Enregistreur de vol

dispositif situé dans un aéronef qui a pour but d'enregistrer les informations dans le cas d'un potentiel accident

En aéronautique, un enregistreur de vol[1],[2] (souvent appelé boîte noire) est un enregistreur de données à bord d'un aéronef et destiné à restituer les paramètres de vol et les conversations des pilotes pour l’analyse des circonstances d’un accident. Les enregistreurs de vol sont protégés par une enveloppe résistant au choc, à l'incendie et à l'immersion. Comme leur nom ne l'indique pas, les boîtes noires sont aujourd'hui de couleur orange ou rouge, avec des bandes blanches réfléchissantes, pour faciliter leur repérage parmi les débris d'un avion.

Boîte noire de type DFDR, Digital Flight Data Recorder.
Boîte noire de type CVR avec bandes blanches réfléchissantes et la balise de localisation devant.

Il existe deux types d'enregistreur de vol :

  • l'enregistreur phonique[2] (ou CVR, de l'anglais cockpit voice recorder : enregistreur de conversations de poste de pilotage[3]), qui permet de restituer les conversations ainsi que les alarmes sonores et, dans une certaine mesure, les bruits suspects dans le cockpit ;
  • l'enregistreur de paramètres[4],[5] (ou FDR, de l’anglais flight data recorder : enregistreur de données de vol[2],[6]) pour l'analyse de la position des gouvernes, du fonctionnement des moteurs et des systèmes et autres données pouvant aider à déterminer l'origine d'un éventuel accident.

Elles sont généralement placées à l'arrière de l'avion car c'est la partie qui est généralement la mieux conservée lors d’un impact avec le sol ou la mer.

Historique

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Les premiers enregistreurs de vol sont attribués à François Hussenot dans les années 1930. Contrairement aux boîtes noires modernes, ses enregistreurs de vols étaient basés sur des photographies et appelés des « hussenographes », les indications des instruments de vol étant projetées sur une pellicule photographique grâce à un jeu de miroirs. Les pellicules photosensibles étaient enfermées dans une chambre noire, familièrement appelée « boîte noire », car elle était étanche à la lumière. Bien que la couleur ait évolué, ce nom est resté[7].

Les versions modernes avec enregistrements magnétiques, furent conçues en 1953 par l'ingénieur Australien David Warren[8] au Defence Science and Technology Organisations' Aeronautical Research Laboratory (Melbourne, Australie), et introduites dans l'aviation à partir des années 1960, les boîtes noires étaient constituées par des enregistreurs sur bande magnétique, avant d'être progressivement remplacées depuis les années 1990 par des SSFDR (pour Solid State Flight Data Recorder), considérés comme plus fiables étant donné l'absence de composants mécaniques et pouvant également stocker plus d'informations pour un encombrement plus faible, donc plus aisées à protéger.

Caractéristiques communes

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Les boîtes noires ont pour caractéristique commune d'être équipées d'une balise ULB (Underwater Locator Beacon) qui se déclenche en cas d'immersion lorsque deux contacteurs sont humides et qui émet un signal à ultrason afin d'aider à la localisation de l'appareil, l'avion possédant en plus des balises de détresse de type ELT qui se déclenchent lors de l'impact. Le signal omnidirectionnel est émis à une fréquence de 37,5 kHz à 160 dB (ref 1 Pa à 1 m) toutes les secondes pendant une durée d'au moins trente jours consécutifs sur une portée de 2 km environ[9],[10]. Il peut être capté à une profondeur allant jusqu'à 6 000 mètres (environ 20 000 pieds) grâce notamment à des « towed pinger locators » (TPL) spécifiques constitués d'hydrophones passifs qui sont remorqués à faible vitesse (généralement entre 1 et 5 nœuds, selon la profondeur de remorquage) derrière des navires[11].

Conçues pour ne pas être détruites dans une catastrophe aérienne, les données des boîtes noires sont protégées par trois couches de matériaux destinées à assurer leur survie au choc, à l'incendie (une heure à 1 100 °C) et à l'immersion profonde. En 2009, leur coût unitaire est de 10 000 à 15 000 dollars. L'unité de stockage en mémoire (la Crash Survival Memory Unit, ou CSMU) est ainsi confinée dans une boîte thermique, elle-même placée dans une boîte d'isolation, le tout dans une boîte en titane ou en acier.

Les autorités chargées de la sécurité aérienne (en France, le Bureau d'enquêtes et d'analyses, BEA ; aux États-Unis et dans la plupart des pays ne possédant pas ce type de services le Conseil national de la sécurité des transports ou National Transportation Safety Board, NTSB, en anglais) analysent ces boîtes noires. Les données enregistrées permettent de reconstituer la phase finale du vol voire, dans les cas les plus récents, d’être introduites dans un simulateur de vol pour une répétition complète du vol. Lorsqu'elles sont exploitables, les boîtes noires permettent d'expliquer près de 90 % des accidents[12].

Enregistreur phonique

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Présentation

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Les enregistreurs phoniques (CVR, de l’anglais Cockpit Voice Recorder) servent à l’enregistrement des communications radios, des voix du cockpit et du bruit d’ambiance du poste de pilotage (moteur, alarmes, pluie, orage, choc sur la carlingue...)[13]. Les données ainsi obtenues sont enregistrées sur quatre pistes à bande magnétique.

Sur les CVR de type Fairchild A-100, présents notamment sur le Concorde, elles sont réparties de la manière suivante :

  • radio-communications sur les pistes 1 et 4 ;
  • communications avec l’équipage de cabine sur la piste 1 ;
  • communications avec le mécanicien sol sur les pistes 1, 2 et 4 ;
  • microphone d’ambiance sur la piste 3.

À partir des données enregistrées, les enquêteurs arrivent à obtenir de nombreuses informations. En plus des voix des pilotes, ils arrivent à identifier les différentes alarmes sonores, les bruits d'interrupteur ou encore les variations de régimes moteurs.

Caractéristiques

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  • Durée d'enregistrement : 30 à 120 minutes (pour les enregistreurs à mémoire statique)
  • Nombre de canaux : 4
  • Tolérance à l'impact : 3 400 g pendant 7 millisecondes
  • Résistance au feu haute température: 1 100 °C pendant une heure[14]
  • Résistance au feu : 260 °C pendant dix heures[14]
  • Résistance à la pression de l'eau : jusqu'à une immersion de 5 000 mètres
  • Autonomie de la batterie : 6 ans
  • Durée d'émission de la balise subaquatique : 30 jours
  • Durée de survie des données : longue (stockage sur bande magnétique (obsolète) ou sur carte de mémoire flash)

Après l'accident du vol Malaysia Airlines 370

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Aux États-Unis, le , en réponse à la disparition du vol Malaysia Airlines 370 (reliant Kuala Lumpur à Pékin), le membre du Congrès américain David Price réintroduit à la Chambre des Représentants le Safe Act[15].

La disparition du MH370 montre en effet les limites de la technologie actuelle des enregistreurs de vol, comme moyens physiques des systèmes d'enregistrement pour aider à étudier la cause des incidents de vol des avions. Considérant les avancées des technologies modernes de communication, les commentateurs appelèrent à augmenter ou remplacer les systèmes actuels par des systèmes d'enregistrement en direct pour l'envoi des données des avions vers le sol[16],[17]. Par ailleurs, les commentateurs réclamèrent des batteries pour les balises de localisation, dont la durée de vie sous l'eau soient étendue de 30 à 90 jours, que la portée du locateur soit étendue et que, de plus, l'équipement des avions civils avec des enregistreurs de vol déployables comme ceux qui sont utilisés couramment dans l'aviation militaire. Avant l'accident du vol MH370, l'extension de vie des batteries avait déjà été suggérée et prévue aussi rapidement que possible par les investigateurs de l'accident du vol Air France 447 survenu en 2009, dont il fallut attendre 2011 pour retrouver l'enregistreur de vol[18].

Enregistreur de paramètres

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Photographie de boîtes noires. Sur le dessus apparaissent les inscriptions « Cockpit Voice Recorder. Do not open » (« Enregistreur phonique du cockpit. Ne pas ouvrir ») et « Flight Recorder. Do not open » (« Enregistreur de vol. Ne pas ouvrir »).

Présentation

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Les boîtes noires destinées à enregistrer les données de vol enregistrent différentes données relatives aux systèmes de l'avion, sa trajectoire, ses attitudes, sa vitesse. Actuellement, une boîte doit enregistrer au moins 28 données comme l'altitude, la vitesse, l'heure ou la pression et les conserver sur une durée de 25 heures. Certains appareils plus récents et plus sophistiqués enregistrent jusqu'à 1 300 paramètres. À partir de ces données, il est possible d'effectuer une simulation informatique du vol. L'ensemble des informations des différents capteurs de l'avion est collecté par le FDAU (Flight Data Acquisition Unit) situé à l'avant du cockpit puis renvoyé vers l'arrière de l'avion où est situé l'enregistreur.

Caractéristiques

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  • [14] Durée d'enregistrement : 25 heures (minimum réglementaire)
  • Nombre de paramètres : de 28 à 1 300 (en 2009)
  • Tolérance à l'impact : résistance à une accélération de 5 000 g pendant une durée de 6,5 millisecondes sur une cible ; l'ancienne norme était de 3 400 g[19]
  • Résistance à l'écrasement statique : 22,25 kN (2 267,96 kg) sur chaque axe[14].
  • Résistance au feu haute température[20] : 1 100 °C pendant une heure[19] (température de combustion du kérosène)
  • Résistance au feu basse température[14]: 260 °C pendant 10 heures
  • Résistance à la pression de l'eau : 7 000 mètres[19] (correspondant à plus de 500 bars)
  • Autonomie de la batterie : 6 ans
  • Durée d'émission de la balise subaquatique (en cas d'immersion) : 30 jours (autonomie électrique de la balise de localisation subaquatique)
  • Dimensions : 32 × 13 × 14 cm environ[14]
  • Poids : 4,5 kg environ[14]

Acquisition

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La norme ARINC 717 spécifie les interfaces entre le FDR et son environnement. Le FDR est relié aux différents calculateurs et capteurs de l'avion par l'intermédiaire d'un boîtier d'acquisition, le FDAU (Flight Data Acquisition Unit).

Ce boîtier est chargé d'acquérir les paramètres de vol. Ces acquisitions se font traditionnellement sur bus ARINC 429, bus de communication numérique très répandu, ou directement en analogique depuis des capteurs. Sur les avions plus récents (Airbus A380) les données sont récupérées sur le réseau Avionics Full DupleX, les bus ARINC 429 étant utilisés en secours uniquement pour les paramètres de vol les plus critiques.

Le FDAU sélectionne alors les paramètres acquis, puis les ordonne pour les envoyer au FDR dans une trame continue. Cette trame est formée de mots de 12 bits, envoyés à une cadence de 64 à 1 024 mots par seconde selon l'ancienneté de l'avion. Le FDR enregistre alors directement cette trame dans sa mémoire. Puis les données sont relues par le FDR et renvoyées au FDAU, qui contrôle alors la cohérence des données qu'il a envoyées et qu'il reçoit en retour (playback FDR). Cela permet de détecter un dysfonctionnement du FDR et de le signaler par une alarme dans le cockpit.

Le contenu de la trame doit satisfaire des exigences définies des réglementations nationales ou internationales qui spécifient la liste des paramètres à enregistrer, ainsi que leur cadence d'enregistrement et la précision requise.

Enfin, le FDAU envoie toutes les quatre secondes un signal au CVR, à l'instant du début d'un nouveau cycle de données envoyé au FDR. Cela permet, en cas d'accident, de retrouver la synchronisation des enregistrements du FDR et du CVR.

Références culturelles

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L'album Reise, Reise du groupe allemand Rammstein contient en piste cachée l'enregistrement des deux dernières minutes du CVR de l'accident du vol Japan Airlines 123, qui s'est écrasé le , tuant 520 personnes. La pochette de cet album reproduit les motifs orange qu'on retrouve sur certains enregistreurs de vol.

Les membres du Collective: Unconscious (en) en donnèrent une présentation théâtrale[21] dans une pièce appelée Charlie Victor Romeo (en) avec un texte basé sur la transcription des voix de l'enregistrement de la CVR de neuf urgences aériennes. La pièce représente l'accident du fameux vol United Airlines 232 qui s'est écrasé dans un champ près de Sioux City, dans l'Iowa, après une défaillance catastrophique d'un moteur et de l'essentiel des moyens de contrôle de vol.

Survivant, un roman de Chuck Palahniuk, raconte l'histoire de Ted Branson, qu'il dicte à l'enregistreur de vol d'un Boeing 747 qu'il a détourné, avant que l'avion ne s’abîme par manque de carburant.

Le film Boîte noire est un film français réalisé par Yann Gozlan, sorti en 2021. Le thriller narre l'histoire d'un agent du BEA face à la falsification des enregistrements d'une boite noire.

Notes et références

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  1. « enregistreur de vol », Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le ).
  2. a b et c [PDF] Commission d’enrichissement de la langue française, « Vocabulaire de l’aménagement et de l’urbanisme – des transports et de la mobilité (liste de termes, expressions et définitions adoptés) », Journal officiel de la République française no 0157 du .
  3. « enregistreur de conversations de poste de pilotage », Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le ).
  4. BEA, « Enregistreurs », sur BEA - Bureau d'Enquêtes et d'Analyses pour la sécurité de l'aviation civile (consulté le )
  5. BEA, « Exploitation des enregistreurs de paramètres, aspects techniques et réglementaires », sur BEA - Bureau d'Enquêtes et d'Analyses pour la sécurité de l'aviation civile (consulté le )
  6. « enregistreur de données de vol », Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le ) .
  7. Piouffre 2013, p. 207
  8. (en) « DSTO - Black Box Flight Recorder », sur Département de la défense (Department of Defense), (consulté le )
  9. « Soutien du SHOM au BEA : Recherche de l'A330-200 AF447 » [PDF], SHOM - Ministère de la Défense (France), (consulté le )
  10. « Les boîtes noires, cruciales pour comprendre un crash », sur lavenir.net, (consulté le )
  11. « L'US Navy envoie des détecteurs à la France pour localiser l'Airbus », Le Portail des sous-marins, (consulté le )
  12. « Crash de l'avion A320 de Germanwings : la première boîte noire retrouvée est endommagée », sur huffingtonpost.fr, Huffington Post, (consulté le )
  13. « AF 447 : une première boîte noire a été repêchée », sur lefigaro.fr, Le Figaro, (consulté le )
  14. a b c d e f et g « L-3 Aviation Recorders », sur www.l-3ar.com (consulté le )
  15. (en) Bart Jansen, « Lawmaker urges 'black boxes' that eject from planes », USA Today,‎ (lire en ligne)
  16. (en) Stephen Trimble, « Malaysia Airlines flight MH370 makes it clear: we need to rethink black boxes », sur theguardian.com, The Guardian, (consulté le )
  17. (en) « AirAsia Flight QZ8501: Why airlines don't live-stream black box data », Technology & Science, CBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. (en) Tom Allard, « MH370: Expert demands better black box technology », The Sydney Morning Herald, (consulté le )
  19. a b et c Otelli 1999, p. 11
  20. Julie Saulnier, « Qu'est-ce qu'une boîte noire ? », L'Express, (consulté le )
  21. (en) « Collective: Unconscious », sur Charlievictorromeo.com, (consulté le )

Voir aussi

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Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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