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L’Europe est considérée comme un continent ou une partie de l’Eurasie (péninsule occidentale), voire de l’Afro-Eurasie, selon le point de vue. Elle est parfois qualifiée de « Vieux Continent » (ou d’« Ancien Monde »), par opposition au « Nouveau Monde » (Amériques).

Europe Supported By Africa and AmericaWilliam Blake (1796)

Médias

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Charles-Augustin Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 1856

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L'Europe me suffit, disait [Voltaire] un peu impertinemment, je ne me soucie guère du tripot de Paris, attendu que ce tripot est souvent conduit par l'envie, par la cabale, par le mauvais goût et par mille petits intérêts qui s'opposent toujours à l'intérêt commun.
  • Les lumières et les salons — Anthologie établie et présentée par Pierre Berès, Charles-Augustin Sainte-Beuve, éd. Hermann (éditeurs des sciences et des arts), coll. « Collection savoir : lettres », 1992  (ISBN 2-7056-6178-6), partie Voltaire, 20 et 27 octobre 1856. Causeries du lundi, t. XIII, p. 180


Visions de l'Europe au XIXè siècle

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Ne soyons plus anglais ni français ni allemands. Soyons européens. Ne soyons plus européens, soyons hommes. Soyons l'humanité. Il nous reste à abdiquer un dernier égoïsme : la patrie.
  • « Choses vues » (1887), dans Œuvres complètes, Histoire, Victor Hugo, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1987, p. 1313


Ce que Paris conseille, l'Europe le médite ; ce que Paris commence, l'Europe le continue.
  • « Ateliers nationaux » (20 juin 1848), dans Œuvres complètes de Victor Hugo, Victor Hugo, éd. J. Hetzel, A. Quantin, 1883, vol. Actes et paroles. I, partie Assemblée constituante, p. 214 (voir la fiche de référence de l'œuvre)


Il semblera toujours humiliant à certains esprits de songer que c'est à des infidèles que l'Europe chrétienne doit d'être sortie de la barbarie, et une chose si humiliante en apparence ne sera que bien difficilement admise. [...] Par leur influence morale, [les Arabes] ont policé les peuples barbares qui avaient détruit l'empire romain ; par leur influence intellectuelle, ils ont ouvert à l'Europe le monde des connaissances scientifiques, littéraires et philosophiques qu'elle ignorait, et ont été nos civilisateurs et nos maîtres pendant six cents ans.
  • La Civilisation des Arabes (1884), Gustave Le Bon, éd. La Fontaine au Roy, 1990, Livre cinquième, chapitre dixième, Civilisation de l'Europe par les Arabes, p. 442


L'Allemagne et l'Angleterre, comme race, comme langue et comme instinct, sont étrangères à la grande tradition du monde, romano-chrétienne et démocratique. [...] Observez bien ces peuples, vous y trouverez, au physique, au moral, un désaccord de vie et de principe que n'offre pas la France, et qui [...] doit empêcher toujours le monde d'y chercher ses modèles et ses enseignements.
  • Le Peuple, Jules Michelet, éd. Paulin, 1846, p. 282


Ce qu’il y a de moins simple, de moins naturel, de plus artificiel, c’est-à-dire de moins fatal, de plus humain et de plus libre dans le monde, c’est l'Europe; de plus européen, c'est ma patrie, c'est la France.
  • Jules Michelet. Introduction à l’histoire universelle, 1834. Cité par :
  • L’invention des continents, Christian Grataloup, éd. Larousse, 2009, p. 11


Ce fut par ces traductions arabes des ouvrages de science et de philosophie grecque que l'Europe reçut le ferment de tradition antique nécessaire à l'éclosion de son génie.
  • Discours et conférences, Ernest Renan, éd. C. Lévy, 1887, L'Islamisme et la Science (conférence prononcée à la Sorbonne, en 1883), p. 387


Visions de l'Europe au début du XXè siècle

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Jules Romains (1915)

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Europe ! Je n’accepte pas
Que tu meures dans ce délire.
Europe, je crie qui tu es
Dans l’oreille de tes tueurs.

  • Dictionnaire égoïste de la littérature française, Charles Dantzig, éd. Grasset, 2005, p. 748


Le passé de l'Europe

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Actuellement, la conclusion la plus vraisemblable est que la population européenne est composée pour un tiers des descendants d'individus originaires du Moyen-Orient et pour le reste par les descendants de paléolithiques, qui étaient établis sur le continent à l'époque ou sont arrivés les agriculteurs. Cette proportion peut varier beaucoup d'une partie de l'Europe à l'autre.
  • La génétique des populations, histoire d'une découverte (2005), Luigi Luca Cavalli-Sforza, éd. Odile Jacob, 2008, chap. La révolution néolithique et le peuplement, p. 213


De 1492 date une nouvelle conception fondatrice de l'Occident, une vision politico-religieuse de l'exclusion et de la possession. Il s'appuie à la Renaissance sur un mythe coriace, celui de l'« exclusivité fondatrice de la source gréco-romaine ». Comme si le monde ne devait rien à Sumer, à l'Égypte, à Babylone, à l'Inde ou à la Chine, comme si le judaïsme ou le christianisme n'avaient pas une dette fondamentale envers les antiques religions de Mésopotamie ! Évacué aussi, le rôle fondamental des philosophes musulmans dans l'adaptation de la philosophie antique au monothéisme.
  • Orients / Occidents, vingt-siècles de guerres, Thierry Camous, éd. PUF, 2007, p. 422


Depuis le VIIIe siècle jusqu'au XIIe siècle, l'Europe demeura plongée dans une ignorance profonde. L'amour et la culture des sciences furent concentrées pendant ce long intervalle chez un seul peuple, les Arabes de Bagdad et de Cordoue. C'est à eux que nous avons dû la connaissance des ouvrages grecs qu'ils avaient traduits pour leur usage, et qu'ils nous ont transmis, longtemps avant qu'ils nous parvinssent dans leur langue originale. Jusqu'à ces derniers temps, on a pensé que c'était là la seule obligation que nous eussions aux Arabes ; et l'on a négligé de rechercher et d'étudier leurs propres ouvrages, pensant que l'on n'y devait trouver rien d'original, ni d'étranger aux doctrines et à l'érudition grecques. C'est une erreur sur laquelle on revient aujourd'hui, surtout depuis qu'on connaît les ouvrages hindous, et que l'on sait que les Arabes y ont puisé les principes du calcul algébrique qui les distingue essentiellement des ouvrages grecs.
  • Aperçu historique sur l'origine et le développement des méthodes en géométrie, Michel Chasles, éd. Hayez, 1837, p. 487-488


Non « notre histoire » ne commence pas avec les Grecs. Elle est infiniment plus vaste qu'un hexagone et la foi de son clergé.
  • Allusion au fameux manuel d'Ernest Lavisse qui écrivait dans ses Instructions « notre histoire commence avec les Grecs »
  • Les Grecs et nous : Une anthropologie comparée de la Grèce ancienne, Marcel Detienne, éd. Perrin, 2005, p. 26


Samuel Huntington

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Entre le XIe et le XIIIe siècle, la culture européenne a commencé a se développer, sous l'effet de l'emprunt systématique à la culture musulmane et byzantine, et de l'adaptation de cet héritage au contexte particulier et aux besoins de l'Occident.
  • Le Choc des civilisations (1996), Samuel Huntington (trad. Jean-Luc Fidel et Geneviève Joublain, Patrice Jorland, Jean-Jacques Pédussaud), éd. Odile Jacob, 2007, p. 49


L’Occident a vaincu le monde non parce que ses idées, ses valeurs, sa religion étaient supérieures mais plutôt par sa supériorité à utiliser la violence organisée. Les Occidentaux l’oublient souvent, mais les non-Occidentaux jamais.
  • Le Choc des civilisations (1996), Samuel Huntington (trad. Jean-Luc Fidel et Geneviève Joublain, Patrice Jorland, Jean-Jacques Pédussaud), éd. Odile Jacob, 2007, p. 50


A strictement parler, les racines de l'Europe ne sont pas chrétiennes. Elles sont grecques, juives, romaines, celtes... et plus lointainement encore égyptiennes, mésopotamiennes, perses...[...] L'expression est impropre et laisse à penser que les sources antiques sont niées. Il serait plus approprié de parler de rôle déterminant du christianisme dans la construction de l'identité européenne.[...] Ce qui fonde le lien social et la citoyenneté européenne aujourd'hui, ce n'est plus la foi chrétienne, mais la raison et le droit laïc.


Le christianisme africain a été l'agent combien fécond, combien efficace, d'un transfert de culture du sud au nord, d'Afrique en Europe. [...] Je crois que vous devriez, vous Maghrébins [...], vous devriez être assez fiers de cela, d'avoir offert à l'Europe ces maîtres qui l'ont formée [...] qu'ils s'appellent Tertullien, Cyprien, Augustin [...]. De l'Andalousie et de la Campanie jusqu'à l'Angleterre, la chrétienté latine tout entière, l'Europe occidentale tout entière a été de la sorte fécondée, éduquée, cultivée par vos ancêtres selon la chair, sinon l'esprit, vos pères, chers amis maghrébins.
  • Actes du Deuxiem̀e congres international d'étude des cultures de la mediterranée occidentale, Henri Irénée Marrou, éd. Société nationale d'édition et de diffusion, 1978, vol. 2, p. 173-176


L'Europe moderne se forme en perdant le Monde Ancien (chute de Byzance, 1453), en découvrant le Nouveau Monde (1492), et en changeant de Monde (Copernic, 1473-1543). Deux siècles plus tard, elle va changer le Monde.
  • Penser l'Europe (1987), Edgar Morin, éd. Gallimard, 1987, p. 44


La civilisation européenne est une combinaison de l'esprit d'Orient avec son contraire, combinaison dans laquelle l'esprit d'Orient doit entrer dans une proportion assez considérable.
  • (fr) Notre passé nous vient en grande partie d'Orient. C'est devenu un lieu commun de dire que notre civilisation, étant d'origine gréco-latine, s'oppose à l'Orient. [...] Nous n'avons reçu des Latins que la notion d'État [...]. Dans tout autre domaine, leur apport créateur a été nul. Quant aux Grecs, source authentique de notre culture, ils avaient reçu ce qu'ils nous ont transmis. [...] Hérodote est on ne peut plus clair à ce sujet. Il y avait, avant les temps historiques, une civilisation méditerranéenne dont l'inspiration venait avant tout d'Égypte [...] L'origine orientale du christianisme est évidente. [...] Quant au moyen âge, les moments brillants du moyen âge ont été ceux ou la culture orientale est venue de nouveau féconder l'Europe, par l'intermédiaire des Arabes [...]. La Renaissance aussi a été en partie causée par le stimulant des contacts avec Byzance. [...] Il est exact qu'il y a en Europe quelque chose qui s'oppose à l'esprit d'Orient, quelque chose de spécifiquement occidental. Mais ce quelque chose se trouve à l'état pur et à la deuxième puissance en Amérique et menace de nous dévorer. La civilisation européenne est une combinaison de l'esprit d'Orient avec son contraire, combinaison dans laquelle l'esprit d'Orient doit entrer dans une proportion assez considérable. Cette proportion est loin d'être réalisée aujourd'hui. Nous avons besoin d'une injection d'esprit oriental.
  • « À propos de la question coloniale dans ses rapports avec le destin du peuple français » (1943), dans Écrits historiques et politiques, Simone Weil, éd. Gallimard, 1960, p. 372-373


Visions de l'Europe au début du XXIè siècle

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Il faudrait que la conscience et la fierté d’être européens ne soient pas inexistantes, bref que l’Europe ait quelque chose qui fasse vibrer les cœurs.


Daniel Cohn-Bendit

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La construction européenne repose sur deux valeurs fondamentales : la lutte contre le fascisme et le nazisme et la lutte contre le communisme et le stalinisme. C'est-à-dire l'antitotalitarisme. La construction européenne, c'est la construction d'un espace politique qui veut se protéger contre une partie de l'histoire de l'Europe, celle des totalitarismes et du colonialisme.
  • « Europe : ce qui oppose Daniel Cohn-Bendit et Alain Finkielkraut », Daniel Cohn-Bendit, propos recueillis par Nicolas Truong, Le Monde, 1er février 2014 (lire en ligne)


L'idéologie libérale ne tombe pas du ciel ! Si elle a pris le dessus en Europe, c'est parce qu'elle est défendue par des gouvernements élus qui font l'Europe. Le projet politique européen, précisément parce qu'il ne correspond à rien de préexistant, n'est pas par essence néolibéral.
  • « Europe : ce qui oppose Daniel Cohn-Bendit et Alain Finkielkraut », Daniel Cohn-Bendit, propos recueillis par Nicolas Truong, Le Monde, 1er février 2014 (lire en ligne)


Le problème n'est pas l'espace européen en soi, mais les politiques menées dans celui-ci. Ce sont les citoyens qui ont voté pour des forces politiques aux tendances néolibérales, qui remettent en cause une certaine forme de service public. S'il y avait une autre majorité en Europe, elle ferait une autre politique.
  • « Europe : ce qui oppose Daniel Cohn-Bendit et Alain Finkielkraut », Daniel Cohn-Bendit, propos recueillis par Nicolas Truong, Le Monde, 1er février 2014 (lire en ligne)


Les religions de l'Europe (dans l'Europe)

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Passé judéo-chrétien

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Le monde a besoin d'une Europe qui, une fois qu'elle aura pris conscience de ses fondements chrétiens, et de son identité, sera en même temps prête à forger son présent et son avenir à partir de leur puissance.


Maurice-Ruben Hayoun

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Ce qu'il faut répéter avec force, c'est que l'Europe a d'indéniables racines judéo-chrétiennes et que la véritable loi fondamentale de l'Europe, sa constitution spirituelle, n'est autre que le Décalogue biblique, véritable charte de l'humanité civilisée. Il y a là un lien indéfectible qu'il n'appartient à personne de défaire.
  • L'identité juive et la culture européenne, Maurice-Ruben Hayoun, éd. Pocket, 2010, p. Quatrième de couverture


Henri Tessier

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Les Européens doivent apprendre qu’une partie notable de leurs racines chrétiennes latines se trouvent au sud de la Méditerranée. Et les habitants du Maghreb doivent aussi connaître le rôle qu’ont joué leurs ancêtres dans une tradition culturelle et religieuse qui leur apparaît aujourd’hui comme une réalité totalement étrangère à leur terre. Cette prise de conscience peut avoir aussi son importance pour les jeunes Églises d’Afrique qui regardent leurs sources spirituelles comme uniquement européennes, oubliant non seulement les origines orientales de la Bible et les développements de la patristique orientale, mais aussi le rôle de l’Afrique romaine. Le professeur Claude Lepelley réfléchissant sur notre sujet, n’hésite pas à exprimer sa position sous cette forme paradoxale: «Le christianisme occidental n’est pas né en Europe, mais au sud de la Méditerranée». Cette affirmation qui peut étonner est pourtant largement étayée par l’histoire.


Il est certain que les valeurs chrétiennes ont été civilisatrices en Europe et leur influence dominante.
  • La République, les religions, l'espérance, Nicolas Sarkozy, éd. Éditions du Cerf, 2004  (ISBN 2-266-15708-6), p. 180


Ce fut une erreur de tourner le dos à notre passé et de renier, d’une certaine façon, des racines qui sont évidentes. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’on remet en cause la laïcité, il suffit de survoler la France pour voir ce long manteau d’églises ! Dire qu’en Europe il y a des racines chrétiennes, c’est tout simplement faire preuve de bon sens, renoncer à le dire, c’est tourner le dos à une réalité historique. Si on renie son histoire, on ne prépare pas son avenir.
  • Nicolas Sarkozy, 30 janvier 2008, dans la-Croix.com, paru 31 janvier 2008.


Passé musulman

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On ne saurait trop déplorer que la littérature européenne ait systématiquement cherché à nous faire oublier nos obligations scientifiques envers les mahométans. Il est certainement temps que nous les reconnaissions. Une injustice, fondée uniquement sur la haine religieuse et sur l'orgueil national, ne peut durer éternellement.
  • Histoire du développement intellectuel de l'Europe, John William Draper (trad. L. Aubert), éd. A. Lacroix, Verboeckhoven et cie, 1868, p. 308


Une grande partie des traits dont s'enorgueillit l'Europe moderne lui sont venues de l'Espagne musulmane. La diplomatie, la liberté du commerce, l'ouverture des frontières, les techniques de recherches universitaires, d'anthropologie, l'étiquette, la mode, divers types de médecine, les hôpitaux, tous venaient de cette grande ville entre toutes. [...] L'étonnant est l'importance que l'Islam a longtemps eue en Europe, d'abord en Espagne, puis dans les Balkans, et la mesure de sa contribution à une civilisation que nous tous identifions trop souvent, et à tort, comme uniquement occidentale. L'Islam fait partie de notre passé et de notre présent, dans tous les domaines de l'entreprise humaine. Il a aidé à créer l'Europe moderne. Il fait partie de notre propre héritage et ne s'en distingue pas.
  • (en) Many of the traits on which modern Europe prides itself came to it from Muslim Spain. Diplomacy, free trade, open borders, the techniques of academic research, of anthropology, etiquette, fashion, various types of medicine, hospitals, all came from this great city of cities. [...] The surprise is the extent to which Islam has been a part of Europe for so long, first in Spain, then in the Balkans, and the extent to which it has contributed so much towards the civilisation which we all too often think of, wrongly, as entirely Western. Islam is part of our past and our present, in all fields of human endeavour. It has helped to create modern Europe. It is part of our own inheritance, not a thing apart.
  • Charles de Galles (trad. Wikiquote), 27 octobre 1993, Oxford Centre for Islamic Studies , The Sheldonian Theatre, Oxford, dans Islam and the West, paru Site officiel du Prince de Galles (www.princeofwales.gov.uk), Charles de Galles.


La civilisation musulmane tient depuis longtemps une place prépondérante en Europe, ou elle s'est d'abord imposée en Espagne et dans le monde méditerranéen dès le VIIe siècle, pour ensuite pénétrer les pays de l'Est au XIVe siècle, et poursuivre sa percée jusque dans les steppes du Nord.
  • L'Islam en Europe, Jack Goody, éd. La Découverte, 2004, p. 16


L'islam n'a jamais été l'Autre de l'Europe, l'Orient, mais une composante des Européens, qui fait partie intégrante non seulement de notre passé, mais aussi de notre présent, dans la Méditerranée, dans les Balkans, à Chypre, en Russie. Nous devons prendre la mesure de son importance et accepter ce lien, même si son influence a eu une forte coloration religieuse qui peut nous déplaire.
  • L'Islam en Europe, Jack Goody, éd. La Découverte, 2004, p. 103


La plupart des Européens n’ont pas exactement évalué l’importance de l’apport qu’ils ont reçu de la civilisation islamique, ni compris la nature de leurs emprunts à cette civilisation dans le passé et certains vont jusqu’à totalement méconnaître tout ce qui s’y rapporte. [...] s'il est généralement connu que l'Espagne est restée sous la loi islamique pendant plusieurs siècles, on ne dit jamais qu'il en fut de même d'autres pays, tels que la Sicile et la partie la plus méridionale de la France actuelle. [...] Le plus étrange [...], c'est de voir les Européens se considérer comme les héritiers directs de la civilisation héllénique, alors que la vérité des faits infirme cette prétention. La réalité tirée de l'histoire même établit que la science et la philosophie grecques ont été transmises aux Européens par des intermédiaires musulmans. En d'autre termes, le patrimoine intellectuel des Héllènes n'est parvenu à l'Occident qu'après avoir été sérieusement étudié par le Proche-Orient, et n'étaient les savants de l'Islam et ses philosophes, les Européens seraient restés dans l'ignorance totale de ces connaissances pendant fort longtemps, si tant est qu'ils soient jamais parvenus à les connaitre. Il convient de faire remarquer que nous parlons ici de l'influence de la civilisation islamique et non spécialement arabe comme on le dit quelquefois à tort. Car la plupart de ceux qui ont exercé cette influence en Occident n'étaient pas de race arabe.
  • Aperçus sur l’ésotérisme islamique et le taoïsme, René Guénon, éd. Gallimard, 1973, Influence de la civilisation islamique en Occident (1950), p. 76-77


La science et les connaissances, notamment philosophiques, sont venues en Occident de chez les Arabes.


La dette de l'Europe envers l'Espagne musulmane est d'une importance presque sans égale. Ce foyer de haute culture qu'était Al-andalus fut un trésor inestimable pour l'Europe médiévale. Il lui rendit accessible des outils culturels et scientifiques comme le système positionnel des chiffres (les chiffres arabes), les fonctions matématiques trigonométriques, une science médicale déjà bien avançée (qui n'était que la version arabe des sciences médicales grecques classiques, mais une version développée), et tant d'autres choses encore, parmi lesquelles de nombreuses traductions. Puis vint la Renaissance et les grandes découvertes maritimes, véritable amorce des Temps modernes, engendrant le siècle des Lumières et tout ce qui suivit : tout cela n'aurait pas été possible sans les apports de l'Espagne musulmane.


Parce qu’elle s’opposait à l’islam, l’Europe a déprécié l’influence des Sarrasins et mis exagérément l’accent sur sa dépendance à l’égard de l’héritage grec et romain. Il importe donc aujourd’hui pour nous de corriger cette orientation erronée et de reconnaître pleinement notre dette envers le monde arabe et musulman.
  • (en) Because Europe was reacting against Islam it belittled the influence of Saracens and exaggerated its dependence on its Greek and Roman heritage. So today an important task for us is to correct this false emphasis and to acknowledge fully our debt to the Arab and Islamic world.
  • Islamic surveys: the influence of Islam on medieval Europe, William Montgomery Watt (trad. Wikiquote), éd. Edinburgh University Press, 1973, p. 84


Races et migrations

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Au point de vue zoologique, depuis le début de l'époque tertiaire, l'Afrique du Nord, au nord du Sahara, fait partie de l'Europe. Cela est vrai à la fois des animaux et des races humaines. Les Berbères de l'Afrique du Nord sont identiques comme race aux Espagnols et aux Italiens du Sud.
  • Le déclin de la Grande Race (1916), Madison Grant, éd. L'Homme Libre, 2002, chap. V-La race méditerranéenne, p. 137


[L]es politiciens occidentaux empruntent à l'histoire les arguments contradictoires qui leur permettent d'englober dans l'Europe ou au contraire d'en rejeter la Russie, comme aussi de faire appel à la solidarité européenne de la Turquie. [...] Pour l'anthropologiste, les frontières que tracent le géographe et l'historien ne signifient pas grand-chose. On s'en sera bien rendu compte en parcourant la première partie de notre ouvrage ; malgré notre volonté délibérée de limiter notre présentation à la seule Europe, nous avons à de nombreuses reprises été obligés de chercher au-dehors du territoire de celle-ci, en Asie occidentale et en Afrique du nord. En fait, sur le plan anthropologique, l'Europe déborde largement les mers méridionales, la chaîne du Caucase et les steppes russes pour englober toute une humanité. Racialement, l'Europe est partout où la peau de l'homme est blanche.
  • Les Races de l'Europe (1952), Marc Sauter, éd. Payot, 1952, p. 179-180


L'Europe, démographiquement déprimée par sa faible fécondité, a besoin d'immigrés. L'installation d'étrangers sur son sol est l'une des conditions de sa survie.
  • L'invention de l'Europe, Emmanuel Todd, éd. Seuil, 1996, p. 612


L'Europe a toujours énormément emprunté (et prêté) à ses voisins. Pour ce qui concerne l'apport des populations habitant les rives du sud de la Méditerranée, on peut à peine parler d'extériorité. Les terres d'Afrique du Nord font partie de l'Empire romain, et les Berbères qui les habitent fournissent à ce dernier des empereurs comme, plus tard, des Pères de l'Église. Dans l'Espagne occupée par les Maures s'épanouit une civilisation musulmane tolérante, par l'intermédiaire de laquelle passe aux autres Européens une bonne partie de l'héritage grec classique.


Ce qu’est ou n’est pas l’Europe

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Ulrich Beck

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L'Union européenne n'est ni un club de chrétiens, ni une communauté transcendantale d'origine. Seule une image de l'homme et de la culture non anthropologique, antiontologique, radicalement ouverte, obéissant à des procédures déterminées, et donc politiquement pragmatique, mérite d'être qualifiée d'"européenne". [...] Ceux qui veulent laisser les Turcs en dehors de l'Union découvrent l'enracinement de l'Europe dans l'Occident chrétien. Seuls ceux qui de tout temps ont fait partie de cette "communauté occidentale de destin" font partie des "nôtres". Les autres sont les Autres exclus de l'Europe. Dans cette vision du monde, tout homme a une patrie, la sienne, et il ne peut la choisir : elle lui est innée et obéit à la géographie des nations et des stéréotypes qui la dominent. [...] Même lorsqu'on parle avec bienveillance de "dialogue des cultures", cette conception territoriale grave, fausse, dangereuse, des cultures continue à hanter les esprits : comme si "l'Islam" et "l'Occident" existaient dans des espaces esclusifs devant enfin chercher à nouer un dialogue. Ou est passé "Londistan" - la métrople de l'islam en dehors du monde islamique ? Ou sont les musulmans occidentaux, la bourgeoisie arabe, les chrétiens d'Orient, les Arabes israéliens, les deuxième et troisième génération d'immigrants musulmans dans tous les pays occidentaux, etc ? [...] Ceux qui veulent réinventer l'Occident chrétien pour marquer les frontières de l'Europe font de l'Europe une religion, presque une race, et dénaturent complètement le projet des Lumières européennes.
  • Qu'est-ce que le cosmopolitisme ?, Ulrich Beck, éd. Flammarion, 2006, p. 320-321


Une autre particularité de l’Europe est l’intensité du conflit dogmatique. À la différence du monde orthodoxe où les Églises s’appuyaient sur une base ethnique et où l’on pouvait s’abandonner plus tranquillement au sommeil théologique, l’Église latine étant transnationale ne pouvait garder son unité que par une attention continue à l’unité de sa doctrine. Cela entretenait dans les universités à la fois une vitalité intellectuelle intense et les occasions de dispute et de déchirement. L’Église put espérer un instant établir la paix autour de la synthèse particulièrement large et belle de saint Thomas d’Aquin. À peine le Docteur commun fut-il mort que la synthèse s’écroula et qu’avec Duns Scot, Guillaume d’Occam et bien d’autres, une révolution de la pensée commença et ne s’arrêta plus.


Sophie Bessis

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L'Europe moderne, qui ne commence vraiment à se concevoir comme telle que dans le courant du XVIe siècle, s'invente d'abord une série de mythes, dont chacun est assis sur un rejet. [...] le mythe de l'exclusivité fondatrice de la source gréco-romaine fonctionne [...] comme une implacable machine à expulser les sources orientales ou non chrétiennes de la civilisation européenne. Effacées, les influences babyloniennes, chaldéennes, égyptiennes et indiennes qui ont irrigué la Grèce [...]. Ignoré, l'immense prestige qu'a constamment connu l'Égypte dans le monde grec dont les lettrés reconnaissent volontiers ce qu'ils doivent à ses sciences et à sa religion. Occultée, la dimension essentielle de l'époque hellénistique, ce métissage de l'hellénisme et des Orients. Passée sous silence, la pluralité culturelle d'un Empire romain pour qui les Barbares étaient les hommes venus du Nord et non les peuples familiers de la rive sud de la Méditerranée. Enfin, la volonté têtue des penseurs de la Renaissance de se fabriquer une filiation directe avec leurs ancêtres athéniens leur permet d'oublier comment ils en ont retrouvé la trace. À l'expulsion physique de l'islam du territoire politique de l'Europe occidentale correspond l' expulsion de la pensée judéo-musulmane du territoire intellectuel européen. [...] Grâce à ses humanistes qui lui fabriquent un passé largement imaginaire et décident de quoi sont faits ses héritages, l'Europe nouvelle s'invente des frontières au-delà desquelles est rejeté tout ce qui est supposé n'être ni gréco-romain ni chrétien.
  • L'Occident et les autres : Histoire d'une suprématie, Sophie Bessis, éd. La Découverte, 2003, p. 17


L'Europe doit ainsi prendre conscience de l'immensité de la dette culturelle qu'elle a envers ces truchements (c'est d'ailleurs un mot arabe...) : envers les Juifs, en dehors d'elle comme en son intérieur, ainsi qu'envers le monde de culture arabe, chrétiens comme musulmans.
  • (fr) Il est en tout cas salutaire de se rappeler l'humilité de ses origines. Non pour mesurer avec satisfaction la distance parcourue. Mais pour savoir à quoi et à qui on doit d'avoir accompli ces progrès. Il existe un devoir de réminiscence. Il est bon aussi de rappeler d'ou l'Europe a tiré les sucs nourriciers dont elle s'est engraissée. La réponse est simple : elle les a pris en dehors d'elle. Elle les a empruntés au monde gréco-romain qui l'a précédée, puis au monde de culture arabe qui s'est développé en parrallèle avec elle, enfin au monde byzantin. C'est du monde arabe, en particulier, que sont venus les textes arabes d'Aristote, de Galien, et de bien d'autres, qui, traduits en latin, ont nourri la Renaissance du XIIe siècle. C'est du monde byzantin que vinrent les originaux de ces mêmes textes, qui en permirent une étude plus précise et alimentèrent la floraison scholastique du XIIIe siècle. Que serait Thomas d'Aquin s'il n'avait trouvé en Averroès un adversaire à sa mesure ? Que serait Duns Scott s'il n'avait trouvé en Avicenne, pour reprendre la formule de Gilson, un "point de départ" ? Et bien des textes dont l'Europe s'est nourrie lui sont venues par l'intermédiaire des traducteurs juifs. L'Europe doit ainsi prendre conscience de l'immensité de la dette culturelle qu'elle a envers ces truchements (c'est d'ailleurs un mot arabe...) : envers les Juifs, en dehors d'elle comme en son intérieur, ainsi qu'envers le monde de culture arabe, chrétiens comme musulmans.
  • Au moyen du Moyen Age : Philosophies médiévales en chrétienté, judaïsme et islam, Rémi Brague, éd. Transparence, 2006, Les leçons du Moyen Age, p. 52


L’Europe a perdu son âme à Sarajevo. Il n’y a pas d’Europe sans mission de l’Europe.


Afghanistan, Cambodge, Angola, Liban, Bosnie… Que de ruines, sans même l’espoir d’une cité du soleil. Dans le silence de l’Europe. Je ne peux que répéter ce que je dis depuis quarante ans : sa mission, doit être de défendre un type de civilisation et de démocratie. Le reste, droits de douane ou monnaie unique, n’est qu’instrument, outil. Si l’Europe n’apporte pas cet espoir d’une civilisation qui lui soit propre, elle n’a ni justification ni sens. La mauvaise humeur à l’égard de l’Amérique, seule superpuissance, n’est pas une politique suffisante. La meilleure critique des œuvres des autres, en fait l’unique critique admissible, est de composer une autre œuvre.

  • Mémoires de sept vies. Tome 2 : Croire et Oser, Jean François Deniau, éd. Plon, 1997  (ISBN 2-259-18561-4), p. 437


Kemal Dervis

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Trop d'efforts sont gaspillés dans de vaines tentatives pour définir une "identité européenne" qui recréerait, au niveau continental, un nationalisme semblable à celui du 19ème et du 20ème siècle. Il est vain de vouloir définir un nouveau "nationalisme européen" qui remplacerait le nationalisme français, allemand ou tout autre nationalisme du passé. La langue, l'Histoire, les coutumes et les goûts locaux font de "l'euro-nationalisme" un objectif peu crédible. Un Espagnol de Séville, un Suédois d'Umeö et un Grec de Crète peuvent-ils partager la même allégeance nationaliste envers l'Union européenne, une allégeance du même type que celle qui existait envers les États-nations? Est-ce même souhaitable? Voulons-nous recréer au niveau du continent les passions qui ont conduit à tant de conflits meurtriers dans le passé ? Une partie de l'opinion a considéré que le christianisme pouvait être le ciment de la construction de l'identité européenne. Devons-nous abandonner l'un des plus grands succès des Lumières (la séparation de l'État et de l'Église) pour créer un "euro-nationalisme" basé sur la religion? Doit-elle se définir d'une manière qui va dans le sens du "choc des civilisations" et des grandes fractures religieuses, alors que le monde est de plus en plus interdépendant? L'Europe doit-elle considérer son avenir avec un regard nostalgique à l'égard d'un passé lourd de souffrances ou doit-elle, à l'inverse, en attendre des relations pacifiées, débarrassées des "identités meurtrières", pour emprunter l'expression d'Amin Maalouf ?


C’est quelques années plus tard que j’ai découvert cette « autre Europe », à travers des lectures et des rencontres, en particulier celle de Leszek Kolakowski, dont la conférence en 1980 au Collège de France « Où sont les barbares ? », plaidoyer pour l’esprit européen menacé par le totalitarisme soviétique et sa propre propension au relativisme radical, m’a profondément marqué.


Mais comment la révolte anticulturelle liée à 68 (avec les mots-clés de « contre-culture » ou « d’anti-culture ») peut-elle comprendre, aujourd’hui encore, la méditation venue d’Europe centrale sur la liberté de la culture et, surtout, sur la « culture comme condition de la liberté » ? C’est là que la ligne de fracture, la frontière invisible, demeure tenace. L’autre Europe avait une idée de la culture dont, en Europe de l’Ouest, on était dépourvu, sinon précisément pour la combattre comme une forme de domination sournoise.


À partir de 1989, l’Europe a commencé à se recomposer, les frontières sont tombées l’une après l’autre. Mais une frontière imperceptible continue à séparer ces deux lignées – la lignée de 68 et la lignée du Printemps de Prague. Leur relation mutuelle demeure encore difficile et problématique.


Je dois au poètes et aux penseurs d'Europe centrale la prise de conscience de mon appartenance et de mon attachement à la civilisation européenne. Avant de les lire et, pour certains, de les fréquenter, je pensais, avec Julien Benda, qu'il n'y avait pas d' Être européen. Pour moi, le propre de l'Europe, c'était de ne pas avoir de propre et de se définir par des principes abstraits et universels. L'Europe avait inventé les droits de l'homme. Il fallait aujourd'hui qu'elle se reconnaisse dans cette seule invention car on savait à quoi avait mené l'absolutisation des différences collectives. Le devoir de mémoire commandait à l'Europe de préparer la venue d'une humanité que ne romprait aucune séparation intérieure et de donner l'exemple en se séparant d'elle-même et de sa ténébreuse histoire. Il lui incombait d'abandonner l'identité pour les valeurs. La civilisation européenne ayant enfanté coup sur coup deux guerres monstrueuses, le temps était venu de lui substituer, pour assurer la paix, les normes et les procédures de la construction européenne.


Geert Mak

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Il n'y a pas de peuple européen. Il n'existe pas de communauté unique de culture et de traditions [...]; il y en a au moins quatre : la protestante du Nord, la catholique latine, la grecque orthodoxe et l'ottomane musulmane. Point de langue unique, mais des dizaines d'idiomes. [...] Et surtout : il n'y a en Europe que très peu d'Histoire commune, d'expérience commune de l'Histoire.
  • Voyage d'un Européen à travers le XXe siècle, Geert Mak, éd. Gallimard, 2004, Epilogue, p. 956


Faire l’Europe ce n’est pas détruire les nations mais simplement annihiler ce qu’elles présentent de mauvais.


Le patriotisme, ce sentiment noble qui a forgé les nations, qui leur a proposé et fait accomplir des taches magnifiques, a fréquemment dévié, dégénéré en intolérable fanatisme et est ainsi devenu une source d'insécurité et de déchirements fratricides.
Nous ne sommes, nous ne serons jamais des négateurs de la patrie, oublieux des devoirs que nous avons envers elle. Mais au-dessus de chaque patrie nous reconnaissons de plus en plus distinctement l'existence d'un bien commun, supérieur à l'intérêt national, ce bien commun dans lequel se fondent et se confondent les intérêts individuels de nos pays.
La loi de solidarité des peuples s'impose à la conscience contemporaine. Nous nous sentons solidaires les uns des autres dans la préservation de la paix, dans la défense contre l'agression, dans la lutte contre la misère, dans le respect des traités, dans la sauvegarde de la justice et de la dignité humaine.

  • Manifeste pour la beauté du monde, Jean-Marie Pelt et sœur Marie Keyrouz, éd. Cherche Midi, coll. « Pour un monde meilleur », 2015  (ISBN 978-2-7491-4364-4), p. 104


C'est une petite péninsule à l'ouest de l'Eurasie. Son climat lui a conféré une richesse agreste unique. C'est un jardin minutieusement cultivé, un potager agencé depuis des millénaires, une mosaïque de paysages, de terroirs. Irriguée par des sources spirituelles grecques, romaines, celtiques, chrétiennes, juives, elle a vu naître des systèmes de pensée somptueux, la plupart des philosophies politiques et la majorité des découvertes scientifiques. Elle a nourri des savants qui, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, s'intéressaient à ce qui n'était pas eux-mêmes et désiraient comprendre, connaître, étudier l'Autre. La démocratie y a été inventée, expérimentée. Aujourd'hui, on y vit libre. Les plus démunis peuvent espérer une prise en charge gouvernementale. Des millions de déshérités essaient d'en gagner les rivages. Elle a conquis le monde et régné sur les peuples. Son modèle a été partout exporté, partout imité. Il sert encore de référence aux pays qui vivent la transition démocratique. Cette péninsule s'appelle l'Europe. Il paraît que les Européens d'aujourd'hui en rejettent l'héritage.


L'Europe est devenue de plus en plus une machine à discipliner la société française. Après 68, la crise de légitimité du politique va rendre nécessaire la quête d'une autorité extérieure. On le voit bien aujourd'hui où l'on oppose les exigences européennes aux revendications populaires les plus légitimes. Le suivisme européen, depuis François Mitterrand, est le nom de cette perte de crédibilité de la gouvernance nationale. On ne présente plus l'Europe comme un moyen d'agir. On dit de l'Europe : Il n'est pas possible d'en sortir. Au sentiment de dépossession des peuples, on répond par l'impossibilité de se posséder à nouveau...

  • « Avant, la révolution était un projet. Avec 68, elle devient une posture », Paul Thibaud, Limite, nº hors série, 2018  (ISBN 978-2-36526-196-8), p. 20


Une première pensée apparaît. L'idée de culture, d'intelligence, d’œuvres magistrales est pour nous dans une relation très ancienne - tellement ancienne que nous remontons rarement jusqu'à elle - avec l'idée d'Europe.
Les autres parties du monde ont eu des civilisations admirables, des poètes du premier ordre, des constructeurs, et même des savants. Mais aucune partie du monde n'a possédé cette singulière propriété physique : le plus intense pouvoir émissif uni au plus intense pouvoir absorbant.
Tout est venu à l'Europe et tout en est venu. Ou presque tout.


- Mais l'Esprit européen - ou du moins ce qu'il contient de plus précieux - est-il totalement diffusible ? Le phénomène de la mise en exploitation du globe, le phénomène de l'égalisation des techniques et le phénomène démocratique, qui font prévoir une deminutio capitis de l'Europe, doivent-ils être pris comme décisions absolues du destin ? Ou avons-nous quelque liberté contre cette menaçante conjuration des choses ?
C'est peut-être en cherchant cette liberté qu'on la crée. Mais pour une telle recherche, il faut abandonner pour un temps la considération des ensembles, et étudier dans l'individu pensant, la lutte de la vie personnelle avec la vie sociale.


Entre l'Empire carolingien, son passé et son héritage chrétien, celui des Lumières et de la Révolution, et finalement la démocratie et les droits de l'homme, l'Europe a du mal à se définir tant elle redoute à présent tout ce qui relève de l'identitaire. Si l'on s'en tient aux critères de Copenhague de 1993, il suffit, pour intégrer l'Union, d'être démocrate, de pratiquer l'économie de marché et de reprendre l'acquis communautaire. A ce compte là, pourquoi pas le Sénégal, le Japon, l'Inde ou le Brésil ?


Notre Europe actuelle est démocrate, laïque, partisane de la liberté religieuse, des droits de l'homme, de la liberté de penser, de la liberté sexuelle, du féminisme, du socialisme ou de la réduction des inégalités. Toutes choses qui sont étrangères et parfois opposées au catholicisme d'hier et d'aujourd'hui. La morale chrétienne, elle, prêchait l'ascétisme, qui nous est sorti de l'esprit, l'amour du prochain (vaste programme, resté vague) et nous enseignait de ne pas tuer ni voler, mais tout le monde le savait déjà. Tranchons le mot : l'apport du christianisme à l'Europe actuelle, qui compte toujours une forte proportion de chrétiens, se réduit presque à la présence de ceux-ci parmi nous. S'il fallait absolument nous trouver des pères spirituels, notre modernité pourrait nommer Kant et Spinoza. [...] L'Europe n'a pas de racines, chrétiennes ou autres, elle s'est faite par étapes imprévisibles, aucune de ses composantes n'étant plus originales qu'une autre. Elle n'est pas préformée dans le christianisme, elle n'est pas le développement d'un germe, mais le résultat d'une épigénèse. Le christianisme également du reste.


Partout où les noms de César, de Gaïus, de Trajan et de Virgile, partout où les noms de Moise et de saint Paul, partout où les noms d'Aristote, De Platon et d'Euclide ont eu une signification et une autorité simultanées, là est l'Europe. Toute race et toute terre qui a été successivement romanisée, christianisée et soumise, quant à l'esprit, à la discipline des Grecs, est absolument européenne.
  • L'Herne, Simone Weil, Simone Weil, éd. L'Herne, coll. « les cahiers de l'Herne », 2014, p. 293


Limites géographiques de l'Europe

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C’est pourquoi nous voyons se dessiner en filigrane une frontière intra-européenne, celle qui sépare l’Europe carolingienne (celle des Quinze, avec l’Angleterre, en symbiose avec la France et avec l’Espagne reconquise) de l’Europe des Vingt-Cinq, qui regroupe les pays dont la conversion s’est effectuée par leurs propres princes, en s’appuyant les uns les autres (comme ceux de Pologne et de Bohème) et en s’appuyant directement sur la papauté romaine.


C’est pourquoi la frontière orientale de l’Europe « totale » s’arrêta au royaume polono-litunanien. Les princes slavo-varègues de Kiev avaient hésité un certain temps. Le mot russe pour Église est Tserkov, qui vient de l’allemand Kirche. Mais l’empereur de Byzance ayant eu besoin de leur alliance dans une certaine circonstance, il les fit tomber de son côté. Ce qui fut accompli par mariage du prince de Kiev avec une porphyrogénète et batême collectif en 989. La frontière de ce côté fut donc celle du filioque. Elle devint plus tard celle de la Horde tatare, puis celle de la Moscovie, mais le filioque subsistera comme symbole de la séparation et comme motif de la haine parfaite.


Une expression très visible de l’unité européenne est l’art, et précisément l’art gothique. La frontière orientale de l’Europe peut se lire comme la ligne qui réunit les dernières églises gothiques. Cette ligne borde donc la Finlande, les pays Baltes, la Pologne, la Hongrie, la Croatie, la Slovénie. C’est exactement la frontière de l’Europe des vingt-Cinq, celle qui va être officialisée en mai de cette année. Au-delà, par une rupture nette, s’annoncent l’art byzantin et l’art musulman.


Christian Grataloup

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On peut, certes, remarquer que Chypre ou Malte ne sont peut-être pas si évidemment européennes. Chypre pourrait être raisonnablement considérée comme asiatique et Malte comme africaine.
  • L’invention des continents, Christian Grataloup, éd. Larousse, 2009, p. 14


Si les limites de l’Europe semblent partout ambiguës, il est a moins un point où elles ne sont généralement pas contestées : le détroit de Gibraltar. Cette limite est cependant un effet de la Reconquista ibérique qui ne réussit pas, malgré ses efforts (…), à se poursuivre au sud du détroit.
  • L’invention des continents, Christian Grataloup, éd. Larousse, 2009, p. 24


On ne peut faire l’Europe sans s’appuyer sur la géographie et l’Histoire. Certes, les frontières géographiques de l’Europe ne sont pas données une fois pour toutes. Mais, si on fait aller l’Europe jusqu’à l’Irak, pourquoi ne pas y intégrer le Proche-Orient, l’Afrique du Nord, l’Europe de l’Est au moins jusqu’au Caucase ? La considération géographique laisse une marge aux Européens mais leur montre aussi ce qui serait une absurdité. Quant à l’Histoire, elle permet de faire de l’Europe autre chose qu’un espace de libre-échange. Une communauté culturelle qui vient de loin s’est lentement constituée. L’Europe n’est pas vieille, elle est ancienne. Et l’ancienneté bien utilisée est un atout pour construire un avenir. Évoquer l’Histoire pour promouvoir une Europe culturelle n’est pas revenir à la religion. La Turquie est à maintenir en dehors de l’Europe non pas parce qu’elle est musulmane, laïcisée d’ailleurs, mais parce qu’elle n’est pas européenne. La Bosnie, l’Albanie, musulmanes, sont européennes et feront partie de l’Europe dans un avenir plus ou moins proche.
  • Jacques Le Goff, 3 mai 2004, Interview de Jacques Le Goff recueillie par Jean Quatremer, dans Libération, paru 3 mai 2004.


Europe et Turquie

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Christian Grataloup

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Valéry Giscard d’Estaing, en affirmant de la Turquie, le 7 novembre 2002, que « sa capitale n’est pas en Europe, qu’elle a 95% de sa population hors d’Europe, donc que ce n’est pas un état européen », a provoqué un débat public.
  • L’invention des continents, Christian Grataloup, éd. Larousse, 2009, p. 13


Actualité et futur de l’Europe

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La création des États-Unis d'Europe est une nécessité si l'on considère la situation économique et technique. Savoir si l'union suffira à la paix et à la sécurité ne peut être prédit par quiconque avec certitude, mais je pense qu'un "oui" est plus probable qu'un "non".


Les peuples de l'Europe sont une réalité en train de se former, un projet en cours : il faut qu'ils gardent éternellement ce statut.
  • Quand les nations refont l'histoire, Patrick J. Geary, éd. Flammarion, 2004, p. 200


L'histoire des peuples européens ne s'est pas arrêtée et ne s'arrêtera jamais. L'ethnogenèse concerne autant le présent et l'avenir que le passé. Malgré tous leurs efforts, les romantiques, les hommes politiques et les spécialistes de sciences sociales ne parviendront jamais à figer une fois pour toutes ce qu'il y a d'essentiel dans l'âme d'un peuple ou d'une nation. Rien ne peut garantir que les nations, les groupes ethniques et les communautés d'aujourd'hui ne disparaitront pas totalement un jour. Le passé a peut-être défini les paramètres dans le cadre desquels il est possible de construire l'avenir, mais le passé ne peut pas déterminer la réalité de cet avenir. Les peuples d'Europe, comme les peuples d'Afrique, d'Amérique et d'Asie, sont des produits de l'histoire en perpétuel renouveau, non les atomes de l'histoire.
  • Quand les nations refont l'histoire, Patrick J. Geary, éd. Flammarion, 2004, p. 221


Dominique Moïsi

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L’Europe, en pleine crise identitaire, se bat pour la survie de l’euro. Elle est plus encline à se protéger du monde qu’à agir sur lui.
  • « Les nouvelles puissances mondiales », Dominique Moïsi, Ouest-France, 28 décembre 2010, p. 1


Les "représentants du peuple" livrent l'Europe au pouvoir des fonctionnaires au lieu de soumettre le pouvoir au droit.
  • « L'Union européenne et l'État de droit », Franz Ludwig Schenk Graf von Stauffenberg, Exposés à l'occasion de la 24e assemblée générale ordinaire de l'Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) du 25 avril 2009 à l'hôtel national à Berne., Juillet 2009, p. 15


Fraction

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(...) nous n'oublions pas que le système capitaliste détient une part importante de responsabilité dans la situation actuelle. La politique soutenue par le grand patronat a en effet provoqué des résultats désastreux qu'il convient de dénoncer: déculturation, explosion de la délinquance, misère sociale et chaos ethnique. Ce CD est, en définitive, un véritable appel à la reconquête spirituelle, ethnique et territoriale de la nation européenne.
  • Entrevue du groupe Fraction par la revue Devenir: à propos de leur mini-cd Reconquista de 2001.
  • « Fraction passe à l'interrogatoire », La rédaction, Devenir (revue) (ISSN 1376-0262), nº 21, été 2002, p. 31-32


Les structures économiques vont suivre la même évolution que les structures politiques. Dans ce dernier domaine, l’Europe de l’Ouest – c’est-à-dire les six pays du Marché Commun plus la Grande Bretagne, peut-être l’Irlande et les pays scandinaves selon des modalités à définir – vont constituer une Europe politique fédérale. Mais parce que chaque individu éprouve le besoin de se situer dans un milieu restreint, il s’identifiera à une province, que ce soit le Wurtemberg ou la Savoie, la Bretagne, l’Alsace-Lorraine ou le pays Wallon. Dans ces conditions, la structure qui va disparaître, le verrou qui doit sauter, c’est la nation parce qu’elle est inadaptée au monde moderne : tantôt trop petite, tantôt trop grande. .
  • « Quand un Rothschild plaide le dossier des PME », Edmond de Rothschild, Entreprise, nº 18 Juillet, 1970, p. 64


Forger l’Europe nouvelle, c’est forger une nouvelle conception de l’identité, pour elle, pour chacun des pays qui la composent, et un peu aussi pour le reste du monde.
  • Les Identités meurtrières, Amin Maalouf, éd. Le Livre de Poche, 1998, p. 186


Je pense, comme je l'écrivis avant le référendum de 2005 et plus encore après, que trois clarifications — sur les frontières, sur le pouvoir, sur le projet — sont indispensables, préalablement à toute relance, pour combler le fossé entre élites européistes intégrationnistes et citoyens « normaux », pas du tout anti-européens mais attachés à leur identité et aujourd'hui déboussolés. Faute de quoi cette relance, quelle qu'elle soit, échouera.


Il y a un autre problème en Europe : cette dernière est extrêmement raciste. J’ai toujours pensé que l’Europe est plus raciste que les États-Unis. Jusqu’ici ce n’était pas aussi visible en Europe parce que les populations européennes dans le passé ont eu tendance à être assez homogènes. Donc, si tout le monde est blond aux yeux bleus, alors vous ne semblez pas raciste, mais dès que la population commence à changer, le racisme vient de nulle part. Très vite. Et c’est un problème culturel très grave en Europe.


L'Europe vue de loin

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Patrick Cauvin

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L’Europe... Il n’avait jamais compris, c’était un fatras lointain de musiques bruyantes, de ponts de pierre, de jardins travaillés, une application mesquine à conjuguer les nostalgies, la vitesse, le progrès.
  • Cette phrase est mise dans la bouche (ou plutôt dans la pensée) d'un Hindou.
  • Le sang des roses, Patrick Cauvin, éd. Albin Michel, 2002, p. 220


Il s'agit pour le tiers monde de recommencer une histoire de l'homme qui tienne compte à la fois des thèses quelquefois prodigieuses soutenues par l'Europe mais aussi des crimes de l'Europe dont le plus odieux aura été, au sein de l'homme, l'écartèlement pathologique de ses fonctions et l'émiettement de son unité, dans le cadre d'une collectivité la brisure, la stratification, les tensions sanglantes alimentées par des classes, enfin, à l'échelle immense de l'humanité, les haines raciales, l'esclavage, l'exploitation et surtout le génocide exsangue que constitue la mise à l'écart d'un milliard et demi d'hommes. Donc, camarades, ne payons pas de tribut à l'Europe en créant des États, des institutions et des sociétés qui s'en inspirent. L'humanité attend autre chose de nous que cette imitation caricaturale et dans l'ensemble obscène.
  • Les Damnés de la Terre (1961), Frantz Fanon, éd. La Découverte poche, 2002, p. 304


Si nous voulons transformer l'Afrique en une nouvelle Europe, l'Amérique en une nouvelle Europe, alors confions à des Européens les destinées de nos pays. Ils sauront mieux faire que les mieux doués d'entre nous. Mais si nous voulons que l'humanité avance d'un cran, si nous voulons la porter à un niveau différent de celui où l'Europe l'a manifestée, alors il faut inventer, il faut découvrir. Si nous voulons répondre à l'attente de nos peuples, il faut chercher ailleurs qu'en Europe. Davantage, si nous voulons répondre à l'attente des Européens, il ne faut pas leur renvoyer une image, même idéale, de leur société et de leur pensée pour lesquelles ils éprouvent épisodiquement une immense nausée. Pour l'Europe, pour nous-mêmes et pour l'humanité, camarades, il faut faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf.
  • Les Damnés de la Terre (1961), Frantz Fanon, éd. La Découverte poche, 2002, p. 305


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