> Babelio : https://www.babelio.com/livres/Cazeneuve-Et-si-plus-rien-netait-sacre/527711
> Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3325506m

> ET SI PLUS RIEN N'ÉTAIT SACRÉ…, de Jean Cazeneuve. — Le troisième millénaire sera-t-il celui du retour vers le sacré, ou celui de sa disparition ? Avec érudition, Jean Cazeneuve tente de « faire le point » au moyen de cet essai. Comment sommes-nous passés d’une omniprésence du sacré dans la vie humaine, depuis la préhistoire jusqu’à l’aube du XXe siècle, à un tel recul de celui-ci, au point de penser qu’il allait disparaître? Avant de se poser cette question, l’auteur se livre à une tentative - ou plutôt à des tentatives - de définition du sacré… Et cela occupe les trois quarts de l’ouvrage, car l’on s’aperçoit que ce « phénomène », si on prend la peine d’y réfléchir, recouvre de son aile… « hiératique », les religions, bien sûr, mais aussi les pouvoirs et la vie sociale. Si tant d’activités humaines sont empreintes de sacralité, c’est, d’après Cazeneuve, parce que la soumission au sacré est une chose - et que peu de gens y échappent - et que la foi en est une autre. De là son effort pour distinguer superstition et sacré proprement dit, puisque cette notion a deux pôles, celui « qui évoque la magie, qui est fait de transgressions, qui est inquiétant, et un autre qui, au contraire, est du côté de la règle, de l’ordre. Le sacré combine en lui ces deux éléments en apparence contradictoires ».
Cette analyse est le point de départ d’une réflexion aux multiples développements… L’Histoire n’est pas absente de cet essai, depuis les « sacres » (tiens !) royaux à mai 68 (exemple de transgression des « valeurs » sous l’égide marcusienne), en passant par la Révolution Française et l’attitude ambiguë de ses « pères » qui en vinrent à célébrer « le remariage de l’état et du principe divin ».
La vie sociale a ses aspects sacrés également : « La sacralisation apparaît ainsi comme une manifestation sociologique de la faculté proprement humaine de se donner un idéal » ; des « Encensoirs » où il est question des emblèmes que nous nous inventons (comme les drapeaux et les décorations) au nom desquels on va du sentiment patriotique… au cimetière !… à la psychologie des foules (comment certains dictateurs s’en sont servis), au culte de la personnalité (qui a essayé de remplacer une adoration par une autre).
Sport et « Show-biz » sont de nos jours prétextes à une certaine « sacralisation » et à des « rites », il ne fallait pas non plus les oublier !
Alors, « Où commence le domaine du sacré, où cède-t-il la place à une dévotion impie ? » Après avoir vu comment il se manifeste, on doit se tourner, pour voir en quoi consiste exactement le sacré, non seulement vers la religion, mais encore vers la psychologie et l’ethnographie. C’est l’objet de la troisième partie du livre, « Essence et Origine du Sacré ». Il faut ici faire la différence entre cette fois religion et morale. Il fait référence à Rudolph Otto, théologien-indianiste du début du XXe siècle, pour qui le phénomène religieux est inhérent à la nature humaine, « émanation d’un sentiment qui saisit l’infini dans le fini ». Puis, il examine les deux faces du numineux, le « mystérium tremundum » (notion que l’on doit également à Otto), celui qui suscite l’effroi, et le « mysterium fascinans », qui conduit à l’amour et la compassion… Dans toutes les religions on trouve des manifestations de ces deux sentiments. Et « le sacré, en définitive, serait le numineux, c’est-à-dire le « tout autre » effrayant et attirant, porté au-dessus de la créature, et par conséquent cessant d’être immanent aux êtres et aux choses d’ici-bas pour devenir transcendant ».
Un détour par les « Interdits » s’imposait ! Il est évident, quand il s’agit de religions primitives, que ce qui est frappé d’un tabou est en même temps ce qui confère la puissance magique. Ils ont une longue histoire derrière eux, puis-qu’« on aurait commencé à renoncer aux instincts bestiaux en déclarant sacré ce dont on se privait volontairement ». Freud, à ce sujet, est bien sûr mis à contribution, mais Cazeneuve n’étant guère d’accord avec sa vision des choses, s’appuie sur les théories d’autres psychanalystes pour soutenir sa démonstration. Après donc avoir examiné le phénomène sous de multiples angles, peut-on dire que « pour s’accepter lui-même, l’homme n’ait pas de meilleures solutions que de se hausser au-dessus de sa personne »? La fonction de la sacralisation serait-elle donc de « réduire l’angoisse que l’homme hérite de sa situation infantile » ?
Or, si cette angoisse est aujourd’hui exorcisée par un matérialisme forcené, le déclin nous guette. La conclusion de cet essai est la mise en garde d’un sage : « Craignons que le monde s’abandonne à une sorte de réaction si l’adaptation nécessaire à la modernité s’exaspère dans un abandon de tout ce qui est sacré » (…) « Le jour où même le respect d’autrui ne sera plus une valeur indiscutable, la civilisation sera menacée. Puisse ce jour n’arriver jamais. Car si plus rien n’était sacré, si chaque individu était disqualifié, alors viendrait le règne des faux dieux et des petits maîtres qui se feraient sacrer dans les spectacles, cependant que les gourous se nourriraient de nos nostalgies et que les marchands de paradis artificiels proposeraient d’autres moyens d’évasion ». Éditions Perrin. (François BLÉVOT).
—Carnets du Yoga, janv. 1992… (more)

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Joop-le-philosophe | Jun 4, 2020 |

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