vous me rattachiez à la vie : oui, je le sens, je vous aime plus que le bonheur et le plaisir. Je vivrai privée de l’un et de l’autre ; je vous aimerai, et quand cela ne suffira plus, il sera temps de mourir. Oui, nous serons vertueux, je vous le jure, je vous en réponds ; votre bonheur, votre devoir me sont sacrés. Je me ferais horreur si je trouvais en moi un mouvement qui pût les troubler. Oh ! mon Dieu ! si j’avais pu conserver une seule pensée qui pût blesser la vertu, vous me feriez frémir. Non, mon ami, vous n’aurez rien à vous reprocher, moi seule j’aurai été coupable ; je serai dévorée de remords et de regrets : mais si vous êtes heureux, je tairai à jamais tout ce qui pourrait vous donner l’idée de mon malheur. Mon ami, vous connaissez la passion : vous savez la force qu’elle peut donner à une âme qu’elle possède ; eh bien ! je vous promets de joindre à cette force toute celle que peut donner l’amour de la vertu, et le mépris de la mort, pour ne jamais porter atteinte à votre repos et à vos devoirs. Je me suis bien consultée : si vous m’aimez, j’aurai la force d’un martyr ; mais si je viens à douter de vous, il ne me restera que celle qu’il faut pour se délivrer d’un poids insupportable ; et elle ne me manquera sûrement pas au besoin : je l’avais ce matin. Vous croyez donc qu’il n’y a pas un degré de passion par delà celle que je vous ai montrée ? Moi, je vous réponds que vous ne savez pas tout, que vous ne voyez pas tout, et qu’il n’y a point de mots qui puissent exprimer la force d’une passion qui se nourrit de larmes et de remords, et qui ne se propose que deux choses, aimer ou mourir. Il n’y a rien de cela dans les livres, mon ami ; et j’ai passé avec vous une certaine soirée, qui paraîtrait exagérée si on la lisait dans Prévost, l’homme du monde qui a le mieux connu tout ce
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