est apparemment la figure principale de la composition. Beaucoup d'auteurs l'envisagent au féminin, le voyant comme allégorie de la géométrie ou de la mélancolie. À côté de lui, un putto est assis sur une roue de meunier. Le putto et l'ange sont deux figures allégoriques (par leurs ailes) mises en parallèle. Tous deux sont assis, tournés dans la même direction et tiennent des objets semblables. Sur ce fond de similitudes, leurs différences d'âge et d'attitude apparaissent renforcées. Étant perchée sur une roue de meunier, ou une meule à aiguiser, selon certains, la figure du putto rappelle manifestement l'imagerie de la Rota fortuna médiévale[réf. nécessaire]. Loin de se ressembler, les deux s'opposent. Le plus petit est occupé à griffonner tandis que le plus grand a abandonné toute velléité.
Derrière eux, figure le coin d'une construction mal définie (maison, piédestal) avec, accrochés sur ses murs, un sablier, surmonté d'un cadran solaire, une cloche, une balance ; un carré magique est tracé et une échelle monte en arrière-plan. La balance exprime classiquement une notion de jugement, qui serait ici en relation avec un jugement de nature apocalyptique, étant donné la présence des autres éléments de la gravure. Le sablier est bien évidemment une figuration de l'écoulement du temps, et cet élément renforce la « posture d'attente » qui semble baigner le monde angélique du premier plan. Toutefois il est représenté au moment où les deux bulbes sont également remplis, suggérant plutôt un certain équilibre statique comme celui de la balance à sa gauche ou la cloche à droite. Au-dessus du sablier, le gnomon du cadran solaire ne projette aucune ombre, tandis que celle du sablier est bien marquée sur le mur. Le luminaire devrait être quelque part sur le prolongement de la diagonale montant du coin gauche de la gravure. Le rapport entre la largeur du sablier et celle du carré magique est celui du nombre d'or. L'échelle est souvent associée aux sept Arts libéraux, qui sont en relation avec l'hermétisme. La présence d'un creuset alchimique, juste à côté du polyèdre, notifie la nature hermétique de la gravure. L'échelle pointant vers le ciel de telle sorte que l'on n'en voit pas le bout, pourrait être rapprochée de l'Échelle de Jacob.
Devant l'ange et le putto, sur le sol, sont représentés divers outils, un creuset sur le feu, une sphère, un lévrier et un polyèdre. Les outils sur le sol, près du grand ange, se rapportent les uns au travail de la pierre (peut-être sont-ils destinés à évoquer la réduction en pierre cubique du grand polyèdre), les autres au travail du bois. Dans le contexte de l'époque de Dürer, ces outils ne peuvent manquer de rappeler les initiations correspondantes, celle des maçons et des tailleurs de pierre d'une part, celle des charpentiers d'autre part. En alchimie, le lévrier symbolise le métal vil à transmuter, donc il représente l’antimoine natif. Le compas est représenté sur la gravure avec une ouverture de 30 degrés, mais comme il n'est pas vu de front, son angle « véritable » n'est pas identifiable. Sa valeur semble proche de 51,4 degrés c'est-à-dire ( ). Le milieu géométrique de la gravure se trouve très proche de la tête du compas (un peu au-dessus) et un certain arrangement de composition en cercle autour de ce centre est peut-être perceptible, bien que l'organisation gauche/droite et haut/bas soit tout aussi significative.
Les outils répertoriés sont en général considérés des symboles de l'effort créatif aux côtés des formes géométriques, comme l'illustre déjà Gregor Reisch dans son encyclopédie Margarita philosophica (1504) dans une gravure sur bois au titre latin Typus geometriae. Ils doivent être compris comme un appel à l'action qui rendra le monde plus compréhensible et mieux gérable.
En arrière-plan, le paysage est formé par une surface d'eau et une partie du ciel où apparaissent un arc-en-ciel (ou une trajectoire elliptique), un corps céleste dont la nature exacte reste à déterminer, et un animal volant, chauve-souris ou gargouille, qui montre, sur la face interne de ses ailes une inscription comprenant un élément ornemental en forme de S et l'inscription « melancholia I », ou plutôt, si on utilise le signe § toujours en usage : « melancholia § I ». Selon Erwin Panofsky, la melancholia serait « dans un lieu froid et solitaire, non loin de la mer »[41] et les arbres entourés d'eau suggéreraient les inondations liées à Saturne[42], opinion rejetée par Maurizio Calvesi[43]. Plus récemment, Dominique Radrizzani propose de reconnaître dans la construction fortifiée de l'arrière-plan une évocation du château de Chillon sur le lac Léman en Suisse[44].
La représentation est en vue perspective avec le côté droit encombré de détails tandis que le côté gauche apparaît plutôt vide.
La date 1514 qui apparaît à côte du monogramme de Dürer, figure aussi dans le carré magique. La mère de Dürer est morte cette même année, ce qui expliquerait une partie de sa mélancolie[45],[46].
Carré magique
modifierSur le mur derrière l'ange, figure un carré magique, dont la valeur est 34. Les carrés magiques sont, notamment dans les ésotérismes juif et islamique, associés à des connaissances secrètes qui furent transmises, pendant et avant l'époque de Dürer par des confréries d'ésotérisme chrétien qui maintenaient des relations suivies avec les initiés à l'ésotérisme islamique.
En ordonnant les nombres de 1 à 16 (ou à 9, 25 ou tout autre carré parfait supérieur à 4), une grille carrée peut être remplie de façon telle que la somme sur chaque ligne horizontale, verticale ou diagonale ait la même valeur. Les carrés magiques utilisés dans l'hermétisme sont d'ordre n, c'est-à-dire qu'ils ont n lignes et n colonnes, correspondant aux entiers allant de 1 à . La somme de tous les nombres d'un tel carré magique de taille n a pour valeur :
tandis que la valeur de ce carré, c'est-à-dire le même nombre que l'on retrouve en sommant les lignes, les colonnes, ou les deux diagonales vaut, puisqu'il y a n lignes et n colonnes, la quantité précédente divisée par n c'est-à-dire :
Les différentes tailles n sont mises en correspondance avec les « cieux » dans les représentations traditionnelles. Le carré d'ordre 4, tel celui que l'on trouve dans la melancholia, est associé au ciel de Jupiter. La somme de tous ses nombres vaut donc 136, et sa valeur est 34. Le carré d'ordre 3 correspond au ciel de Saturne. Le carré d'ordre 6 est traditionnellement associé au ciel du Soleil. La somme de tous ses nombres vaut donc , et sa valeur est 111. Ainsi, on retrouve le fait que 666 est avant tout considéré, notamment par la Kabbale, comme un nombre « solaire », et c'est uniquement l'un de ses aspects, négatif, qui doit être considéré comme « maléfique », et non le nombre en lui-même, qui garde avant tout cet aspect solaire.
Le carré figurant dans la melancholia est un type particulier de carré magique: la somme dans l'un de ses quatre quadrants, ainsi que la somme des nombres du carré du milieu, valent également 34, la valeur du carré[47]. C'est un carré magique gnomon.
Vers la fin du XVe siècle Luca Pacioli a été le premier à publier des exemples. Il est douteux que Dürer ait eu connaissance du manuscrit De Philosophia Occulta que Cornelius Agrippa avait rédigé vers 1510 mais qui n'a été publié qu'entre 1531 et 1533[48]. L'arrangement particulier qu'il a choisi, comporte, au milieu de la dernière ligne, les nombres 15 et 14 qui correspondent à la date de la gravure[49], 1514. De plus, étant lié avec Jupiter, par son caractère « jovial » ce carré devrait être une influence bénéfique contre la mélancolie. Les propriétés numérologiques de cet élément de la gravure peuvent donner l'occasion à de nombreuses interprétations. La valeur numérique du carré magique présent dans la Mélencolia est 34. Ici, ce sont les nombres 3 et 4 qui sont significatifs : ils apparaissent de façon symétrique dans la Tetractys pythagoricienne : 1 + 2 + 3 + 4 = 10 = 3 + 4 + 3. Ce carré magique est relié à une certaine interprétation cyclique du dénaire (cf. La monade hiéroglyphique de John Dee, composée à Londres et terminée en 1564, donc véhiculant probablement des connaissances contemporaines à la vie de Dürer), et donc, dans le cas de la gravure, à une interprétation de nature apocalyptique. Dans le carré magique, si on se réfère aux carrés intérieurs, en parcourant le sens des aiguilles d'une montre, on trouve la suite consécutive des nombres 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, avec un dédoublement pour la valeur 17.
Polyèdre
modifierLa signification du polyèdre est une énigme qui est encore débattue. Ce polyèdre s'apparente aux solides d'Archimède mais c'est une construction originale qu'on a fini par appeler, faute de mieux, « polyèdre de Dürer » ou « solide de Dürer ».
Il s'agit d'un polyèdre à 8 faces. Dürer ne précisa pas, dans les documents qui nous sont restés, la façon dont ce polyèdre peut être construit. Cependant, en 1999, Schreiber[50] remarqua que ce solide peut être obtenu à partir d'un cube, d'abord étiré pour produire 6 faces rhombiques ayant des angles de 72°, puis tronqué à son sommet et sa base pour donner les faces triangulaires dont les sommets sont sur la sphère inscrite sur les six sommets restants du cube.
Le polyèdre figure non loin d'une sphère dans la gravure. Or le polyèdre de Dürer est sphérique, c'est-à-dire que ses sommets sont tous situés à égale distance par rapport à un centre.
Il est remarquable qu'une projection dans un plan perpendiculaire aux faces triangulaires inscrive la figure dans une grille carrée de dimension 4 x 4 dont les sommets sont tronqués[51]. Ainsi une correspondance s'établit entre le solide géométrique et le carré arithmétique.
Le dessin préparatoire de ce polyèdre où Dürer indique les arêtes non visibles se trouve dans un carnet autographe de l’artiste conservé à la SLUB (Bibliothèque d'État et universitaire de Saxe à Dresde). Le polyèdre, tracé en perspective, y est représenté sur une estrade aux coins tronqués elle aussi en perspective, à l’instar de cet énigmatique solide. Or, si la construction de ce polyèdre a fait l’objet de plusieurs études, il n’existe par contre que peu de recherches relatives à sa position centrale dans la gravure. L’artiste plasticien Frank Morzuch a étudié ce polyèdre à Dresde après avoir constaté que le prolongement de ses arêtes permet d’établir une grille fondamentale d’ordre 3 apparentée au carré de Saturne que vient contrecarrer la grille d’ordre 4 du carré planétaire de Jupiter introduite à dessein, selon Erwin Panofsky, pour corriger la dangereuse bipolarité de Saturne. Ces deux grilles sont en relation avec les barreaux de l’échelle dont les degrés horizontaux jurent avec la remarquable mise en perspective du polyèdre comme l’a indiqué Eberhard Schröder. Cette découverte en relation avec les carrés planétaires ouvre la voie à une interprétation encore inédite confirmant la thèse qui fait de cette gravure une magistrale leçon de géométrie cryptée, celle-là même qu’Albrecht Dürer est allé chercher à Bologne lorsqu’il informe Willibald Pirckheimer, dans sa lettre de Venise du : Encore dix jours ici et j’en aurai fini. Ensuite, je voudrais me rendre à cheval à Bologne pour apprendre l’art de la perspective secrète que quelqu’un doit m’enseigner[52].
Le squelette du polyèdre de Dürer est un graphe à 12 sommets (figure ci-contre).
Sur le polyèdre, on peut apercevoir les traits indistincts d'un visage, un peu penché sur la droite. Peut-être est-ce un portrait de l'auteur ; on peut aussi voir un crâne humain, qui pourrait symboliser la finitude de la vie humaine dans la mélancolie. D'autres motifs semblent pouvoir être identifiés comme des traits d'animaux (singes).
Interprétations
modifierLe foisonnement de symboles a donné lieu à de très nombreuses interprétations[53]. De nos jours il ne semble pas possible qu'une seule puisse rendre compte[54] d'une façon satisfaisante de tous les éléments de la gravure. Il n'est guère convaincant de se rabattre sur une intention de l'auteur à jamais inaccessible ; non seulement les symboles sont susceptibles de lectures plurielles mais leur présence simultanée engendre des combinaisons dont la multiplicité ne saurait être épuisée. Toutefois l'exploration de certains thèmes a produit des interprétations qui méritent une certaine attention.
L'ami et premier biographe de Dürer Joachim Camerarius l'Ancien écrit le premier récit de la gravure en 1541. Abordant son symbolisme apparent, dit-il, « pour montrer que ces esprits [affligés] saisissent généralement tout et comment ils sont fréquemment emportés dans des absurdités, [Dürer] dressa devant elle une échelle dans les nuages, tandis que l'ascension au moyen d'échelons est […] entravé par un bloc carré de pierre. »[55]. Plus tard, l'historien de l'art du XVIe siècle Giorgio Vasari décrit melancholia I comme une prouesse technique qui « émerveille le monde entier »[56].
La plupart des historiens de l'art considèrent l'estampe comme une allégorie, en supposant qu'un thème unifié peut être trouvé dans l'image si ses symboles constitutifs sont « déverrouillés » et mis en ordre conceptuel. Ce type d'interprétation suppose que l'impression est un Vexierbild (une « image de puzzle ») ou un rébus dont les ambiguïtés peuvent être résolues[57]. D'autres voient l'ambiguïté comme intentionnelle et insoluble. Mitchell B. Merback note que des ambiguïtés subsistent même après l'interprétation de nombreux symboles individuels : le spectateur ne sait pas s'il fait jour ou crépuscule, où se trouvent les personnages ou la source d'éclairage[14]. L'échelle appuyée contre la structure n'a ni début ni fin évidents, et la structure dans son ensemble n'a aucune fonction évidente. La chauve-souris peut voler de la scène, ou est peut-être une sorte de démon lié à la conception traditionnelle de la mélancolie.
Certaines relations avec la théorie des humeurs, l'astrologie et l'alchimie sont importantes pour comprendre l'histoire interprétative de l'estampe. Depuis la Grèce antique, on pensait que la santé et le tempérament d'un individu étaient déterminés par les quatre humeurs : la bile noire (humeur mélancolique), la bile jaune (humeur colérique), le flegme (humeur flegmatique) et le sang (humeur sanguine). En astrologie, chaque tempérament était sous l'influence d'une planète, Saturne dans le cas de la mélancolie. Chaque tempérament était également associé à l'un des quatre éléments ; la mélancolie était associée à la terre et était considérée comme « sèche et froide » en alchimie. La mélancolie était traditionnellement le moins désirable des quatre tempéraments, créant une constitution qui était, selon Panofsky, « maladroite, avare, méchante, cupide, malveillante, lâche, infidèle, irrévérencieuse et somnolente »[58]. Depuis Panofsky, la lecture de cette gravure au contenu philosophique est en effet rapportée à la pensée néo-platonicienne sur la théorie des humeurs prônée par le Florentin Marsile Ficin, dont le traité De vita triplici a été publié en allemand à Nuremberg en 1505 par Anton Koberger, le parrain de Dürer[10].
En 1905, Heinrich Wölfflin qualifie l'estampe d'« allégorie de la pensée profonde et spéculative ». Quelques années plus tôt, l'historien de l'art viennois Karl Giehlow publie deux articles qui jettent les bases de l'étude approfondie de l'estampe par Panofsky. Giehlow s'est spécialisé dans l'intérêt humaniste allemand pour les hiéroglyphes et interprète melancholia I en termes d'astrologie, qui avait présenté un intérêt pour les intellectuels liés à la cour de Maximilien Ier (empereur du Saint-Empire) à Vienne (Autriche). Giehlow trouve dans l'impression une « somme érudite de ces intérêts, une représentation complète du tempérament mélancolique, ses valeurs positives et négatives maintenues en parfait équilibre, son potentiel de « génie » suspendu entre l'inspiration divine et la folie noire »[59].
Erwin Panofsky propose de voir melancholia comme un autoportrait spirituel de Durer, souhaitant mesurer le monde à l'aune de son art mais restant éternellement insatisfait, du fait de son ambition inatteignable. Elle plonge d'ailleurs le spectateur, qui ne parvient pas lui-même à épuiser l'étendue de ses significations, dans un état comparable de mélancolie[10]. Cette interprétation est développée dans les éditions successives du livre Saturne et la mélancolie qui reste une référence sur le sujet[60].
Patrick Doorly suggère que melancholia I serait l'illustration de l'échec à définir la beauté tel que Platon l'a décrite dans son dialogue Hippias majeur[61].
Louis Barmont a écrit une étude sur l'ésotérisme de melancholia intitulée L'ésotérisme d'Albert Dürer, la Mélencolia (1947), dans laquelle il avance l'appartenance de Dürer à des sociétés d'ésotérisme chrétien de son temps[62].
Dans son Formulaire de haute magie (1937), Pierre Piobb propose une interprétation du carré magique et des divers éléments présents dans le tableau[63].
Karel Vereycken, dans Albrecht Dürer contre la Mélancolie néo-platonicienne (2005), estime que l'humanisme chrétien de Dürer, ami d'Érasme de Rotterdam, le porte à polémiquer contre un néoplatonisme de plus en plus païen[64].
Gérard de Nerval, écrit dans El Desdichado :
Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Certains auteurs établissent une relation entre ce Soleil noir de la Mélancolie nervalien et l'astre rayonnant d'une lumière noire dans la gravure de Dürer. D'autres auteurs établissent une relation entre cet astre et la notion du « Satellite sombre », telle qu'on la trouve par exemple chez Burgoyne[65]. Une telle interprétation irait dans le sens d'une forte prégnance « apocalyptique » à l'œuvre : le Satellite sombre, dont le rayonnement dans la gravure de Dürer semble apporter sa part de victoire à la créature volante, et dont les effluves se déversent sur l'ensemble du monde humain (symbolisé ici par l'arrière-plan), représenterait le triomphe passager de l'obscurcissement et des ténèbres, qui ne seront dissipées que lorsque les éléments divins du premier plan se « réveilleront » au moment opportun.
Iconographie
modifierSelon Panofsky, qui a écrit trois fois sur l'estampe entre 1923 et 1964[66], melancholia I combine les iconographies traditionnelles de la mélancolie et de la géométrie, toutes deux gouvernées par Saturne. La géométrie est l'un des sept arts libéraux et sa maîtrise est considérée comme vitale pour la création du grand art, qui a été révolutionné par de nouvelles compréhensions de la perspective. Dans la gravure, les symboles de la géométrie, de la mesure et des métiers sont nombreux : le compas, la balance, le marteau et les clous, le rabot et la scie, la sphère et l'insolite polyèdre. Panofsky a examiné les personnifications antérieures de la géométrie et a trouvé beaucoup de similitudes entre la gravure de Dürer et une allégorie de la géométrie dans le Margarita philosophica de Gregor Reisch (1503), une encyclopédie populaire[67],[68].
D'autres aspects de la gravure reflètent le symbolisme traditionnel de la mélancolie, comme la chauve-souris, le chien émacié, la bourse et les clés. La figure porte une couronne de plantes « humides » pour contrer la sécheresse de la mélancolie, et elle a le visage sombre et l'apparence échevelée associés à l'état mélancolique. L'intensité de son regard suggère cependant une intention de s'écarter des représentations traditionnelles de ce tempérament. Le carré magique est un talisman de Jupiter, une planète de bon augure qui repousse la mélancolie ; différentes tailles de carrés étaient associées à différentes planètes, le carré 4 × 4 représentant Jupiter[69],[70]. Même le paysage marin lointain, avec de petites îles d'arbres inondés, se rapporte à Saturne, le « seigneur de la mer », et à son contrôle des inondations et des marées[71].
Erwin Panofsky voit dans l'image une expression pour la melancholia artificialis, une mélancolie artistique qui n'est pas dépressive mais ingénieuse, mais qui, influencée par la planète Saturne, tend à la mélancolie[29]. Panofsky pense que la compréhension de Dürer de la mélancolie est influencée par les écrits de l'humaniste allemand Henri-Corneille Agrippa de Nettesheim, et avant lui de Marsile Ficin qui pense que la plupart des intellectuels sont influencés par Saturne et sont donc mélancoliques[72]. Il assimile la mélancolie à l'élévation de l'intellect, puisque la bile noire « élève la pensée à la compréhension du plus haut, car elle correspond au plus haut des planètes »[73]. Avant la Renaissance, les mélancoliques sont dépeints comme incarnant le vice de l'acédie, c'est-à-dire la paresse spirituelle[9]. Les écrits de Ficin et Agrippa donne à la mélancolie des connotations positives, l'associant à des envolées de génie qui permettent la créativité. Comme le résume l'historien de l'art Philip Sohm, Ficin et Agrippa attribuent aux intellectuels de la Renaissance une « conception néoplatonicienne de la mélancolie comme inspiration divine ». Sous l'influence de Saturne, « l'imagination mélancolique a pu être amenée à des réalisations remarquables dans les arts »[6]. Dürer connait par sa propre expérience les dangers qui guettent lorsqu'il y avait trop de tension mentale et l'exprime à travers la personnification de melancholia.
Agrippa définit trois types de génie mélancolique dans son De occulta philosophia[74]. La première, la melancholia imaginativa, concerne les artistes, dont la faculté imaginative est considérée comme plus forte que la raison (par rapport, par exemple, aux scientifiques) ou l'esprit intuitif (par exemple, les théologiens). Dürer aurait pu faire référence à ce premier type de mélancolie, celle de l'artiste, par le «I» du titre. On pensait que la mélancolie attirait les daimôns qui produisaient des accès de frénésie et d'extase chez les affligés, élevant l'esprit vers le génie[6]. Dans le sommaire de Panofsky, le mélancolique imaginatif, sujet de l'estampe de Dürer, «typique [de] la première forme, ou la moins exaltée, de l'ingéniosité humaine. Elle peut inventer et construire, et elle peut penser […] mais elle n'a pas accès au monde métaphysique […]. [Elle] appartient en effet à ceux qui « ne peuvent étendre leur pensée au-delà des limites de l'espace». C'est l'inertie d'un être qui renonce à ce qu'il pourrait atteindre parce qu'il ne peut atteindre ce à quoi il aspire.»[34]. La personnification de la mélancolie par Dürer est celle d' «un être à qui son royaume attribué semble intolérablement limité - d'un être dont les pensées «ont atteint la limite»[75]. Melancholia I dépeint un état d'inspiration perdue: la figure est «entourée par les instruments du travail créatif, mais sombre tristement avec le sentiment qu'elle n'accomplit rien»[76].
L'autobiographie traverse de nombreuses interprétations de melancholia I, y compris celle de Panofsky. Iván Fenyő considère l'estampe comme une représentation d'un artiste en proie à une perte de confiance, déclarant: «peu de temps avant que [Dürer] ne dessine melancholia , il écrivait : « ce qui est beau, je ne le sais pas ». . .melancholia est une confession lyrique, l'introspection consciente de l'artiste de la Renaissance, sans précédent dans l'art nordique. Erwin Panofsky a raison de considérer cette admirable planche comme l'autoportrait spirituel de Dürer.»[77].
Au sein du carré magique de melancholia I, les combinaisons à reconnaître sont variées et surprenantes: « chaque groupe aux coins, formé de quatre carrés (16, 3, 5, 10 - 2, 13, 11, 8 - 9, 6, 4, 15 – 7, 12, 14, 1), a la somme de 34. Le même nombre est obtenu en additionnant les chiffres du groupe central (10, 11, 6, 7), mais aussi ceux des cases d'angle (16, 13, 4, 1). Le même résultat est obtenu en ajoutant les chiffres sur les lignes horizontales, verticales et diagonales. Nous obtenons toujours 34. Au total, le nombre se produit seize fois. Seize est le nombre total de cases. C'est une propriété qui apparaît également dans la Tabula Jovis d'Henricus Cornelius Agrippa von Nettesheim, mais qui est passée inaperçue pour beaucoup, peut-être parce qu'elle n'apparaît pas dans la liste de ses caractéristiques, dressée par l'auteur lui-même[78]. La caractéristique des sommes de chaque zone est également partagée dans les schémas analogues de Mescupolo et de Paracelse[79]. Malgré la similitude avec ceux-ci, le carré magique de melancholia I ne semble pas choisi pour suivre une tradition hermétique. L'exclusivité tacite de ce type de carré peut être la raison de la dédicace à Jupiter (privilégiée des dieux et la plus grande des planètes) et du choix de Dürer. En vérité, sa source la plus fiable se trouve dans la description que Luca Pacioli propose comme une agréable curiosité [«ligiadro solazo» (f. 122 r)], attribuant son origine aux plus grands astronomes, «Ptolomeo al humasar ali, al fragano, Geber et à tous les autres». Ceux-ci «ont dédié à Jupiter [planète «Giove»][80] la figure composée de 4 carrés de chaque côté, avec les nombres disposés de manière à obtenir 34 pour chaque direction, soit 16, 3, 2, 13 et dans la ligne suivante 5, 10, 11, 8, donc dans la troisième ligne 9 [etc.] comme on le voit dans la marge[81].»[82] Ce schéma indiqué n'apparaissant pas dans le manuscrit, il a été complété par des chiffres bleus. Le carré magique de melancholia I représente un exercice jovien (lat. iovialis, de Iovis) pour contrer les influences de la mélancolie. En bas au centre, l'union des chiffres 15 et 14 indique une année bien triste[83].
Interprétations contemporaines
modifierEn 1991, Peter-Klaus Schuster publie melancholia I : Dürers Denkbild[84], une histoire exhaustive de l'interprétation de l'estampe en deux volumes. Son analyse, selon laquelle melancholia I est une «allégorie élaborée de la vertu […] structurée par une opposition presque schématique de la vertu et de la fortune» arrive alors que les lectures allégoriques sont remises en question[85]. Dans les années 1980, les chercheurs commencent à se concentrer sur les contradictions inhérentes à l'estampe, trouvant un décalage entre «l'intention et le résultat» dans l'effort d'interprétation qu'il semble exiger. Martin Büchsel, contrairement à Panofsky, trouve l'estampe une «négation» de la conception humaniste de Ficin de la mélancolie. Son chaos se prête à des interprétations modernes qui y trouvent un commentaire sur les limites de la raison, de l'esprit et des sens, et de l'optimisme philosophique[86]. Par exemple, Dürer peut avoir rendu l'image impénétrable afin de simuler l'expérience de la mélancolie chez le spectateur.
Joseph Leo Koerner abandonne les lectures allégoriques dans son commentaire de 1993, décrivant la gravure comme délibérément obscure, de sorte que le spectateur réfléchit à son propre travail d'interprétation. Il écrit :« Le vaste effort des interprètes ultérieurs, dans toute leur industrie et leurs erreurs, témoigne de l'efficacité de l'estampe comme occasion de réflexion. Au lieu de médiatiser un sens, melancholia semble conçu pour générer des lectures multiples et contradictoires, pour orienter ses spectateurs vers un travail d'exégèse sans fin jusqu'à ce qu'épuisés, à la fin, ils découvrent leur propre portrait dans la personnification insomniaque et inactive de la mélancolie de Dürer. Interpréter la gravure elle-même devient un détour vers l'autoréflexion. »[11]
En 2004, Patrick Doorly soutient que Dürer était plus préoccupé par la beauté que par la mélancolie. Doorly a trouvé un support textuel pour des éléments de melancholia I dans Hippias majeur de Platon, un dialogue sur ce qui constitue le beau, et d'autres œuvres que Dürer aurait lues en conjonction avec sa conviction que la beauté et la géométrie, ou la mesure, étaient liées. Dürer a en effet écrit un traité sur les proportions humaines, l'une de ses dernières grandes réalisations. Il a été exposé à une littérature variée qui a pu influencer la gravure par son ami et collaborateur, l'humaniste Willibald Pirckheimer, qui a également traduit du grec. Dans le dialogue de Platon, Socrate et Hippias d'Élis envisagent de nombreuses définitions du beau. Ils se demandent si ce qui est agréable à voir et à entendre est le beau, que Dürer symbolise respectivement par le regard intense de la figure et la cloche. Le dialogue examine ensuite la notion selon laquelle «l'utile» est le beau, et Dürer écrit dans ses notes: «L'utilité fait partie de la beauté. Donc ce qui est inutile chez un homme n'est pas beau.» Doorly interprète les nombreux outils utiles de la gravure comme symbolisant cette idée; même le chien est un chien de chasse «utile». À un moment donné, le dialogue fait référence à une roue de moulin, un objet inhabituel et spécifique qui apparaît dans les deux sources par coïncidence. De plus, Dürer a peut-être vu le dodécaèdre parfait comme représentatif du beau (la «quintessence »), basé sur sa compréhension des solides de Platon. Le polyèdre «raté» de la gravure symbolise donc une incompréhension du beau, et la figure, remplaçante de l'artiste, s'assombrit[7].
Dans Perfection's Therapy (2017), Merback soutient que Dürer voulait que melancholia I soit une image thérapeutique. Il passe en revue l'histoire des images de consolation spirituelle au Moyen Âge et à la Renaissance, et souligne comment Dürer a exprimé son engagement éthique et spirituel envers ses amis et sa communauté à travers son art. Il écrit que « la thématique d'une réflexion intérieure édifiante sur la vertu, comprise comme un impératif éthico-thérapeutique pour le nouveau type d'intellectuel pieux envisagé par l'humanisme, sous-tend certainement la conception de melancholia »[87]. Les amitiés de Dürer avec les humanistes ont animé et fait avancer ses projets artistiques, construisant en lui la «conception de soi d'un artiste ayant le pouvoir de guérir »[88]. Les traitements de la mélancolie dans l'Antiquité et à la Renaissance reconnaissaient parfois la valeur de «la réflexion et l'exhortation raisonnées»[89] et mettaient l'accent sur la régulation de la mélancolie plutôt que sur son élimination «afin qu'elle puisse mieux remplir son rôle donné par Dieu en tant qu'aide matérielle pour l'amélioration du génie humain »[90]. L'ambiguïté de melancholia I dans ce point de vue «offre un entraînement mental modéré qui calme plutôt qu'excite les passions, une stimulation des puissances supérieures de l'âme, une évacuation qui dissipe les vapeurs qui assombrissent l'esprit. . . Ceci, en un mot, est une forme de Catharsis - non pas au sens médical ou religieux d'une «purification» des émotions négatives, mais une «clarification» des passions avec des conséquences à la fois éthiques et spirituelles»[91].
Interprétation néoplatonicienne
modifierUne interprétation néoplatonicienne a été proposée par Norbert-Bertrand Barbe en 2022[92] à partir du symbolisme du dodécaèdre[93] comme symbole du ciel chez Platon (Timée 55c), repris par Luca Pacioli dans De divina proportione (1509), et Guillaume de Saluste du Bartas dans La seconde Sepmaine (1584).
La figure féminine de la gravure combine elle-même, comme l'ont souvent noté les interprètes de l'œuvre, dont Panofsky, les traits d'Uranie Muse de l'Astronomie, associée au globe, aux instruments de mesure et au compas, et de Polymnie Muse de la Géométrie et de la méditation, souvent représentée pensive. C'est ce qui s'explique par le lien entre les deux en tant qu'elles incarnent respectivement la Vénus céleste de l'amour divin et la Vénus humaine des pulsions charnelles, selon Le Banquet (187d-187e) et dans toute la tradition postérieure, illustrée par la toile du Titien Amour sacré et Amour profane (1524-1525) contemporaine de la gravure de Dürer, mais aussi chez Du Bartas, ou dans Le Paradis perdu (1667, VII, v. 5) de John Milton. Les deux types d'amour divin et humain sont au centre des préoccupations des néoplatoniciens Marsile Ficin dans son Commentaire au Banquet, Jean Pic de la Mirandole et Mario Equicola.
C'est ainsi que Ficin dans son Commentaire explique comment les passions ou fureurs, liées aux trois types de mélancolie, font descendre l'âme de Dieu à notre monde, et comment celles-ci peuvent aussi la faire remonter du monde vers Dieu. Dans ce processus Ficin désigne comme intermédiaire entre l'âme et Dieu ce qu'il appelle l'Ange. Or la figure de la gravure est ailée, dans un contexte intermédiaire entre le jour et la nuit, et entre les différents éléments: la terre, l'eau et le ciel. Elle est aussi entourée des Arma Christi: l'échelle, les tenailles, la bourse, les clous, le marteau, et de la meule de l'Apocalypse 18, 21, passage illustré par Dürer dans L'Apocalypse (Dürer) (1498). Selon cette lecture, la gravure illustrerait donc le type le plus haut de mélancolie (et non le plus bas, voir les débats sur le signe I porté par la chauve-souris et qui donne son titre à l'œuvre), figurant l'Ange qui ramène l'âme à Dieu. Dans ce cadre, des trois Meisterstiche, Le Chevalier, la Mort et le Diable représente le Miles Christi ou Foi active, Saint Jérôme dans sa cellule la Foi contemplative, et la melancholia I, à l'instar de la toile contemporaine du Titien, l'union avec Dieu, héritée de l'Unio mystica de la Grande Mystique médiévale: Henri Suso, Maître Eckhart, Hildegarde de Bingen. Alors que Le Chevalier, la Mort et le Diable mettrait en évidence une iconographie proto-protestante[94] dont le motif se retrouve dans la Loi et Évangile (Cranach, Gotha) (1529), melancholia I est un exemple de la forte influence de l'esprit de la Renaissance italienne, notamment mantouane[95], dans l'œuvre de Dürer.
Postérité
modifierArt pictural
modifierLes artistes du XVIe siècle ont utilisé melancholia I comme source, soit dans des images uniques personnifiant la mélancolie, soit dans le type plus ancien dans lequel les quatre tempéraments apparaissent. Lucas Cranach l'Ancien utilise ses motifs dans de nombreuses peintures entre 1528 et 1533[96],[97]. Elles partagent des éléments avec melancholia I tels qu'une femme ailée et assise, un chien endormi ou assis, une sphère et un nombre variable d'enfants jouant, probablement basé sur le putto de Dürer. Les peintures de Cranach opposent cependant la mélancolie à la gaieté enfantine, et dans la peinture de 1528, des éléments occultes apparaissent. Les gravures de Hans Sebald Beham (1539) et de Jost Amman (1589) sont clairement liées. À l'époque baroque, les représentations de la mélancolie et de la vanité sont combinées. La Mélancolie ou La Méditation de Domenico Fetti (vers 1620) en sont un exemple important ; Panofsky écrit que « le sens de cette image est évident au premier coup d'œil; toute activité humaine, pratique non moins que théorique, théorique non moins qu'artistique, est vaine, compte tenu de la vanité de toutes les choses terrestres»[98].
L'estampe attire les artistes romantiques du XIXe siècle; les dessins d'autoportraits d'Johann Heinrich Füssli et de Caspar David Friedrich montrent leur intérêt à capturer l'ambiance de la figure de melancholia, comme la Femme à la toile d'araignée de Friedrich[99].
Avec ses tableaux Melancholie des années 1890, Edvard Munch s'inscrit dans la lignée de la gravure.
Littérature
modifierL'historienne de la Renaissance Frances Yates croyait que le poème de 1594 de George Chapman, The Shadow of Night, était influencé par l'estampe de Dürer, et Robert Burton l'a décrit dans son L'Anatomie de la mélancolie (1621)[97]. Melancholia de Dürer est la patronne de la ville de la nuit épouvantable dans le chant final du poème de James Thomson du même nom. L'estampe a été reprise dans la poésie romantique du XIXe siècle en anglais et en français[100].
La gravure de Dürer a inspiré Gottfried Keller pour écrire le poème Mélancolie en 1848. Dans une dernière strophe, écrite en 1882, Keller arrive à la conclusion que Dürer a capturé le moment d'illumination dans le regard de l'ange, qui a mis fin à la phase dépressive et souffrante de la mélancolie et a conduit à une action créatrice : « Elle réfléchit - le démon doit s'échapper / Avant le plan mature réussi ».
Thomas Mann décrit le « carré magique » et sa « cohérence fatale » dans son roman Le Docteur Faustus (1943) au chapitre 12. Une reproduction de la gravure de Dürer est accrochée à « un endroit bien en vue » au-dessus du piano du compositeur Adrian Leverkühn dans son appartement d'étudiant à Halle. La relation harmonieuse entre les motifs du roman en tant que genre artistique et de la musique (contrepoint rigoureux)pourrait être le motif central du roman. Ehrhard Bahr propose une interprétation différente : lorsque la nouvelle des crimes allemands de la Shoah est connue aux États-Unis, Mann voit dans Melancolia le travail de deuil nécessaire à tout Allemand, l'adieu nécessaire à l'intériorité allemande, au romantisme devenu diabolique de 1933 à 1945[101].
Dans Journal d'un escargot de Günter Grass, melancholia est la seule image que l'enseignant qui a des doutes, emporte avec lui, fuyant le Nazisme.
Dans L'Esthétique de la résistance (1981) de Peter Weiss, l'image est interprétée en détail en ce qui concerne le silence de deux des protagonistes féminines du roman, qui vivent et remettent en question les atrocités du Troisième Reich mais ne sont plus capables de s'exprimer[102].
Melancholia est la gravure autour de laquelle est construite l'intrigue du roman de Henri Loevenbruck Le Testament des siècles, qui a également été adapté en BD. Il est fait référence au carré magique de melancholia I de Dürer dans le roman de Dan Brown, Le Symbole perdu (2009) : il y est utilisé pour déchiffrer un message secret, tout comme dans le roman d'Henri Loevenbruck, publié sept ans plus tôt.
Dans Aurélia ou le Rêve et la Vie, Gérard de Nerval compare un « être d'une grandeur démesurée », personnage apparu au cours d'un rêve du narrateur, à « l'Ange de la Mélancolie, d'Albrecht Dürer », « vêtu d'une robe longue à plis antiques ».
À la fin du roman La Clef des mensonges de Jean-Bernard Pouy, le héros mourant trouve melancholia dans un coffre censé contenir l'explication de la quête dans laquelle il s'est laissé emporter.
La Nausée de Jean-Paul Sartre devait à l'origine s'appeler melancholia. La gravure de Dürer se trouve sur la couverture de certaines éditions. Le titre final a été donné par l'éditeur de Sartre[103].
La section Melancholia des Poèmes saturniens de Paul Verlaine tire peut-être son titre de la gravure de Dürer, dont Verlaine possédait une eau-forte[104].
Le roman de Ronald Bonan Hamadryas[105] est entièrement consacré à la question de l'interprétation de melancholia : l'héroïne y décrypte le sens des symboles en livrant une lecture originale du carré magique.
Jean Firges utilise melancholia I sur la couverture de son livre sur l'évolution psychologique de Paul Celan vers la maladie et le suicide[106]
Arts plastiques, sculpture
modifierLa façade de la Passion de la Sagrada Família contient un carré magique basé sur le carré magique de Melancholia I[107]. Le carré a subi une rotation et chaque ligne et colonne est réduit d'un nombre afin que les lignes et les colonnes totalisent 33 au lieu du standard 34 pour un carré magique 4x4.
Le plasticien Frank Morzuch développe depuis 1999, un système fondé sur les carrés planétaires et la théorie des humeurs. Elle corrobore l’hypothèse d'une tétralogie pressentie par Peter-Klaus Schuster dans son ouvrage : melancholia I, Durer Denkbild, Berlin Gebr. Mann Verlag, 1991, vol. I, p. 331 sqq[108] est à paraître chez Flammarion pour le 500e anniversaire de melancholia § I.
Cinéma
modifierLars von Trier a repris le motif de la chute de l'astre dans son long métrage Melancholia de 2011. La futilité de l'action humaine est révélée face à un univers indifférent lorsqu'une exoplanète sur une trajectoire de collision, se précipite vers la Terre, anéantissant la planète.
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Copie d'après Lucas Cranach l'Ancien, 1528, Edinbourgh[96].
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Hans Sebald Beham, Melancholia (1539).
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Jost Amman, Melancholia (1589).
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Jan Wierix, 1602, copie.
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La femme à la toile d'araignée ou Melancholie, gravure sur bois d'après un dessin de 1803 de Caspar David Friedrich[99].
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Friedrich, autoportrait vers 1840[99].
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Vardges Sureniants, Semiramis et Ara, 1899.
Notes et références
modifier- (en)/(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en anglais « Melencolia I » (voir la liste des auteurs) et en allemand « Melencolia I » (voir la liste des auteurs).
- Pour une bibliographie récente se référer à l'étude en deux volumes de Peter-Klaus Schuster, Melencolia I : Dürers Denkbild, Berlin, 1991, (2 vol.) (ISBN 3-7861-1188-X) ou Hartmut Böhme, Albrecht Dürer, Melencolia I : im Labyrinth der Deutung, Fischer, 1989 (ISBN 3-596-23958-3).
- Par exemple, Bartrum et al., 188
- Sander, 262
- Tsu-Chung Su, « An Uncanny Melancholia: The Frame, the Gaze, and the Representation of Melancholia in Albrecht Dürer's Engraving Melencolia I », Concentric: Literary and Cultural Studies, vol. 33, no 1, , p. 145–175
- Campbell Dodgson, Albrecht Dürer, London, Medici Society, , 94 p. La citation est fréquemment citée dans la littérature ultérieure (ex., Doorly).
- Sohm, « Dürer's 'Melencolia I': The Limits of Knowledge », Studies in the History of Art, vol. 9, , p. 13–32 (JSTOR 42617907)
- Doorly, « Dürer's 'Melencolia I': Plato's Abandoned Search for the Beautiful », The Art Bulletin, vol. 86, no 2, , p. 255–276 (DOI 10.2307/3177417, JSTOR 3177417)
- Hans Tietze, Erica Tietze-Conrat, Der reife Dürer, vol. 2, Holbein-Verlag, Basel/Leipzig, 1938, Nr. 583 (2 Halbbände 1937–1938)
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- Ibidem, p. 263. Voir également Raymond Klibansky, Erwin Panofsky & Fritz Saxl, Saturn and Melancholy, Studies in the History of Natural Philosophy, Religion and Art, Londres, Nelson, 1964, p. 324-25 et n.
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- Cf. J. A. H. Hunter and J. S. Malachy, Mathematical Diversions, New York, Dover, 1975.
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- Entendu que le "A" et le "D" sont la première et la quatrième lettre de l'alphabet, la ligne inférieure "4-15-14-1" répète le monogramme et la date D 1514 A (Dominique Radrizzani, op. cit., 2013, p. 24)
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- Dürer Schriftlicher Nachlass, Hans Rupprich I, page 59, ligne 85.
- Schuster, op. cit., p. 17-83
- Böhme H, op. cit. ; Balus, W., (1994) "Dürer's "Melencolia I" : Melancholy and the Undecidable", Artibus et Historiae 15 (30) : 9-21
- cité dans Merback, 37
- Merback (traduisant Vasari), 10. voir Le vite de' più eccellenti pittori, scultori e architetti, Volume 9
- Merback, 37–38, 48
- Panofsky, 157–58
- Résumé dans Merback, 39
- Klibansky, Panofsky et Saxl 1989.
- Doorly P., Durer's Melencolia I: Plato's abandoned search for the beautiful. The Art Bulletin 2006
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- P.V. Piobb, Formulaire de haute magie, Editions Dangles, 1937, p. 176.
- Karel Vereycken, « Albrecht Dürer contre la Mélancolie néo-platonicienne », Fusion, no 107, (lire en ligne).
- Cf. Thomas Burgoyne, Light of Egypt, tome I.
- Panofsky écrit, avec Fritz Saxl, Dürers "Melencolia I": eine quellen- und typengeschichtliche Untersuchung en 1923, suivi par une monographie de Dürer en 1943 qui consacre une section à l’impression, et, avec deux co-auteurs, Saturn and Melancholy en 1964.
- Panofsky, 161
- Klibansky, Panofsky & Saxl, 315
- Clifford A. Pickover, The Zen of Magic Squares, Circles, and Stars: An Exhibition of Surprising Structures across Dimensions, Princeton University Press, , 19 p. (ISBN 0-691-07041-5)
- Klibansky, Panofsky & Saxl, 271, 325
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- Comme l’étude d’Agrippa a été publiée en 1531, Panofsky suppose que Dürer avait accès à un manuscrit. Cette hypothèse a été contestée, comme par Hoffman, voir Merback, 43.
- Klibansky, Panofsky & Saxl, 345
- Klibansky, Panofsky & Saxl, 320
- Fenyő, Iván (1956). Albrecht Dürer. Budapest: Corvina. p. 52.
- Henricus Cornelius Agrippa von Nettesheim, De occulta philosophia, Liber secundus, Caput XXII, p. CXLIX, ed. 1533, Biblioteca Trivulziana, Milano.
- reproduit dans Maurizio Calvesi, La melanconia di Albrecht Dürer, p. 127, Einaudi, Torino1993.
- Le « carré de Jupiter présente le même arrangement qui est vu dans Melencolia I de Dürer », R. Klibansky, E. Panofsky, F. Saxl, Saturno e la Melanconia, Pare quarta, II, 2, b I, p. 306, Einaudi, Torino 1983).
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- (de) Peter-Klaus Schuster, Melencolia I: Dürers Denkbild, Berlin, Gebr. Mann Verlag,
- Merback, 47–48 (résumé de la citation de Schuster)
- Merback, 49
- Merback, 199
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Bibliographie
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- Mathieu Deldicque et Caroline Vrand (dir.), Albrecht Dürer. Gravure et Renaissance, In Fine éditions d'art et musée Condé, Chantilly, , 288 p. (ISBN 978-2-38203-025-7).
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier- « Notice de l'épreuve conservée à Chantilly au musée Condé », notice no 50520000155, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture
- « Notice de l'épreuve conservée à Colmar au musée Unterlinden », notice no M0028003144, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :