Les Petits Pieds de Lise.
Les Petits pieds de Lise.
Qu’un autre chante de Délie
Le corsage ou la blanche main,
Les bras ou la jambe arrondie,
Les beaux yeux, la bouche ou le sein.
Je veux chanter
Et répéter
Qu’avec ses pieds Lise a fait ma conquête ;
Ses pieds jolis
Sont si petits,
Qu’il m’est permis,
Je crois, d’en être épris.
Que de tourments l’amour m’apprête !
Depuis l’instant qu’il me blessa,
Lise, avec ces petits pieds-là
Vous me trottez dans la tête.
Rempli du feu qui me dévore,
Souvent je cherche à vous saisir ;
Mais ces petits pieds que j’adore
Vous servent, hélas ! à me fuir !
Sans nul égard,
Quand, par hasard,
J’ose exprimer mon ivresse sincère.
Vous refusez,
Vous m’opposez
Mille raisons
Et d’ennuyeux sermons.
Ah ! Lise, malgré votre mère.
Le tendre amour qui vous forma
Vous a fait ces petits pieds-là
Pour voguer à Cythère.
Quand le réveil de la nature
S’embellit des jours du printemps,
Seule, sur l’humide verdure,
Vous parcourez les bois, les champs :
Dans un taillis
Je me blottis,
Brillant d’espoir, mon œil charmé vous guette :
J’attends tout bas
Quelques faux pas ;
Mais vains projets,
Vous ne tombez jamais !
Et pourtant, cruelle fillette,
Le plaisir, qui vous anima,
Vous a fait ces petits pieds-là
Pour glisser sur l’herbette.
Quand je vous trouve trop agile
À fuir les amoureux dangers,
Je puis vous nommer, comme Achille,
Divine, Lise aux pieds légers.
Mais si toujours
Pour les amours
Vous nourrissez cette austère rudesse,
Le temps jaloux,
Dans son courroux,
Pour me venger
Saura vous outrager.
Vous brillez d’attraits, de jeunesse.
Mais un jour tout se flétrira ;
Lise, avec ces petits pieds-là
On court à la vieillesse.