n’y voir que du feu
Étymologie
modifier- Composé de n’, y, voir, que, du et feu.
- Cette expression a potentiellement plusieurs origines. Néanmoins, la plus juste historiquement serait celle en rapport avec le supplice du bûcher pratiqué au Moyen-Âge. En effet, lors des exécutions publiques, il arrivait parfois que le bourreau étrangle le condamné avant que celui-ci ne soit amené sur le bûcher. Discrètement, le bourreau dissimulait, par le biais d'une épaisse fumée, le corps sans vie au public qui lui, n'y voyait que du feu[1].
Locution verbale
modifiern’y voir que du feu \n‿i vwaʁ kə dy fø\ (se conjugue → voir la conjugaison de voir)
- (Vieilli) Ne voir que des étincelles après avoir été étourdi par un coup.
Franz avait à peine dit ces mots que le fou s’était élancé sur maître Sperling, qu’il cribla silencieusement d’une nuée de gourmades. Le pauvre aubergiste n’y voyait que du feu et le petit Fritz poussait des cris d’aigle.
— (Auguste Vitu, Contes à dormir debout, L. Hachette, 1860, page 45)
- (Sens figuré) (Par analogie) Ne rien voir, ne rien pouvoir discerner dans une situation trop complexe, un enchaînement trop rapide.
J’ai fait, depuis que tu m’as vu, 25 pages net (25 pages en six semaines). Elles ont été dures à rouler. Je les lirai demain à Bouilhet. Quant à moi, je les ai tellement travaillées, recopiées, changées, maniées, que pour le moment je n’y vois que du feu.
— (Gustave Flaubert, Correspondance, lettre à Louise Colet, 24 avril 1852)Ou plutôt, interrompit Jean Prunier, dites-moi qui vous a enseigné à vous servir si bien d’un fleuret. Hier, je n’y voyais que du feu. En une minute, j’ai vu mon fleuret fuir de ma main comme un écu fuit de la poche d’un pauvre diable.
— (Alfred Assollant, Marcomir, histoire d’un étudiant, E. Plon, 1882, page 149)Ce jour d’été, à 8 heures, sur le quai bondé de la station de métro Stalingrad, un individu masqué grimpe sur le toit de la rame, sous le regard médusé des passagers. Le conducteur, qui n’y a vu que du feu, s’engage sur le viaduc dressé au milieu du boulevard de la Villette.
— (Antoine Flandrin, Surfe-qui-peut sur les rames du métro parisien, Le Monde. Mis en ligne le 11 octobre 2019)
- (En particulier) Ne se rendre compte de rien, ne rien comprendre à une tromperie, à un tour de passe-passe.
Par un expédient nouveau,
— (Jean-Eugène Robert-Houdin, Album des soirées fantastiques de Robert-Houdin au Palais-Royal, 1851)
De ce même carton je tire
L’air et le feu, la terre et l’eau ;
Mais dans ces éléments que je lui fais produire,
Dans ces difficultés dont je me fais un jeu,
Les yeux les plus perçants n’y verront que du feu.Il arriva ici les mains pleines d’or et il se mit à mener une telle vie de plaisirs à outrance, que nul ne soupçonna un instant que ce boyard avait une mission à remplir. La police impériale, si fine et si soupçonneuse, n’y vit que du feu.
— (Olympe Audouard, Voyage à travers mes souvenirs : ceux que j’ai connus, ce que j’'ai vu, E. Dentu, 1884, page 174)Je ne peux pas semer des haricots puisque je n’en ai plus, se dit-il en riant dans sa barbiche, mais je peux faire semblant d’en semer. La Zoun n’y verra que du feu, le hasard est grand, et d’ici à la récolte bien des choses se seront passées.
— (Paul Arène, Les Haricots de Pitalugue dans Contes de Provence, 1887, A. Lemerre, 1920, page 37)Le misérable ! quand on pense qu’il m’a trompée toute sa vie ! et que je n’y ai vu que du feu !
— (Georges Feydeau, Le Système Ribadier, 1892, acte I, scène 2)
Synonymes
modifierQuasi-synonymes
modifier- ne pas voir passer le puck (2) (3) (Suisse)
Traductions
modifier- Anglais : see stars (en)
- Gallo : ne vaer qe des beluettes (*), ne vaer qe beluettes (*)
- Néerlandais : sterretjes zien (nl), niets in de gaten hebben (nl), niets in de smiezen hebben (nl)
ne se rendre compte de rien
- Wallon : ni si doter di rén (wa)
Prononciation
modifier- France (Lyon) : écouter « n’y voir que du feu [Prononciation ?] »
- France (Lyon) : écouter « n’y voir que du feu [Prononciation ?] »
- Somain (France) : écouter « n’y voir que du feu [Prononciation ?] »
Références
modifier- « feu », dans Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, 1872–1877 → consulter cet ouvrage