Le silicène est une forme allotropique du silicium. C'est un matériau bidimensionnel analogue au graphène et possédant beaucoup de ses propriétés. Il a été observé pour la première fois en 2010[2].

Images par STM de la première (4×4) et seconde (√3×√3-β) couche de silicène sur une surface d'argent. Taille de l'image 16×16 nm[1].

Historique

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Bien que dès 1994, des théoriciens aient envisagé l'existence du silicène et prédit certaines de ses propriétés[3],[4],[5],[6], des structures de silicium pouvant correspondre à ces prédictions n'ont été observées qu'à partir de 2009, grâce à la microscopie à effet tunnel[7],[2],[N 1]. Des feuilles et des rubans de silicène auto-assemblés et déposés sur des monocristaux d'argent[N 2], examinés en résolution atomique, ont alors montré des hexagones en nids d'abeilles, dans une formation semblable à celle du graphène. Des calculs de DFT montrent que les atomes de silicium tendent en effet à former une telle structure sur un substrat d'argent, à condition de subir un léger gauchissement[N 3].

Similitudes et différences avec le graphène

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De même que le silicium et le carbone, situés l'un en dessous de l'autre dans le tableau périodique des éléments, partagent de nombreuses propriétés chimiques, mais présentent tout de même d'importantes différences, le silicène et le graphène diffèrent en particulier par leur organisation spatiale[8] : le graphène est rigoureusement planaire, alors que les hexagones du silicène sont gauchis[8]. Cette structure donne au silicène la propriété exceptionnelle d'avoir une bande interdite qu'on peut faire varier sans modification chimique du matériau, par exemple en lui appliquant un champ électrique extérieur[8]. La réaction d'hydrogénation du silicène est également beaucoup plus exothermique que celle du graphène. Enfin, les liaisons covalentes entre atomes de silicium ne présentant pas de pi-empilement, les plans de silicène ne forment pas d'agrégats semblables au graphite[8].

Cependant, le silicène et le graphène ont des structures électroniques semblables. Ils présentent tous deux un cône de Dirac[N 4] et une dispersion électronique linéaire autour du point K. Ils présentent également tous deux un effet Hall quantique de spin[8].

Modifications de la bande interdite

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Contrairement au cas du graphène, les premières études du silicène ont montré que divers dopants permettaient d'ajuster la bande interdite du système[9]. Cela permet d'envisager la fabrication de composants électroniques demandant des bandes interdites spécifiques ; Il a été montré que la largeur de cette bande peut être amenée à un minimum de 0,1 eV, considérablement inférieur à la valeur (0,4 eV) des transistors traditionnels à effet de champ (FET)[9].

Induire un dopage de type N dans la structure du silicène demande l'utilisation d'un métal alcalin. En variant les quantités de ce métal, il est possible de modifier la largeur de bande, et d'obtenir au maximum une largeur de 0,5 eV (mais alors, le voltage d'entrée doit être porté à 30 V)[9]. Ce dopage ne peut produire que des semi-conducteurs de type N, mais il a été constaté qu'un dopage avec des atomes d'iridium permet de créer des jonctions de type P[9]. Enfin, le platine (Pt) permet de créer des structures de type I[9], ce qui permettrait au silicène de jouer un rôle de remplacement de tous les composants électroniques.

La dissipation d'énergie au sein des transistors à effet de champ à grille métal-oxyde (MOSFET) traditionnels est un goulot d'étranglement pour la nano-électronique. Les transistors à effet tunnel (TFET) sont actuellement étudiés comme alternative aux MOSFET parce qu'ils peuvent avoir un plus petit voltage d'entrée, ce qui diminue les pertes. Des simulations montrent que ce voltage pourrait être réduit à 1,7 V, amenant à des pertes bien inférieures à celles des MOSFET et des TFET traditionnels[9].

 
Vue d'un anneau hexagonal de silicène, montrant le gauchissement.

Propriétés physiques et chimiques

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Le silicène (contrairement au graphène) n'est pas exactement planaire, les anneaux présentant un gauchissement, ce qui crée des ondulations périodiques de la surface. Il en résulte également une forte interaction entre des plans de silicène adjacents, contrairement à ce qui se passe pour le graphite.

Le gauchissement des hexagones de silicène est une pseudo-distorsion de Jahn-Teller[8], causée par un couplage vibronique entre les orbitales moléculaires libres et occupées. Ces orbitales ont des énergies assez proches pour causer la distorsion des configurations du silicène présentant un haut degré de symétrie[8]. La structure peut être aplatie en augmentant l'écart entre ces énergies, ce qui supprime la distorsion : on y parvient en adjoignant un ion lithium au silicène [8].

L'hydrogénation du silicène pour former des silanes est exothermique. Cela amène à la prédiction d'une utilisation possible du silicène pour le stockage de l'hydrogène[réf. souhaitée].

Outre sa compatibilité potentielle avec les techniques actuelles d'utilisation des semi-conducteurs, le silicène présente l'avantage d'avoir des bords ne réagissant pas avec l'oxygène [10].

En 2012, plusieurs groupes annoncèrent indépendamment l'observation de structures périodiques de silicium à la surface de Ag(111)[11],[12],[13]. Des résultats provenant de la spectroscopie par photoémission (ARPES) semblaient montrer que le silicène a des propriétés électroniques semblables à celles du graphène, dont une dispersion électronique ressemblant à celle de fermions de Dirac relativistes aux points K de la zone de Brillouin[11], mais cette interprétation fut par la suite contestée[14]. Cependant, l'existence de fermions de Dirac dans ce cas a été confirmée par des mesures utilisant la spectroscopie à effet tunnel (en)[15].

Des formations de silicène obtenues par épitaxie ont également été observées sur d'autres substrats : le diborure de zirconium ZrB2[16], et l'iridium[17]. Des études théoriques prédisent par ailleurs que le silicène serait stable sur la surface de cristaux d'aluminium[18].

Modifications chimiques du silicène

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Des techniques de fonctionnalisation permettent la croissance de silicène organomodifié par l'adjonction de groupes phényle[19]. Cela permet une dispersion uniforme de la structure dans des solvants organiques.

Des simulations de ces nouvelles structures indiquent qu'elles restent stables par hybridation sp3 avec une bande interdite de 1,92 eV (beaucoup plus large que celle du silicium)[20]. Il a été également suggéré que la fonctionnalisation avec des groupes phénol serait possible, pour des propriétés analogues[21].

Articles connexes

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  1. En 2012, Patrick Vogt et al. ont publié une analyse de ces travaux (Vogt 2012), d'où il ressort que beaucoup des observations faites jusqu'en 2010 n'étaient pas reproductibles, mais que le silicène a été observé de façon certaine à partir de 2011.
  2. Plus précisément, sur des facettes correspondant aux plans de clivage (110) et (111)
  3. Cependant, ce modèle a été mis en doute dans le cas de l'interface Si/Ag(110) (DOI 10.1103/PhysRevB.88.121411) ; les nids d'abeilles observés dans ce cas pourraient n'être que des artefacts (DOI 10.1088/0953-8984/25/31/315301)
  4. Voir par exemple la thèse de Pierre Delplace

Références

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  1. DOI 10.1088/1367-2630/16/9/095004
  2. a et b (en) Boubekeur Lalmi, Hamid Oughaddou, Hanna Enriquez, Abdelkader Kara, Sébastien Vizzini, Bénidicte Ealet et Bernard Aufray, « Graphene-like silicon nanoribbons on Ag(111): Epitaxial growth of a silicene sheet », Applied Physics Letters,‎ (DOI 10.1063/1.3524215)
  3. (en) Kyozaburo Takeda et Kenji Shiraishi, « Theoretical possibility of stage corrugation in Si and Ge analogs of graphite », Physical Review B,‎ (DOI 10.1103/PhysRevB.50.14916)
  4. (en) Gian G. Guzmán-Verri et L. C. Lew Yan Voon, « Electronic structure of silicon-based nanostructures », Physical Review B,‎ (DOI 10.1103/PhysRevB.76.075131)
  5. (en) S. Cahangirov, M. Topsakal, E. Aktürk, H. Şahin, et S. Ciraci, « Two- and One-Dimensional Honeycomb Structures of Silicon and Germanium », Physical Review Letters,‎ (DOI 10.1103/PhysRevLett.102.236804)
  6. (en) J. C. Garcia, D. B. de Lima, L. V. C. Assali et J. F. Justo, « Group IV Graphene- and Graphane-Like Nanosheets », J. Phys. Chem. C, vol. 115,‎ , p. 13242-13246 (DOI 10.1021/jp203657w)
  7. (en) Bernard Aufray, Abdelkader Kara, Sébastien Vizzini, Hamid Oughaddou, Christel Léandri, Benedicte Ealet et Guy Le Lay, « Graphene-like silicon nanoribbons on Ag(110): A possible formation of silicene », Applied Physics Letters,‎ (DOI 10.1063/1.3419932)
  8. a b c d e f g et h (en) Jose, Deepthi et Ayan Datta, Structures and Chemical Properties of Silicene: Unlike Graphene, Accounts of Chemical Research 47.2 (2013): 59312095509002-602. Print.
  9. a b c d e et f (en) Ni, Zeyuan, HongXia Zhong, Xinhe Jiang, Ruge Quhe, Yangyang Wang, Jinbo Yang, Junjie Shi, et Jing Lu, Tunable Band Gap and Doping Type in Silicene by Surface Adsorption: Towards Tunneling Transistors, Academy for interdisciplinary Studies, Peking University, Beijing 100871 P.R. China 1 (2013), p. 1-30.
  10. (en) De Padova P, Leandri C, Vizzini S, Quaresima C, Perfetti P, Olivieri B, Oughaddou H, Aufray B et Le Lay G., « Burning match oxidation process of silicon nanowires screened at the atomic scale », PubMed,‎ (PMID 18624391)
  11. a et b Vogt 2012
  12. (en) Chun-Liang Lin et al., « Structure of Silicene Grown on Ag(111) », Applied Physics Express,‎ (DOI 10.1143/APEX.5.045802)
  13. (en) Baojie Feng et al., « Evidence of Silicene in Honeycomb Structures of Silicon on Ag(111) », Nano Letters,‎ (DOI 10.1021/nl301047g)
  14. (en) Absence of Dirac Electrons in Silicene on Ag(111) Surfaces, Evidence for Dirac Fermions in a Honeycomb Lattice Based on Silicon, etc.
  15. (en) Lan Chen et al., « Evidence for Dirac Fermions in a Honeycomb Lattice Based on Silicon », Physical Review Letters,‎ (DOI 10.1103/PhysRevLett.109.056804)
  16. (en) Antoine Fleurence et al., « Experimental Evidence for Epitaxial Silicene on Diboride Thin Films », Physical Review Letters,‎ (DOI 10.1103/PhysRevLett.108.245501)
  17. (en) Lei Meng et al., « Buckled Silicene Formation on Ir(111) », Nano Letters,‎ (DOI 10.1021/nl304347w)
  18. (en) Tetsuya Morishita et al., « A New Surface and Structure for Silicene: Polygonal Silicene Formation on the Al(111) Surface », Journal of Physical Chemistry C,‎ (DOI 10.1021/jp4080898)
  19. (en) Yusuke Sugiyama et al., « Synthesis and Optical Properties of Monolayer Organosilicon Nanosheets », Journal of the American Chemical Society,‎ (DOI 10.1021/ja100919d)
  20. (en) Michelle J. S. Spencer et al., « The electronic and structural properties of novel organomodified Si nanosheets », Physical Chemistry Chemical Physics,‎ (DOI 10.1039/c1cp21544b)
  21. (en) Michelle J. S. Spencer et al., « Density functional theory calculations of phenol-modified monolayer silicon nanosheets », SPIE proceedings,‎ (DOI 10.1117/12.2033776)

Bibliographie

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  • Sadeddine S, Enriquez H, Bendounan A, Kumar Das P, Vobornik I, Kara A, Mayne AJ, Sirotti F, Dujardin G, Oughaddou H. Compelling experimental evidence of a Dirac cone in the electronic structure of a 2D Silicon layer. Sci Rep. 2017 Mar 10;7:44400. doi: 10.1038/srep44400.
  • Guy Le Lay, « Le silicène sur les traces du graphène », Pour la Science,‎
  • (en) Abdelkader Kara, Hanna Enriquez, Ari Paavo Seitsonen, Lok C. Lew Yan Voon, Sébatien Vizzini, Bernard Aufray et Hamid Oughaddou, « A Review on Silicene – new candidate for electronics », Surface Science Reports, vol. 67,‎ , p. 1 (DOI 10.1016/j.surfrep.2011.10.001, Bibcode 2012SurSR..67....1K)
  • (en) Sebastian Anthony, « Silicene discovered: Single-layer silicon that could beat graphene to market », extremetech.com,‎ (lire en ligne)
  • (en) Patrick Vogt, Paola De Padova, Claudio Quaresima et Jose Avila, « Silicene: Compelling Experimental Evidence for Graphenelike Two-Dimensional Silicon », Physical Review Letters, vol. 108, no 15,‎ (ISSN 0031-9007 et 1079-7114, DOI 10.1103/PhysRevLett.108.155501, lire en ligne, consulté le )
  NODES
Note 2