Sodomie dans la jurisprudence islamique

catégorie de déviance sexuelle

Dans la jurisprudence islamique, la sodomie – appelée liwāṭ par référence à Loth – est généralement considérée comme une turpitude, c'est-à-dire une mauvaise chose, sur le fondement de quelques propos traditionnellement attribués à Mahomet[1]. Il existe de vastes débats pour savoir si la sodomie doit être punie, et si oui, comment.

Miniature dans un ouvrage de Nev'îzâde Atâyî (tr) montrant une consultation d'un jurisconsulte sur des questions de sexualité.

Terminologie

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Miniature persane représentant la femme de Loth (en haut à droite) et son mari fuyant Sodome et Gomorrhe.

Le terme de liwat désigne le coït anal masculin comme féminin. Il ne se réfère pas directement à l'amour entre deux hommes. Il n'est pas présent dans la Coran, ni dans la Sunna du prophète[2],[3].

Histoire

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Du IXe siècle au XIVe siècle, la sodomie n'est pas pensée comme un péché à part par les juristes de l'islam, qui la voient comme une forme de zina. Bien plus, la sexualité n'est pas comprise à cette époque comme répondant à un quelconque ordre naturel ou divin particulier: elle doit simplement se garder de porter atteinte à la paix sociale ordonnée par la divinité. Ainsi, l'islam classique n'établit pas de criminalisation de l'homosexualité, car cette catégorie ne fait pas partie des représentations sociales de cette époque. En effet, l'homosexualité dans l'islam est plutôt pensée au long de l'histoire à travers d'autres catégories. Lorsqu'elle est réprouvée et sanctionnée à l'ère précoloniale, c'est dans les cas où une féminité masculine est perçue comme une menace pour le patriarcat[4],[5],[n 1].

Le sujet est davantage abordé les siècles suivants. Au XVe siècle, l'Égyptien Al-Suyūtī se penche sur le sujet. Le XVIIIe siècle — qu'accompagne la renaissance de mouvements religieux, dont le wahhabisme — cherche à enrayer la dissolution des mœurs que l'on désigne alors comme étant responsable de la décadence des sociétés musulmanes. Cette évolution s'accroît aux XIXe et XXe siècles, à partir desquels le discours sur la sodomie reste fortement attaché à l'idée de maladie et, par voie de conséquence, à la mort[6].

Hadiths

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Selon l'anthropologue et historien Mohammed Mezziane dans Sodomie et masculinité chez les juristes musulmans du IXe au XIe siècle, il n'existe pas de consensus sur un hadith authentique remontant jusqu'à Mahomet sur la sentence de mort pour sodomie[7].

Châtiment

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Les débats sur le châtiment à appliquer aux sodomites ont cours depuis des siècles au sein de la doctrine, avec des divergences particulièrement selon les hadiths sur la sodomie considérés comme fiables. L'opinion majoritaire considère que le châtiment doit être laissé à l'évaluation au cas par cas[8]. De plus, une branche de la jurisprudence moderne argumente que la sodomie ne devrait pas du tout être considérée comme fautive[9]. Selon Adnan Zulfiqar, la récente réforme du Code pénal de Brunei méconnaît la charia en préconisant des châtiments sévères et fixes pour la sodomie[10].

Débats sur l'interdiction du désir homosexuel

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Les érudits islamiques du XXIe siècle débattent non seulement de savoir si la pénétration anale est interdite par la divinité, mais aussi sur la question du caractère condamnable du désir et de l'amour entre hommes de manière générale et détachée du coït en lui-même[11]. Un premier courant, dit progressiste, avance que ni la sodomie liwat ni l'amour des hommes ne constitue une quelconque faute[12]. En réaction, une deuxième école réaffirme que la sodomie est interdite[13]. Selon Juliane Hammer, cette réaction vise avant tout à sauvegarder le pouvoir des hommes sur les femmes dans la société[14].

Interrogé sur la question, Tareq Oubrou, imam de Bordeaux, souligne que les pays sanctionnant actuellement l'homosexualité par la peine de mort répondent d'une mauvaise interprétation des textes sacrés, « sur des hadiths non authentiques ». Pour Oubrou, « aucun texte univoque, authentique, ne fait mention d'une quelconque sanction contre les homosexuels. Éthiquement parlant, le Coran n'admet pas l'homosexualité. Mais le passage de cette condamnation morale à une condamnation juridique n'existe pas »[15].

Notes et références

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Références

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  1. (en) « Liwāṭ », dans Encyclopédie de l'Islam, Koninklijke Brill NV (DOI 10.1163/9789004206106_eifo_sim_4677, lire en ligne) (consulté le )
  2. Arno Schmitt, « "Liwāṭ" im "Fiqh": Männliche Homosexualität? », Journal of Arabic and Islamic Studies,‎ , p. 49–110 (ISSN 0806-198X, DOI 10.5617/jais.4565, lire en ligne, consulté le )
  3. Pierre Larcher, « Liwāṭ : « agir comme le peuple de Loth… », Formation et interprétation lexicales en arabe classique », Journal of Arabic and Islamic Studies, vol. 14,‎ , p. 213–227 (ISSN 0806-198X, DOI 10.5617/jais.4645, lire en ligne, consulté le )
  4. Mohammed Mezziane, « Sodomie et masculinité chez les juristes musulmans du IXe au XIe siècle », Arabica, vol. 55, no 2,‎ , p. 276–306 (ISSN 0570-5398, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Sara Omar, « From Semantics to Normative Law: Perceptions of Liwāt (Sodomy) and Sihāq (Tribadism) in Islamic Jurisprudence (8th-15th Century CE) », Islamic Law and Society, vol. 19, no 3,‎ , p. 222–256 (ISSN 0928-9380 et 1568-5195, DOI 10.1163/156851912X603193, lire en ligne, consulté le )
  6. Camille Camille, « Un peu d'histoire : islam et sodomie sont-ils incompatibles ? », entretien avec Mohammed Mezziane, sur rue89, nouvelobs.com, 3 septembre 2009.
  7. Mohammed Mezziane, Sodomie et masculinité chez les juristes musulmans du IXe au XIe siècle. Arabica 55 (2008) 276-306. Koninklijke Brill NV, Leyde, 2008 DOI: 10.1163/157005808X310651 ; p. 282.
  8. Ja'afar Agaji Abdullahi, Lawal Tambaya Ahmad et Misbahuddeen Muhammad Bashir, « The Divergent Views of Jurists (Fuqaha) on Punishment of Sodomy (Liwat): Its Relevance to our Contemporary Society », Middle East Research Journal of Humanities and Social Sciences, vol. 4, no 01,‎ , p. 19–25 (DOI 10.36348/merjhss.2024.v04i01.003, lire en ligne, consulté le )
  9. Junaid Jahangir et Hussein Abdullatif, « Liwāṭ in Islamic Jurisprudence », dans Oxford Encyclopedia of the Islamic World: Digital Collection, (ISBN 978-0-19-766941-9, lire en ligne) (consulté le )
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    Merci de consulter la documentation des modèles et de corriger l'article.
  10. (en) Adnan Zulfiqar, « Pursuing over-criminalization at the expense of Islamic law », Jounal of Islamic Law,‎ (DOI 10.7282/00000020, lire en ligne, consulté le )
  11. Jonathan Brown, « A Pre-Modern Defense of the Hadiths on Sodomy: An Annotated Translation and Analysis of al-Suyuti’s Attaining the Hoped-for in Service of the Messenger (s) », American Journal of Islam and Society, vol. 34, no 3,‎ , p. 1–44 (ISSN 2690-3741 et 2690-3733, DOI 10.35632/ajis.v34i3.181, lire en ligne, consulté le )
  12. Scott Alan Kugle, Homosexuality in Islam : critical reflection on gay, lesbian, and transgender Muslims, Oxford : Oneworld, (ISBN 978-1-85168-702-2 et 978-1-85168-701-5, lire en ligne)
  13. (en) Mobeen Vaid, « Can Islam Accommodate Homosexual Acts? Qur’anic Revisionism and the Case of Scott Kugle », American Journal of Islam and Society, vol. 34, no 3,‎ , p. 45–97 (ISSN 2690-3741, DOI 10.35632/ajis.v34i3.352, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Juliane Hammer, « Against Homosexuality: Patriarchal Islam, US Muslims, and Religious Debate », dans Sexuality, Gender And Religion In Contemporary Discourses, Springer Fachmedien Wiesbaden, , 33–59 p. (ISBN 978-3-658-41944-8, DOI 10.1007/978-3-658-41945-5_3, lire en ligne)
  15. Anne Esambert, Oubrou, imam de Bordeaux : « L'homosexualité est un choix » sur rue89, nouvelobs.com du 11 octobre 2010
  1. Voir aussi (en) Vanja Hamzić, « A Renaissance Interrupted? Personhood, ‘Sodomy’ and the Public in Twelfth-Century Christian and Islamic Proto-Civil Legality », dans Le public en droit privé, Montréal, McGill University Press, , 221–243 p. (ISBN 978-2-89730-523-9).

Voir aussi

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Pour aller plus loin

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Articles connexes

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  NODES
Note 4