Jean-Marie Collot d'Herbois

homme politique français

Jean-Marie Collot, dit Collot d'Herbois ou simplement d'Herbois, né à Paris le et mort à Cayenne, en Guyane, le , est un comédien, auteur dramatique, directeur de théâtre, homme politique et révolutionnaire français, député montagnard de Paris à la Convention nationale et membre du Comité de salut public actif pendant la période de la Terreur.

Jean-Marie Collot d'Herbois
Jean-Marie Collot d'Herbois,
musée Carnavalet.
Fonctions
Président de la Convention nationale
-
Président de la Convention nationale
13 -
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 46 ans)
SinnamaryVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Jean-Marie Collot
Surnom
d'Herbois
Nationalité
Activités
Autres informations
Parti politique
signature de Jean-Marie Collot d'Herbois
Signature

Biographie

modifier

Le comédien et dramaturge

modifier
 
Collot d'Herbois, directeur du Théâtre de Genève. Gravure de Hillemacher, 1880.

Jean-Marie Collot est fils de Gabriel-Jacques Collot, un marchand-orfèvre parisien.

À l'âge de 18 ans, il commence une carrière d'acteur, adoptant d'Herbois comme nom de scène. Il joue alors à travers la France et même l'Europe, de 1767 à 1784. Il se produit notamment à Avignon, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Caen, Angers, Nancy, Marseille, Anvers, La Haye et enfin Lyon.

Collot arrive à Lyon en 1782 et y demeure deux ans. C'est à cette époque que s'insère l'épisode controversé des sifflets rapportés par les témoignages du général Beurnonville et de Mme Jenny Chevalier, née Poirot, ancienne artiste, avec son mari, du théâtre de Lyon. Déjà précédé dans cette ville d'une détestable réputation, Collot y aurait été victime de déboires et d'échecs qui auraient suscité chez lui une rancune tenace[1]. Plusieurs auteurs contemporains, parmi lesquels Louis Marie Prudhomme[2] et Antoine François Bertrand de Molleville[3], affirment également que Collot d'Herbois, en tant que comédien, a été régulièrement sifflé par le public lyonnais, ce qui, selon eux, aurait causé sa rancœur envers la population de la ville et inspiré la violence de ses actions à Lyon durant la Révolution. En revanche, d'après le témoignage de l'abbé Guillon de Montléon, écrivain royaliste par ailleurs très critique à l'égard de Collot, qui se trouvait à Lyon à l'époque, il ne reçut jamais « une pareille mortification », se comportait avec dignité, était reçu dans le monde et figura dans les fêtes organisées par l'intendant Flesselles[4],[5],[6]. Invalidant également cette "légende noire précoce", Michel Biard souligne que "les archives et autres sources disponibles sur ses cinq années lyonnaises attestent qu'il fut un acteur estimé, un auteur qui put y représenter quelques-unes de ses pièces, enfin un directeur consciencieux"[7].

Il est engagé comme auteur dramatique et directeur du Théâtre de Genève, où, acteur le mieux payé, il touche 6 000 livres[8]. De retour à Lyon en 1787, il y dirige le théâtre avant d'obtenir une place à Genève le [9].

En 1772, il écrit des pièces, qu'il signe de son patronyme accolé à son nom de scène : Collot d'Herbois. Certaines de ses pièces, comme Lucie ou les parents imprudents, drame en 5 actes et en prose créé le et imprimé par Chappuis, un libraire bordelais[10], ou le Paysan magistrat, comédie en 5 actes et en prose imitée de Calderón, jouée à Bordeaux en 1781 et à Paris, au Théâtre Français, à partir du [11], connurent un certain succès. Il cesse toutefois d'écrire lorsqu'il prend un emploi de direction, vraisemblablement assez lourd.

Avant avoir dirigé le théâtre de Genève, il rentre à Paris en 1789, s'installant au village de Chaillot.

Le révolutionnaire

modifier
 
Jean Marie Collot d'Herbois,
gravure de François Bonneville, fin du XVIIIe siècle.

La carrière politique de Collot d'Herbois commence avec sa participation au Club des Jacobins. Il s'illustre en participant au printemps 1791 à la défense des Suisses de Châteauvieux, accusés de mutinerie. Son renom s'accroît après son intervention en leur faveur et leur libération, obtenue grâce à ses efforts. Son déplacement jusqu'à Brest pour les y chercher et le banquet citoyen qui célèbre l'événement sont à l'origine de l'un des rares poèmes publiés de son vivant par André Chénier.

À l'automne 1791, il remporte un concours organisé par les Jacobins pour publier un almanach destiné à expliquer, en des termes aisément compréhensibles, les avantages de la monarchie constitutionnelle. C'est L'Almanach du père Gérard, qui remporte un succès de diffusion certain et lui confère une grande popularité au sein du peuple parisien. Il va même plus loin : il défend le suffrage universel et condamne l'esclavage des Noirs dans les colonies par les blancs qui « se sont furieusement noircis dans l'opinion publique en défendant leur supériorité sur "les bons nègres" »[12]. Il faut dire que cet almanach fut sélectionné par un jury jacobin composé de Clavière, Grégoire, Condorcet, Lanthenas, Polverel et Dussault : les quatre premiers étaient membres de la Société des Amis des Noirs. Le succès de l'opuscule fut tel que les contre-révolutionnaires écrivirent en réaction un contre-opuscule qu'ils intitulèrent l'Almanach du Père Maury.

Ses opinions deviennent alors de plus en plus radicales, le portant à l'« extrême gauche » de l'opinion publique parisienne. À ce titre, il fut le dénoncé par un journal girondin, La Chronique de Paris, comme un opposant à la guerre d'attaque aux côtés de Robespierre, Marat, Camille Desmoulins, Fréron, Robert[13]. Très populaire chez les Jacobins et chez les Cordeliers, il occupe peut-être un poste dans la Commune insurrectionnelle et dans la journée du 10 août 1792.Président de l'assemblée électorale parisienne, il est élu député de Paris à la Convention nationale, le 3e sur 14 avec 553 voix sur 573 votants, et siège sur les bancs de la Montagne.

L'un des tout premiers à exiger l'abolition de la monarchie, il est en mission à Nice pendant le procès de Louis XVI. De retour pour le jugement, il vote pour la mort sans sursis. Opposé à la Gironde, il remplit encore plusieurs missions dans le Loiret, dans l'Oise et dans l'Aisne et préside l'assemblée du 13 au .

Collot d'Herbois en mission

modifier

Le , Collot est envoyé avec Marc David Lasource et Goupilleau de Fontenay en tant que représentant du peuple en mission dans le pays de Nice, tout juste rattaché à la France, pour y enquêter sur les troubles qui avaient suivi l'arrivée des troupes françaises[14]. Il rentre en urgence à Paris pour voter la condamnation à mort du roi sans sursis en .

Il est ensuite envoyé dans la Nièvre et le Loiret avec Jacques Léonard Laplanche pour la levée des 300 000 hommes de mars à , puis dans l'Oise avec Jacques Isoré pour s'occuper du ravitaillement de Paris d'août à [15].

C'est cependant sa mission à Lyon, après la chute de l'insurrection fédéraliste, qui est la plus célèbre.

Son rôle durant la Terreur

modifier

Partisan de la Terreur, il entra au Comité de salut public le en même temps que Billaud-Varenne. Albert Mathiez estime que Collot et Billaud représentent alors « l'hébertisme (...) au gouvernement[16] » mais l'historien Michel Biard souligne que Collot d'Herbois peut difficilement être classé parmi le groupe de révolutionnaires associés au « Père Duchesne »[17].

 
Fusillades de Lyon, le 24 frimaire an II ()
(Paris, BnF, département des estampes, 1802).
 
Tentative d'assassinat de Jean-Marie Collot d'Herbois par Henri Admirat (Paris, BnF, département des estampes, 1794).

Envoyé en mission à l'automne 1793, il commanda avec Fouché, Albitte et Laporte les représailles contre la révolte fédéraliste à Lyon. Ils y établirent un comité de démolition, en même temps qu'une commission révolutionnaire et un comité de séquestre. Les remparts et plus de deux cents maisons de Lyon furent démolis[réf. nécessaire]. La Terreur régna dans la ville, où la commission de justice multiplia les condamnations à mort. Le canon et la fusillade furent même temporairement préférés à la guillotine, jugée trop lente. De récents travaux de Michel Biard ont montré qu'à cette époque au moins la répression avait l'aval à Paris de Robespierre et de ses collègues du Comité de Salut Public.

Collot d’Herbois, ainsi que Robespierre, a été au centre de l'affaire dite des « chemises rouges », à la suite d'un attentat perpétré par son voisin de palier (Henri Admirat) contre sa personne. Dans la nuit du 22 au , Admirat a tiré un ou deux coups de pistolet sur Collot à bout portant, sans pourtant avoir réussi à l’atteindre. Arrêté, Admirat a déclaré que son but initial avait été d’assassiner Robespierre et que n’ayant pas pu trouver ce dernier, il a porté son choix sur Collot. L’affaire a été présentée comme un complot de l'étranger contre la représentation nationale et Admirat fut exécuté, vêtu de la chemise rouge des assassins et empoisonneurs[18], avec Cécile Renault et cinquante trois prétendus complices, le 29 prairial an II ().

Cependant, dans les comités, la tension était de plus en plus vive : d'après Barras, Collot d'Herbois s'en prit violemment à Robespierre au cours d'une discussion très vive, conduisant ce dernier à s'éloigner dorénavant du Comité de salut public où il était en minorité depuis des mois : « Si la tyrannie méthodique, si la terreur organisée avaient un siège quelque part, écrivit Charles Nodier, c'était dans les comités de gouvernement depuis longtemps déjà désertés par Robespierre »[19]. Collot d'Herbois, comme Fouché, n'ignorait pas que Robespierre était parfaitement informé par Couthon, à qui ils avaient succédé à Lyon, des pillages et détournements dont la rumeur les accusait. Dubois-Crancé avait lui aussi témoigné en leur défaveur ; et à Collot et Fouché, inquiets, s'agrégèrent peu à peu un certain nombre de représentants à mauvaise conscience. Des listes de noms circulaient, et on disait que prochainement des accusations très graves seraient lancées par Robespierre et Saint-Just contre certains membres de la Convention.

 
Déportation de Collot, Billaud-Varenne et Barère au lendemain de la journée insurrectionnelle du 12 germinal an III ().
Gravure de Pierre-Gabriel Berthault d'après un dessin d'Abraham Girardet, Tableaux historiques de la Révolution française, Paris, BnF, département des estampes, 1802.

Le 9 Thermidor, Collot d'Herbois présidait la Convention nationale et, avec Billaud-Varenne, Tallien et Fréron, il fut un des artisans du décret d'arrestation contre Maximilien de Robespierre, son frère Augustin, Saint-Just, Le Bas et Couthon. C'est peut-être à lui que Robespierre lança cette célèbre apostrophe : « Me donneras-tu la parole, président d'assassins ? ».

Après Thermidor, Jean-Marie Collot-d'Herbois fut mis en accusation avec d'autres membres du Comité de salut public et du Comité de sûreté générale, sur dénonciation, notamment, de Lecointre. Il fut décrété d'arrestation puis condamné à être déporté au bagne de la Guyane française en vertu du décret du 12 germinal an III (), et il fut embarqué en même temps que Billaud-Varenne le 7 prairial an III () ; Barère et Vadier, également condamnés, ne furent pas déportés. Il mourut de la fièvre jaune à l'hôpital de Cayenne le 20 prairial an IV ().

Quelques-unes de ses œuvres

modifier
 
Collot d'Herbois, illustration d'Auguste Raffet publiée dans l’Histoire des Girondins de Lamartine, 1847.
  • Le Bénéfice [1]
  • Le Bon Angevin ou l'Hommage du cœur [2]
  • La Famille patriote [3]
  • Lucie ou les Parents imprudents [4]
  • Le Paysan magistrat [5]
  • Le procès de Socrate, ou Le régime des anciens temps [6]
  • Le Vrai généreux ou les Bons mariages [7]
  • L'almanach du Père Gérard (Paris, 1791). Nouvelle édition sous le titre Étrennes aux amis de la Constitution française, ou entretiens du Père Gérard avec ses concitoyens (Paris, 1792). Réédition bilingue (français et breton) sous la direction et avec des annotations de Gwennolé Le Menn (accompagnée d'une préface et de commentaires de Michel Biard), Éditions Skol, coll. « La Bibliothèque bretonne » no 14, Saint-Brieuc, 2003, 517 p., (ISBN 2-911647-24-6). [8]
  • Les français à la Grenade ou L'impromptu de la guerre et de l'amour [9]
  • Le nouveau Nostradamus, ou Les fêtes provençales [10]
  1. Bibl. Nat; manuscrits, Papiers du général Beurnonville qui recueillit à Berlin le témoignage de Mme Chevalier, première cantatrice du théâtre de Saint-Pétersbourg.
  2. Louis Marie Prudhomme, Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la révolution française, à dater du 24 août 1787, 1796, P. XLIII du préliminaire, note 1.
  3. Antoine François Bertrand de Molleville, Histoire de la Révolution de France pendant les dernières années du règne de Louis XVI, Guiguet, 1803
  4. Aimé Guillon de Montléon (né à Lyon le , mort à Paris le , premier conservateur à la Bibliothèque Mazarine), Mémoires de l'abbé Guillon de Montléon, tome II, chapitre XVI, pp. 332-333, cité par Louis Blanc, Histoire de la révolution française, tome X, 1858, p. 162.
  5. Selon Alphonse Balleydier, dans son Histoire politique et militaire du peuple de Lyon pendant la Révolution française, 1789-1795, Paris, L. Curmer, 1846, tome II, p. 227, « son talent de comédien était même exceptionnel et apprécié au point que de Flesselles, intendant du roi à Lyon, l'avait admis dans ses salons, séduit qu'il était par le mérite de l'artiste autant que par des vers élogieux qu'il lui avait adressés ».
  6. Dans Le théâtre à Lyon au XVIIIe siècle, 1879, 130 pages, Emmanuel Vingtrinier signale, p. 101, que « c'était l'acteur adulé des Lyonnais ».
  7. Michel Biard, 1793, le siège de Lyon : entre mythes et réalités, Clermont-Ferrand, LEMME edit, coll. « Illustoria », (ISBN 978-2-917575-36-9), p. 76
  8. Genève-Lyon art et architecture au fil du Rhône, Georg, Revue Geneva, 1997, p.  27 (ISBN 2825705934).
  9. Annales révolutionnaires, Société des études robespierristes, E. Leroux, 1908, tome 1, p. 665.
  10. Henri Lagrave, « La Saison 1772-1773 au Théâtre de Bordeaux: étude du répertoire » dans Yves Giraud (dir.), La Vie théâtrale dans les provinces du Midi: actes du IIe colloque de Grasse, 1976, Gunter Narr Verlag, 1980, 259 pages, p.  218 (ISBN 387808885X), cite un extrait de la préface de Collot :« Le public a paru goûter cette pièce, et l'a vue plusieurs fois avec plaisir ».
  11. Georges Duval, Henri Marchal, Histoire de la littérature révolutionnaire, E. Dentu, 1879, 422 pages, p.  220; Jean-Chrétien Ferdinand Hoefer (dir.), Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Paris, Firmin Didot frères, 1854, tome 8, p. 171.
  12. Jean-Daniel Piquet, L'émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795), Paris, Éditions Karthala, coll. « Hommes et sociétés », , 509 p. (ISBN 2-84586-161-3), p. 165.
  13. Biard 1991, p. 20.
  14. Michel Biard, Missionnaires de la République, p. 40.
  15. op. cit. p. 483.
  16. Albert Mathiez, La Révolution française, Paris, Denoël, coll. « Bibliothèque Médiations » (no 250), , 248 p. (ISBN 2-282-30250-8, lire en ligne), p. 58.
  17. Biard 1995, p. 169-179.
  18. article 4, titre Ier, 1re partie, Code pénal de 1791
  19. Voir Charles Nodier, Souvenirs, 1831, p.189; Albert Mathiez, « la division dans les comités à la veille de Thermidor », Annales révolutionnaires, 1915, p. 70 ; Georges Lefebvre, « La rivalité des comités de salut public et de sûreté générale », Revue historique, 1935

Sources primaires

modifier
  • Alphonse Aulard, Recueil des actes du comité de salut public. Mention des principaux documents relatifs au procès de Collot d'Herbois, Barère et Billaud-Varenne.
  • Henry Lyonnet, « Collot d'Herbois, critique dramatique », Annales révolutionnaires, t. 1, no 4,‎ , p. 665-669 (lire en ligne).

Bibliographie

modifier

Liens externes

modifier

  NODES
mac 1
Note 3
os 13