Rainer Werner Fassbinder

réalisateur, acteur, dramaturge et metteur en scène allemand

Rainer Werner Fassbinder (/ˈʁaɪ̯nɐ ˈvɛɐ̯nɐ ˈfasˌbɪndɐ/[1]) est un réalisateur, acteur, producteur, scénariste allemand de cinéma, de télévision et de théâtre né le à Bad Wörishofen (Bavière) et mort le à Munich, en Bavière.

Rainer Werner Fassbinder
Description de cette image, également commentée ci-après
Rainer Werner Fassbinder en 1980.
Naissance
Bad Wörishofen (Allemagne)
Nationalité Allemande
Décès (à 37 ans)
Munich (Allemagne de l'Ouest)
Profession Réalisateur, acteur, écrivain, metteur en scène
Films notables Prenez garde à la sainte putain
Les Larmes amères de Petra von Kant
Tous les autres s’appellent Ali
Le Droit du plus fort
Le Mariage de Maria Braun
Lili Marleen
Le Secret de Veronika Voss
Séries notables Berlin Alexanderplatz

Il est l’un des représentants du nouveau cinéma allemand des années 1960-1970. Il est également acteur, auteur et metteur en scène de théâtre.

Le sujet principal de Fassbinder est « l'évaluabilité des sentiments ». Ses films traitent du passé nazi, du miracle économique allemand ou de la terreur générée par la Fraction armée rouge.

Biographie

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Il nait le à Bad Wörishofen (Bavière)[2]. Fils d’un médecin, Hellmuth Fassbinder (1918-2010) et d’une traductrice, Liselotte (« Lilo ») Pempeit (1922–1993), il est enfant unique, au grand dam de ses parents, qui divorcent en 1951 : le jeune Rainer a alors six ans. Sa mère se remarie en 1959 avec le journaliste Wolff Eder.

Bénéficiant d'une éducation libérale, voire libertaire[3], il s'intéresse très jeune et de manière autonome au cinéma, dévorant film sur film. Pourtant, il n’accomplit pas son vœu de faire une école de cinéma (il n'est pas admis à l'école de cinéma de Berlin), et sort d’une école Steiner sans obtenir son Abitur. Il vit de divers métiers. Il est, par exemple, journaliste au Süddeutsche Zeitung.

 
Portrait de Fassbinder.

Il réalise en 1965 un premier court métrage (This Night) qui semble avoir été perdu. En 1966, il réalise Le Clochard, un hommage au film d’Éric Rohmer, Le Signe du lion[4] ; puis il finit par collaborer avec des troupes de théâtre expérimental. Après s'être essayé à l'écriture de pièces radiophoniques dans la grande tradition allemande (Hörspiel), il se fait connaître, lors de la saison théâtrale 1967-1968, à Munich pour ses mises en scène qui relisent de manière anticonformiste des textes classiques ou valorisent des œuvres contestataires[5]. Il connaît cependant une première expérience infructueuse. Sur l'exemple du Berliner Ensemble de Bertolt Brecht dont les théories l'influencent toute sa carrière (distanciation, écriture épique, éducation des masses), il fonde sa propre troupe, l’Antiteater, pour laquelle il écrit la majorité de ses pièces de théâtre de 1968 à 1971. Hanna Schygulla, travaille déjà avec lui. Il joue dans Le Fiancé, la Comédienne et le Maquereau de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet en 1968, auxquels il rend hommage dans son premier long-métrage en 1969[5].

Fassbinder puise son inspiration dans la littérature réaliste : Gustave Flaubert, Guy de Maupassant ou encore Theodor Fontane dont il adapte plus tard le chef-d'œuvre Effi Briest[3].

Influencé par les mélodrames de Douglas Sirk — auteur qu’il rencontre en 1971 et auquel il emprunte la rhétorique de l'excès, la flamboyance et l'éclat des couleurs —, il revendique également une filiation avec la Nouvelle Vague française : Jean-Pierre Melville pour la maîtrise plastique de sa réalisation et l'archétype du film de gangsters, Éric Rohmer pour sa dimension littéraire et sa peinture des sentiments dans les sociétés modernes ou encore Claude Chabrol pour son art de l'ambiance, son ironie et sa représentation à l'eau-forte de la vie provinciale[6]. Dans une moindre mesure, l'œuvre de Fassbinder porte l'empreinte de Jean-Luc Godard pour sa relecture critique des genres classiques, son art de la citation, son contenu sociologique, politique ou militant et son goût de l'expérimentation (faux raccord, dialogues en décalage, mouvements de caméra ou plans identiques répétés d'un personnage à l'autre, etc.)[3],[6]. Le cinéaste est également proche du film noir ou des films policiers des grands réalisateurs hollywoodiens tels que John Huston, Raoul Walsh et Howard Hawks[6],[3].

En incluant ces diverses influences dans une démarche artistique singulière, Fassbinder entreprend son premier projet cinématographique avec sa troupe. Ainsi naissent, en 1969, L'amour est plus froid que la mort (Liebe ist kälter als der Tod) et Le Bouc (Katzelmacher). Il ne distingue pas les techniques théâtrales de celles du Septième Art ; de fait, entre 1969 et 1971, il accouche de nombreuses pièces de théâtre tout en produisant en un temps record des films alternatifs. La vie et le travail de la troupe ne font qu’un, ce qui explique pour partie la fécondité de Fassbinder qui, en l’espace de treize ans, a réalisé quarante films. Désirant ne pas connaître le même sort qu'Orson Welles dont la carrière fut compromise par Hollywood, Fassbinder se veut un auteur complet et maître de son œuvre, sur le plan commercial, financier et artistique[5]. Producteur et scénariste de ses films, il en réduit le budget et le mode de production (jusqu'au Mariage de Maria Braun) puis écrit et tourne vite[5]. Il passe sans distinction du théâtre au cinéma, en passant par la télévision, qui lui apporte les revenus nécessaires pour financer et réaliser ses films[7].

Bien que marié de 1970 à 1972 à Ingrid Caven, pour qui il a écrit plusieurs chansons (Alles aus Leder, Freitag im Hotel, Nietzsche, Die Straßen stinken), il est bisexuel[8],[9]. Il fait tourner ses amants successifs, Günther Kauffmann (Nono, le tenancier du bar La Feria, dans Querelle), El Hedi ben Salem (le Ali de Tous les autres s'appellent Ali) et Armin Meier, dans nombre de ses films. Il rend hommage à Meier — qui s'est suicidé en 1978 — dans L'Année des treize lunes et à El Hedi ben Salem — mort en prison en 1976 d'un infarctus du myocarde — dans Querelle, qui met en image les délires érotiques de Jean Genet, exposés dans son roman Querelle de Brest. De 1978 à 1982, il vit avec Juliane Lorenz, devenue depuis présidente de la fondation Rainer Werner Fassbinder. Fassbinder fait aussi participer sa mère, Lilo Pempeit, à dix-sept de ses films, en lui confiant de petits rôles.

À partir de 1972, ses films évoluent : ils deviennent plus professionnels, personnels et étoffés. Il est désormais acclamé par la critique à chaque festival de Berlin, mais reste ignoré par les jurys successifs jusqu'à son avant-dernier film, Le Secret de Veronika Voss (Die Sehnsucht der Veronika Voss), qui reçoit l’Ours d’or en 1982.

Dans les années 1970, il crée des personnages féminins mythiques qui comptent parmi les plus fascinants du cinéma d’après-guerre et dont les films éponymes sont passés à la postérité : Maria Braun, Effi Briest et Lale Andersen, toutes trois incarnées par Hanna Schygulla, mais aussi Lola, jouée par Barbara Sukowa, ou encore Petra von Kant, incarnée par Margit Carstensen. À travers ces portraits de femmes, Fassbinder brosse un tableau vaste et sans concession de la société allemande, des heures sombres du nazisme au « miracle économique »[3]. Il évoque en effet, l'intolérance, le racisme affiché ou refoulé, les illusions perdues, les bassesses, la vilenie et les compromissions d'un pays pressé d'enterrer un passé tragique pour s'adonner aux joies du libéralisme économique[3].

Il écrit et met en scène des pièces de théâtre (Preparadise Sorry Now, etc.) jusqu’en 1976, année où il provoque le scandale avec sa pièce Les Ordures, la ville et la mort, dans laquelle l'un des personnages est dénommé le « juif riche » : on l'accuse alors d'antisémitisme et l'éditeur Suhrkamp décide de retirer l'ouvrage de la vente et de le mettre au pilon (Daniel Schmid a adapté la pièce au cinéma sous le titre L'Ombre des anges, mais le film a, lui aussi, été déprogrammé[10]).

 
Tombe de Fassbinder au cimetière de Bogenhausen.

En 1977, Fassbinder lance Despair, une adaptation du roman de Vladimir Nabokov dont Dirk Bogarde est la vedette. Despair est le premier film de Fassbinder tourné en anglais et est aussi le premier dont il n'est pas le scénariste. En effet, c'est le dramaturge Tom Stoppard qui signe l'adaptation du roman. Fassbinder enchaine avec L’Année des treize lunes, film qui porte sur le mal de vivre d'une femme transgenre.

C'est l'année suivante que Fassbinder présente ce qui deviendra son film le plus célèbre, Le Mariage de Maria Braun dans lequel Hanna Schygulla incarne une arriviste qui fera fortune dans l'Allemagne de l'après-guerre.

En 1979, la télévision ouest-allemande commande à Fassbinder une adaptation du grand roman d'Alfred Döblin Berlin Alexanderplatz. Fassbinder tourne une série composée d'une introduction de 81 minutes et de 12 épisodes d'une heure et d'un épilogue[11].

Fassbinder travaille sans relâche, à un rythme effréné. Lui et Hanna Schygulla collaborent une dernière fois en 1980 avec Lili Marleen, un film se déroulant durant la montée du nazisme et dans lequel Schygulla joue une jeune chanteuse. Fassbinder tourne ensuite Lola, une femme allemande, une relecture du film L'Ange bleu de Joseph von Sternberg transposé dans le contexte des années 1950 et dont les vedettes sont Barbara Sukowa et Armin Mueller-Stahl, puis Le Secret de Veronika Voss, film tourné en noir et blanc et dont le thème principal, celui d'une actrice sur le déclin, renvoie à celui de Boulevard du Crépuscule. C'est grâce à ce film, dont le rôle principal est tenu par Rosel Zech, que Fassbinder obtient finalement l'Ours d'or du Festival du film de Berlin.

Fassbinder meurt à Munich le d’une rupture d'anévrisme à seulement trente-sept ans, alors qu’il travaille au montage de son dernier film, Querelle, adapté d’un roman de Jean Genet (1946), et qu’il prépare deux films : Cocaïne, prévu pour 1983 et adapté du roman de Pitigrilli, avec Romy Schneider en tête d'affiche (la mort de l'actrice le 29 mai 1982 puis celle de Fassbinder douze jours plus tard empêcheront le projet d'arriver à terme) et un autre sur Rosa Luxemburg, finalement réalisé en 1987 par Margarethe von Trotta. Certains affirment que son décès est consécutif à un mélange de cocaïne et de benzodiazépine et qu’il s’est peut-être suicidé[12].

Il est enterré au cimetière de Bogenhausen, à Munich.

Filmographie

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Comme réalisateur

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Cinéma

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Télévision

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Comme acteur

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En dehors de ses propres films :

Il apparaît aussi dans ses films et autres réalisations, par exemple :

Le théâtre de Fassbinder

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Publications

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  • Gouttes dans l’océan et Anarchie en Bavière, L’Arche, 1997
  • La peur dévore l’âme, L’Arche, 1990
  • Preparadise sorry now, suivi de Du sang sur le cou du chat, L’Arche, 1997
  • Qu’une tranche de pain, L’Arche, 1997
  • avec Michael Töteberg, L'Anarchie de l’imagination, L’Arche, 2005
  • Les films libèrent la tête, L’Arche, 2006.

Distinctions

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Notes et références

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  1. Prononciation en allemand standard retranscrite phonétiquement selon la norme API.
  2. « Where to begin with Rainer Werner Fassbinder »
  3. a b c d e et f Rainer Werner Fassbinder sur le site de l'Encyclopædia Universalis, consulté le 7 juin 2014.
  4. « Le Clochard », sur arte.tv, (consulté le ).
  5. a b c et d « Rainer Werner Fassbinder : la nécessité d'une autonomie créatrice » par Daniel Sauvaget sur le site de l'Encyclopædia Universalis, consulté le 7 juin 2014.
  6. a b et c « Rainer Werner Fassbinder : le mélodrame comme révélateur » par Daniel Sauvaget sur le site de l'Encyclopædia Universalis, consulté le 7 juin 2014.
  7. « Rainer Werner Fassbinder » sur le site de l'encyclopédie Larousse, consulté le 7 juin 2014.
  8. (en) Rachel Pronger, « Beware Of Rainer Werner: The Bitter Tears Of Fassbinder's Fans », The Quietus, 26 mars 2021.
  9. (de) deutschlandfunkkultur.de, « 70 Jahre Fassbinder - Ein arbeitswütiger Autodidakt », sur Deutschlandfunk Kultur, (consulté le )
  10. Maïa Bouteillet, « Fassbinder n'était pas antisémite : Entretien avec Rudolf Rach », Libération,‎ (lire en ligne).
  11. Olivier Séguret, « Fassbinder est dans la « Platz » », Libération,‎ (lire en ligne).
  12. « « Peter von Kant » : le serment d’allégeance de François Ozon à Fassbinder », sur L'Obs, (consulté le )
  13. « Ouverture du Festival de Venise », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Fassbinder par lui-même, édition établie et présentée par Robert Fischer, G3J éditeur, 2010, (ISBN 978-2-9527983-3-4)
  • Collectif, Fassbinder, Paris, Rivages cinéma, 1986, 2006
  • Robert Katz, L’amour est plus froid que la mort. Une vie de Rainer Werner Fassbinder, Paris, Presses de la Renaissance, 1988
  • Yann Lardeau, Rainer Werner Fassbinder, Paris, éd. de l’Étoile/Cahiers du cinéma, 1990
  • Thomas Elsaesser, Rainer Werner Fassbinder. Un cinéaste d’Allemagne, Centre Pompidou, 2005
  • Terrorisme, mythes et représentations. La RAF de Fassbinder aux T-shirts Prada-Meinhof, essai de Thomas Elsaesser avec le DVD du film L’Allemagne en automne (1977-1978), film collectif d’Alexander Kluge, Rainer Werner Fassbinder, Volker Schlöndorff, etc., éd. Tausend Augen, 2005
  • Alban Lefranc, Attaques sur le chemin, le soir, dans la neige, Marseille / Montréal, Le Quartanier, 2005 (biographie fictive de Fassbinder)
  • Fassbinder l'explosif, dirigé par Denitza Bantcheva, CinémAction, Corlet éd. Diffusion, Arte éditions, 2005
  • Axelle Ropert, « Fassbinder : retour sur le cinéaste allemand », La bibliothèque du film,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • Fassbinder : L'Homme qui voulait qu'on l'aime, BD par Noël Simsolo et Stefano D'Oriano, Editions Glénat, Paris 2024
  • Variations fassbinder, par Armelle Talbot et Guillaume Sibertin-Blanc, Editions Les Presses du réel, Paris, 2024

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