Cette notation, due au mathématicien Roger Penrose, a pour but l'écriture pratique d'équations dans lesquelles interviennent des tenseurs ou des champs tensoriels. Il s'agit à la fois :
de bénéficier de la simplicité d'écriture permise par la convention de sommation d'Einstein ;
de ne pas dépendre contrairement à la convention d'Einstein d'un choix de base particulier (et donc arbitraire).
Aussi la notation en indices abstraits ne raisonne-t-elle jamais sur les composantes des tenseurs.
Les indices abstraits peuvent se penser comme des éléments d'un alphabet fini que l'on va utiliser pour étiqueter des espaces vectoriel et des tenseurs.
À partir d'un espace vectoriel sur le corps commutatif (en général ou ) de dimension , on peut former des copies de étiquetées par un indice abstrait : , , , , etc. Les espaces duaux respectifs sont notés , , , , etc. Si on peut lui faire correspondre naturellement un élément de noté , un élément de noté , etc. De même si , on peut lui faire correspondre naturellement un élément de noté , un élément de noté , etc.
En généralisant si est un tenseur de l'espace formé par produit tensoriel, on peut en définir l'équivalent dans la copie . Cet équivalent est noté . Bien sûr il est possible de définir les tenseurs équivalents , , , etc.
Remarque : Pour des raisons qui vont être expliquées ci-après, on s'abstient d'utiliser plusieurs fois le même indice. Des expressions comme ou sont donc dépourvues de sens. À noter que par contre possède bien un sens, mais que celui-ci est différent de celui présenté dans le présent paragraphe.
Soit deux tenseurs et tels que pour tout vecteur de et tout vecteur de on a . Ces deux tenseurs ont un fonctionnement quasi identique. L'ordre des paramètres n'a finalement que très peu d'importance puisque les indices agissent comme des étiquettes garantissant que l'évaluation est faite correctement. On souhaiterait donc pouvoir voir et comme de simples conventions d'écriture d'un même tenseur et pouvoir écrire . Il est possible pour cela de considérer l'espace union et d'y définir la relation d'équivalence telle que deux tenseurs et sont équivalents si . On note alors l'espace quotient dans lequel tout se passe comme si on avait oublié l'ordre des paramètres des tenseurs. Seul leur étiquetage par des indices abstraits est dès lors pertinent. On peut alors considérer que , que et que .
De même on peut par exemple former les espaces vectoriels :
Remarque : On voit ici pourquoi il est important de ne pas utiliser deux fois le même indice au sein d'un même tenseur. Le faire rendrait la désignation des paramètres ambigüe.
Remarque : Soit un tenseur admettant entre autres une écriture et encore une écriture (on a donc le droit d'écrire ). Il est important de comprendre qu'en revanche les symboles et désignent a priori des tenseurs différents, bien qu'ils appartiennent tous les deux à . Il s'agit en effet de copies de indexées par des indices abstraits différents : on a respectivement et . Lorsqu'on quotiente l'espace union par la relation d'équivalence afin de forger , les tenseurs et ne se retrouvent pas (sauf cas particulier) dans la même classe d'équivalence. Par ailleurs, une écriture telle que est dépourvue de signification puisqu'elle ne saurait représenter une copie valable du tenseur non indexé .
Remarque : Si dans l'exemple précédent , et peuvent être considérés comme des conventions d'écriture d'un même tenseur indexé, il doit cependant rester clair que , et sont des objets différents.
Soit l'espace de tenseurs et un indice indexant l'espace en question. Si est un autre indice non utilisé, on peut faire correspondre à tout élément de sa copie obtenue en substituant à . Ainsi à on fait correspondre sa copie par substitution de à . Les substitutions peuvent être également être faites en parallèle. Ainsi est obtenu par substitution des indices à .
Soit un tenseur de et un tenseur de , ces espaces n'ayant pas d'indices en commun. On définit leur produit tensoriel, élément de . En cas d'indices commun il suffit simplement d'opérer une substitution d'indices préalable.
Par exemple si l'on considère et , il existe un tenseur tel que . On note plus simplement :
Soit un tenseur de , un indice supérieur (par exemple ) et un indice inférieur (par exemple ) de cet espace. On note la contraction de ce tenseur sur les indices et en substituant à et un même indice . Le tenseur obtenu appartient à .
Par exemple si l'on considère , il existe un tenseur formé par contraction de et . Ce tenseur appartient à l'espace (et pas à comme on pourrait être tenté de le croire, un tel espace n'étant de toute façon pas défini).
Remarque : L'indice utilisé pour la contraction n'a aucune importance (dans la mesure où il n'est pas utilisé ailleurs). Seul sa position compte. On peut même utiliser un des deux indices de départ. De fait on a :
Remarque : Le tenseur appartient également à l'espace mais sauf cas particulier .
On note l'ensemble des permutations de . Pour , on note sa signature. Dans ce paragraphe on suppose que le corps est de caractéristique nulle (dans le cas contraire le terme pourrait être indéfini).
Soit le tenseur contravariant , on définit son symétrisé, noté , par :
Ainsi par exemple .
Il en va évidemment de même pour des tenseurs covariants :
L'opération de symétrisation peut également s'accomplir sur un sous-ensemble d'indices et reste possible si le tenseurs présente à la fois des indices covariants et contravariant. Ainsi . On peut même effectuer plusieurs symétrisations à la fois, comme dans , symétrisé de sur les sous-ensembles d'indices , et
Remarque : Il est possible d'exclure des indices au moyen des symboles || comme dans
Remarque : Cette opération permet de définir simplement la notion de tenseur symétrique sur certains de ses indices (et donc également de tenseur totalement symétrique). Par exemple est symétrique sur et si et seulement si .
De façon tout à fait similaire, on définit l'antisymétrisé de par :
Ainsi par exemple .
L'antisymétrisé de est de même :
Les mêmes possibilité et conventions que la symétrisation s'appliquent. Ainsi . On peut également utiliser symétrisations et antisymétrisations en même temps, comme dans .
Remarque : Cette opération permet de définir simplement la notion de tenseur antisymétrique sur certains de ses indices (et donc également de tenseur totalement antisymétrique). Par exemple est antisymétrique sur et si et seulement si .
Il n'est pas possible de symétriser ou d'antisymétriser des indices provenant de différents tenseurs utilisées dans une somme. Ainsi la notation n'a aucun sens. En revanche si l'on note , on a bien .
Le choses se passent beaucoup mieux avec un produit. est un tenseur valide égal à
De même symétrisation et antisymétrisation sont compatibles avec les contractions dans la mesure où les contractions sont réalisées en dernier. est le résultat de multiples symétrisations et antisymétrisations de définissant un tenseur suivi de contractions multiples :
Si est naturellement muni d'une forme bilinéaire symétrique, une nouvelle opération est permise. En effet en tant que tenseur (2-covariant symétrique) admet des copies indexées , , ... On peut à partir d'un tenseur de possédant au moins un indice supérieur (par exemple ), contracter ce dernier avec un indice d'une copie de (par exemple ). Le résultat est un tenseur de ou, après substitution de l'indice à , de . D'où le nom d'abaissement d'indice.
On peut par exemple à partir de former le tenseur . En pratique on conserve le même nom pour le tenseur et on écrit plus simplement . De même on peut former le tenseur obtenu par abaissement du second indice ainsi que le tenseur obtenu par abaissement des deux indices.
Remarque : Conserver le même symbole pour le tenseur n'introduit pas d'ambigüité puisqu'en tant qu'élément de , n'admet en effet aucune copie indexée dans , ou .
Remarque : On voit ici pourquoi il peut être important de conserver l'ordre relatif des indices inférieur et supérieur. Une notation telle que plutôt que ne permettrait pas de savoir où positionner les indices abaissés par rapport à l'indice .
Si l'on a plutôt naturellement une forme bilinéaire sur , c'est l'opération inverse qui est valide. Grâce aux copies , , , ... on peut élever un indice sur le même principe (produit contracté avec une de ces copies et éventuelles substitutions d'indice). Par exemple le tenseur permet de définir les nouveaux , , , , , et .
Si la forme bilinéaire symétrique sur est non dégénérée, elle induit naturellement une forme bilinéaire symétrique sur . Ce fait rend possible à la fois l'abaissement et l'élévation d'indice de manière compatible : abaisser un indice grâce à puis l'élever grâce à permet de retrouver le tenseur initial (de même pour une élévation suivie d'un abaissement). En conservant les conventions définies précédemment, si , , , ... sont des copies indexées de , on peut noter , , , ... les copies indexées de .
Si est une variété différentielle de dimension , on peut en chaque point définir des copies indexées de l'espace tangent, notées , , , ... et de même des copies de l'espace cotangent , notées , , , ... Comme précédemment on va pouvoir pouvoir former les espaces de tenseurs indexés .
Le but est ici bien évidemment de généraliser ces notions ayant un sens au point en définissant des fibrés vectoriels munis d'indices dont les sections seront des champs de tenseurs indexés. Cette extension naturelle induit une généralisation de toutes les opérations vues jusqu'à présent (substitution d'indice, combinaison linéaire, produit tensoriel, contraction, symétrisation, antisymétrisation) pour les champs de tenseurs. À cela s'ajoutent des opérations propres aux champs.
Soit un champ vectoriel (sans indice). Soit par exemple un champ de tenseur muni d'indice. La dérivée de Lie de suivant est un champ de tenseur muni des mêmes indices et noté . Ce champ est égal à la copie indexée par de , la dérivée de Lie du champ de tenseur suivant .
Remarque : On note que le champ obtenu possède les mêmes indices que le champ soumis à la dérivation. En effet l'opérateur est un endomorphisme sur l'espace vectoriel des sections de tout fibré vectoriel formé par produit tensoriel des fibrés tangent et cotangent. Pour cette raison, on n'utilise pas de copie avec indices pour le champ vectoriel . Une notation donnerait en effet l'impression de rajouter un indice. Par ailleurs comme seul un champ de vecteur a du sens ici, la présence de l'indice n'apporterait aucune information nouvelle.
Toute -forme différentielle peut être vue comme un champ de tenseurs-covariant antisymétrique (donc vérifiant ). La dérivée extérieure ajoutant un indice, on définit les copies indexées , , ... Ceci permet donc d'écrire la dérivée extérieure indicée par de comme .
Remarque : Il ne faut bien entendu pas lire la notation comme un produit tensoriel entre et , ce qui n'aurait aucun sens puisque n'est pas un tenseur.
Soit un champ vectoriel (sans indice). Soit par exemple un champ de tenseur muni d'indice. Pour un opérateur de dérivée covariante donné noté , la dérivée covariante de suivant est un champ de tenseur muni des mêmes indices. On pourrait choisir de le noter de manière similaire à la dérivée de Lie. Cependant le caractère tensoriel des dérivées covariantes permet de les voir plus généralement comme opérations ajoutant un indice. La dérivée covariante indexée par de est un champ de tenseur muni des mêmes indices ainsi que de l'indice et notée . On peut comme pour la dérivée extérieure définir les copies avec indices , , , ...
Remarque : Avec cette notation, choisir une direction de dérivation (par exemple celle donnée par le champ vectoriel dans l'énoncé précédent) revient alors à calculer la contraction de avec une copie indexée de .
Remarque : Une notation similaire pour la dérivée de Lie est impossible du fait même du caractère non tensoriel de , c'est-à-dire du fait qu'on n'a pas contrairement aux dérivées covariantes pour champ scalaire sur .
Remarque : La dérivée extérieure peut se définir à partir d'une dérivée covariante par pour toute forme différentielle. On démontre qu'une telle formule est indépendante du choix de comme le présuppose l'unicité de .