Prolétariat

classe sociale composée d'ouvriers qui n'ont que leur force de travail pour vivre
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Le prolétariat est, selon Karl Marx notamment, la classe sociale opposée à la classe capitaliste. Elle est formée par les prolétaires, également désignés couramment comme travailleurs.

Le Wagon de troisième classe, Honoré Daumier, huile sur toile (1862).
Les Raboteurs de parquet, Gustave Caillebotte, huile sur toile (1875).

Le prolétaire ne possède ni capital ni moyens de production et doit donc, pour subvenir à ses besoins, avoir recours au travail salarié et à la vente de sa force de travail. Le prolétariat ne se réduit donc pas au stéréotype de l'ouvrier en blouse bleue ni du travailleur souillé des mines, mais recouvre l'ensemble des êtres humains qui doivent se soumettre à un travail salarié, quels que soient leur niveau de vie et le niveau de leur salaire.

Étymologie

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Le mot « prolétaire » désigne à l'origine un citoyen romain de la plèbe si pauvre qu'il ne paie pas d'impôt et ne peut être utile à l'État que par sa descendance (du latin proles). Il forme la classe la moins considérée de la civitas (ensemble des citoyens), constituée de ceux qui ne peuvent s'acheter aucune pièce d'armure et qui ne possèdent le droit de vote qu'en théorie. C'est la sixième et dernière classe sociale[C'est-à-dire ?].

Définitions du prolétariat

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Les Mangeurs de pommes de terre, Vincent van Gogh, huile sur toile (1885).

Théorie marxiste

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Selon la définition de Marx et des marxistes, le prolétariat est constitué de l'ensemble des salariés et des chômeurs (considérés comme des salariés sans emploi). Le prolétariat est la classe sociale qui, pour avoir de quoi vivre, est obligée de vendre sa force de travail à la classe antagoniste, qui dispose du capital et des moyens matériels de production[1],[2].

Marx et Engels proposent plusieurs définitions du prolétariat : « il faut entendre par prolétaire le salarié qui produit le capital et le fait fructifier, et que M. Capital […] jette sur le pavé dès qu'il n'en a plus besoin » (Le Capital[3]). Dans le Manifeste communiste (1848), Marx parle du prolétariat comme étant « la classe des travailleurs modernes ».

 
"Femme en prière", Käthe Kollwitz.

Le prolétariat se définit ainsi en opposition à une autre classe : la bourgeoisie ; avec laquelle il entretient un rapport économique déterminé : le salariat. Prolétariat et bourgeoisie sont ainsi les deux pôles d'un même rapport social. Il « se recrute dans toutes les couches de la population » (Karl Marx, Manifeste communiste, 1848). « Par prolétaire, au sens économique, il faut entendre le travailleur salarié qui produit du capital et le met en valeur. » (Karl Marx, Le Capital, 1867[4]). Les chômeurs sont aussi considérés comme faisant partie du prolétariat[réf. nécessaire].

Selon Engels :

« Par bourgeoisie, on entend la classe des capitalistes modernes, qui possèdent les moyens de la production sociale et emploient du travail salarié ; par prolétariat, la classe des travailleurs salariés modernes qui, ne possédant pas en propre leurs moyens de production, sont réduits à vendre leur force de travail pour vivre[5]. »

L'intérêt du prolétaire est d'obtenir le plus possible de son travail, tandis que réciproquement le propriétaire des moyens de production cherche à minimiser ce coût. Le prolétaire a donc des intérêts contraires à ceux du bourgeois (ou du capitaliste). D'où un conflit entre eux, la « lutte des classes ».

Selon Marx, le moteur de l'Histoire est précisément la lutte des classes. Le contexte historique est important pour comprendre les notions de « bourgeoisie » et de « prolétariat » à une époque où le droit de vote est réservé à la classe possédante. Et c'est parce qu'il y a lutte entre les prolétaires et les bourgeois que les prolétaires doivent écarter la bourgeoisie de l'exercice du pouvoir et supprimer l’exploitation économique, permettant la disparition des classes sociales (« l'abolition de toute domination de classe » est l'objectif énoncé par Marx dans les statuts de l'Association internationale des travailleurs, en 1864). La société deviendrait alors communiste.

Selon Maximilien Rubel, « le postulat de l'auto-émancipation prolétarienne sous-tend l'œuvre de Marx comme un leitmotiv »[6].

Autres approches

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Selon Raymond Aron (en 1955), le prolétariat regrouperait « les salariés qui travaillent de leurs mains dans les usines », c'est-à-dire les ouvriers[7].

D'autres sources associent le prolétariat à tout ou partie de la classe ouvrière tel le TLFi :

« Prolétariat : [Dans la théorie marxiste] Partie de la classe ouvrière consciente de l'exploitation dont elle est l'objet dans le système capitaliste, et qui travaille à mettre fin à cette exploitation par la révolution[8],[9]. »

Cependant, selon l'Encyclopædia Universalis :

« Le concept de prolétariat est différent de celui de classe ouvrière[10]. »

En 1925, Edmond Goblot a enrichi la notion de capital en y incluant le « capital humain » (principalement les relations/amis et les diplômes). À la lutte des classes s'ajouteraient donc de nouvelles discriminations sociales entre les diplômés et les non diplômés[11]. Pierre Bourdieu le développe dans La Distinction (1979) sous le concept de capital culturel. Des auteurs contemporains rapprochent la prolétarisation du phénomène de paupérisation et d'exclusion[12]. Enfin, selon Raoul Vaneigem, « le prolétariat a perdu son nom depuis que la plupart des citoyens en font partie »[13].

Usages historiques

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En 1825, Jacques Marquet de Montbreton de Norvins affirme : « L'Empire a doté tous les prolétaires. Il n'y a plus de prolétaires en France »[14]. En , une proclamation du Gouvernement provisoire écrite par Alphonse de Lamartine annonce qu'« il n'y a plus de prolétaires en France » à dater de la loi électorale provisoire qui substitue le suffrage universel masculin au suffrage censitaire. L'historien Samuel Hayat estime qu'« évidemment, Lamartine joue sur l'ambiguïté du terme "prolétaire", mais il faut prendre au sérieux cette idée : ce qui définit un prolétaire, dans la conception modérée de la République, c'est un état entièrement dépassé, celui où l'on peut dire à quelqu'un que l'on est plus souverain que lui, c'est-à-dire un état où règne l'inégalité dans l'exercice de ce droit vu comme suprême entre tous, le droit de choisir ses représentants »[15].

Notes et références

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  1. Voir par exemple Maximilien Rubel, « La conception du prolétariat chez Marx », communication au 5e Congrès mondial de sociologie, Washington, 1962. Également Jacques Wajnsztejn, Après la révolution du capital, L'Harmattan, 2007, p. 138. De même Yvon Quiniou, Karl Marx, Le Cavalier bleu, 2007, p. 70.
  2. « L'essence du système [capitaliste] réside, selon Marx, dans la relation entre le capital et la force de travail, la relation salariale. Le mode de production capitaliste se caractérise par la division de la société en deux classes antagonistes : propriétaires des moyens de production, qui achètent la force de travail en vue de réaliser un profit par la vente des marchandises produites, et prolétaires, contraints pour vivre de vendre leur force de travail. » Jean-Charles Asselain, dans « Le capitalisme : mutations et diversités », no 349 de La Documentation française, mars-avril 2009, p. 3.
  3. Karl Marx, Le Capital, 1867, Garnier-Flammarion, 1969, p. 675.
  4. Marx, Œuvres I, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 1967, p. 1123.
  5. Friedrich Engels, note au Manifeste communiste, 1888. Dans Karl Marx, Philosophie, Gallimard, 1994, p. 594.
  6. Maximilien Rubel, Marx critique du marxisme, Payot, 2000, p. 288.
  7. Raymond Aron, L'Opium des intellectuels, 1955, partie I, Chapitre III, section « Définition du prolétariat » :

    « personne n'ignore quels sont, dans une société moderne, les hommes que l'on s'accorde à baptiser prolétaires : les salariés qui travaillent de leurs mains dans les usines. »

  8. Cependant selon le même TLFi, Prolétaire :

    « [Dans la théorie marxiste, à propos des sociétés industr. caractérisées par le mode de production capitaliste] Travailleur appartenant à la classe sociale ne possédant pas les moyens de production et qui doit pour vivre vendre sa force de travail pour laquelle il perçoit un salaire et par laquelle il crée de la plus-value. »

  9. Dans la Britannica :

    « In the theory of Karl Marx, the term proletariat designated the class of wage workers who were engaged in industrial production and whose chief source of income was derived from the sale of their labour power ; despite synonymous use in agitational literature, the term proletariat was distinguished from the working class as a generic term. The former referred to those engaged in industrial production, whereas the latter referred to all who must work for their living and who received wages or salary. »

    « Dans la théorie de Karl Marx, le mot prolétariat désigne la classe des travailleurs salariés embauchés dans l'industrie et dont la source principale de revenus découle de la vente de leur force de travail ; bien qu'utilisés comme synonymes dans la littérature de propagande, le mot prolétariat a été différencié de l'expression classe ouvrière en tant que terme générique. Le premier fait référence à ceux qui travaillent dans la production industrielle quand la seconde notion renvoie à tous ceux qui doivent travailler pour vivre et en reçoivent des gages ou un salaire. »

  10. Serge Mallet, « Prolétariat & Prolétarisation », Encyclopædia Universalis,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. Edmond Goblot, La Barrière et le Niveau, édition numérique Denis Anne, p. 32.
  12. Karine Clément, « Russie : pauvreté de masse et stigmatisation des pauvres (Partie 2) », Cultures et conflits, 35, 1999, [lire en ligne].
  13. Modestes propositions aux grévistes, 2004.
  14. Portefeuille de 1813, p. 489. Cité dans Samuel Hayat, Quand la République était révolutionnaire : citoyenneté et représentation en 1848, Paris, Éditions du Seuil, , 405 p. (ISBN 978-2-02-113639-5, lire en ligne), p. 204.
  15. Samuel Hayat, Quand la République était révolutionnaire : citoyenneté et représentation en 1848, Paris, Éditions du Seuil, , 405 p. (ISBN 978-2-02-113639-5, lire en ligne), p. 203-204.

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Armand Barbès, Quelques mots à ceux qui possèdent, en faveur des prolétaires sans travail (œuvre littéraire), Imprimerie de H. V. de Surcy, Paris, . 
  • Gérard Duménil, Michael Löwy et Emmanuel Renault, « Prolétariat », dans Les 100 mots du marxisme, vol. 2e éd., Paris cedex 14, coll. « Que sais-je ? », (ISBN 978-2-13-058494-0, lire en ligne), §§ 289 s. (consulté le )
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Articles connexes

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Liens externes

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