Satori
Satori (japonais 悟り satori ; chinois, issu du chinois : 悟 ; pinyin : ; litt. « comprendre, réaliser ») est un terme des bouddhismes chan, son, zen et thiền qui désigne l'éveil spirituel. La signification littérale du mot japonais est « compréhension »[1]. Il est parfois utilisé à la place de kenshō (chinois : 見性 ; pinyin : ; litt. « voir la nature/caractère ou propriété »), toutefois kenshō désigne la première perception de la nature de bouddha ou « vraie nature » — une expérience qui ne dure pas. Le satori par contre désigne une expérience qui se prolonge, à l'instar d'un bébé qui apprend à marcher — après beaucoup d'efforts il se tient debout, trouve son équilibre et fait quelques pas puis tombe (kenshō). Après un effort prolongé l'enfant se rendra compte un jour qu'il peut marcher tout le temps (satori).
Ce n'est pas une compréhension intellectuelle, mais une « compréhension directe[2] », qui ne se fait pas par la parole ni des concepts[3]. Il y a différents degrés dans l'expérience de satori qui peut être « plus ou moins profonde, plus ou moins définitive[2] ». Le satori le plus profond est appelé Daigo-tettei (en)[4].
Il est de coutume de parler de satori quand on évoque la réalisation soudaine de l'éveil de maîtres zen[5], mais aussi de Bouddha (le terme pouvant être une traduction du sanskrit bodhi[6]).
Définition
modifierSelon D.T. Suzuki : « Le satori peut être défini comme une saisie intuitive de la nature des choses par opposition à la compréhension analytique qu'on peut en avoir. Concrètement parlant, cela signifie qu'il y a déploiement d'un monde nouveau jusqu'alors non perçu dans la confusion d'un esprit formé de façon dualiste[3]... »
Aspect transitoire
modifierLe bouddhisme zen reconnaît dans l'éveil une expérience transitoire dans la vie, presque traduisible mot à mot par épiphanie, et le satori est la réalisation d'un état d'éveil épiphanique[7]. Comme d'après la philosophie zen toute chose est transitoire, la nature transitoire du satori n'est pas vue dans l'aspect limitant qu'il aurait dans l'acception occidentale du mot « éveil ».
La nature transitoire du satori[8], par opposition au permanent nirvāna qu'on retrouve dans les traditions bouddhiques de l'Inde, doit énormément aux influences taoïstes sur le bouddhisme chan de Chine, à partir duquel le bouddhisme zen du Japon s'est développé. Le taoïsme est une philosophie mystique qui met l'accent sur la pureté du moment, alors que les racines hindoues du bouddhisme indien visent une vue dans une plus grande durée — vers la sortie du cycle karmique des réincarnations perpétuelles dans le monde matériel. De l'attention du taoïsme à l'importance du moment, et de la négation de l'existence individuelle ou d'un moi individuel du bouddhisme mahāyāna, est né le bouddhisme chan avec son concept d'état transitoire du satori.
Cinq degrés de l’illumination
modifierDans l’école sōtō, la réalisation complète de l’éveil passe par cinq degrés de profondeurs pour lesquels les deux aspects opposés de la réalités sho et hen sont à réaliser comme relation réciproque[9] :
- Monde des phénomènes, véritable nature de chaque être.
- Diversité des phénomènes, où la multiplicité est secondaire.
- Vacuité : il n’y a plus conscience ni du corps ni de l’esprit.
- Prise de conscience de la spécificité de chaque chose, la vacuité disparait.
- La forme et le vide s’interpénètrent totalement.
Bibliographie
modifierGeorges Hélal, « Le satori dans le bouddhisme Zen et la rationalité », Laval théologique et philosophique, vol. 47, no 2, , p. 203–213 (ISSN 0023-9054 et 1703-8804, DOI 10.7202/400608ar, lire en ligne)
Références
modifier- « Japanese dictionary search for "satori" », sur jisho.org (consulté le ).
- Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme [détail des éditions]
- Hélal 1991
- Stephan Schuhmacher, Sarah Bartlett et Zéno Bianu, Le Zen autrement, Albin Michel, (ISBN 978-2-226-30892-4, lire en ligne), p. 65
- Pierre Crepon, Le petit Retz de la spiritualité orientale: 300 notions de Advaita à Zen, Retz, (ISBN 978-2-7256-6004-2, lire en ligne), p. 98
- Jean-Noël Robert, « Bouddhisme japonais », sur Encyclopædia Universalis (consulté le ) : « Les doctrines et pratiques du zen (abréviation de zenna, du sanscrit dhyana, « méditation »), on l’a vu, furent à plusieurs reprises introduites partiellement auparavant (par Saicho entre autres) ; elles constituaient aussi, quoique d’une façon différente de la Terre pure, une réaction à la complexité parfois contradictoire des enseignements scolastiques ; elles « court-circuitaient » ceux-ci en donnant la priorité à l’obtention de l’Éveil (en japonais satori, traduction du sanscrit bodhi) non plus par des pratiques s’accumulant au long des existences et fondées sur des écritures sacrées et des commentaires, mais par une relation intime avec un maître qui, en dirigeant le disciple conformément à ses facultés, l’amènera à la réalisation subite et totale de la délivrance. »
- Claude Mauriac, Qui peut le dire ?, Éditions L'Âge d'Homme, pp. 193-194
- Eugène Ionesco, Journal en miettes, Mercure de France, 1967, pp. 112-114.
- Rossella Marangoni (trad. de l'italien par Todaro Tradito), Le Zen : Fondements, courants, pratiques, Paris, Hazan, coll. « Guide des arts », , 334 p. (ISBN 978-2-7541-0343-5, BNF 41406495), p. 136–139