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offraient à chacune de leurs réunions le sacrifice d’un goret et qu’il était rituel de manger ensemble la chair offerte en sacrifice. On a trouvé à la Basilique pythagoricienne de la Porte Majeure, dans l’impluvium, le squelette des nombreux cochonnets sacrifiés de la sorte. On n’a qu’à lire le curieux ouvrage de M. Jérôme Carcopino sur la Basilique pythagoricienne pour voir que je n’invente point. Le goret, d’ailleurs, bête succulente et malchanceuse, était souvent sacrifié dans l’Antiquité — donc rôti et mangé.

J’ai aussi connu le groupe Mazdaznan et j’ai passé avec des adeptes de cette doctrine, des journées délicieuses, sur les bords du Léman, dans le site le plus harmonieux d’Europe. La maîtresse de maison prenait un soin extrême de ses menus végétariens et les rendait fort agréables. C’étaient les parents de Val. André. Là, je trouvais aussi la délicieuse musicienne Lucie Cottens, que nous appelions Rose Blanche et c’est par eux que j’ai connu le docteur Édouard Bertholet, président de la Société psychique de Lausanne, homme d’une science infinie, plus végétarien que tous les autres réunis, ce qui ne l’empêche point d’être un causeur charmant, quand il veut bien et d’une conversation profitable à ceux qui l’écoutent.

Mazdaznan, qui affirme, sans trop de preuves, réaliser la doctrine de Zoroastre, était régi, de mon temps, par M. Carlos Bungé qui, plus pratique, avait réussi à commercialiser Zoroastre et à créer des restaurants.

Contrairement à ceux de ses disciples que j’ai connus à Morges ou à Lausanne, il était dogmatique et fort ennuyeux. C’est pourquoi, après une conférence rébarbative, j’en tirai une réjouissante vengeance. J’avais fait, au Salon d’Automne, à la section de Gastronomie que présidait Austin de Croze, une causerie sur les rapports de la Physiognomonie et de la Gourmandise. Cette causerie avait eu du succès, et on me l’a souvent demandée.

Albert Le Brasseur, qui avait fondé le groupe L’Essai, d’abord au front, pendant l’autre guerre, puis à l’arrière, après avoir été gazé, me demanda cette causerie pour le dit groupe qui était devenu parisien après 1918. Il me dit que, puisqu’il s’agissait d’alimentation, il me ferait faire programme avec Bungé. Cela ne m’enivrait point. Le Brasseur s’en aperçut bien, mais les programmes étaient faits. Il me laissa seulement le choix de parler avant ou après. Moi, qui connaissais bien le magistral coup de rasoir de Bungé, je pensai qu’il serait charitable de parler en dernier pour réveiller les auditeurs. Ainsi fut convenu.

Carlos Bungé, avec qui j’avais eu déjà une controverse orageuse, fit une vilaine grimace en me voyant. J’étais, au con-

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