mon enfant. Il faut venir nous voir souvent ; vous trouverez toujours votre couvert mis chez moi, mon cher Guermann.
Ce fut pendant dix minutes un déluge de paroles protectrices qui ne permit pas à Guermann de placer un mot. Plusieurs fois il réprima un léger sourire.
— Vous êtes mille fois bonne, madame, dit-il enfin, profitant d’un moment où les chiens, oubliés pour lui, importunaient de plus belle et forçaient leur maîtresse à s’occuper d’eux ; ma mère se porte à merveille et m’a chargé de ses respectueux hommages. Moi, je suis à Paris depuis longtemps déjà ; si je n’ai pas eu l’honneur de me présenter chez vous jusqu’ici, c’est qu’un travail incessant, presque au-dessus mes forces, absorbait mes heures. Il m’a fallu tout à la fois gagner ma vie pour ne pas rester à charge à ma mère, si peu riche comme vous savez, et m’efforcer d’acquérir un talent ; il m’a fallu étudier et produire ; devenir artiste, car telle était ma vocation, et rester artisan, car telle était la condition de mon existence précaire. Ce n’était pas chose facile. Heureusement j’avais été, vous ne le savez que trop, madame, un enfant obstiné et ingouvernable, c’est-à-dire un de ces enfants qui deviennent des hommes persévérants et durs à la peine. J’ai eu aussi la fortune de rencontrer un maître qui