Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ridicules, — mais pour ses bras de neige, pour ses robes de velours. Le public de là-bas n’est pas habitué à ces exhibitions de chair éblouissante et de robes glorieuses à quarante francs le mètre. Dans la salle on disait : « C’est une duchesse ! » et les titis émerveillés applaudissaient à tête fendre…

Il n’eut pas le même succès. On le trouva trop petit ; et puis il avait peur, il avait honte. Il parlait tout bas comme à confesse : « Plus haut ! plus haut ! » lui criait-on. Mais sa gorge se serrait, étranglant les mots au passage. Il fut sifflé… Que voulez-vous ! Irma avait beau dire, la vocation n’y était pas. Après tout, parce qu’on est mauvais poëte, ce n’est pas une raison pour être bon comédien.

La créole le consolait de son mieux : « Ils n’ont pas compris le caractère de ta tête… » lui disait-elle souvent. Le directeur ne s’y trompa point, lui, sur le caractère de sa tête. Après deux représentations orageuses, il le fit venir dans son cabinet et lui dit : « Mon petit, le drame n’est pas ton affaire. Nous nous sommes fourvoyés. Essayons du vaudeville. Je crois que dans les comiques tu marcheras très bien. » Et dès le lendemain on essaya du vaudeville. Il joua les jeunes premiers comiques, les gandins ahuris auxquels on fait boire de la limonade Rogé en guise de champagne, et qui courent la scène en se tenant le ventre, les niais à la perruque rousse qui pleurent comme des veaux : « heu !… heu !… heu !… » les amoureux de campagne qui roulent des yeux bêtes en disant :

  NODES
os 5
text 1