grève
Étymologie
modifier- (Nom commun 1) De l’ancien français grave, greve, du bas latin *grava (« sable, gravier »), probablement d’origine gauloise. Ce mot d’ancien français préserve deux significations distinctes : 1) une formation rocheuse de galets roulés, de graviers ou de sable, éventuellement déplaçable pour aménager une voie ou assécher une route 2) une vaste étendue, plage ou lande, au soubassement composé principalement de ces géo-matériaux. Ainsi par extension le terme apparaît dans la micro-toponymie des plages de sable, des landes ou des dunes sableuses, des successions de terrasses aux sols graveleux (les Graves en Gironde). Il n’est pas exclu que ces formations plus ou moins imposantes soient aussi influencées par le verbe ancien français graver, dans son sens second de « gravir » (le premier sens renvoyant à un déplacement ou enlèvement de matière, par exemple : « graver la cire »).
- (Nom commun 2) Première hypothèse (1805) : de faire grève, se tenir sur la place de Grève en attendant du travail, près de l’Hôtel de Ville à Paris, de l’ancien français greve. Deuxième hypothèse : de formes dialectales de l’ancien français grieve, du latin populaire grevis (« conflit, dommage ») ayant aussi engendré l’ancien français grief. Notons que grevis est la forme altérée de l’adjectif latin classique gravis (« lourd, pondéreux »). Ce dernier adjectif peut qualifier le transport des matériaux décrits par l’ancien français grave ou grève, ci-dessus.
- (Nom commun 3) (XIIIe siècle) .
Nom commun 1
modifierSingulier | Pluriel |
---|---|
grève | grèves |
\ɡʁɛv\ |
grève \ɡʁɛv\ féminin
- (Pédologie) Terrain uni et sablonneux le long de la mer ou d’une grande rivière.
Deux fois par jour la mer reçut ordre de se lever de nouveau dans son lit et d’envahir ses grèves.
— (François René Chateaubriand, Génie, I, IV, 4)- En parcourant les grèves laissées à sec par la marée, je faisais lever de nombreuses tribus d’oiseaux de rivage […] — (Jean Louis Armand de Quatrefages de Bréau, L’Archipel de Chausey, souvenirs d’un Naturaliste, Revue des Deux Mondes, tome 30, 1842)
- Kalumah fut plongée dans l’eau froide dont la fraîcheur la ranima, et quelques instants plus tard, une lame la jetait mourante sur une grève de sable. — (Jules Verne, Le Pays des fourrures, 2 partie, chapitre 9, J. Hetzel et Cie, Paris, 1873, page 291)
- Démocrite aurait trouvé aux rives du Jourdain et aux grèves de la mer Morte un aspect enchanteur. — (Jules Verne, Claudius Bombarnac, chapitre IV, J. Hetzel et Cie, Paris, 1892, Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/46)
Soumise à des alternatives d’émersion et d’immersion d’amplitude et de durée variables, la grève est occupée par des groupements […] constitués essentiellement par des espèces amphibies adaptées aux « variations du niveau hydrostatique ».
— (Gustave Malcuit, Contributions à l’étude phytosociologique des Vosges méridionales saônoises : les associations végétales de la vallée de la Lanterne, thèse de doctorat, Société d’édition du Nord, 1929, p. 54)- Chaque soir, lorsque sonnait le couvre-feu, les chiennetiers lâchaient les dogues hors des murs et malheur à qui rôdait alors à travers les grèves où les navires étaient échoués à mer basse […] — (Henri-Georges Gaignard, Connaître Saint-Malo, éd. Fernand Lanore, 1973, page 160)
Du reste, les familles du bourg elles-mêmes, moins farouchement cloîtrées que notre petite cellule féminine, n’usaient de la « grève » – on ne disait pas la plage– que parcimonieusement, pour une expédition qui demandait une préparation minutieuse et un chargement de provisions et de lainages.
— (Mona Ozouf, Composition française, Gallimard, 2009, collection Folio, page 82)
- Banc de sable qui se forme dans la Loire, et que le courant porte tantôt d’un côté, tantôt d’un autre.
- (Maçonnerie) (Vieilli) Le gros sable qui sert à faire du béton ou du mortier.
- (Histoire) La place de Grève, à Paris, dont les habitués étaient connus pour leur langage cru et grossier.
« Ardez un peu cette mauricaude, il lui faut des marquis pour l’aider à descendre de charrette, » fit intérieurement la Sérafine dans un style peu digne du ton maniéré et précieux qu’elle affectait en parlant ; mais le dépit, entre femmes, emploie volontiers les métaphores de la halle et de la grève, fussent-elles duchesses ou grandes coquettes.
— (Théophile Gautier, Le capitaine Fracasse, 1863)
Synonymes
modifierDérivés
modifierApparentés étymologiques
modifierTraductions
modifierNom commun 2
modifierSingulier | Pluriel |
---|---|
grève | grèves |
\ɡʁɛv\ |
grève \ɡʁɛv\ féminin
- (Travail, Syndicalisme) Entente, accord des salariés d’une usine, d'une entreprise, d’une profession, pour cesser leur travail jusqu’à ce qu’ils aient obtenu une augmentation de salaire ou certains autres avantages.
Les grèves, qui se multiplient chaque jour davantage et qui ont fait, dans le Jura, leur apparition d'une manière éclatante, contraignent pour ainsi dire les populations à s'occuper de cette question tant redoutée qu'on appelle la Question sociale.
— (Adhémar Schwitzguébel, Manifeste adressé aux ouvriers du Vallon de Saint-Imier, février 1870)Or, voici que M. Millerand apporte au Conseil des ministres un projet de loi sur la grève obligatoire. Qu'est-ce à dire? C'est-à-dire que, dorénavant, lorsque les ouvriers d'une usine voudront se mettre en grève, il devra être procédé à une consultation préalable. Tous les travailleurs intéressés voteront pour ou contre la cessation du travail. Si la moitié plus un des ouvriers opine pour la grève, la minorité — dans l'espèce la moitié moins un — devra s'incliner. La grève sera obligatoire.
— (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942, pages 179 et 180)
- (Par extension) Cessation d’activité comme moyen de pression politique.
- Je comprends que ce mythe de la grève générale froisse beaucoup de gens sages à cause de son caractère d’infinité […] — (Georges Sorel, Lettre à Daniel Halévy, 15 juillet 1907, dans Réflexions sur la violence, 1908)
Il voulait être ouvrier. Il avait remarqué que ces gens-là se mettent souvent en grève, et n’entendait pas rater cette forme intéressante de la guerre sociale.
— (René Fallet, Paris au mois d'août, Denoël, 1964, Le Livre de Poche, page 16)- Ce n’est pas sans regret, sans doute, que les ardoisiers de Fumay feront grève le 11 mars 1912 afin d’appuyer la proposition de loi : une grève soutenue par l’Union départementale des Syndicats […] — (Henri Manceau, Des luttes ardennaises, 1969)
C’était l’époque de la Chambre bleu horizon, comme on l’appelait, une Chambre d’extrême droite et d’un patriotisme sourcilleux. Lors de la grève des employés du métro, j’ai vu, de mes yeux, les polytechniciens en grande tenue et en gants blancs conduire les rames de wagons pour faire échec aux ouvriers.
— (Georges Simenon, Un homme comme un autre, 1975)Maurice Thorez, ministre d’État, disait : « Il faut savoir finir une grève. Retroussons nos manches. »
— (Édouard Bled, J’avais un an en 1900, Fayard, 1987, Le Livre de Poche, page 364)L’Unef soutiendra les étudiants qui votent le blocage et qui votent la grève dans les universités.
— (Jean-Baptiste Prévost, cité par l’AFP, octobre 2010)Seuls deux sites pétroliers sont encore en grève : le dépôt de carburants de Feyzin (Rhône) et la raffinerie de Gonfreville (Manche), où la grève est reconduite jusqu’à jeudi.
— (journal 20 minutes, édition Paris-IDF, 21 octobre 2022, page 4)
Dérivés
modifierSynonymes
modifierApparentés étymologiques
modifierTraductions
modifierEntente, accord des salariés d’une usine, d'une entreprise, d’une profession, pour cesser leur travail jusqu’à ce qu’ils aient obtenu une augmentation... (Sens général).
- Allemand : Arbeitskampf (de) masculin ; Ausstand (de) masculin ; Streik (de) masculin
- Anglais : strike (en)
- Arabe : إِضْرَاب (ar) ʾiḍrāb masculin
- Arabe marocain : إضراب عن العمل (*)
- Arménien : գործադուլ (hy) gorcadul
- Bachkir : эш ташлау (*)
- Basque : greba (eu)
- Biélorusse : забастоўка (be) zabastóŭka féminin
- Breton : harz-labour (br) masculin
- Bulgare : стачка (bg) stáčka féminin
- Catalan : vaga (ca) féminin
- Chinois : 罢工 (zh) (罷工) bàgōng
- Coréen : 파업 (ko) (罷業) pa-eop
- Croate : štrajk (hr)
- Danois : strejke (da)
- Espagnol : huelga (es)
- Espéranto : striko (eo)
- Estonien : streik (et)
- Finnois : lakko (fi)
- Gaélique irlandais : stailc (ga)
- Gagaouze : grev (*)
- Géorgien : გაფიცვა (ka) gapicva
- Grec : απεργία (el) aperyía féminin
- Hébreu : שביתה (he) chvitá
- Hongrois : sztrájk (hu)
- Ido : striko (io)
- Indonésien : pemogokan (id)
- Islandais : verkfall (is)
- Italien : sciopero (it) masculin
- Japonais : ストライキ (ja) sutoraiki, スト (ja) suto
- Kazakh : ереуіл (kk)
- Koumyk : ишташлав (*)
- Letton : streiks (lv)
- Lituanien : streikas (lt)
- Malais : mogok (ms)
- Néerlandais : staking (nl)
- Norvégien : streik (no)
- Occitan : cauma (oc)
- Papiamento : straik (*), wèlga (*)
- Persan : اعتصاب (fa) e'tesâb
- Polonais : strejk (pl), strajk (pl)
- Portugais : greve (pt)
- Roumain : grevă (ro)
- Russe : стачка (ru) stáčka féminin, забастовка (ru) zabastóvka féminin
- Same du Nord : streaika (*)
- Serbe : штрајк (sr) štrajk
- Slovaque : štrajk (sk)
- Slovène : stavka (sl)
- Suédois : strejk (sv)
- Tagalog : welga (tl)
- Tamazight du Maroc central : asunded (*), asundeð (*)
- Tatar de Crimée : grev (*)
- Tatare : эш ташлау (tt)
- Tchèque : stávka (cs)
- Turc : grev (tr)
- Turkmène : iş taşlaýyş (tk)
- Ukrainien : забастовка (uk) zabastóvka
- Vietnamien : đình công (vi)
Nom commun 3
modifierSingulier | Pluriel |
---|---|
grève | grèves |
\ɡʁɛv\ |
grève \ɡʁɛv\ féminin
- (Antiquité) (Armurerie) Partie de l’armure qui couvrait le tibia, la jambe.
Du haut en bas des murailles s’étalaient d’éclatantes panoplies […] brigantines, grèves.
— (Anatole France, L’Anneau d’améthyste, 1899, page 97)
- Jambe.
J’ai les grèves rôties !
— (Bertrand, Gaspard, 1841, page 95)
Synonymes
modifierTraductions
modifierForme de verbe 1
modifierVoir la conjugaison du verbe grever | ||
---|---|---|
Indicatif | Présent | je grève |
il/elle/on grève | ||
Subjonctif | Présent | que je grève |
qu’il/elle/on grève | ||
Impératif | Présent | (2e personne du singulier) grève |
grève \ɡʁɛv\
- Première personne du singulier du présent de l’indicatif de grever.
- Troisième personne du singulier du présent de l’indicatif de grever.
- Première personne du singulier du présent du subjonctif de grever.
- Troisième personne du singulier du présent du subjonctif de grever.
- Deuxième personne du singulier de l’impératif présent de grever.
Forme de verbe 2
modifierVoir la conjugaison du verbe gréver | ||
---|---|---|
Indicatif | Présent | je grève |
il/elle/on grève | ||
Subjonctif | Présent | que je grève |
qu’il/elle/on grève | ||
Impératif | Présent | (2e personne du singulier) grève |
grève \ɡʁɛv\
- Première personne du singulier du présent de l’indicatif de gréver.
- Troisième personne du singulier du présent de l’indicatif de gréver.
- Première personne du singulier du présent du subjonctif de gréver.
- Troisième personne du singulier du présent du subjonctif de gréver.
- Deuxième personne du singulier de l’impératif présent de gréver.
Prononciation
modifier- France : écouter « une grève [yn ɡʁɛv] »
- Suisse (canton du Valais) : écouter « grève [ɡʁɛːv] »
- France (Vosges) : écouter « grève [ɡʁɛvə̆] »
- (Région à préciser) : écouter « grève [kʁ̥ɛv] »
- Somain (France) : écouter « grève [Prononciation ?] »
Anagrammes
modifier→ Modifier la liste d’anagrammes
Voir aussi
modifier- grève sur l’encyclopédie Wikipédia
- grève sur le Dico des Ados
- grève dans le recueil de citations Wikiquote
Références
modifier- « grève », dans Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, 1872–1877 → consulter cet ouvrage
- Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition, 1932-1935 (grève)