le monde entier pour vous : il n’y a que mes souvenirs auxquels je tienne plus qu’à la vie, plus qu’à la mort aussi ; car ils m’aident à l’attendre.
Cherchez deux de mes lettres que vous avez eu le soin de serrer sur votre table.
LETTRE XC
Mon ami, que vous êtes bon, que vous êtes aimable d’avoir bien voulu me dédommager de ce que j’avais perdu ce matin ! Si vous saviez aussi comme je vous avais attendu, comme j’avais éloigné, renvoyé tout ce qui pouvait troubler mon plaisir ! comme chaque carrosse qui passait me donnait de l’espérance, et puis comme il faisait mal à mon âme ! Mon Dieu ! combien je vous aime ! que je me sens coupable d’avoir pu vous blesser ! Non, mon ami, ne me pardonnez pas : punissez-moi ; ajoutez, s’il est possible, à ma douleur, à mon regret ; il faut que l’extrême malheur mette hors de mesure. Oui, il rend folle, il égare, il rend malade : il a fallu tout cela pour que j’aie pu vous offenser. Depuis trois jours je ne sentais plus que ce malheur, et j’en serais morte, si vous n’étiez venu à mon secours. Ah ! mon ami, vous avez prononcé des mots qui me font encore frissonner, qui navrent mon cœur : je vous ai glacé, il fallait vous combattre pour me voir. Ô ciel ! pourquoi n’étais-je pas été anéantie avant que d’entendre des mots qui me donneraient le courage d’aller au-devant de la mort ?