Dictionnaire de la Bible/Débora
DÉBORA (hébreu : Debôrâh, « l’abeille ; » Septante : Δεβόῤῥα, Gen., xxxv, 8 ; Δεββῶρα, Jud., iv, 4 ; Tob., i, 8 ; Vulgate : Debora et Debbora), nom de trois femmes dans l’Ancien Testament.
1. débora, nourrice de Rébecca. Gen., xxiv, 59 ; xxxv, 8. C’est le premier passage des Livres Saints où il soit fait mention de l’office de nourrice. Lorsque Rébecca quitta la Mésopotamie pour se rendre, sous la conduite d’Éliézer, dans la terre de Chanaan, où elle devait devenir l’épouse d’Isaac, ses parents la firent accompagner par sa nourrice. Gen., xxiv, 59. (Au lieu de sa « nourrice », les Septante ont : τὰ ὑπάρχοντα αὐτῆς, « ses biens. ») Il n’est plus question de Débora dans la Genèse, jusqu’au moment de sa mort. Alors nous la retrouvons à Béthel, auprès de Jacob, revenu de Mésopotamie depuis environ dix ans. Pour expliquer comment elle se trouvait avec lui, on a supposé, contre toute vraisemblance, qu’elle était retournée à Haran, et qu’elle était revenue avec le fils de sa maîtresse. L’hypothèse la plus probable est celle-ci. De ce qu’il n’est point parlé de Rébecca, Gen., xxxv, 27, on peut conclure qu’elle était déjà morte lors des événements racontés Gen., xxxv, 1-8, et que Débora était venue se fixer à partir de ce moment auprès de Jacob. Elle n’est nommée par son nom qu’à l’occasion de sa mort. « Elle fut enterrée sous un chêne, au pied de [la montagne sur laquelle est bâtie] Béthel ; et ce lieu fut appelé le Chêne des pleurs. » Gen., xxxv, 8. La mention seule de cet événement suffirait pour montrer que Débora n’était pas regardée comme une simple servante dans la maison de Bathuel et de Jacob ; mais l’allusion à la douleur causée par cette mort, et le soin que prend l’historien sacré d’indiquer le lieu de sa sépulture et le nom commémoratif qui y resta attaché, prouvent que, soit par ses services, soit par ses qualités et son dévouement, Débora avait mérité d’être considérée comme un membre de la famille de Jacob. Cf. Gen., xxxv, 19-20. Elle devait avoir au moins cent cinquante ans à l’époque de sa mort, puisqu’elle avait nourri Rébecca, que celle-ci n’avait mis au monde Jacob que vingt ans après son mariage, Gen., xxv, 19, 26, et que Jacob avait quatre-vingt-dix-sept ans à son retour de Haran.
2. débora, prophétesse, femme de Lapidoth, et probablement de la tribu d’Éphraim, Jud., iv, 5, quoique quelques-uns supposent qu’elle appartenait à la tribu d’Issachar. Jud., v, 15. Elle vivait dans la période primitive de l’époque des Juges. Cette femme extraordinaire nous apparaît dans le récit sacré comme prophétesse, juge du peuple, libératrice d’Israël, et enfin poète.
I. Débora prophétesse. Jud., iv, 4. — Débora fut prophétesse dans les principaux sens que l’Écriture donne à ce mot. 1o Elle le fut d’abord dans le sens générique et primordial exprimé par l’hébreu nâbi, celui qui est « inspiré » de Dieu et rempli de son esprit, pour être son interprète, parler et agir en son nom ; et par le grec προφήτης, qui a souvent cette signification. Exod., vii, 1 ; cf. Gen., xx, 7 ; Matth., xxi, 11, 46 ; Joa., vi, 14 ; vii, 52. L’auteur inspiré nous montre, en effet, Débora mandant Barac auprès d’elle, et lui ordonnant de la part de Jéhovah de réunir sur le Thabor les guerriers de Zabulon et de Nephthali. Jud., iv, 6 ; cf. iv, 14. C’est aussi au nom du Seigneur qu’elle maudit la terre de Méroz et ses habitants. Jud., v, 23. L’ordre donné à Barac d’engager la lutte paraît bien aussi être venu de Dieu. Jud., iv, 14. Il est d’ailleurs à remarquer que l’écrivain sacré lui donne le nom de prophétesse avant d’avoir rapporté d’elle aucune prophétie, et il paraît rattacher à ce titre les fonctions de juge, qu’elle remplissait déjà avant de recevoir sa mission auprès de Barac. Aussi beaucoup de commentateurs ont-ils pensé que c’est à cause de son esprit prophétique et de la sagesse qui en était le fruit, que le peuple allait la consulter, cf. IV Reg., xxii, 13-14, et recourait à elle dans ses différends. Voir Tirin, In Jud., iv, 4. « L’Esprit Saint jugeait par elle, dit saint Augustin, parce qu’elle était prophétesse. » De civit. Dei, xviii, 15, t. xli, col. 572.
2o Débora fut encore prophétesse à un autre titre : elle prédit à Barac que le Seigneur lui amènerait Sisara et ses chars au pied du mont Thabor, sur les rives du Cison, et qu’il les lui livrerait. Jud., iv, 7. Le refus de Barac de marcher sans elle à l’ennemi lui avait fourni l’occasion d’une autre prédiction, à savoir, que Barac n’aurait pas l’honneur de la victoire, et que c’est sous les coups d’une femme que tomberait le général des Chananéens. Jud., iv, 9 ; cf. v, 24-27.
II. Débora juge du peuple. — « Débora jugeait le peuple…, et les enfants d’Israël montaient vers elle pour toute sorte de jugements. » Jud., iv, 4-5. Dans le régime patriarcal sous lequel vivaient alors les Hébreux, il n’y avait point de tribunaux chargés de rendre la justice. Cf. Jud., xvii, 6 ; xviii, 1 ; xxi, 24. Les anciens du peuple réglaient les litiges en présence du peuple. Voir Booz, t. i, col. 1851. C’est de cette manière que jugeait Débora. Au lieu d’aller porter leurs causes aux anciens, comme c’était la coutume, les Israélites venaient les soumettre à la femme de Lapidoth. La raison de cette préférence était, avec son esprit de prophétie, la sagesse de ses jugements, et sa bonté, qui la faisait regarder comme « une mère en Israël ». Jud., v, 7. Les fonctions de Débora n’avaient donc rien d’officiel, et ses décisions ne ressemblaient pas à celles de nos tribunaux. Elle n’était même pas juge au même titre que le fut plus tard Samuel, le seul des libérateurs d’Israël qui ait « jugé » comme Débora, mais avec une autorité souveraine et une suprématie qui s’imposait à tous. Elle habitait dans la montagne d’Éphraim, entre Rama et Béthel, et recevait ceux qui venaient la consulter ou la prendre pour arbitre à l’ombre d’un palmier, qu’on appela le palmier de Débora, Jud., iv, 5, et auprès duquel elle avait sans doute fixé sa tente. Cf. Gen., xxxv, 8. Le lieu choisi pour rendre ses jugements, au milieu de la campagne et non à la porte d’une ville, indiquerait déjà par lui-même qu’on venait à elle de toute la terre d’Israël ; l’auteur du livre des Juges le donne à entendre par les expressions générales dont il se sert : « le peuple ; les enfants d’Israël ; tous leurs différends. » Cela s’accorde d’ailleurs fort bien avec le rôle auquel Dieu destinait Débora ; sa providence lui assurait par là, comme par le don de prophétie, l’influence dont elle avait besoin pour entraîner une grande partie du peuple à la guerre de la délivrance. L’Écriture ne dit pas si Débora, une fois les Chananéens vaincus, continua à juger les procès du peuple comme auparavant ; mais rien n’est plus vraisemblable, et le souvenir de sa glorieuse mission ne pouvait qu’accroître la confiance des Israélites et la soumission à ses jugements.
III. Débora libératrice d’Israël. Jud., iv, 6-v, 32. — Elle reçut de Dieu la mission d’avertir Barac, fils d’Abinoem, de la tribu de Nephthali, qu’il était l’élu de Jéhovah, et de lui tracer en même temps le plan de campagne qui lui assurerait la victoire. Là se bornait d’abord la part que Débora devait prendre à l’œuvre de la délivrance ; mais Barac ne voulut rien faire sans le concours de celle dont tout Israël écoutait les paroles comme autant d’oracles, et elle fut ainsi obligée de s’associer effectivement au libérateur pour les préparatifs comme pour l’exécution de l’entreprise. Elle accompagna donc Barac à Cédés de Nephthali, et de là ils adressèrent leur commun appel aux tribus. Lorsque les dix mille guerriers demandés par le Seigneur se trouvèrent réunis au rendez-vous indiqué sur le mont Thabor, Jud., v, 6, et que le moment du combat fut venu, ce fut Débora qui donna le signal de l’attaque en s’écriant : « Lève-toi, [Barac,] voici le jour auquel le Seigneur va livrer Sisara ; » et elle enflamma les Israélites en leur renouvelant de la part de Dieu l’assurance de la victoire. Jud., iv, 14. Tandis que par la voix de sa prophétesse il remplissait de courage les soldats d’Israël, le Seigneur jetait dans les rangs des Chananéens un effroi surnaturel. La déroute fut complète ; les ennemis furent exterminés, Jud., iv, 16, et Sisara lui-même alla périr de la main de Jahel. Jud., iv, 15-23 ; v, 19-27. La puissance des Chananéens était à jamais détruite, et Débora ne pouvait rien souhaiter de plus heureux pour Israël que de voir ainsi traités à l’avenir les ennemis de Jéhovah. Jud., v, 31. Quant à elle, son nom est resté à jamais attaché à cette glorieuse délivrance, et la postérité l’a mise au nombre des juges d’Israël. Pour les détails de cette campagne, voir Barac, t. i, col. 1444-1445.
IV. Débora poète. Jud., v.
Herder, Histoire de la poésie des Hébreux, trad. Carlowitz, in-8o, Paris, 1855, p. 440, appelle le cantique de Débora « le plus beau chant héroïque des Hébreux. Tout [y] est présent, vivant, agissant », dit-il. Le chant de Débora fait ressortir avec éclat les qualités de cette grande âme, et en première ligne son patriotisme et sa religion. Si la part qu’elle a prise à l’affranchissement du peuple de Dieu lui a valu d’être rangée, avec Judith et Esther, au nombre des femmes de l’Ancien Testament qui ont été les types de la Mère du Sauveur des hommes, son cantique lui donne un trait plus particulier de ressemblance avec Marie exaltant dans son Magnificat le triomphe de Dieu sur les superbes et les puissants de la terre.
3. débora, femme de la tribu de Nephthali, mère de Tobiel, père de Tobie, dans les Septante. Tob., i, 8. Son nom ne se lit pas dans la Vulgate.