romancière du XIXe siècle, dont la plupart des productions ont été publiées sous le nom de H. Arnaud.
AVENTURES D’UN RENÉGAT ESPAGNOL, 5 vol. in-8, 1836. — Lors des premiers symptômes de la révolution espagnole, un jeune et noble Castillan, sorti de chez lui le matin un fusil à la main pour aller tuer des alouettes ou des cailles, rencontre un peloton d’insurgés qui s’en allaient criant sur le rivage de la mer : À bas le roi absolu, vive la constitution ! Notre jeune homme, enthousiaste de la liberté, se mit à crier comme les autres ; à ce cri les paysans se soulèvent ; mais bientôt arrivent les troupes royales, l’émeute est dissipée, et les insurgés sont forcés de fuir dans les montagnes ou de gagner la pleine mer sur une barque ; plusieurs sont pris, fusillés ou envoyés aux galères. Notre Espagnol qui, le matin, était maître d’un hôtel à la ville, d’une maison à la campagne, qui était heureux, le voilà maintenant proscrit, fugitif, errant, sans habits et sans pain. Après des efforts inouïs, il parvient à gagner l’Afrique et à aborder à Tanger, où force lui fut, pour conserver sa vie, d’abjurer sa religion et de se faire mahométan. Après son abjuration, on le traîna, avec quelques-uns de ses compagnons, dans l’intérieur de l’Afrique, où ils furent abandonnés à eux-mêmes, et alors la faim, les mauvais traitements, les Arabes, les Juifs, eurent bientôt réduit cette troupe de proscrits à trois ou quatre misérables, qui n’avaient plus que la peau et les os. Eh bien ! dans ce triste état, le renégat espagnol, nu, sans pain, sans force, perdu dans le désert, résolut de s’enfuir ; et la nuit, en mangeant des herbes, en rampant sur le ventre à travers les broussailles, parvint à retrouver la mer, et dans la mer une barque de pêcheurs qui le porta à Toulon. Ce récit cruel, qui dure pendant deux volumes, offre une lecture attachante pour ceux qui ont le courage de suivre jusqu’au bout cette longue agonie, décrite par l’auteur avec une verve et un talent fort remarquable.
PIERRE, 2 vol. in-8, 1836. — Pierre est le fils d’un pêcheur. Son enfance a été rude et malheureuse. À dix-huit ans, Pierre est devenu amoureux d’une jeune et douce fille qui s’est mariée, et Pierre l’a suivie à Paris en qualité de domestique. À Paris, la jeune femme est lancée dans le tourbillon du monde. Sa vie est un bal perpétuel ; mais hélas ! la pauvre femme, elle danse sur le bord de l’abîme. Elle a épousé un joueur, un faussaire, un lâche, qui la ruine. Que deviendrait cette malheureuse femme livrée à elle-même, si elle n’avait pas là Pierre, Pierre qui l’aime et qui se cache pour l’aimer ? — Ce roman, touchant et pathétique, est une douce et mélancolique fiction, dont la simplicité égale le charme et l’intérêt ; la catastrophe est habile ; les détails en sont si fins et si déliés, le dialogue si naturel, qu’on s’abandonne à cette lecture en toute tranquillité de cœur et d’esprit. Seulement on est peu content du dénoûment ; on n’aime pas voir cette femme si aimée, mourir misérablement à l’hôpital ; on souffre de voir que Pierre, ce noble esprit et ce noble cœur, finisse par être mendiant au coin d’une borne.
LE CHÂTEAU DE SAINT-GERMAIN, 2 vol. in-8, 1836. — Toute la première partie de ce roman se passe au château de Cadenet, sur les bords de la Durance. Le vieux sire de Cadenet, après s’être compromis dans la conspiration des princes, s’est retiré dans son castel, avec ses deux parentes, la vicomtesse de Sault et Laure de Novès, jeune personne accomplie. Laure devait épouser le comte de Bormes, lorsqu’un jour le cardinal Mazarin, espérant de pouvoir soustraire au baron de Cadenet une pièce importante écrite de la main de Gaston d’Orléans, se présenta au château sous le nom de Giulio, ami du fils du sire de Cadenet. Les manœuvres de l’habile ministre furent inutiles, il ne put s’emparer du papier qu’il convoitait, mais il réussit à ravir le cœur de Laure de Novès et à l’engager à fuir avec lui. Mazarin avait rencontré au château de Cadenet une bohémienne nommée la Carducha, jadis aimée et trompée par lui. La Carducha se dévoue à Laure et la suit à Paris. Le cardinal se présentait toujours à Laure sous son faux nom, se disait attaché à la maison de la reine, dont il attendait une meilleure place pour offrir à Mlle de Novès un époux digne d’elle. Cependant Laure se désespérait de ces retards, elle était mère, et ce titre lui donna l’idée d’intéresser la reine à son sort. Mazarin l’avait logée dans une petite maison située sur la limite de la forêt de Saint-Germain. Un jour elle se présenta au château, et attendit le moment où la reine se rendait à la messe. Laure avait son placet à la main, et déjà elle tendait le bras pour l’offrir à la reine, lorsqu’elle reconnut à son côté Giulio en grand costume de cardinal. Ce fut un coup terrible pour la pauvre femme ; quand elle eut repris ses sens, elle se réfugia aux Carmélites, confiant sa fille aux soins de la Carducha. Christine hérita des grâces de sa mère ; à dix-sept ans, elle fut aimée par un jeune marchand, Denis Rabanel ; puis elle rencontra Philippe de Mancini, neveu de Mazarin, jeune débauché qui sut toucher son cœur, et qui un soir l’enleva et la fit conduire précisément dans la petite maison où elle était née, et où elle avait passé les premières années de son enfance. La jeune fille échappa à la séduction. Lorsque Laure apprit le danger qu’avait couru sa fille et le nom du séducteur, elle donna à Christine une lettre pour le cardinal Mazarin. Ce ministre se serait laissé toucher par les grâces et la touchante douleur de son enfant, mais, par malheur, Mancini s’était marié la veille. Christine se consola en épousant le jeune marchand Denis Rabanel. — Le principal mérite de ce roman est un intérêt qui vous prend dès les premières pages, et qui vous laisse plein d’émotion à la dernière. Ce n’est pas dans cette courte et rapide analyse que nous avons pu faire sentir tout le charme, toute la grâce, toute la délicatesse, qui caractérisent le talent de Mme Reybaud, talent qui ne demande rien aux ressources dont on abuse tant aujourd’hui. Ce n’est ni dans l’horrible, ni dans l’immoral qu’elle cherche ses émotions ; son âme, voilà avec quoi elle écrit, et c’est là peut-être ce qui explique ce qu’il y a quelquefois d’un peu romanesque dans sa fable : l’imagination d’une femme va toujours, quelques rênes qu’elle y mette, un peu plus loin que la réalité.
ELYS DE SAULT, 2 vol. in-8, 1838. — La scène est à Avignon, vers le milieu du XIVe siècle. Alors les papes y tenaient leur cour ; Clément VI était le titulaire du saint-siége, et la reine Jeanne, chassée de ses États de Naples, habitait aussi la capitale temporaire du catholicisme. Elys de Sault est destinée au cloître, quand la peste noire s’abat sur Avignon, et frappe la maison seigneuriale. Tous les parents de la noble fille tombent et meurent à ses côtés ; atteinte elle-même, elle doit la vie à don Lorimer qui brûle d’amour pour elle depuis qu’il l’a vue quelque temps avant dans un tournoi ; il enfonce la porte de son hôtel marqué d’une croix fatale, la cherche, la retrouve et la guérit. Depuis la mort des siens, Elys est un des plus riches partis de la Provence ; sa fortune tente le sire de Gault, un de ses parents éloignés, qui se fait donner la tutelle de la belle mineure. Ainsi investi d’une autorité de père, il veut l’exploiter au profit de sa maison ; il songe d’abord à son frère, un ivrogne ; il le pousse à une scène de viol qu’il dénoue lui-même en assassinant le brutal qui n’a fait que lui obéir. Jaloux, amoureux, passionné autant pour la beauté de sa pupille que pour son titre, c’est à lui maintenant, à lui seul qu’il réservera de pareils trésors. Marié, il tue sa femme, que depuis longtemps il fait passer pour folle ; éconduit ensuite, il marche à son but à l’aide de la violence et de la ruse ; dût son âme se perdre, il faut qu’Elys soit à lui. Elys est sauvée cependant, par le hasard, par sa suivante, par don Lorimer, qui l’arrache enfin d’un couvent où elle a été jetée par arrêt de la cour papale. Le sire de Gault est démasqué, condamné à mort, et se suicide. — Dire au milieu de quelles scènes vives et pressées se complique, se dénoue cette fable, serait un travail long et difficile. Nul livre n’est plus riche en ressorts, en épisodes qui se croisent, en scènes de terreur et de pitié, en détails infinis sur l’époque qu’il retrace, sur la cour, sur les mœurs de châteaux, enfin sur cette société du moyen âge si brutale et à demi-barbare.
Nous connaissons encore de Mme Charles Reybaud : Deux à deux, 2 vol. in-8, 1837.