Transitivité (grammaire)
En grammaire , la transitivité est une notion qui distingue deux sortes de verbes. Est transitif un verbe qui, dans son emploi, est accompagné d'un complément d'objet (CO), direct (COD) , s'il est sans préposition ( Un loup a égorgé plusieurs moutons ), ou indirect (COI), s'il est introduit par une préposition ( le loup appartient à la famille des canidés ). Sans CO le verbe transitif est généralement dénué de sens ( *il porte ; *il appartient ) . Est intransitif, au contraire, un verbe qui n'a pas et ne peut avoir un CO ; à lui seul il fait sens ( Des loups hurlaient aux alentours ) . Le verbe transitif implique deux participants exprimés par le sujet et le CO; le verbe intransitif un seul, exprimé par le sujet.
En fait le terme qualifie davantage la manière dont le verbe est construit et pour la plupart d'entre eux, les dictionnaires[1] distinguent leurs emplois transitifs et intransitifs, dotés généralement de sens différents. Des verbes qualifiés de transitifs peuvent être employés intransitivement et des verbes intransitifs sont parfois dotés de CO. Selon Daniel Creissels,En toute rigueur, transitif/intransitif qualifie des constructions, et les verbes ne peuvent être qualifiés de transitifs ou intransitifs que par un raccourci de langage [2]. En français le CO ne se distingue du sujet que par son emplacement par rapport au verbe , mais dans les très nombreuses langues dotées de déclinaisons, le recours à un cas différent pour le sujet ( le nominatif ) et le COD (l'accusatif, le plus souvent), la transitivité s'exprime par la morphologie.
La linguistique depuis Lucien Tesnière intègre la notion de transitivité dans celle plus générale de valence qui prend en compte tous les constituants ( appelés actants ou arguments ) dépendant directement du verbe et indispensables pour en faire le noyau d'un syntagme grammaticalement correct. La transitivité correspond à un schéma bivalent où le verbe commande deux actants, un agent (A) et un objet (O) ou patient (P) : L'automobiliste (A) a renversé un cycliste (P). Certains verbes transitifs comportent deux objets, correspondant à un schéma trivalents : Il (A) a offert une écharpe de soie (O) à sa mère(P). Le complément d'objet peut être un nom, un pronom , une proposition et pour certains verbes ( vouloir, savoir) un infinitif,. Au contraire, un verbe employé intransitivement ne peut avoir de complément d'objet et présente un schéma univalent: Ce jeune délinquant a récidivé. La morphologie des langues ergatives reflète cette opposition en mettant l'agent d'un verbe transitif à l'ergatif et en ne marquant pas celui d'un verbe intransitif, comme elles le font pour le COD d'une phrase transitive..
Étymologie
modifierLe grammairien grec Apollonios Dyscole est sans doute le premier à élaborer la notion de transitivité . Il distingue trois catégories de verbes : les actifs (transitifs), les passifs et les neutres (intransitifs) ; l'actif indique une action du sujet qu'il fait passer sur quelqu'un ou quelque chose d'autre ( διαβιβάζei, diabibazei = fait traverser, franchit ; au passif διαβιβάζεται,diabibazetai se traduit par est employé comme verbe transitif [3]. Transitivité vient de transitif/transitive, adjectif dérivé du latin transitivus, issu du verbe transire « passer » , qui reprend l'idée du verbe grec. Il s'agit d'un terme de grammaire qui qualifie des verbes exprimant une action qui, du sujet, est transmise directement au complément ; en d'autres termes ce sont des verbes qui expriment l'action d'un sujet sur un objet[4].
Verbes transitifs
modifierUn verbe employé transitivement est un verbe accompagné d'un ou de plusieurs complément d'objet directs ou indirects. Il comporte un agent et un ou plusieurs objets/patients.
- Le chat mange la souris. Paul boit du lait. Elle pense à son voisin.
Certains sont accompagnés d'un complément d'objet direct (construit directement, sans préposition) ils sont alors dits transitifs directs. D'autres sont accompagnés d'un complément d'objet indirect (construit indirectement, à l'aide d'une préposition) et ils sont dits transitifs indirects. Exemples :
- Il évoque son enfance = transitif direct, car le complément d'objet son enfance est introduit sans préposition.
- Il se souvient de son enfance = transitif indirect, car le complément d'objet son enfance est introduit par une préposition (de).
Ces deux verbes sont typiquement transitifs, car ils ne peuvent s'employer sans complément ; c'est le cas, parmi bien d'autres, de découvrir, apercevoir(+ COD), appartenir, résulter(+ COI).
Mais d'autres peuvent être utilisés avec ou sans complément d'objet . On parle alors d'emploi intransitif d'un verbe transitif ou de verbe transitif employé absolument. Exemples:
- Il lit
- Il écrit
- Il mange (l'objet ingurgité, impliqué par le sens même du verbe, n'est pas précisé).
- Il ne voit pas
- Il n'entend pas
- Il fume (sous-entendu des cigarettes)
- Il boit
La suppression du COD permet d'exprimer par défaut toutes les actions que la signification du verbe rend possible : lire implique tout ce qui est lisible sans plus de précision ; il ne voit pas, il n'entend pas indique que rien de ce qui est visible ou audible ne lui est accessible, autrement dit qu'il est aveugle ou sourd . Ces emplois peuvent entraîner des significations différentes en fonction du contexte : Il fume peut indiquer qu'il est en train de fumer une cigarette ou bien qu'il a l'habitude de fumer, qu'il est un fumeur ; il boit qu' il est en train de boire n'importe quelle boisson ou bien qu'il a l'habitude de boire et le plus souvent qu'il est alcoolique. N'entrent pas dans cette catégorie les verbes utilisés sans complément sous-entendu du fait du contexte, en particulier dans une conversation, comme attrape ( ce que je te lance) ou regarde (ce que je te montre).
Verbes intransitifs
modifierUn verbe intransitif est un verbe qui n'a jamais de complément d'objet direct ou indirect.
- J'arrive demain. ; Les chevaux galopent.
Il ne faut pas confondre emploi intransitif et verbe intransitif. Beaucoup de verbes transitifs peuvent être employés, selon le choix du locuteur, avec ou sans leur complément d'objet. Ceci n'en fait en aucun cas des verbes intransitifs ; la présence d'un complément d'objet reste possible mais il n'est pas exprimé.
Le sujet d'un verbe en emploi intransitif peut correspondre au sujet d'une phrase à la voix passive. Exemples :
- La montre pend à son poignet = la montre est pendue à son poignet.
- Le logiciel plante encore = le logiciel est encore planté.
Verbes ditransitifs et la question du complément d'attribution
modifierCertains un verbes sont accompagnés de deux compléments d'objet, appelés complément d'objet direct (COD) et complément d'objet second (COS). Pour cette raison, ils sont qualifiés de ditransitifs ou de triactantiels.
- Elle donne une pomme à son frère = ditransitif, car une pomme est COD et son frère est COS.
La grammaire traditionnelle récuse cette analyse avec force[réf. nécessaire] : elle considère que le « complément d'objet second » n'est généralement rien d'autre qu'un complément d'attribution.
- Elle donne une pomme à son frère = transitif direct, car une pomme est complément d'objet direct (seul objet du don) et à son frère est complément d'attribution .
Verbes labiles ou ergatifs
modifierUn verbe peut être labile, c’est-à-dire transitif ou intransitif. Ils sont aussi appelés ergatifs , ambitransitifs ou réversibles [5]. Le sujet du verbe utilisé intransitivement peut devenir l'objet du même verbe utilisé transitivement, tout en conservant le même sens. Dans les exemples suivants, casser et bleuir sont intransitifs (monovalent) dans le premier exemple et transitifs (bivalent) dans le second :
- La branche a cassé.
- Le vent a cassé la branche.
- Son nez a bleui.
- Le froid lui a bleui le nez.
L'emploi transitif du verbe en fait l'équivalent des causatifs qui en français recourent au semi-auxiliaire faire ; certains verbes employés comme verbes labiles chez certains locuteurs seront utilisés par d'autres avec faire ( Il cuit un poulet/ il fait cuire un poulet ; il brûle des branchages/ il fait brûler des branchages ) , ce qui n'est pas le cas de casser ou bleuir.
Verbes changeant d'auxiliaire
modifierLes verbes descendre, monter, passer, redescendre, remonter, rentrer, repasser, ressortir, ressusciter, retourner, sortir, tomber(*) se conjuguent avec l'auxiliaire avoir quand ils sont employés transitivement et avec l'auxiliaire être dans le cas contraire :
remonter : verbe intransitif
- Jean remonte dans sa chambre / Jean est remonté dans sa chambre
remonter : verbe transitif
- Jean remonte une horloge / Jean a remonté une horloge.
sortir : verbe intransitif
- Elle sort de la maison / Elle est sortie de la maison
sortir : verbe transitif
- Ils sortent l'armoire / Ils ont sorti l'armoire.
descendre : verbe intransitif
- Il descend par l'ascenseur / Il est descendu par l'ascenseur
descendre : verbe transitif
- Il descend le parrain / Il a descendu le parrain.
(*) Pour le verbe tomber, le sens transitif est d'acquisition récente: « Il a tombé la veste. »
Notes et références
modifier- Le Dictionnaire des Verbes du Français actuel renonce même à la notion de transitivité, expliquant qu'un verbe n'est ni transitif ni intransitif. Il comporte simplement un schéma valenciel et argumental qui le prédispose à certains types d'emploi
- D.Creissels- Syntaxe générale,une introduction typologique 2, p.2, Lavoisier 2002
- R.H.Robins A short history of linguistics, 1967, Longman, London[1]
- « Définition Transitif, Ive - C'est quoi ou que veut dire Transitif, Ive ? », sur www.dicocitations.com (consulté le )
- M.Riegel,J.Chr.Pellat, R.Rioul - Grammaire méthodique du français (puf 2016), p.409
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifier- Ergativité
- Performativité
- Valence (linguistique)
- Verbe ergatif
- Accord du participe passé en français
- Halina Lewicka (de) (1906-1983) et Krzysztof Bogacki et Wojcik, Dictionnaire sémantique et syntaxique des verbes français (DSSVF, Varsovie, 1983)
Liens externes
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