Pie XI

259e pape de l’Église catholique (1922-1939)

Achille Ratti, né le à Desio (Royaume de Lombardie-Vénétie) et mort le au Vatican, est un prêtre catholique, érudit, théologien et archevêque de Milan. Cardinal en 1921, il est élu l'année suivante 259e évêque de Rome, et donc pape de l'Église catholique, sous le nom de Pie XI (en latin : Pius XI, en italien : Pio XI).

Pie XI
Image illustrative de l’article Pie XI
Photographie par Nicola Perscheid, 1922.
Biographie
Nom de naissance Ambrogio Damiano Achille Ratti
Naissance
Desio (Lombardie-Vénétie)
Père Francesco Ratti (d)
Mère Teresa Ratti (d)
Ordre religieux Ordre des Frères mineurs de saint François
Ordination sacerdotale
Décès (à 81 ans)
Palais apostolique (Vatican)
Pape de l'Église catholique
Élection au pontificat (à 64 ans)
Intronisation
Fin du pontificat
(17 ans et 4 jours)
Cardinal de l'Église catholique
Créé
cardinal
[1] par le pape Benoît XV
Titre cardinalice Cardinal-prêtre de Santi Silvestro e Martino ai Monti
Évêque de l'Église catholique
Ordination épiscopale par le card. Aleksander Kakowski
Archevêque de Milan
Archevêque titulaire d'Adana (de)
Nonce apostolique en Pologne
Archevêque titulaire de Naupacte (de)

Signature de Pie XI

Blason
Pax Christi in regno Christi
(« Paix du Christ dans le Royaume du Christ »)
(en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Son pontificat, du à sa mort, est marqué par le règlement de la question romaine, avec la reconnaissance et l'institution de l'État de la Cité du Vatican, par les accords du Latran, en 1929. Il est confronté à la montée des totalitarismes en Europe : communisme (1917), fascisme (1922) et nazisme (1933) ainsi que la Guerre civile Espagnole.

Jeunesse et carrière dans la Curie

modifier

Naissance et formation

modifier
 
Les parents d'Achille Ratti.
 
Maison natale de Pie XI.

Ambrogio Damiano Achille Ratti est né, le , d'une famille de la bourgeoisie lombarde dans la petite ville de Desio près de Milan[a1 1] alors sous domination autrichienne (en 1859 la Lombardie, conquise par les armées franco-sardes, est rattachée au nouveau royaume d'Italie). Son prénom Ambroise-Damien-Achille a été donné par son grand-père Ambroise Ratti (qui était aussi son parrain)[a1 1].

Le futur pape était l'avant-dernier fils (parmi sept enfants) de Francesco Ratti († )[a1 1] qui était alors propriétaire d'une filature de soie, et de son épouse, Teresa née Galli († )[a1 1], fille d'un aubergiste originaire de Saronno.

À la fin de son école primaire à Desio, il est placé, à la requête de son oncle, au petit séminaire de Saint-Pierre Martyr à Seveso[a1 1]. Il passe ses vacances chez son oncle Damiano Ratti (prévôt curé d'Asso), qui lui fait approfondir ses études. Après deux années au séminaire de Monza, il devient surveillant pendant une année au collège San Carlo de Milan où il obtient le baccalauréat. Cela lui permet d'entrer au grand séminaire de Milan[a1 1].

En 1874, le jeune Achille prend l'habit des tertiaires franciscains[a1 1] remis par son confesseur Luigi Tavola, curé de Sormano. Il est remarqué par l'archevêque de Milan Luigi Nazari di Calabiana, au presbytère de son oncle d'Asso, pour son esprit studieux et sa piété[a1 2].

Le prélat le charge d'enseigner la grammaire au petit séminaire de Saint-Pierre Martyr, où il avait étudié auparavant, et au collège Saint-Martin[a1 2]. En 1879, il est envoyé avec son ami Alessandro Lualdi au séminaire pontifical lombard de Rome où il réside durant ses études à l'université grégorienne[a1 2].

Ordination et doctorat

modifier

Achille Ratti est ordonné prêtre le , à l'âge de 22 ans, à la basilique Saint-Jean-de-Latran[a1 2]. Il célèbre sa première messe dans la basilique Santi Ambrogio e Carlo al Corso, où est conservé le cœur de saint Charles Borromée, archevêque de Milan[2] et sa troisième messe au tombeau de saint Pierre dans les cryptes vaticanes[a1 2].

Il obtient trois doctorats, en philosophie, en droit canonique et en théologie, à l'Université pontificale grégorienne[a1 2], où il fait la connaissance de Giacomo della Chiesa, futur Benoît XV. C'est l'un des premiers docteurs de l'Académie pontificale Saint-Thomas [d'Aquin], fondée le [a1 2]. Comme le pape Léon XIII souhaitait rencontrer les deux lauréats, Achille Ratti et Alessandro Lualdi, lors de son audience personnelle, à la fin d'une journée, le Saint-Père et les deux jeunes prêtres échangèrent longtemps et intimement leur pensée sur l'enseignement de la philosophie[a1 2].

Érudit

modifier
 
Achille Ratti, jeune prêtre, en 1880.

En 1882, il regagne la ville de Milan en tant que vicaire dans la petite paroisse Barni pendant quelques mois. Puis, il est nommé professeur du grand séminaire, où il enseigne durant cinq ans la théologie dogmatique ainsi que l'éloquence sacrée[a1 3].C'est durant ces années qu'il pratique l'alpinisme à un très haut niveau (voir plus bas.)

Il rejoint les oblats de saint Charles Borromée peu après sa nomination comme « docteur » (c'est-à-dire conservateur[3]) de la bibliothèque Ambrosienne, à la suite du décès d'un de ces docteurs le [a1 3]. Il y travaille jusqu'en 1912. Ses recherches sont tournées vers la vie et l'œuvre de Charles Borromée, ainsi que sur le diocèse de Milan. Il travaille aussi sur un apocryphe de Paul. Ces études de qualité, pendant cette période, préparent sa future promotion[a1 3] : en , nommé préfet de l'Ambrosienne, il succède à Antonio Maria Ceriani qui avait eu sur lui une profonde influence scientifique[a1 3]. Il entreprend un travail de rénovation et de classement de l'antique bibliothèque qui le fait remarquer de la communauté des savants.

En 1909, il devient en outre conservateur auprès du collégial de la faculté théologique de Milan et devient un proche du cardinal Andrea Carlo Ferrari (12 ans plus tard, il lui succède au siège de l'archevêché de Milan)[a1 4].

Le , le pape Pie X le nomme vice-préfet de la Bibliothèque apostolique vaticane sous la direction du préfet jésuite Franz Ehrle, tout en lui conservant la responsabilité de l'Ambrosienne[a1 4]. Le , à la suite du départ de Frantz Ehrle, le nouveau pape, qui le connaissait (Benoît XV) lui confie la bibliothèque[a1 4]. Le , le Saint-Père lui accorde une stalle de chanoine à la basilique vaticane, et le , Achille Ratti est élevé à la dignité de protonotaire apostolique[a1 4].

Jeunesse sportive

modifier
 
Achille Ratti, au centre, avec d'autres alpinistes dans les Alpes, vers 1900.

Achille Ratti est également un sportif, connu pour son goût de l'alpinisme[a1 5],[3]. Il gravit ainsi de nombreux sommets des Alpes : le Cervin, le pic Dufour dans le mont Rose à 4 663 mètres d'altitude, le mont Blanc, et réalise la première traversée du col Zumstein (4 452 m). Le Club alpin suisse mentionne surtout son ascension vers le mont Rose dans le Guide des Alpes Valaisannes (tome III, p. 111). En effet, avec ses deux amis, ils subissent des ténèbres exceptionnelles près de la pointe Dufour le , qui les obligent à une nuit d'arrêt sur une corniche. Sans nouvelles, une caravane de secours vient les secourir depuis Zermatt. Un de ses amis a les pieds gelés. Le Docteur Ratti devient membre honoraire des Clubs alpins de Desio et de Milan[a1 5]. Plusieurs voies portent son nom, notamment l'actuelle voie des Aiguilles grises sur le mont Blanc, autrefois dénommée route du Pape. Cet étonnant mélange de ténacité physique et d'érudition rigoureuse en faisait un prélat original. Ses historiens y voient la base du tempérament qu'il montra lors du pontificat face aux situations de crise.

Diplomate en Pologne

modifier
 
Achille Ratti, nonce apostolique en Pologne, en 1919.

Il devient ensuite, le , visiteur apostolique en Pologne, où la situation diplomatique et militaire est très tendue. L’État polonais est en voie de reconstitution, mais en conflit avec l'URSS. Lorsque l'État est officiellement reconnu, Ratti reçoit formellement le titre de nonce apostolique en Pologne, le [a1 6], et est titré archevêque in partibus de Naupacte (de) le [a1 6]. Sa consécration en la cathédrale de Varsovie, par l'archevêque Aleksander Kakowski, se tient le suivant en présence des vingt-deux archevêques et évêques du pays et du président de la République Józef Piłsudski, du gouvernement et de tout le corps diplomatique[4],[a1 6]. Il mène à bien des négociations diplomatiques, soutient personnellement les prisonniers ou les enfants de ce pays[a1 7] et fait preuve d'un grand courage personnel lors du siège de Varsovie par les Soviétiques, en . Il en garde un solide anticommunisme.

Sa mission s’achève en demi-teinte : nommé haut-commissaire ecclésiastique en Haute-Silésie, où n'avait pas encore eu lieu le plébiscite dont les résultats devaient déterminer si la région serait rattachée à la Pologne ou à l'Allemagne, il se conforme aux instructions émanant du cardinal Bertram, évêque de Breslau, ordonnant aux prêtres polonais de ne pas prendre parti dans le débat, ce qui favorisait le clergé allemand. En conséquence, Ratti est sévèrement attaqué par la presse polonaise.

À la suite de cette fonction importante mais difficile, l'université catholique de Varsovie lui octroie un doctorat honoris causa en théologie en , tandis que le gouvernement polonais le décore en de l'ordre de l'Aigle blanc[a1 7].

Archevêque de Milan

modifier
 
Cardinal-Archevêque de Milan.

Le , Achille Ratti est nommé cardinal archevêque de Milan, son diocèse d'origine, par le pape Benoît XV au titre de Santi Silvestro e Martino ai Monti[a1 8]. Si son arrivée officielle à Milan est reportée en raison d'un pèlerinage national jusqu'au , le cardinal y participe à un repas offert à 1 000 pauvres par la Fédération des Jeunes catholiques[a1 9]. Le cardinal déploie dans son diocèse une grande activité, en particulier dans le domaine de l'enseignement. Il préconise l'utilisation du catéchisme de Pie X pour les classes élémentaires et réunit une conférence épiscopale sur les questions d'enseignement et de société.

Il assiste avec réserve à la montée au pouvoir de Mussolini récemment devenu député de Milan. Son anticommunisme lui convient, mais la violence de ses troupes et son caractère dominateur l'inquiètent de plus en plus. « Résistera-t-il à la tentation, qui guette tous les chefs, de devenir dictateur absolu ? »[5].

Pape de l’Église catholique

modifier

Élection et premières actions

modifier
 
Le nouveau pape Pie XI veille sur la loggia le jour de son élection. Les armoiries de Pie IX sont brodées sur le tissu.

Le , à la mort de Benoît XV, le conclave élit au quatorzième tour le cardinal Ratti[a1 10]. Celui-ci n'était qu'un outsider : le camp conservateur présentait le cardinal Merry del Val, ancien secrétaire d'État de Pie X, tandis que le camp libéral était représenté par le cardinal Gasparri. Élu comme candidat de compromis, il montre très vite son autorité indépendante, en refusant au camp conservateur de renvoyer Gasparri et en choisissant, à l'inquiétude des libéraux, de prendre la tiare sous le nom de Pie XI. Il innove en bénissant la foule de la loggia extérieure[a1 10] de la basilique Saint-Pierre, ce qui constituait symboliquement, après l'isolement du , une ouverture sur Rome et le monde. Il prend comme secrétaire personnel, son secrétaire de Milan, Carlo Confalonieri, et maintient donc comme secrétaire d’État le cardinal Gasparri. Par la lettre apostolique Galliam Ecclesiæ filiam du , Pie XI proclama Jeanne d'Arc, déjà canonisée en 1920, sainte patronne secondaire de la France.

Le rôle de l'Église

modifier
 
Pie XI vêtu des ornements pontificaux.

Sa première encyclique, Ubi arcano Dei consilio, en date du , constitue un programme de sa future action.

« C’est un fait évident pour tous : ni les individus, ni la société, ni les peuples n’ont encore, après la catastrophe d’une telle guerre [(1914-1918)], retrouvé une véritable paix ; la tranquillité active et féconde que le monde appelle n’est pas encore rétablie. […] Aux inimitiés extérieures entre peuples viennent s'ajouter […] les discordes intestines qui mettent en péril […] la société elle-même.
Il faut signaler en premier lieu cette lutte de classe qui, tel un ulcère mortel, s'est développée au sein des nations, paralysant l'industrie, les métiers, le commerce, tous les facteurs enfin de la prospérité, privée et publique. Cette plaie est rendue plus dangereuse encore du fait de l'avidité des uns à acquérir les biens temporels, de la ténacité des autres à les conserver, de l'ambition commune à tous de posséder et de commander. De là de fréquentes grèves, volontaires ou forcées ; de là encore des soulèvements populaires et des répressions par la force publique, fort pénibles et dommageables pour tous les citoyens.
Dans le domaine de la politique, les partis se sont presque fait une loi non point de chercher sincèrement le bien commun par une émulation mutuelle et dans la variété de leurs opinions, mais de servir leurs propres intérêts au détriment des autres. Que voyons-nous alors ? Les conjurations se multiplient : embûches, brigandages contre les citoyens et les fonctionnaires publics eux-mêmes, terrorisme et menaces, révoltes ouvertes et autres excès de même genre […].
La tâche qui s'impose avant toute autre, c'est la pacification des esprits. Il y a bien peu à attendre d'une paix artificielle et extérieure qui règle et commande les rapports réciproques des hommes comme ferait un code de politesse ; ce qu'il faut, c'est une paix qui pénètre les cœurs, les apaise et les ouvre peu à peu à des sentiments réciproques de charité fraternelle. Une telle paix ne saurait être que la paix du Christ […] car il fut le premier à dire aux hommes : Vous êtes tous des frères (Matth. XXIII, 8).
[…] Le retour de la paix chrétienne est impossible hors de ce règne : la paix du Christ par le règne du Christ. »

Ce programme est complété, d'un point de vue théologique, par les encycliques Quas primas () qui en instituant la fête du Christ Roi[nc 1] se veut une réponse aux persécutions des cristeros au Mexique et Miserentissimus Redemptor (), sur le culte au Sacré-Cœur. Il procéda à de nombreuses canonisations, dont celle de Bernadette Soubirous, Jean Bosco, Thérèse de Lisieux, Madeleine-Sophie Barat ou encore Jean-Marie Vianney, curé d'Ars, notamment en 1926, 1929, 1933, années jubilaires[nc 2]. Il nomma également quatre nouveaux docteurs de l'Église : Pierre Canisius, Jean de la Croix, Robert Bellarmin et Albert le Grand. Il insista sur le rôle de la prière, recommandant les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola dans Mens nostra () ou encore le rosaire dans Ingravescentibus malis (la) ().

Il ne montra guère d'intérêt pour la question biblique, et donna une réponse clairement unioniste à la question œcuménique : l'encyclique Mortalium animos () souhaitait le retour au sein de l'Église des chrétiens non catholiques romains. Pie XI donna sa vision de l'éducation catholique dans l'encyclique Divini Illius Magistri ()[6]. D'un point de vue moral, enfin, Casti connubii () bornait strictement le cadre des rapports conjugaux.

Il insista sur le rôle des laïcs : « tous les fidèles sont appelés à collaborer [à l'apostolat], car tous peuvent travailler dans la vigne du Seigneur », déclara-t-il ainsi aux évêques colombiens le . Concrètement, il accorda son appui à l'Action catholique et aux institutions de jeunesse comme la Jeunesse ouvrière chrétienne, fondée par l'abbé belge Joseph Cardijn qu'il reçut en audience en . Inversement, il se montra très attentif à l'idéologie des mouvements et organes de presse catholiques ou assimilés. Dans ce cadre, il organisa, dès la fin de 1925, une campagne contre le mouvement monarchiste de l'Action française, jugé coupable d'irréligion – et qui avait été pourtant amplement soutenue auparavant par le clergé français. Son allocution consistoriale du , en guise de clôture d'une série de condamnations plus ou moins indirectes, interdit explicitement toute participation au mouvement de même que la lecture de ses publications. Neuf jours plus tard, les écrits de Charles Maurras, fondateur du mouvement, étaient mis à l'Index de même que le journal Action française. Refusant les étiquettes de 'libéral' ou de 'conservateur', il aime dire « j'aime tellement les traditions que j'en crée de nouvelles ».

 
Pie XI inaugurant Radio Vatican en 1931, accompagné du cardinal Pacelli.

Pie XI voulut également développer l'œuvre missionnaire de l'Église, ce qui est un aspect fondamental de son pontificat et ce qui le fit surnommer le « pape des missions »[7] : en 1922, il centralisa à Rome l'Œuvre de la Propagation de la Foi (jusqu'alors à Lyon[8]) et organisa en 1925 une exposition missionnaire. Soucieux de l'ouverture du clergé aux indigènes, il sacra en 1926 les six premiers évêques chinois. Entre 1922 et 1939, il érigea le nombre impressionnant de 37 missions (surtout en Afrique et en Chine), 111 vicariats apostoliques et 148 préfectures apostoliques, sans compter des dizaines de nouveaux diocèses, notamment aux Indes et dans l'empire du Japon[9]. Il s'appuya sur le zèle de deux préfets successifs de la Sacrée Congrégation de la Propaganda Fide, le cardinal van Rossum (rédemptoriste hollandais), jusqu'à sa mort en 1932, puis le cardinal Fumasoni-Biondi (préfet de 1933 à 1960).

Il est toujours soucieux des séminaires. Dès sa lettre d', il préconise la création de séminaires interdiocésains en Italie. Ils sont alors cinq pour 688 élèves. À la fin du pontificat, ils seront quatorze pour 3 500 élèves. En 1931, par la constitution Deus scientarium Dominus, il fait rehausser le niveau des études supérieures ecclésiastiques.

L'État du Vatican succède aux anciens États pontificaux

modifier
 
Le pape Pie XI dans les jardins du Vatican en 1925.

Le pape arrive au pouvoir en même temps que Benito Mussolini s'impose comme Président du Conseil italien. S'il le soutient dans le souci de contrer le communisme, il s'irrite des exactions fascistes face à l'Action catholique dont il accepte cependant la dépolitisation. Son refus de soutenir la Démocratie chrétienne est important pour le processus qui permet à Mussolini de passer au parti unique. Malgré des difficultés mutuelles (rôle de l'entourage anticlérical du Duce ou du roi Victor-Emmanuel III), le , le cardinal Pietro Gasparri, secrétaire d'État, signe avec Benito Mussolini, les accords du Latran, créant l'État de la Cité du Vatican. Ces accords plaçaient sous la seule autorité du pape un territoire de quarante-quatre hectares, érigé en État indépendant, pour lui assurer une base temporelle et une représentation diplomatique. Cela mettait fin au différend qui opposait la papauté au royaume d'Italie depuis 1870 - connu sous le nom de question romaine - et au statut de Prisonnier du Vatican que s'étaient donné les papes depuis 1870. Le pape renonçait à ses droits sur la ville de Rome et aux anciens États pontificaux, tandis que l'Italie reconnaissait un privilège à l'Église catholique et la rémunération des membres du clergé comme officiers de l'état-civil. Le négociateur principal avait été le frère du nonce en Bavière, de la famille Pacelli.

Confrontation avec le nazisme : Pie XI sort ostensiblement de Rome quand Hitler y arrive

modifier

Depuis 1920, année où monseigneur Pacelli, nonce à Munich, fut accrédité à Berlin dans ce but, un Concordat était en cours de négociation avec l'Allemagne. Le , le pape mandata ce dernier, alors secrétaire d'État, pour le signer en son nom. Du côté allemand, il le fut par le vice-chancelier Franz von Papen, conservateur catholique, qui avait accepté le 30 janvier d'intégrer un gouvernement dirigé par Adolf Hitler. Pie XI est sans illusion sur la capacité du clergé autrichien de convertir Hitler à une politique pro-catholique[10].

  • Une position claire et officielle :

Le , il publie l'encyclique Mit brennender Sorge (Avec une brûlante inquiétude).

En prévision de la date du , jour de l'arrivée de Hitler à Rome, en visite d'État du 3 au auprès de Benito Mussolini et de la monarchie italienne, le pape Pie XI, dès le , sort ostensiblement de la Ville Éternelle, entouré de toute la Maison pontificale, de la Gendarmerie pontificale et de la Garde suisse, et, à la stupeur générale, se retire au palais apostolique de Castel Gandolfo (territoire faisant partie de l'État du Vatican, à 20 km de Rome). Le Saint-Siège fait savoir publiquement qu'« il n'y a pas de place, à Rome, pour deux croix, la Croix du Christ et une autre croix » (sous-entendu, la croix gammée du nazisme). Avant de quitter Rome, le pape ordonne la fermeture des musées du Vatican pour empêcher le dictateur nazi d'y accéder, et l'extinction de toute lumière à la moindre fenêtre de la Cité du Vatican donnant sur l'extérieur. Pie XI, déjà de toute manière courroucé contre le gouvernement fasciste italien et sa collaboration avec le régime de Berlin, décide de prolonger plusieurs mois d'affilée sa résidence à Castel Gandolfo, jusqu'au suivant, privant ainsi Rome de sa présence durant six mois (la plus longue absence d'un pape hors de Rome depuis le XIXe siècle jusqu'à nos jours). Tant que le pape séjourna au palais apostolique de Castel Gandolfo, les foules de pèlerins y affluèrent pour recevoir sa bénédiction, comme à Rome.

Le , alors que le gouvernement italien prépare les lois raciales fascistes, Pie XI déclare à un groupe de pèlerins belges :

« Par le Christ, et dans le Christ, nous sommes de la descendance spirituelle d'Abraham. Non, il n'est pas possible aux chrétiens de participer à l'antisémitisme. Nous reconnaissons à quiconque le droit de se défendre et de prendre les moyens de se protéger contre tout ce qui menace ses intérêts légitimes. Mais l'antisémitisme est inadmissible. Nous, chrétiens, nous sommes spirituellement des sémites »[11], expression devenue célèbre.

Cependant, cette déclaration n'est reprise ni par L'Osservatore Romano, ni par Radio Vatican[12]. Des comptes rendus paraissent dans La Libre Belgique du [13], à la une de La Croix du [14], et dans La Documentation catholique[13]. Pour Sylvie Bernay, qui commente la reprise de la déclaration par Jules Saliège dans « La semaine catholique de Toulouse » et sa publication intégrale dans L'Univers israélite, « le pape ne semble manifestement pas prêt à intervenir contre le principe de ces lois racistes, puisqu'il pense qu'il est légitime qu'un État se défende, sans préciser d'ailleurs contre qui ou contre quoi »[11]. De même le théologien Karl Thieme estime en 1940 que ce discours de Pie XI ne marque pas suffisamment la solidarité des chrétiens avec les Juifs, car il ne constitue tout au plus qu'une « déclaration impromptue à des pèlerins » n'ayant pas la valeur d'un texte magistériel[12].

Pie XI ordonne cependant aux universités catholiques d'organiser un enseignement contre l'antisémitisme et le racisme (Syllabus contre le racisme). Surtout, juste avant son décès, il fait préparer une encyclique contre le nazisme. Il écrit aussi un discours dénonçant les écoutes et les déformations des propos de l'Église par les fascistes. Ce discours était prévu pour le dixième anniversaire du Concordat entre l'Italie et le Vatican, en présence de Benito Mussolini, mais Pie XI mourut la nuit qui précédait (voir en fin d'article).

Il est difficile de dire quel aurait été le texte précis de la condamnation dans l'encyclique du nazisme. Cependant il est clair que Pie XI montrait une hostilité de plus en plus nette et officielle au rapprochement entre Mussolini et Hitler.

Confrontation avec le communisme

modifier

L'encyclique Quadragesimo anno, publiée en 1931, condamne le communisme mais aussi les conditions sociales qui favorisent son essor. Au nom de la dignité humaine, Pie XI invite le socialisme à prendre ses distances avec le totalitarisme communiste[15].

Le , soit cinq jours après Mit brennender Sorge, il publie l'encyclique Divini Redemptoris, par laquelle il condamne de nouveau le communisme, qu'il qualifie d'« intrinsèquement pervers », expression devenue célèbre. Pour l'Église, les purges staliniennes de 1934 et 1936 n'ont pas encore convaincu les communistes qu'ils se battent non pas pour la liberté mais pour l'asservissement, et que le matérialisme dialectique est sans issue et débouche sur le néant.

« On ne peut pas dire que de telles atrocités soient de ces phénomènes passagers qui accompagnent d'ordinaire toute grande révolution, des excès isolés d'exaspération comme il s'en trouve dans toutes les guerres ; non, ce sont les fruits naturels d'un système qui est dépourvu de tout frein intérieur. »

Lien étroit avec la France

modifier
 
Avec ses documents pontificaux, Pie XI confirma le vœu de Louis XIII en 1922 et en 1937.

Il est certain que la vie de Pie XI se consacrait considérablement à la France, notamment au sanctuaire de Lourdes. Lorsque le pape Léon XIII créa deux cardinaux français, Victor Lecot et Joseph Bourret en 1893, Achille Ratti était chargé d'accompagner Giacomo Radini-Tedeschi, prélat de la secrétairerie d'État. Pour le jeune prêtre, le voyage afin d'emporter la barrette cardinalice se termina avec une déviation vers Lourdes[nc 3].

Devenu cardinal-archevêque de Milan, Monseigneur Ratti revisita Lourdes en 1921, en présidant le pèlerinage national italien[a1 11],[nc 4]. Aussitôt élu pape, Pie XI fit, en faveur de la France, sortir sa première lettre apostolique, en proclamant que la Sainte Vierge demeure la première patronne de ce pays (ainsi que sainte Jeanne d'Arc, patronne secondaire de la France)[a1 12],[nc 4] :

« L'immense affluence des fidèles accourant de loin chaque année, même de notre temps, aux sanctuaires de Marie montre clairement ce que peut dans le peuple la piété envers la Mère de Dieu, et plusieurs fois par an, la basilique de Lourdes, si vaste qu'elle soit, paraît incapable de contenir les foules innombrables de pèlerins. La Vierge Mère en personne, trésorière auprès de Dieu de toutes les grâces, a semblé par des apparitions répétées approuver et confirmer la dévotion du peuple français. »

— première lettre apostolique de Pie XI, Beata Maria Virgo in cælum Assumpta in gallicæ (Galliam ecclesiæ filiam), le 2 mars 1922[a1 13],[nc 4]

Il n'est donc pas par hasard que le Saint-Père ait canonisé sainte Bernadette Soubirous le , 75e anniversaire des Apparitions de Lourdes[nc 4].

Pie XI rendit hommage aux martyrs français de la Révolution. Ainsi, il béatifia en 1925 Ifigenia de San Matteo et ses 31 moniales françaises exécutées entre les 6 et à Orange par le Tribunal révolutionnaire[nc 5],[16]. Cette béatification fut suivie de celle de l'archevêque Jean-Marie du Lau d'Allemans et de 190 victimes des massacres de Septembre en 1792. Encore furent ajoutés dans la liste Noël Pinot et Pierre-René Rogue[nc 5] tandis que le martyr Jean de Brébeuf († 1649 au Canada) fut béatifié en 1925 et canonisé en 1930[nc 2]. En bref, le pape ne souhaitait pas que l'histoire néglige les martyrs de l'Église. De même, avec ses béatifications, le pape fit manifester la spiritualité profonde de nombreux fondateurs et fondatrices d'ordres : André-Hubert Fournet († 1834), Michel Garicoïts († 1863), Pierre-Julien Eymard († 1868), Marie-Euphrasie Pelletier († 1868). Il ne faut pas oublier la béatification de Claude La Colombière († 1682)[nc 5].

 
Pie XI se recueillant devant une chapelle qu'il fit élever au Vatican en l'honneur de sainte Thérèse de Lisieux, qu'il appelait son « Étoile », mais aussi sa « petite Sainte »[nc 6],[nc 7].

C'est surtout sous le pontificat de Pie XI que se propagea la dévotion à sainte Thérèse de Lisieux. Pie XI béatifia en 1923 puis canonisa en 1925 la jeune carmélite[rf 1]. La spiritualité du pape s'enracinait dans celle de la religieuse française morte à 24 ans : « Sa statue est sur la table de travail du Saint-Père. Son image sourit au mur de sa chambre à coucher[rf 1]. »[nc 8] Une fois guéri en 1937, Pie XI attribua son rétablissement de santé à la sainte, en disant « Le voilà mon médecin[nc 9]. » Le pape n'hésita pas à adresser son message, surtout aux fidèles français, le lors de la consécration de la basilique de Lisieux, par biais de la radio[nc 9]. Il n'est pas étrange que la fête de sainte Thérèse ait été inaugurée, par ce Saint-Père, en faveur de toutes les églises catholiques[nc 10]. De surcroît, c'était lui qui fit renforcer le culte de sainte Thérèse tandis que Michel d'Herbigny était envoyé à Lisieux en faveur de la conversion de la Russie[nc 11]. En résumé, il était lié non seulement à cette sainte mais aussi au Carmel de Lisieux.

Enfin, par le bref du , Pie XI autorisa un jubilé extraordinaire en France. Cette décision fut tenue à la suite d'un congrès marial de Boulogne-sur-Mer en faveur du tricentenaire du vœu de Louis XIII à Notre-Dame[rf 2]. Le jubilé célébré en 1938, restant méconnu même de nos jours, fut toutefois étudié par le prêtre Claude Billot[17].

Le pape béatifia en 1925 puis canonisa le Bernadette Soubirous.

La révolte des Cristeros au Mexique

modifier
 
Cristeros pendus le long de la voie ferrée à Jalisco, (1927).

Pie XI eut à faire face à la politique anticatholique du gouvernement mexicain de Plutarco Elías Calles qui renforce les dispositions de la Constitution mexicaine de 1917 contre les Catholiques (interdictions de toute intervention de l'Église à l'école primaire, des ordres monastiques, des célébrations publiques du culte en dehors des églises, restrictions au droit de propriété des organisations religieuses, atteinte aux droits civiques des membres du clergé : interdiction de l'habit religieux, perte du droit de vote, de la liberté d'expression sur les affaires publiques dans les organes de presse) : les « Lois Calles » décident de la fermeture des écoles catholiques, de la limitation du nombre de prêtres par habitant, de l'expulsion des prêtres étrangers, de la condamnation à 5 ans de prison pour tout commentaire politique émanant d'un prêtre, de la fermeture de chapelles, de 142 églises, créent une immixtion de l’État dans les affaires internes de l’Église par le biais de l'enregistrement obligatoire des curés auprès des institutions locales et de leur autorisation d'exercice du culte, l’État de Tabasco allant même jusqu'à rendre le mariage obligatoire pour être « ministre d'un culte », ce qui visait implicitement le culte catholique, les lois sur l'interdiction de l'action publique catholique entraînent la fermeture d'hospices et d'institutions de bienfaisance. Le gouvernement répond par la violence à la résistance populaire à cette politique et de 1924 à 1937 le Mexique voit une révolte populaire sans précédent conduite au nom du « Christ Roi » (la guerre des Cristeros). De nombreux prêtres furent pendus ou fusillés. Le clergé local était divisé sur l'attitude à adopter : conciliation ou révolte ? Le , le pape promulgua l'encyclique Quas primas, instaurant la fête du Christ Roi, qui encourageait les catholiques mexicains à la résistance. La question mexicaine resta épineuse jusqu'en 1937.

Le style personnel du pape Pie XI : un pontife d'autorité

modifier
 
Le pape Pie XI arrivant en salle d'audience.

Le pape Pie XI avait ce qu'on appelle, en italien, la terribilità.

Son allure et son maintien habituels étaient sévères, que tempéraient parfois un rare sourire légèrement ironique. Malgré cet aspect autoritaire, sa personne respirait une indéniable bonté. Il avait un sens redoutable de la formule qui fait mouche ; à un camérier secret qui osait un jour lui suggérer timidement d'alléger les règles protocolaires, Pie XI répliqua du tac au tac : « Apprenez que le protocole sert à remettre à leur place les gens qui ne savent pas rester à leur place »[18].

Son goût pour l'ordre et la discipline était légendaire. Un employé de la Curie qui voulait faire parvenir directement une supplique personnelle au Pape, la rédigea, la mit dans une grande enveloppe sur laquelle il avait calligraphié « À Sa Sainteté » et la déposa par terre sur le chemin que Pie XI empruntait pour sa brève promenade quotidienne dans les jardins du Vatican. L'un des camériers se précipite, ramasse l'enveloppe et l'apporte à Pie XI ; le Pape la refuse et ordonne immédiatement au camérier : « Remettez-la où vous l'avez trouvée. Ce n'est pas la voie normale du courrier »[18].

La religieuse milanaise responsable de ses repas, devenue trop âgée, fut remplacée en 1926 par un petit groupe de moines franciscains allemands parmi lesquels Aloïs Stanke. Quand on les présenta au Pape, il leur dit avec ce mélange d'autorité et de fine ironie dont il avait le secret : « Je vous recommande la précision allemande ; je vous recommande le silence allemand ; mais pas la cuisine allemande »[19].

 
Cérémonie pontificale dans la Basilique St Pierre, présidée par Pie XI

Pie XI donnait ses ordres avec une courtoisie à la fois bonhomme et sèche, lesquels devaient être exécutés sans délai, « non subito, ma prima di subito » (« pas immédiatement, mais avant immédiatement »). Dans son amour du travail parfaitement accompli, il disait souvent à son secrétaire particulier, le futur cardinal Carlo Confalonieri : « Niente press'a poco » (« Jamais rien à peu près »)[18].

Pie XI n'accordait que rarement, après mûr examen, les dispenses que l'on sollicitait de lui, même quand elles étaient en principe autorisées par le droit canonique, faisant souvent répondre au solliciteur, civil ou ecclésiastique : « Les lois sont faites pour être observées, pas pour en être dispensé »[18].Des cardinaux ont avoué qu'ils tremblaient et priaient intérieurement au moment d'être reçus en audience par le pape ; le cardinal Luigi Sincero a confié qu'il s'y préparait chaque fois « comme un écolier qui doit être examiné »[20].

Le pape Pie XI avait une conscience très aiguë de sa charge apostolique de Vicaire de Jésus-Christ sur la Terre ; il ne se mettait debout pour personne. Quand il donnait audience aux souverains et aux chefs d'État, il demeurait assis, siégeant au trône pontifical.

Domaine liturgique et création de la fête du Christ Roi

modifier

Certes, dès son élection le nouveau pape Pie XI ouvrit une porte en faveur de l'œcuménisme, en faisant, lors du jubilé 1925 à Rome, chanter une messe et des hymnes selon le rite byzantin. C'était une schola de l'Église orthodoxe qui en exécuta[21]. Toutefois, avec sa constitution apostolique Divini cultus sanctitatem (1928), le Saint-Père défendait et développa finalement l'idée du motu proprio Inter pastoralis officii sollicitudines (1903) dénoncé par le pape saint Pie X. Le projet de l'Édition Vaticane fut parachevé sous le pontificat de Pie XI en 1926, sauf quelques textes encore requis, et avec la publication du livre de chant consacré à la fête du Christ Roi, instituée par ce même pape l'année précédente. Il est certain que Pie XI respectait toujours la tradition catholique de la musique sacrée. Non seulement il fit rattacher l'École supérieure de chant grégorien et de musique sacrée au Saint-Siège le [22] mais également promouvoir comme l'Institut pontifical de musique sacrée le , en tant qu'université pontificale. L'établissement est dorénavant chargé de former les maîtres de chapelle ainsi que les chercheurs. D'ailleurs, c'était la constitution apostolique Deus scientiarum Dominus, de laquelle l'article 31 - h dénonce la promotion de l'école, qui organisait à nouveau la fonction des universités pontificales afin d'adapter aux besoins de cette époque-là[23].

Controverse sur le dernier discours et la mort du pape

modifier
 
Pie XI le 6 février 1939, quelques jours avant sa mort.
 
Le pape Pie XI exposé sur son lit de mort, en habit pontifical de chœur, au palais apostolique du Vatican. L'Illustration, février 1939.
 
Catafalque monumental de Pie XI, lors de ses obsèques dans la Basilique St Pierre
 
Tombeau du pape Pie XI dans les Grottes vaticanes sous la Basilique St Pierre de Rome.

En 1939, à l'occasion du dixième anniversaire des accords du Latran, Pie XI convoqua pour le tous les évêques d'Italie pour, selon ce que croyaient certains, leur lire un discours dénonçant les persécutions raciales par les nazis et la marche vers la guerre de l'Italie fasciste. Mussolini multipliait alors les menaces à peine voilées sur l'attitude du pape. Le discours ne fut pas prononcé. Durant la nuit du le pape mourut, officiellement d'un arrêt cardiaque, à l'âge de 81 ans.

En , le cardinal Eugène Tisserant, que Pie XI avait fait cardinal en 1936, affirma à la presse française que le Saint-Père aurait été assassiné à l'instigation de Mussolini. Le professeur Francesco Petacci, médecin du Vatican, qui était aussi le père de Clara Petacci, la maîtresse du Duce, lui aurait fait une injection mortelle débarrassant le régime d'un souverain pontife encombrant. La presse a réagi diversement devant cette révélation, qualifiée parfois d'intrigue policière rocambolesque.

En s'appuyant sur les travaux d'Emma Fattorini, des journaux ont reproché à son successeur Pie XII d'avoir fait disparaître ce discours avant d'avoir une position plus prudente une fois élu. Les historiens (Giovanni Maria Vian) qui défendent Pie XII réfutent l'argument en s'appuyant sur la coutume au sujet des notes d'un pape défunt (que le camerlingue a mission de détruire). Ce sont donc les exemplaires imprimés qui auraient été détruits, l'original restant aux archives. L'Église conteste en outre que le dernier discours de Pie XI ait pu porter sur une dénonciation du concordat et une critique plus vive du fascisme, du racisme ou de l'entrée en guerre de l'Italie[24], en s'appuyant sur une lettre de Jean XXIII du aux évêques d'Italie[25] qui donnait des extraits du manuscrit inachevé de Pie XI : le discours aurait porté sur l'attention aux séminaires, l'avertissement aux évêques sur la parole de l'Église trop souvent déformée et la fidélité au « tombeau séculaire de saint Pierre » et aux « ossements glorieux des apôtres du Seigneur qui apportèrent les premiers l'Évangile à Rome et y fondèrent l'Église universelle. »

Toutefois, le texte ayant été déclassifié en 2007, il apparaît que la seconde partie du discours sur la déformation de la parole de l'Église[26], « même si elle n'est pas une condamnation du régime politique (…) constitue une critique du climat d’oppression et d’espionnage que le fascisme fait régner contre l’Église catholique »[27]. Le texte du pape y dénonce durement par exemple « une presse qui peut tout dire contre nous…, jusqu’à la ferme volonté de nier toute persécution en Allemagne ». Il y met en garde expressément et avec humour contre les « indicateurs » et… les écoutes téléphoniques du pouvoir et contre les conversations avec les membres du parti fasciste. Sa conclusion[28] sur la fidélité à la tombe de saint Pierre est implicitement un appel à un changement de régime et s'oppose explicitement au racisme et au bellicisme[29]. « En outre, Pie XI avait demandé à un jésuite, l'Américain John LaFarge, des documents pour réfléchir à la position de l’Église face à l’antisémitisme, et préparer un texte, Humani generis unitas, dont personne ne peut dire aujourd’hui s’il avait vocation ou non à devenir une encyclique »[27]. Ce texte qu'il demanda à lire rapidement après la nuit de Cristal tarda aussi à lui être transmis[30].

Notes et références

modifier
  1. Imposition de la barrette de cardinal, allocution du Pape Benoit XV, http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xv/speeches/documents/hf_ben-xv_spe_19210615_nuovi-cardinali_it.html.
  2. Chiron 2004, p. 31.
  3. a et b « BnF Catalogue général », sur bnf.fr (consulté le ).
  4. Chiron 2004, p. 91.
  5. L'Illustration, 9 janvier 1937, entretien de janvier 1922.
  6. « Divini Illius Magistri (31 décembre 1929) | PIE XI », sur vatican.va (consulté le ).
  7. Chiron 2004, p. 152.
  8. Au grand dam de la diplomatie française et de certains évêques, cf Chiron 2004, p. 154.
  9. Eutrope Chardavoine, Annuaire pontifical catholique, tome LX, années 1937, 1938 et 1939, Maison de la Bonne Presse, 1939, p. 19-24.
  10. Timothy Ryback, Dans la bibliothèque privée de Hitler.
  11. a et b Sylvie Bernay, L’Église de France face à la persécution des juifs : 1940-1944, CNRS Éditions, 2012 (ISBN 9782271074669), p. 93.
  12. a et b John Connelly, « Nazi Racism & the Church: How converts showed the way to resist », Commonweal, 24 février 2012 [lire en ligne].
  13. a et b Giovanni Miccoli, Les Dilemmes et les silences de Pie XII: Vatican, Seconde Guerre mondiale et Shoah, Éditions Complexe, 2005 (ISBN 9782870279373), p. 401.
  14. La Croix, 17 septembre 1938, p. 1 sur Gallica, consulté le 12 novembre 1938.
  15. Quadragesimo anno, 115-118.
  16. (it)http://www.santiebeati.it/dettaglio/91985.
  17. Claude Billot (Société française d'Études mariales), Le jubilé français du centenaire du vœu de Louis XIII en 1938 [lire en ligne].
  18. a b c et d Chiron 2004, p. 129.
  19. Chiron 2004, p. 120.
  20. Chiron 2004, p. 122.
  21. R. Fontenelle, Sa Sainteté Pie XI, 2e édition, Spes, Paris, 1937, p. 174.
  22. Consociatio internationalis musicæ sacræ, Musicæ sacræ ministerium, Anno XXXIV-XXXVI (1997-1999), Rome 1999, p. 31.
  23. (lt)http://www.vatican.va/holy_father/pius_xi/apost_constitutions/documents/hf_p-xi_apc_19310524_deus-scientiarum-dominus_lt.html.
  24. « La voce che prima di morire egli stesse redigendo un documento contro la discriminazione razziale ed il regime fascista non ha trovato conferma. Il testo dell’ultimo incompleto discorso di Pio XI, rimasto a lungo inedito, è stato reso noto dal Papa Giovanni XXIII il 6 febbraio 1959 ». Extrait de la biographie officielle du Pape Pie XI sur le site du Vatican.
  25. Documentation catholique, 1er mars 1959, col. 257-264.
  26. Texte complet du discours.
  27. a et b Isabelle De Gaulmyn, « Pie XII a-t-il sciemment éliminé le discours de Pie XI contre le fascisme et le nazisme ? », La Croix, 31/05/2007 [lire en ligne].
  28. « Exultez en ce jour mémorable qui nous rappelle Dieu rendu à l’Italie et l’Italie rendue à Dieu, excellents auspices d’un avenir béni ».
  29. « Prophétisez, ossements chers et vénérés, prophétisez la venue de la foi ou son retour à tous les peuples, à toutes les nations, à toutes les lignées, toutes reliées et toutes unies par le sang dans le lien commun de la grande famille humaine » ; « prophétisez, ossements apostoliques, l’ordre, la tranquillité, la paix, la paix, la paix, à tout ce monde qui, quoiqu’il semble pris par une folie homicide et suicidaire d’armements, veut la paix et avec nous l’implore du Dieu de la paix et espère l’obtenir ».
  30. (en-it) Un documentaire de la Rai.

Références bibliographiques

modifier
  • Actes de S. S. Pie XI — Encycliques, Motu Proprio, Brefs, Allocutions, Actes des Dicastères, etc. … Texte latin et traduction française, tome I (années 1922 et 1923), Maison de la Bonne Presse, Paris 1927 [lire en ligne] (numérisé par Bibliothèque Saint-Libère).
  1. a b c d e f et g p. 5.
  2. a b c d e f g et h p. 6.
  3. a b c et d p. 7.
  4. a b c et d p. 9.
  5. a et b p. 8.
  6. a b et c p. 10.
  7. a et b p. 11.
  8. p. 11-12.
  9. p. 12.
  10. a et b p. 13.
  11. p. 12 ; du 29 août au 3 septembre 1921.
  12. p. 20-25.
  13. p. 22.
  1. a et b p. 109.
  2. p. 81.
  1. p. 159.
  2. a et b p. 162.
  3. p. 160-161.
  4. a b c et d p. 161.
  5. a b et c p. 163.
  6. p. 165.
  7. p. 168 : « à l'heure de la mort, posant la main sur la relique placée près de son lit, Pie XI dit encore : « Je ne suis pas seul, ma Petite Sainte est près de moi. » »
  8. Sur sa table de travail du Saint-Père était exposée une reproduction de la châsse où reposait le corps de la sainte, octroyée par le Carmel. Au décès du pape, la reproduction rejoignit la carmel Normand à Lisieux (p. 166, note no 22).
  9. a et b p. 168.
  10. p. 170.
  11. p. 167.

Voir aussi

modifier
 
Pie XI, premier pape à s'exprimer à la radio (Radio Vatican), le 12 février 1931.
 
La tiare de Pie XI.

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

modifier
  • Marc Agostino, Le pape Pie XI et l'opinion (1922–1939), Rome,, École française de Rome, .
  • Marc Agostino, « Pie XI », dans Philippe Levillain (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, Paris, Fayard, .
  • Marc Agostino, « Pie XI et les médias », Publications de l'École française de Rome, vol. Achille Ratti pape Pie XI : Actes du colloque de Rome (15-18 mars 1989), no 223,‎ , p. 825-837 (lire en ligne).
  • Fabrice Bouthillon, La naissance de la Mardité, une théologie à l'âge totalitaire, Strasbourg, PUS, .
  • (it) Lucia Ceci, L'interesse superiore. Il Vaticano e l'Italia di Mussolini, Rome-Bari, Laterza, .
  • Yves Chiron et Émile Poulat, Pourquoi Pie XI a-t-il condamné l'Action française ?, Niherne, éditions BCM, .
  • Yves Chiron, Pie XI, Paris, Perrin, .
  • Collectif, Achille Ratti, pape Pie XI, Rome, École française de Rome, , 972 p. (lire en ligne).
  • Jean Daujat, Pie XI, le pape de l’Action catholique, Paris, Téqui, , 240 p. (ISBN 9782740302934).
  • Yves-Marie Hilaire (dir.), Histoire de la papauté. 2 000 ans de missions et de tribulations, Tallandier, 1993.
  • Pie XI : le pape de l’Action catholique, Paris, Cerf, .
  • Yves Marchasson, Les Papes du XXe siècle, Paris,, Desclée de Brouwer, .
  • David I. Kertzer (trad. de l'anglais par Alexandra Forterre-de-Monicault), Le pape et Mussolini. L’histoire secrète de Pie XI et de la montée du fascisme en Europe, Les Arènes, .
  • Antoine Wenger, « Pie XI et l'Union soviétique », Publications de l'École française de Rome, vol. Achille Ratti pape Pie XI. Actes du colloque de Rome (15-18 mars 1989), no 223,‎ , p. 893-907. (lire en ligne).

Documents pontificaux

modifier

Articles connexes

modifier

Liens externes

modifier

  NODES
Done 1
orte 9