Ichthyostega

genre éteint de stégocéphales basaux

Ichthyostega (littéralement « toit de poisson » en grec ancien) est un genre éteint de stégocéphales ayant vécu durant le Dévonien supérieur (Famennien), entre 365 et 360 millions d'années avant notre ère, dans ce qui est aujourd'hui le Groenland. Il s'agit d'un des plus vieux vertébrés à quatre membres connus à ce jour, l'animal s'en servant probablement pour naviguer dans des eaux peu profondes, telles que des rivières, marécages ou mangroves.

Ichthyostega
Description de cette image, également commentée ci-après
Diagramme squelettique d'Ichthyostega stensioei.
364.7–360.7 Ma
3 collections
Classification Paleobiology Database
Règne Animalia
Embranchement Chordata
Sous-embr. Vertebrata
Classe Sarcopterygii
Clade Elpistostegalia
Clade Stegocephalia
Famille  Ichthyostegidae

Genre

 Ichthyostega
Säve-Söderbergh, 1932

Espèces de rang inférieur

  • Ichthyostega stensioei (type)
  • Ichthyostega eigili
  • Ichthyostega watsoni
  • Ichthyostega kochi ?

Synonymes

Ichthyostega est souvent considéré à tort comme un « tétrapode », en raison de la possession de membres et de doigts. Or, il est en réalité plus basal que les vrais représentants du groupe-couronne des tétrapodes. De plus, il n'est même pas considéré comme un véritable amphibien au sens taxonomique, puisque les premiers représentants connus des amphibiens modernes apparaissent durant le Trias.

Le genre est décrit par le paléontologue suédois Gunnar Säve-Söderbergh en 1932 à partir de plusieurs fossiles plus ou moins complets découverts dans l'est du Groenland, ce qui lui permet de proposer quatre espèces et un autre genre apparenté, à savoir Ichthyostegopsis. Cependant, en raison du peu de différence de caractéristiques marquées entre ces matériels, il en est difficile de savoir si les restes appartiennent à des taxons différents ou seraient des synonymes qui représenteraient une seule espèce.

Jusqu'à la découverte d'autres stégocéphales plus ou moins basaux et de poissons étroitement apparentés à la fin du XXe siècle, Ichthyostega était alors l'unique forme transitionnelle connue entre les poissons et les tétrapodes, combinant plusieurs caractéristiques provenant de ces derniers. C'est d'ailleurs grâce à ces mêmes caractéristiques et à sa popularité qu'il est régulièrement cité dans de nombreuses analyses phylogénétiques des tétrapodomorphes au sein de la littérature scientifique, souvent classé aux côtés de nombreux genres apparentés tels Ventastega, Acanthostega ou plus rarement Hynerpeton.

Des recherches plus récentes faites sur les fossiles montrent qu'Ichthyostega dispose d'une anatomie remarquablement avancée pour son époque, suggérant que l'animal aurait eu un mode de vie plus semblable à celui des pinnipèdes plutôt que ceux des salamandres, comme auparavant supposé.

Découvertes

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Crâne fossilisé d'I. stensioei.

En 1932, le paléontologue suédois Gunnar Säve-Söderbergh décrit le genre Ichthyostega dans un article publié la même année à partir de fossiles datant du Dévonien supérieur et provenant du Groenland oriental[1]. Au sein même de cet article, il inclut quatre espèces au sein du genre (constitué par I. stensioei, I. eigili, I. watsoni et I. kochi), et ajoute un autre genre monotypique apparenté, Ichthyostegopsis, constitué uniquement de l'espèce Ichthyostegopsis wimani[1],[2],[3],[4]. Ces taxons proposés pourraient être possiblement des synonymes (auquel il ne resterait qu'Ichthyostega stensioei comme unique représentant), car leurs morphologies sont très peu différentes les unes des autres. Les taxons proposés sont décrits et nommés d'après les proportions, la ponctuation et les motifs des os présents sur les crânes. Les comparaisons ont été faites sur 14 spécimens collectés en 1931 lors de l'expédition de trois ans. Des spécimens supplémentaires sont collectés entre 1933 et 1955[5]. Le site fossilifère dont l'animal provient est datée d'entre 365 et 360 millions d'années[6].

Le nom de genre Ichthyostega vient du grec ancien ιχθύς / ikhthýs, signifiant « poisson », en raison de ses caractères ichthyens et στέγος / stegos, voulant dire « toit », en raison des armures dermiques présentes sur toute la face du crâne, pour donner littéralement « toit de poisson »[1],[4].

Description

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Nageoire caudale fossilisée d'I. stensioei.

Ichthyostega est un assez gros animal pour le Dévonien, mesurant environ 1,5 mètre de long. Le crâne est aplati avec les yeux placés sur le dessus et armé de grandes dents au niveau des mâchoires. La marge postérieure du crâne forme un opercule recouvrant les branchies et le spiracle est situé dans une échancrure otique derrière chaque œil.

Les membres sont grands par rapport aux animaux apparentés contemporains. L'animal possède sept doigts à chaque membre postérieur. Le nombre exact de doigts sur les membres antérieurs n'est pas déterminé, car on n'a pas encore découvert de fossiles constituant la main[7]. La nageoire caudale d'Ichthyostega contient des rayons, comme celle des poissons[5].

Ichthyostega est apparenté à Acanthostega, également originaire de l'est du Groenland. Le crâne d'Ichthyostega semble être plus proche de celui des poissons que celui d'Acanthostega, mais la morphologie de la ceinture scapulaire et de la ceinture pelvienne (les os reliant les épaules et les hanches à la colonne vertébrale) semble plus solide et mieux adaptée à la vie terrestre. Ichthyostega possède également des côtes plus avantageuses et des vertèbres plus robustes avec des zygapophyses plus développées. La question de savoir si ces traits ont évolué indépendamment chez Ichthyostega est débattue. Cela montre cependant qu'Ichthyostega peut s'être aventuré sur terre à l'occasion, contrairement aux vertébrés contemporains tels qu'Elginerpeton et Obruchevichthys[8],[9].

Classification

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Historique

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Croquis illustrant la comparaison entre les membres des divers tétrapodomorphes, l'item « F » présentant le membre arrière d'Ichthyostega.

Au moment de sa description, en 1932, Gunnar Säve-Söderbergh invente l'ordre Ichthyostegalia, un taxon qui regroupe divers tétrapodes considérés comme basaux[1],[10], Ichthyostega incarnant le genre type[3]. Le nombre de genres qui sont classés dans ce groupe augmente au fil des années, bien que la majorité d'entre eux soit décrite à partir de restes très fragmentaires, principalement par des mâchoires inférieures fossilisées[11]. Cependant, avec l'arrivée de la cladistique, la définition de ces deux taxons est par la suite modifiée. La définition cladistique de Tetrapoda fait référence à un clade ne contenant que les descendants du dernier ancêtre commun des tétrapodes actuels, qui inclut les lissamphibiens et les amniotes[12]. De plus, « Ichthyostegalia » représente désormais un grade paraphylétique de tétrapodes primitifs et le taxon n'est depuis plus utilisé par les paléontologues au XXIe siècle[13],[14]. La définition traditionnelle et non cladistique de Tetrapoda, qui commence aux premiers vertébrés disposant de membres, correspond étroitement à un clade nommé Stegocephalia, qui est défini par le paléontologue québécois Michel Laurin comme « tous les animaux plus étroitement liés aux temnospondyles qu'à Panderichthys »[15].

Phylogénie

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Ichthyostega est inclus dans de nombreuses analyses phylogénétiques concernant les tétrapodomorphes, notamment en raison de sa popularité et du fait que certains fossiles sont suffisamment complets pour l'anatomie comparée. Les classifications actuelles le considèrent comme étant l'un des stégocéphales les plus basaux aux côtés de plusieurs genres très proches tels Ventastega, Acanthostega, ou moins communément Hynerpeton[16],[17],[18],[19]. Ce qui suit est un cladogramme simplifié, généralement accepté par la communauté scientifique, suivant les résultats d'une analyse réalisée et publiée par Brian Swartz en 2012[17] :

 Elpistostegalia

Panderichthys  


Stegocephalia


Tiktaalik  



Elpistostege





Elginerpeton  




Ventastega  




Acanthostega  




Ichthyostega  




Whatcheeriidae  




Colosteidae  




Crassigyrinus  




Baphetidae  



Tetrapoda (groupe-couronne)  












Paléobiologie

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Représentation par Nobu Tamura d'I. stensioei, d'après Ahlberg (2005) qui lui a donné les couleurs du Triton alpestre.

Les premiers vertébrés à membres comme Ichthyostega et Acanthostega différent des tétrapodomorphes antérieurs tels Eusthenopteron ou Panderichthys dans leurs adaptations accrues à la vie sur la terre ferme. Bien que les tétrapodomorphes possèdent des poumons, ils utilisaient des branchies comme principal moyen d'évacuer le dioxyde de carbone. Les tétrapodomorphes utilisaient leur corps et leur queue pour la locomotion et leurs nageoires pour la direction, Ichthyostega ayant peut-être utilisé ses membres antérieurs pour la locomotion sur terre et sa queue pour nager.

La cage thoracique massive d'Ichthyostega est composée de côtes qui se chevauchent et l'animal possède une structure squelettique plus solide, une colonne vertébrale en grande partie semblable à un poisson et des membres antérieurs apparemment assez puissants pour tirer le corps en dehors de l'eau[20]. Ces modifications anatomiques peuvent avoir évolué pour gérer le manque de flottabilité rencontré sur terre. Les membres postérieurs sont plus petits que les membres antérieurs et il est peu probable qu'ils aient supporté tout leur poids chez un adulte, tandis que les larges côtes qui se chevauchent auraient inhibé les mouvements latéraux[21]. Les membres antérieurs ont l'amplitude de mouvement requise pour pousser le corps vers le haut et vers l'avant, permettant probablement à l'animal de se traîner sur un terrain plat par des mouvements de « béquille » synchrones (plutôt qu'alternés), un peu comme celui des gobies ou des pinnipèdes[22],[23],[24]. Bien que Ichthyostega ait des membres totalement évolués, la mobilité des articulations de ses membres, en particulier des membres postérieurs, ne permettent pas de se déplacer effectivement sur la terre ferme[22],[25].

Bibliographie

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  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Publication originale

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Voir aussi

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Liens externes

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Sur les autres projets Wikimedia :

Vidéos de Stephanie E. Pierce, Jennifer A. Clack, & John R. Hutchinson sur Ichthyostega

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Notes et références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Ichthyostega » (voir la liste des auteurs).

Références

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  1. a b c et d Gunnar Säve-Söderbergh 1932, p. 1-105.
  2. (en) Mikko Haaramo, « Taxonomic history of the genus †Ichthyostega Säve-Söderbergh, 1932 », sur Mikko's Phylogeny Archive, Blom, 2005 (consulté le )
  3. a et b (en) H. BLOM, « Taxonomic revision of the Late Devonian tetrapod Ichthyostega from East Greenland », Palaeontology, vol. 48, no 1,‎ , p. 111–134 (DOI 10.1111/j.1475-4983.2004.00435.x  )
  4. a et b (en) « Ichthyostega », sur Paleofile (consulté le )
  5. a et b (en) Erik Jarvik, « The Devonian tetrapod Ichthyostega », Fossils and Strata, vol. 40,‎ , p. 1–206 (lire en ligne)
  6. Steyer 2009, p. 43.
  7. (en) Evolutionary developmental biology, by Brian Keith Hall, 1998, (ISBN 0-412-78580-3), p. 262
  8. Joël Ignasse, « Comment les premiers tétrapodes sont sortis de l'eau », sur Sciences et Avenir, (consulté le )
  9. (en) Stephanie E. Pierce, Per E. Ahlberg, John R. Hutchinson, Julia L. Molnar, Sophie Sanchez, Paul Tafforeau et Jennefir A. Clack, « Vertebral architecture in the earliest stem tetrapods », Nature, no 494,‎ , p. 226-229 (DOI 10.1038/nature11825, lire en ligne  )
  10. (en) Référence Paleobiology Database : Ichthyostega Säve-Söderbergh 1932 (lobe-finned fish) (consulté le ).
  11. (en) J.A. Clack, Ahlberg, P.E., Blom, H. et Finney, S.M., « A new genus of Devonian tetrapod from North-East Greenland, with new information on the lower jaw of Ichthyostega », Palaeontology, vol. 55, no 1,‎ , p. 73–86 (DOI 10.1111/j.1475-4983.2011.01117.x  )
  12. (en) M.I. Coates, Ruta, M. et Friedman, M., « Ever Since Owen: Changing Perspectives on the Early Evolution of Tetrapods », Annual Review of Ecology, Evolution, and Systematics, vol. 39,‎ , p. 571–92 (DOI 10.1146/annurev.ecolsys.38.091206.095546, lire en ligne [archive du ])
  13. (en) Alfred Sherwood Romer, Thomas S. Parsons, The vertebrate body, Philadelphie, Saunders College Pub., , 6th éd. (ISBN 978-0-03-910754-3)
  14. (en) Jennifer A. Clack, « The emergence of early tetrapods », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, vol. 232, no 2,‎ , p. 167–189 (ISSN 0031-0182, DOI 10.1016/j.palaeo.2005.07.019)
  15. (fr + en) Michel Laurin, « L'importance de la parcimonie globale et du biais historique pour la compréhension de l'évolution des tétrapodes. Partie I. Systématique, évolution de l'oreille moyenne et suspension mandibulaire », Annales des Sciences Naturelles - Zoologie et Biologie Animale, Paris, vol. 19, no 1,‎ , p. 1–42 (DOI 10.1016/S0003-4339(98)80132-9)
  16. (en) Marcello Ruta, Jonathan E. Jeffery et Michael I. Coates, « A supertree of early tetrapods », Proceedings of the Royal Society of London B: Biological Sciences, vol. 270, no 1532,‎ , p. 2507–2516 (ISSN 0962-8452, PMID 14667343, PMCID 1691537, DOI 10.1098/rspb.2003.2524)
  17. a et b (en) B. Swartz, « A marine stem-tetrapod from the Devonian of Western North America », PLOS ONE, vol. 7, no 3,‎ , e33683 (PMID 22448265, PMCID 3308997, DOI 10.1371/journal.pone.0033683  )
  18. (en) R. Cloutier, A. M. Clement, M. S. Y. Lee, R. Noël, I. Béchard, V. Roy et J. A. Long, « Elpistostege and the origin of the vertebrate hand », Nature, vol. 579, no 7800,‎ , p. 549–554 (PMID 32214248, DOI 10.1038/s41586-020-2100-8, Bibcode 2020Natur.579..549C, S2CID 213171029)
  19. (en) Jennifer A. Clack, Carys E. Bennett, David K. Carpenter, Sarah J. Davies, Nicholas C. Fraser, Timothy I. Kearsey, John E. A. Marshall, David Millward, Benjamin K. A. Otoo, Emma J. Reeves, Andrew J. Ross, Marcello Ruta, Keturah Z. Smithson, Timothy R. Smithson et Stig A. Walsh, « Phylogenetic and environmental context of a Tournaisian tetrapod fauna », Nature Ecology & Evolution, vol. 1, no 1,‎ , Article number 0002 (PMID 28812555, DOI 10.1038/s41559-016-0002, S2CID 22421017, lire en ligne)
  20. Steyer 2009, p. 54.
  21. (en) Devonian Times – Tetrapods Answer
  22. a et b (en) Stephanie E. Pierce, Jennifer A. Clack et John R. Hutchinson, « Three-dimensional limb joint mobility in the early tetrapod Ichthyostega », Nature, vol. 486, no 7404,‎ , p. 524–527 (PMID 22722854, DOI 10.1038/nature11124, Bibcode 2012Natur.486..523P, S2CID 3127857)
  23. (en) James J. Williams, « Ichthyostega, one of the first creatures to step on land, could not have walked on four legs, say scientists », BelleNews, (consulté le )
  24. (en) Dave Mosher, « Evolutionary Flop: Early 4-Footed Land Animal Was No Walker? », National Geographic News, (consulté le )
  25. (en) John A. Nyakatura, « Learning to move on land », Science, vol. 353, no 6295,‎ , p. 120-121 (DOI 10.1126/science.aag1092, lire en ligne  )
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