Affaire des viols de Mazan

affaire judiciaire française

L'affaire des viols de Mazan, également connue comme l'affaire Pelicot, est une affaire judiciaire française, dans laquelle 51 hommes sont accusés. 46 sont jugés coupables de viol aggravé, deux de tentatives de viol et deux d'agression sexuelle sur la même femme, Gisèle Pelicot, droguée à son insu par son mari au moment des faits, Dominique Pelicot, principal mis en cause. Un cinquante-et-unième homme est jugé pour avoir utilisé le même procédé de soumission chimique sur sa propre épouse, afin de la violer, en compagnie de Dominique Pelicot.

Affaire Pelicot
Graffiti féministe découvert le 4 octobre 2024, rue Nollet à Paris.
Graffiti féministe découvert le , rue Nollet à Paris.

Titre Affaire des viols de Mazan
Fait reproché Viol
Chefs d'accusation Viols commis en réunion
Viols avec plusieurs circonstances aggravantes, Agression sexuelle commise en réunion
Détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique
Tentatives de viol avec plusieurs circonstances aggravantes
Diffusion de l'enregistrement d'images relatives à la commission d'une atteinte volontaire à l'intégrité de la personne
Atteintes à l'intimité de la vie privée par fixation, enregistrement ou transmission de l'image d'une personne présentant un caractère sexuel
Auteurs 51, dont Dominique Pelicot
Pays Drapeau de la France France
Ville Mazan (Vaucluse)
Communes d'Île-de-France, dont Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines)
Commune de l'île de Ré (Charente-Maritime)
Lieu Domicile conjugal
Domicile de Caroline Darian
Lieu de villégiature
Date du
au
Nombre de victimes deux, Gisèle Pelicot et l'épouse de Jean-Pierre M.
Jugement
Statut Affaire jugée en première instance
Tribunal Cour criminelle départementale de Vaucluse à Avignon
Date du jugement

Carte

Les faits se sont déroulés du au , principalement à Mazan, commune du Vaucluse, à partir de , mais aussi en Île-de-France et sur l'île de Ré.

Le procès, qui débute le à Avignon et se termine le 19 décembre[1], est fortement médiatisé, en France et à l'international. Rendu possible par les milliers de photos et de vidéos prouvant les faits, il est exceptionnel, à la fois par le nombre d'accusés et par la décision de la victime qu'il se déroule en public « afin que la honte change de camp ». Ces éléments, et les arguments de défense des accusés, qui pour une bonne part refusent de reconnaitre leur responsabilité, interrogent sur les violences contre les femmes, leur caractère « systémique » et la « culture du viol », tandis que le procès se déroule dans un silence des hommes politiques jugé « assourdissant ».

Le verdict est rendu le , et les 51 accusés sont jugés coupables, avec des peines allant de trois ans de prison dont un an de prison ferme à vingt ans de réclusion criminelle pour Dominique Pelicot.

Contexte et faits reprochés

Le , vers 15 h 30, Dominique Pelicot, alors âgé de 67 ans[2], est surpris par un agent de sécurité du supermarché E.Leclerc de Carpentras, via la vidéosurveillance, à filmer sous les jupes de plusieurs clientes à leur insu. L'agent de sécurité l'interpelle lorsqu'il en est à sa quatrième victime[3]. La police appelée intervient rapidement ; Dominique Pelicot est menotté et arrêté[4],[5],[2],[6].

Le lendemain matin, le parquet de Carpentras lève sa garde à vue, mais l'enquête préliminaire se poursuit avec une expertise psychiatrique et avec l'inspection du matériel informatique saisi à son domicile[7],[5]. Cette inspection met au jour des échanges sur le site de rencontres coco.gg[8] (fermé en ), au cours desquels Dominique Pelicot invite des inconnus à violer sa femme, inconsciente sous l'effet de fortes doses d'un puissant anxiolytique, le Temesta (lorazépam), qu'il lui administre ; il leur propose également de regarder les vidéos des viols[6],[9].

Après cette découverte, Dominique Pelicot est de nouveau placé en garde à vue, le , et passe aux aveux[10],[11]. Au même moment, dans une autre pièce du commissariat de Carpentras, un officier de police judiciaire explique la situation à son épouse Gisèle Pelicot, qui découvre les faits[11]. Le , Dominique Pelicot est placé en détention provisoire à l'issue de sa garde à vue[10].

 
Le village de Mazan.

Sur l'ordinateur, les enquêteurs trouvent un dossier intitulé « ABUS » qui contient plus de 20 000 photos et vidéos[12], dont des centaines de vidéos aux titres explicites[13], et déterminent ainsi que les faits se sont déroulés de à . Ils dénombrent 92 viols de la victime, qui ont eu lieu à Mazan dans la chambre du couple[6]. La victime, mariée à Dominique Pelicot depuis près de cinquante ans[14], n'a aucun souvenir des faits à cause de la soumission chimique[2] et n'en prend connaissance qu'au moment de l'enquête[6].

Les policiers voient que la fille du couple apparaît également inconsciente et en sous-vêtements sur certaines images[6]. Dominique Pelicot a aussi filmé à leur insu ses belles-filles et a diffusé les vidéos sur le même site[6],[15].

En , Caroline Darian, la fille de l'accusé et de la victime, publie le livre Et j'ai cessé de t'appeler Papa aux éditions Jean-Claude Lattès[16].

Profil de la victime

Gisèle Pelicot
Portrait de Gisèle Pelicot par Ann-Sophie Qvarnström.
Biographie
Naissance
Nationalité
Activité
Conjoint
Dominique Pelicot (de à ) 
Enfant
Caroline Darian (d) 
Autres informations
A travaillé pour
Cheveux
Distinctions
Prononciation

Désignée par le pseudonyme de « Françoise P. » par la presse, Gisèle Pelicot[17] septuagénaire, mariée à Dominique Pelicot[18], apparaît à visage découvert sous son vrai nom lors du procès.

Elle s'est plainte durant de longues années de douleurs gynécologiques, d'absences et de fatigue[6].

Gisèle Pelicot est nommée en 2024 par la BBC comme étant une des 100 femmes marquantes de l'année[19]. Elle est perçue internationalement comme une héroïne féministe[20],[21],[22].

Conséquences pour la victime

Malgré le nombre de violeurs et l'absence de protection la plupart du temps, Gisèle Pelicot a échappé au VIH, à la syphilis et aux hépatites. Elle a néanmoins contracté quatre infections sexuellement transmissibles dont un papillomavirus. En outre, la soumission chimique lui a fait courir un risque vital sans compter les risques dans sa vie quotidienne dus à son état « proche du coma » selon l'experte médicale Anne Martinat Sainte-Beuve[23],[24]. Elle souffre notamment de périodes d'endormissement diurne longues et involontaires, de trous de mémoire, d'une perte de poids et de la chute de ses cheveux, ce qui l'angoisse car elle se pense atteinte d'une maladie mortelle à brève échéance[12].

La découverte a posteriori des abus commis sur elle, alors qu'elle était inconsciente, cause un traumatisme psychologique grave, selon un psychiatre l'ayant examinée[6]. Dès la connaissance des faits, elle demande le divorce et déménage[2].

Profils des auteurs

Entre 2011 et 2020, 92 faits de viol sont commis sur la même victime[25]. Les policiers dénombrent 83 violeurs potentiels, parmi lesquels 54 sont identifiés (les 51 du procès, un 52e décédé entretemps et deux autres hommes relâchés faute de preuve). Le mari de la victime fait partie des violeurs[6]. Tous ont été arrêtés lors d'une dizaine de vagues d'interpellations puis incarcérés[6],[14].

Il s'agit d'hommes présentés comme « ordinaires »[6],[14], ayant en 2023 entre 26 et 73 ans[6] et au moment des faits entre 22 et 67 ans, pour une moyenne de 47 ans et demi[26], venant tous de la même région que le couple[6]. Au moins 37 des hommes accusés sont pères[26]. Certains sont retraités, d'autres exercent des professions et des fonctions diverses, pour certaines d'utilité publique : pompier, militaire, gardien de prison, conseiller municipal[6]. Ces hommes sont sans pathologies psychiques, mais nourrissent un sentiment de « toute-puissance » sur les corps féminins[27]. Treize accusés déclarent aux enquêteurs une consommation, voire une addiction aux drogues (alcool, cannabis, cocaïne)[26]. Treize accusés dont Dominique Pelicot déclarent avoir été victime de violence sexuelle pendant leur enfance, dont deux d'inceste[26].

Parmi les accusés, vingt-trois hommes ont déjà été condamnés par la justice, et en particulier six l'ont été pour des faits de violence conjugale et deux pour des violences sexuelles[26]. Quarante-neuf hommes sont jugés pour viol avec des circonstances aggravantes, un pour tentative de viol et un pour agression sexuelle[26]. D'importantes quantités d'images pédopornographiques sont retrouvées lors de l'enquête[6] et cinq hommes sont mis en examen pour détention de ce type d'images[26].

Parmi les accusés, dix hommes se sont rendus plusieurs fois chez les Pelicot, et 39 une seule fois[26].

Lors du procès, dix-huit accusés (dont Dominique Pelicot) comparaissent détenus, trente-deux comparaissent libres sous contrôle judiciaire et un est en fuite, jugé par contumace[26].

Profil de Dominique Pelicot

Dominique Pelicot
Biographie
Naissance
Nationalité
Activité
Conjoint
Gisèle Pelicot (de à ) 
Enfant
Caroline Darian (d) 
Autres informations
A travaillé pour
Cheveux
Cheveux gris (en) 
Condamné pour

Dominique Pelicot est né le à Quincy-sous-Sénart, en Seine-et-Oise. À la fin des années 1950, sa famille déménage dans l'Indre, où son père Denis est embauché comme contremaître du domaine d'Oublaise, centre de réadaptation pour vétérans de l'armée créé par le commandant Jean-François Perrette (1898-1999), au sortir de la Seconde Guerre mondiale, à Luçay-le-Mâle[28].

Dominique Pelicot décrit son père comme quelqu'un de « dur, sévère, autoritaire » et « pas aimant »[29]. Il est témoin des violences qu'il exerce sur sa mère, Juliette[30]. Avant de vivre avec Denis Pelicot, cette dernière a eu deux enfants avec le frère de Denis, André[29]. Son frère Joël, de quatre ans son aîné[28], est le « préféré » de Denis, en raison, notamment, de sa réussite scolaire[29]. Entré au collège d'Écueillé vers 1963 (converti depuis en école primaire)[28], Dominique Pelicot abandonne quant à lui l'école en cinquième et intègre très tôt le monde du travail et des chantiers[31].

En 1968, sa famille quitte le domaine d'Oublaise pour s'installer à Châtillon-sur-Indre[28], où elle accueille l'année suivante une enfant de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) prénommée Nicole. Dominique Pelicot soupçonne son père d'abuser d'elle[29]. À l'âge de 17 ans, il décroche un CAP d'électricien[31].

En 1971, sa famille quitte l'appartement qu'elle occupe dans le centre de Châtillon, pour s'installer dans une longère deux kilomètres plus loin[28]. Cette même année, Dominique Pelicot rencontre Gisèle dans une entreprise d'Azay-le-Ferron. Pour lui, c'est le « coup de foudre ». Il l'épouse deux ans plus tard, en , dans ce même village. Le couple a trois enfants : David, né en 1973, Caroline, née en 1978, et Florian, né en 1986[32],[33]. Cette même année, Dominique Pelicot est « profondément marqué » par la mort de sa mère, « une femme malheureuse qui se battait pour ses enfants » et dont il « était très proche »[29].

À la fin des années 1980, il découvre l'infidélité de sa femme[33]. Lorsque cette dernière lui avoue sa relation extraconjugale, c'est la seule fois où il se montre « violent » à son égard, d'après elle[34]. Par la suite, lui-même la quitte quelques mois pour une autre femme, avant de revenir au domicile conjugal[33].

Victime présumée de viols à 9 ans

Dominique Pelicot se présente comme la victime de viols multiples, commis par un infirmier dans une clinique de Châteauroux en 1961[29]. Un épisode que certains de ses proches minimisent[30], à commencer par son frère : « il n'a passé qu'une seule nuit à la clinique et, en revenant, il a seulement parlé d'attouchements. » « Ma mère, qui connaissait bien l'établissement, s'est renseignée et il n'y avait que des infirmières cette nuit-là », assure-t-il en dénonçant une histoire « inventée pour se victimiser »[35].

L'avocate de Dominique Pelicot, Béatrice Zavarro, remet en cause les prétentions de son frère à juger de l'authenticité de cette histoire, affirmant que son client « dit n’en avoir jamais parlé à ses parents »[29]. La psychologue Annabelle Montagne, experte près la cour d'appel de Nîmes, explique que le viol dont Dominique Pelicot se dit victime pourrait avoir formé « un clivage dans sa psyché »[36]. Elle parle d'« expérience d'objectalisation », qui à « l'âge prépubère […] a pu contribuer à infléchir son positionnement relationnel dans la sphère intime et relationnelle[37]. »

Témoin présumé d'un viol collectif à 13 ans

En 1966, alors qu'il est apprenti sur un chantier, il aurait assisté, selon ses déclarations, au viol collectif d'une femme, contre son gré — « un souvenir qui le hante »[29].

Affaires judiciaires antérieures

Viol et meurtre de Sophie Narme en 1991

Le , Dominique Pelicot est également mis en examen pour le viol précédé ou suivi du meurtre non élucidé de Sophie Narme, âgée de 23 ans en à Paris[38], stagiaire dans une agence immobilière, qui présente plusieurs éléments de similarité avec l'agression d'Estella B., une autre jeune agente immobilière de 19 ans, victime d'une agression le à Villeparisis[6],[15]. Il nie être l'auteur des faits. L'ADN n'a pu être comparé[6].

Tentative de viol en 1999

Son ADN, prélevé à la suite des agressions sexuelles commises en 2010, correspond à celui retrouvé sous la chaussure d'Estella B, qui a réussi à échapper à une tentative de viol[6]. Dominique Pelicot, qui, dans un premier temps, nie les faits, finit par les reconnaître. L'affaire close par non-lieu, est relancée en 2022. Au début du procès pour les viols de son épouse, en 2024, l'affaire est toujours en cours d'instruction[39].

Agressions sexuelles en 2010

L'enquête révèle également que Dominique Pelicot a déjà été arrêté en 2010 pour avoir filmé l’entrejambe de femmes à leur insu, dans un supermarché de Seine-et-Marne[6]. À cette occasion, un prélèvement ADN est réalisé et permet de faire le lien avec l'affaire de 1999, bien que cette concordance n'ait jamais été exploitée à la suite d'erreurs dans les instructions des deux affaires[6].

Mode opératoire

 
Collage féministe à Paris.

Des discussions ont lieu sur le forum internet Coco.gg entre le mari et les suspects, sur un salon privé de ce site dénommé par Dominique Pelicot « A son insu » sur lequel il postait ses annonces[40]. Il donnait les premières consignes pour décrire les viols : les somnifères sont évoqués, destinés à ce que son épouse soit inconsciente pour qu'ils puissent abuser d'elle. Ensuite d'autres consignes plus précises s'ajoutent en utilisant des échanges sur Skype : se garer à distance pour ne pas éveiller les soupçons des voisins, ne pas avoir mis de parfum, ni avoir fumé de cigarette pour ne pas laisser de trace olfactive. À leur arrivée, ils doivent se déshabiller dans la cuisine, se laver les mains et chuchoter pour ne pas faire de bruit[41],[42]. Leurs mains devaient être à température ambiante pour ne pas réveiller la victime[40].

Dominique Pelicot faisait ensuite la toilette intime de sa femme pour ne pas laisser de traces, car les hommes le plus souvent ne portaient pas de préservatif[40].

Procès

Avant le procès

Le parquet d'Avignon requiert le renvoi devant la cour criminelle du Vaucluse pour viol avec circonstances aggravantes[6].

Le couple est officiellement divorcé depuis le , soit une dizaine de jours avant l'ouverture du procès, ce que l'avocat de Gisèle Pelicot estime être d'une « portée symbolique » avant le début du procès[43].

Pendant le procès

Le procès s'ouvre le et dure jusqu'au de la même année[44]. À l'ouverture du procès, l'avocat général Jean-François Mayet, rejoint par plusieurs avocats des accusés, demande le huis clos, mais la victime s'y oppose et la cour criminelle, composée de cinq magistrats professionnels, opte finalement après délibération pour la publicité des débats[45],[46]. Gisèle Pelicot précise : « je n'ai pas à avoir honte ». L'un de ses avocats, Me Stéphane Babonneau ajoute : « il faut que la honte change de camp ». Le , les avocats de plusieurs accusés annoncent porter plainte pour menaces sur leurs clients à la suite de la « diffusion d'informations personnelles suivie de menaces » portant préjudice aux proches et enfants des accusés[47].

Dominique Pelicot est souffrant et ne peut assister aux premiers jours du procès. Le , il s'exprime pour la première fois et déclare notamment : « aujourd’hui, je maintiens : je suis un violeur, comme tous ceux concernés dans cette salle. Ils ne pouvaient pas ne pas savoir ». Il présente ses excuses à sa victime et ex-épouse Gisèle Pelicot : « je regrette ce que j'ai fait, je demande pardon, même si ce n'est pas pardonnable »[48],[49].

Le 18 septembre, il est confronté aux photos de sa fille dénudée. Il nie en être l'auteur, et nie avoir commis des viols sur elle. Cette dernière en est pourtant persuadée et laisse éclater sa colère[50].

Au cours du procès, les signes de soutien à Gisèle Pelicot se multiplient autour de la salle d'audience : applaudissements, bouquets de fleurs, haies d'honneur, de la part d'un public de plus en plus nombreux[51].

La question des films, des photos et du huis clos des débats

Lors de l'audition de Jacques C. qui conteste le viol, la cour, après avoir fait évacuer le public, montre avec l'accord de Gisèle Pelicot les uniques preuves de ces viols, les films et photos prises par son mari, qui « montr[ent] les faits dans toute leur crudité ». L'avocat de Jacques C. s'insurge, parlant de « sensationnalisme », tandis que le ministère public demande pour sa part que ces vidéos soient à l’avenir montrées pour chacun des accusés en raison de leur force probatoire, et pas uniquement pour ceux contestant les faits. Les avocats des autres accusés, à l'exception de celui de Dominique Pelicot, qui s'étaient jusque là battus en vain pour obtenir un huis-clos, font pression sur le président de la cour, Roger Arata, pour que les films ne soient pas montrés. L'un d'eux suggère de les remplacer par « les descriptifs des vidéos faites par les enquêteurs ». Le président de la cour répète que les images sont « indécentes et choquantes » et usant de son pouvoir discrétionnaire, indique que désormais, en cas de projection, la salle, presse comprise, sera évacuée. L'un des avocats de la défense en appelle à « la dignité de la victime, mais aussi celle des accusés » en parlant d'images « nauséabondes », alors que la veille des photos de l'intimité de la victime et des montages avaient été projetées, dans le but de la discréditer. Du côté de la partie civile, un avocat évoque « un retour 50 ans en arrière » avec cette forme de huis-clos ainsi imposée[151]. Pour l'avocat de Gisèle Pelicot, si l'on souhaite changer la société « il faut qu’on ait le courage de se confronter à ce qu’est véritablement le viol, dans un dossier, justement, où il est exceptionnel d’avoir la représentation précise et réelle de ce qu’est un viol, et pas simplement une description sur un procès-verbal »[152].

Lors de l'audience du 26 septembre, le président de la cour criminelle fait évacuer comme annoncé le public et la presse lors de la projection des vidéos concernant six accusés. Toutefois, il laisse aussi la porte fermée lors des débats, empêchant ainsi la presse d'y assister, au nom de ses « pouvoirs de police », provoquant la colère des avocats de Gisèle Pelicot, Me Babonneau s'interrogeant sur la légalité de la mesure[153]. Les journalistes judiciaires, dont plusieurs ont fait l'objet de menaces et pressions lors de la couverture de ce procès[154],[155], dénoncent une « atteinte à la liberté de la presse »[156],[157].

Le 4 octobre, après un nouveau débat faisant suite aux conclusions déposées par les avocats de la partie civile, la cour criminelle décide finalement la levée du huis-clos excluant le public et la presse lors des diffusions de photos ou vidéos[158].

Verdict

Il est rendu le 19 décembre. Tous les accusés sont reconnus coupables. Les peines prononcées sont globalement inférieures à celles requises, et certaines, non assorties de mandat de dépôt ou d'une durée maximale d'un an ferme, permettent à leurs auteurs de ne pas aller en prison[159]. Celle de Dominique Pelicot, de 20 ans de prison ferme, est assortie d'une période de sûreté des deux tiers[160].

Accusé[161] Âge Profession Note Réquisitoire[162] Verdict[163],[161]
A., Charly Charly A. 30 ans Cariste intérimaire[164] 16 ans de réclusion criminelle 13 ans de prison avec une période de sûreté de la moitié de la peine et une mesure de suivi pendant 6 ans.
A., Patrick Patrick A. 60 ans Sans emploi 10 ans de réclusion criminelle 6 ans de prison avec mandat de dépôt à effet différé. Il ressort libre et le mandat sera mis à exécution dans les jours à venir.
A., Redouane Redouane A. 40 ans Sans emploi Condamné à 19 reprises, dont une pour violence conjugale 12 ans de réclusion criminelle 9 ans de prison compte-tenu de la réduction de peine appliquée, suivi socio judiciaire de 5 ans et maintien en détention.
B., Cyril Cyril B. 46 ans Chauffeur de poids lourd 12 ans de réclusion criminelle 9 ans de prison avec mandat de dépôt.
B., Ludovick Ludovick B. 39 ans Magasinier 10 ans de réclusion criminelle 7 ans de prison avec mandat de dépôt.
C., Joseph Joseph C. 69 ans Retraité Accusé d'atteinte sexuelle[165] 4 ans de réclusion criminelle 3 ans de prison avec 2 ans de sursis simple. Il ressort libre.
C., Vincent Vincent C. 42 ans Menuisier Déjà condamné pour infractions routières sous influence et violences conjugales envers son ex-compagne 15 ans de réclusion criminelle 10 ans de prison avec maintien en détention.
C., Jacques Jacques C. 72 ans Retraité 10 ans de réclusion criminelle 5 ans de prison avec 3 ans de sursis simple. Il ressort libre.
C., Cyprien Cyprien C. 43 ans Chauffeur routier 13 ans de réclusion criminelle 6 ans de prison avec mandat de dépôt.
D., Abdelali Abdelali D. 47 ans Cuisinier Sous curatelle 13 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt à effet différé pour prise en considération de son état de santé.
D., Mahdi Mahdi D. 36 ans Employé de transport 12 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt.
D., Mathieu Mathieu D. 36 ans Employé dans un magasin, pompier volontaire 10 ans de réclusion criminelle 7 ans de prison avec mandat de dépôt.
D., Dominique Dominique D. 45 ans Ancien militaire, chauffeur routier Enfant de la DDASS, il est condamné une fois pour conduite en état d'ivresse, il est accusé d'avoir violé Gisèle Pelicot à six reprises en compagnie de Dominique Pelicot entre 2016 et 2020 17 ans de réclusion criminelle 13 ans de prison avec maintien en détention.
D., Cyrille Cyrille D. 54 ans, Employé dans le BTP Auteur d'un des films où Dominique abuse de Gisèle Pelicot 12 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt.
D., Husamettin Husamettin D. 43 ans Ouvrier Condamné deux fois pour infraction à la législation sur les stupéfiants 12 ans de réclusion criminelle 9 ans de prison avec mandat de dépôt différé en raison de son état de santé. Il ressort libre et ira en prison dans les prochains jours.
D., Omar Omar D. 36 ans Agent d'entretien 12 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt.
E., Redouan Redouan E. 55 ans Infirmier 12 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt.
F., Nicolas Nicolas F. 42 ans Correspondant local de presse d'un quotidien régional[6],[164] L'examen de son ordinateur révèle 4 284 images et 262 vidéos pédopornographiques 14 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt et une mesure de suivi pendant 5 ans. Interdiction définitive d'exercer une profession en contact avec des mineurs.
G., Saifeddine Saifeddine G. 36 ans Chauffeur routier Accusé de tentative de viol aggravé 10 ans de réclusion criminelle 3 ans de prison avec 2 ans de sursis simple. Il ressort libre.
G., Cédric Cédric G. 50 ans Informaticien Projetait de droguer sa propre compagne pour la livrer à Dominique Pelicot 16 ans de réclusion criminelle 12 ans de prison avec maintien en détention et une interdiction d'exercer une activité professionelle en contact avec des mineurs.
G., Paul Paul G. 31 ans Salarié dans l'agroalimentaire 10 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt.
H., Nizar Nizar H. 40 ans Sans emploi Condamné à huit reprises, notamment pour des violences conjugales sur deux ex-compagnes 13 ans de réclusion criminelle 10 ans de prison avec maintien en détention.
H., Quentin Quentin H. 34 ans Ex-policier, surveillant pénitentiaire à la prison du Pontet[166] 11 ans de réclusion criminelle 7 ans de prison avec mandat de dépôt.
K., Joan Joan K. 26 ans Militaire au 511e régiment du train Aurait violé Gisèle Pelicot le jour de la naissance de sa fille 15 ans de réclusion criminelle 10 ans de prison avec maintien en détention.
L., Jean-Luc Jean-Luc L. 46 ans Menuisier dans une miroiterie 14 ans de réclusion criminelle 10 ans de prison avec maintien en détention.
L., Philippe Philippe L. 62 ans Jardinier 10 ans de réclusion criminelle 5 ans de prison avec 2 ans de sursis. Il ressort libre.
L., Jean-Marc Jean-Marc L. 74 ans Retraité 10 ans de réclusion criminelle 6 ans de prison avec mandat de dépôt.
L., Christian Christian L. 55 ans Sapeur-pompier au centre de secours de Valréas[167] Il participait aux viols avec son uniforme. L'examen de ses ordinateurs révèle 728 images pédopornographiques et une négociation sur Skype avec une habitante de Metz pour qu'elle l'autorise à violer sa fille sédatée âgée de 15 ans 14 ans de réclusion criminelle 9 ans de prison avec maintien en détention.
L., Adrien Adrien L. 34 ans Chef de chantier Condamné à dix-huit ans de prison pour viols et violences sur ses anciennes compagnes[6],[42]. Son casier porte également trace d'une condamnation pour des faits de menaces réitérées de délit 13 ans de réclusion criminelle 6 ans de prison avec mandat de dépôt.
M., Hugues Hugues M. 39 ans Carreleur Suspecté de soumission chimique par son ex-compagne, accusé de tentative de viol aggravé 10 ans de réclusion criminelle 5 ans de prison avec 2 ans de sursis probatoire avec soins et indemnisations. Il ressort libre.
M., Jean-Pierre Jean-Pierre M. 63 ans Chauffeur Père de six enfants, que Dominique Pelicot aurait « formé »[168] à violer sa femme de la même manière[42],[168], seul accusé à ne pas être poursuivi pour des infractions sexuelles sur Gisèle Pelicot[169] 17 ans de réclusion criminelle 12 ans de prison avec une mesure de suivi pendant 5 ans.
M., Simone Simone M. 43 ans Ancien chasseur alpin, intérimaire dans le BTP 10 ans de réclusion criminelle 9 ans de prison avec mandat de dépôt.
M., Boris Boris M. 37 ans Agent d'exploitation Condamné à deux reprises 12 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt.
N., Patrice Patrice N. 55 ans Électricien 12 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt.
O., Hassan Hassan O. 30 ans Sans emploi Condamné à treize reprises pour des affaires de vols, de trafic de stupéfiants et de violences. En fuite, il est le seul des accusés à être jugé en son absence. Accusés d'autres crimes ou délits[170] 15 ans de réclusion criminelle 12 ans de prison et prolongation du mandat d'arrêt.
P., Thierry Thierry P. 54 ans Sans emploi 12 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt.
Pelicot, Dominique Dominique Pelicot 71 ans Salarié d'EDF à la retraite Principal accusé dans cette affaire. Marié à Gisèle Pelicot de 1973 à 2024, il est soupçonné d'avoir drogué sa femme durant une dizaine d'années et de l'avoir livrée à 83 violeurs possibles. Il est arrêté en , après avoir filmé sous les jupes de plusieurs clientes d'un supermarché à leur insu. Cette arrestation entraîne la saisie de son matériel informatique ; les policiers découvrent alors de nombreuses vidéos de viols de sa femme. Il est placé en détention provisoire le et comparaît détenu durant le procès. 20 ans de réclusion criminelle 20 ans de prison avec une période de sûreté des deux tiers.
P., Thierry Thierry P. 61 ans Frigoriste 14 ans de réclusion criminelle et interdiction d'avoir une activité en lien avec des mineurs pendant dix ans 12 ans de prison avec maintien en détention et une interdiction définitive d'exercer une activité professionnelle en contact avec des mineurs.
R., Mohamed Mohamed R. 70 ans Retraité Condamné en 2017 par la cour d'assises de la Gironde pour avoir violé sa propre fille alors qu'elle n'avait pas 15 ans 17 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec maintien en détention.
R., Florian Florian R. 32 ans Chauffeur-livreur Condamné à neuf reprises pour divers délits (routiers, vol, recel, stupéfiants…), a eu des relations sexuelles avec une mineure de 14 ans en 2020 13 ans de réclusion criminelle 7 ans de prison avec mandat de dépôt.
R., Andy Andy R. 37 ans Sans emploi Alcoolique, condamné à deux reprises pour des violences conjugales sur son ex-compagne 11 ans de réclusion criminelle 6 ans de prison avec mandat de dépôt.
R., Lionel Lionel R. 44 ans Vendeur 12 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt et un suivi socio-judiciaire de 5 ans.
S., Didier Didier S. 68 ans Retraité 10 ans de réclusion criminelle 5 ans de prison avec 2 ans de sursis simple. Il ressort libre.
S., Karim Karim S. 40 ans Informaticien A avoué avoir pénétré son ancienne compagne pendant son sommeil et est poursuivi pour détention d'images pédopornographiques 14 ans de réclusion criminelle et interdiction d'avoir une activité en lien avec les mineurs pendant dix ans 10 ans de prison avec mandat de dépôt et une interdiction d'une activité professionnelle en contact avec des mineurs.
S., Grégory Grégory S. 31 ans Plaquiste 13 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt.
S., Fabien Fabien S. 39 ans Sans emploi Dix-sept mentions sur son casier judiciaire, dont une pour agression sexuelle sur mineur de 15 ans 16 ans de réclusion criminelle 11 ans de prison avec maintien en détention.
T., Ahmed Ahmed T. 54 ans Plombier Accusé d'avoir violé Gisèle Pelicot, dans la nuit du au , alors qu'elle avait les poignets et les chevilles attachés 12 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt.
T., Jean Jean T. 52 ans Employé 12 ans de réclusion criminelle 8 ans de prison avec mandat de dépôt.
V., Romain Romain V. 63 ans Séropositif depuis 2004, accusé d'avoir violé Gisèle Pelicot sans préservatif à six reprises entre et 18 ans de réclusion criminelle 15 ans de prison avec une période de sûreté des deux tiers et maintien en détention.
V., Cendric Cendric V. 43 ans Manager en restauration Condamné à six reprises, dont 5 pour conduite sous l'emprise de l'alcool 14 ans de réclusion criminelle 9 ans de prison avec maintien en détention.
V., Jérôme Jérôme V. 46 ans Employé de magasin, pompier volontaire jusqu'en 2016 Suivi un temps pour addiction au sexe, accusé d'avoir violé Gisèle Pelicot à six reprises entre et 16 ans de réclusion criminelle 13 ans de prison avec maintien en détention.

Couverture médiatique

En France

Le procès est très relayé dans la presse régionale et nationale. De nombreux articles décrivent ces comportements comme des résultantes d'une « culture du viol » et des violences faites aux femmes, de manière « systémique », qui s'appuient sur une conception patriarcale et misogyne très répandue, et interrogent l'inexistence de la notion de consentement dans la définition juridique du viol en France[171],[172],[173],[174].

Des manifestations sont organisées le en soutien à Gisèle Pelicot et aux victimes de viols[175],[176],[177]. Ce jour-là, la street-artiste Maca réalise à Gentilly (Val-de-Marne) une fresque représentant Gisèle Pelicot, accompagnée du message : « Pour que la honte change 2 camp »[178].

Ce procès qui met en lumière une analyse féministe des violences sexuelles permet, selon certains observateurs, une prise de conscience dans la société française[179].

Certains médias, tels que Le Dauphiné libéré, choisissent d'indiquer l'identité complète des accusés[180].

À l'échelle internationale

De nombreux médias étrangers assistent au procès[181]. 36 médias sont accrédités[182], dont la BBC, The New York Times, le Washington Post, The Guardian[183], plusieurs tabloïds anglais, El País, El Mundo[184], Der Spiegel[181], Hindustan Times[185].

La BBC nomme Gisèle Pelicot lauréate des 100 Women de 2024[186].

Tous rendent hommage au courage de la victime qui a demandé la publicité des débats « pour que la honte change de camp », selon la formule reprise par son avocat. Ils s'accordent sur la nécessité de ne pas qualifier de « monstres » les violeurs présumés, afin de ne pas, comme l'indique l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, participer à leur « mécanisme de défense » alors qu'« il serait bien plus inquiétant de devoir admettre que les violeurs sont tous ancrés dans un tissu social continu de misogynie banalisée »[181]. Courrier international résume ces analyses en quelques notions clés : « Lâcheté, cruauté, fraternité […] solidarité patriarcale […] brutalité misogyne [et] masculinité ordinaire »[187].

Faible réaction des hommes politiques

Le procès est marqué par l'absence ou la faiblesse de réaction des hommes politiques français, seules quelques femmes politiques s'emparant du débat[188]. Le journaliste Matthieu Croissandeau s'en inquiète sur la chaîne Public Sénat, expliquant que « cela signifie que pour ces hommes politiques, ce n'est pas un sujet »[189], et plusieurs médias mettent en avant comme lui la différence de traitement avec certains faits divers, tel le meurtre de Philippine, l'étudiante violée et tuée dans le bois de Boulogne, dont est soupçonné un ressortissant marocain visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF)[190] ou avec des questions d'insécurité[191]. Pour le juriste Patrice Spinozi, qui appuie l'analyse de Matthieu Croissandeau en soulignant que « l'instrumentalisation quotidienne par certains responsables politiques du sentiment d'insécurité tend surtout à stigmatiser le laxisme de l'État à l'égard de populations qu'ils jugent anxiogènes (délinquants récidivistes, étrangers sans-papiers...) », le « malaise Mazan » pourrait s'expliquer par l'extrême tolérance dont le droit français a longtemps fait preuve envers le viol entre époux[192]. Charlotte Buisson, doctorante en sciences de l’information et de la communication, estime que plus qu'un fait divers, c'est un fait de société, et que « si les hommes politiques ne réagissent pas de la même façon, c’est aussi parce qu’ils font partie du problème, ils savent très bien qu’il existe dans leurs rangs des personnalités accusées de violences »[191].

Pour le critique de TV Samuel Gontier, la différence de traitement entre l'affaire du viol suivi du meurtre de Philippine de Carlan, qui fait l'objet d'un « frénétique vacarme » de la part des hommes politiques, au contraire de leur « assourdissant silence » qui entoure l'affaire des viols de Mazan montre qu'il est plus facile « d’incriminer l’immigration plutôt que de traiter les violences sexistes et sexuelles comme un problème systémique »[193]. Pour la juriste Catherine Le Magueresse, après le verdict, la qualification du procès comme étant hors-norme masque le silence qui reste assourdissant des politiques, et l'ampleur du chantier juridique qu'il faudrait mettre en œuvre pour répondre au problème des violences sexuelles[194].

Emmanuel Macron, président de la république et François Bayrou, premier ministre, saluent le courage de Gisèle Pélicot à l'annonce du verdict, pourtant Gérald Darmanin, accusé de viol, est nommé ministre de la justice quelques jours plus tard[195].

Notes et références

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Pour approfondir

Bibliographie

Ouvrages

Presse

Audiographie

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