La Traditio Legis (« remise de la Loi » en latin) est un thème iconographique de l'art paléochrétien. Le plus souvent, il s'agit d'une représentation de Jésus de Nazareth entouré par Paul et Pierre, à qui il remet un rouleau. La scène inclut parfois la présence d'autres apôtres.

Mosaïque du baptistère San Giovanni in Fonte, basilique Santa Restituta, Naples, v. 390. Le rouleau donné à Pierre porte l'inscription DOMINUS LEGEM DAT (« Le Seigneur donne la Loi »).

Ce sujet, fréquent dans les mosaïques, les fresques et la statuaire d'influence romaine et byzantine, est une métaphore de la transmission du message évangélique aux disciples de Jésus puis aux premiers chrétiens. Les artistes ont perpétué cette tradition picturale jusqu'au Moyen Âge. Son interprétation fait aujourd'hui l'objet de discussions parmi les historiens de l'art.

D'autres versions de la « remise de la Loi » apparaissent dans le répertoire iconographique paléochrétien, quelquefois dans une même œuvre, comme dans le Sarcophage de la Traditio Legis, où, aux côtés du Christ donnant la Loi à Pierre, figurent Dieu remettant les Tables de la Loi à Moïse et le prophète Élie confiant son manteau symbolique à son successeur Élisée au moment de son ascension vers les cieux.

Histoire

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Ascension du prophète Élie remettant son manteau à son disciple Élisée (Sarcophage de la Traditio Legis, musée du Louvre).

La Traditio Legis, thème récurrent de l'art paléochrétien, porte parfois sur un passage du Premier Testament évoquant une préfiguration de la transmission du message du Christ à ses apôtres, par exemple le prophète Élie donnant son manteau (symbole de la Loi) à son successeur Élisée[1].

Le plus souvent, cependant, l'iconographie chrétienne représente Jésus-Christ debout ou assis sur un trône et remettant la Nouvelle Loi aux apôtres Pierre et Paul sous la forme d'un rouleau ou, plus rarement, d'un codicille[2]. Cette image est initialement connue sous le nom de Dominus Legem dat (« Le Seigneur donne la Loi »)[2]. C'est de cette inscription, qui figure dans la mosaïque du baptistère San Giovanni in Fonte de la basilique Santa Restituta (Naples), que vient l'appellation générique de Traditio Legis[3],[4].

Ces compositions sont propres à l'art paléochrétien, en particulier dans les sarcophages du dernier tiers du IVe siècle[5]. La version la plus ancienne, sculptée sur les sarcophages dits « de la Passion », montre Jésus au sommet d'une montagne symbolisant le paradis et tenant un rouleau ouvert[6]. Après les années 400, comme la pratique des inhumations dans ce type de sarcophage tend à se raréfier, l'image sculptée de la Traditio Legis tombe peu à peu en désuétude, même si elle réapparaît sur des coffrets-reliquaires, tels ceux de Pola à Venise ou de Nea Heracléa à Salonique[5], et subsiste jusqu'au XIIIe siècle dans les arts carolingien, ottonien et roman[6].

Description

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Sol Invictus, bas-relief romain, musée de la Cour d'Or, Metz.

Qu'elles soient sculptées dans le marbre ou l'ivoire, ou qu'elles soient dues aux techniques de la verrerie, de la mosaïque et de la peinture à fresque, ces œuvres sont majoritairement d'influence romaine[6].

Pierre se trouve généralement à droite de l'image, donc à la gauche du Christ, et porte une croix à hampe longue[5]. Le Christ se tient au centre, en hauteur[5]. Il lève la main droite, paume ouverte, en un geste caractéristique de l'iconographie de Sol Invictus et des empereurs romains qui en ont revendiqué la filiation, à commencer par Constantin Ier[5].

La main gauche du Christ tend un rouleau à Pierre, qui le place dans un pli de son pallium. Paul est à la droite du Christ, donc à gauche de l'image, avec un geste d’acclamation[5]. Parfois, le Christ surplombe un monticule rocheux où se trouve un agneau et d'où s'écoulent un ou quatre fleuves (les quatre fleuves du paradis), et l'ensemble peut être encadré par deux palmiers dont l'un abrite un phénix, symbole de la Résurrection[5]. Il arrive souvent qu'une double rangée de brebis se dirige vers l'agneau à partir de deux villes : Bethléem et Jérusalem[5].

Au Moyen Âge, il n'est pas rare que divers personnages se tiennent aux côtés du Christ, de Paul et de Pierre : d'autres apôtres, des évêques, des donateurs[7]... Une plaque de reliure en ivoire datant du XIe siècle et conservée au musée du Louvre montre une Traditio Legis entourée par le Tétramorphe[8].

Débat historiographique

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De rares vestiges archéologiques laissent apercevoir une courte phrase sur le rouleau que tient le Christ : DOMINUS LEGEM DAT, phrase sur laquelle se fonde la tradition catholique pour intituler cette scène Traditio Legis, c'est-à-dire « transmission de la [Nouvelle] Loi [à Pierre] », ce dernier étant alors assimilé à Moïse transmettant l'Ancienne Loi au peuple d'Israël[5]. Or, jusqu'au XIXe siècle, ce type d'imagerie n'avait pas reçu d'appellation spécifique parmi les historiens : c'est le chanoine Louis Duchesne (1843-1922) qui lui a donné son nom de Traditio Legis[5]. Cette dénomination s'accorde avec le fait incontesté que la figure du DOMINUS LEGEM DAT apparaît dans l'iconographie chrétienne quelques années après la promulgation de l'édit de Milan par Constantin Ier en 313 : l'hypothèse est que les codes de ce stéréotype sont conformes à la coutume romaine de représenter les empereurs, Constantin ou ses successeurs, remettant un document à un subordonné[6].

 
Missorium de Théodose (copie).

Toutefois, depuis la seconde moitié du XXe siècle, cette interprétation se voit contestée à partir des travaux de Walter Nikolaus Schumacher (de)[5],[9]. Cet archéologue fait remarquer que le document en question apparaît déroulé et ne saurait donc être assimilé à un mandat impérial : en effet, dans ce cas, l'usage classique représente l'empereur donnant de la main droite (et non pas gauche) un document fermé (et non pas ouvert)[5]. En témoignent le Missorium de Théodose mais aussi plusieurs sarcophages paléochrétiens de Ravenne où ce schéma est adapté à des portraits de Paul[5]. Pour Schumacher, la scène signifie donc, non pas que le Christ confie un mandat à Pierre, mais qu'il ressuscite sous les traits de Sol Invictus et proclame la Nouvelle Loi devant Pierre et Paul[5].

Cette interprétation s'oppose à la lecture traditionnelle du catholicisme, qui voit le symbole de la primauté pétrinienne dans cette image et l'assimile à des thèmes picturaux a priori assez proches, tel celui de la Traditio clavium (« Remise des clés »)[5]. Ce type d'imagerie, également nommée Traditio clavis (« Remise de la clé »), se fonde sur un passage de l'Évangile selon Matthieu (Mt 16:19) pour représenter Jésus remettant à Pierre les clés du Royaume des cieux[10],[11],[12].

Galerie

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Références

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  1. Claude Coulot, « L'investiture d'Élisée par Élie (1R 19, 19-21) », Revue des sciences religieuses, t. 57-2,‎ , p. 81-92 (DOI 10.3406/rscir.1983.2970, lire en ligne).
  2. a et b (en) « Traditio Legis », dans Robert E. Bjork (dir.), The Oxford Dictionary of the Middle Ages, Oxford University Press, (ISBN 9780198662624, lire en ligne).
  3. (it) Lorenzo Cappelletti, Gli affreschi della cripta anagnina iconologia, .
  4. (it) Jean-Paul Hernandez, Nel Grembo della Trinità. L'immagine come teologia nel battistero più antico di Occidente (Napoli IV sec.), Cinisello, Balsamo, .
  5. a b c d e f g h i j k l m n et o Yves Christe, « The Lord’s Left Side : une mise au point salutaire sur l’image dite de la Traditio legis, compte-rendu », Bulletin monumental, t. 175, no 3,‎ , p. 273 (lire en ligne).
  6. a b c et d (en) Annemarie Weyl Carr, « Traditio Legis », dans Alexander P. Kazhdan (dir.), The Oxford Dictionary of Byzantium, Oxford University Press, (ISBN 9780195046526).
  7. (es) Matthias Exner, « Estucos », dans Enrico Castelnuovo et Giuseppe Sergi (dir.), Arte e historia en la Edad Media, Madrid, Akal, (ISBN 978-84-460-2496-5), p. 517-518.
  8. « Plaque de reliure : le Christ dans le tétramorphe, entre les saints Pierre et Paul (Traditio Legis) », sur musée du Louvre (consulté le ).
  9. (de) Walter Nikolaus Schumacher (de), « Dominus legem dat », Römische Quartalschrift, t. 54,‎ .
  10. (en) « Traditio Legis », dans Tom Devonshire Jones, Linda Murray, et Peter Murray (dir.), The Oxford Dictionary of Christian Art and Architecture, Oxford University Press, (ISBN 9780199680276, lire en ligne).
  11. « Traditio clavis », ministère de la Culture.
  12. (en) « Traditio clavium », dans Tom Devonshire Jones, Linda Murray, et Peter Murray (dir.), The Oxford Dictionary of Christian Art and Architecture, Oxford University Press, (ISBN 9780199680276, lire en ligne).
  13. Wendy Reardon, The Deaths of the Popes, Macfarland & Company, 2004 (ISBN 978-0-7864-1527-4), p. 76.
  14. P. Silvio MORENO, « Le sarcophage chretien de Lamta en Tunisie et ceux de l'abbaye de Saint-Victor à Marseille. Un commun dénominateur: la traditio legis. Structure et symbolique. Origine et originalité »   [PDF], (consulté le ).
  15. (de) Mikael Rasmussen, « Traditio Legis Motiv: Bedeutung und Kontext », Acta Hyperborea, université de Copenhague, vol. 8,‎ , p. 21-52 (lire en ligne)

Bibliographie

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Annexes

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Articles connexes

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Liens externes

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