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Le Péril Bleu
obiliser les troupes alpines, c’était depuis longtemps un fait accompli. Sous prétexte de manœuvres — afin, paraît-il, d’éviter une recrudescence de l’affolement public — le pouvoir avait ordonné des battues militaires, et chaque garnison prenait les armes tour à tour. On explorait le Bugey de fond en comble, sans éveiller de soupçons. Les reconnaissances d’officiers s’y accordaient avec les inquisitions de la Sûreté ; l’armée et la police agissaient parallèlement ; l’inspecteur Garan, revenu de ses erreurs, avait coopéré maintes fois aux stratégies les plus astucieuses.
Mais, ni dans les Alpes, ni dans le Bugey, le Sarvant ne se laissait même entrevoir.
Les bouges des faubourgs, les caves et les égouts des villes, les souterrains des vieux donjons, les carrières, les gouffres, les grottes, les forêts, les cryptes des ruines et les catacombes des abbayes furent explorés sans résultat. L’antre des flibustiers demeurait une énigme. Les dirigeables et les aéroplanes prêts à s’élancer derrière le ballon-fantôme restaient inactifs, et ceux qui croisaient dans l’atmosphère, au-dessus des mornes solitudes, revenaient bredouille de la chasse aux Croquemitaines.
À l’heure où M. Monbardeau réclamait la mobilisation des Alpins et fulminait contre le ministère, il y avait donc bel âge que l’œuvre de l’État s’était donné carrière en Bugey comme aux alentours, avec une discrétion que motivaient non seulement le trouble des citoyens (il