> AU PROPRE ET AU FIGURÉ, Une histoire de la propriété, par Jacques Attali. — "Pour fournir au lecteur pressé un survol nécessairement caricatural de ce qui va suivre, je dirai que la première ambition des hommes, celle qui les guide avant toute autre, est d'être, de durer, de retarder la mort. Et, pour durer, d'employer toujours la même ruse sous de multiples formes : s'approprier les biens des autres, qui sont leurs forces et leur vie; et les employer d'une façon qui corresponde le plus exactement à l'idée qu'on se fait, à une époque donnée, de la mort. […] D'abord, avoir et être se confondent presque toujours, au propre et au figuré. Au propre, car pour vivre, il faut avoir de quoi manger et de quoi s'abriter ; et parce que ne pas avoir, c'est être exclu du groupe, donc être menacé de disparaître : on est si on a. Au figuré, car, jusque dans les langues les plus primitives, un individu – ou un peuple – est identifié, distingué par ses propriétés ; son nom, sa langue, sa terre, ses propriétés disent son identité : on est ce qu'on a. Enfin, parce qu'on est soumis à ce qu'on possède ; l'objet contraint, définit et conditionne le sujet ; il dure plus que celui à qui il est : on est à ce qu'on a. Ensuite parce qu'avoir et durer se lient toujours concrètement : au propre (des récoltes qu'on stocke pour prévenir la famine, de l'argent qu'on épargne pour préparer son avenir), et au figuré (des tombeaux qu'on décore de ses biens pour le grand voyage).." [Attali, 2002]
-- Parce qu'elle fait partie de notre quotidien, mais aussi parce qu'elle est l'origine de bien des maux allant du conflit enfantin (c'est mon crayon… non c'est le mien…) au conflit territorial (Israël et Palestine / Bosnie, Kosovo) en passant par les chicanes de clôtures, et les atteintes à l'intellect, aux valeurs, à la vie… la propriété et son histoire, demande aujourd'hui, comme dans le passé, un moment d'arrêt, un temps de réflexion. C'est ce que nous propose ce livre passionnant… ralentir et réfléchir sur ce qu'est la propriété (au propre) et sur ce qu'elle représente (au figuré). Peut-être qu'au delà des raisons de posséder un tel type d'habitation, une certaine marque de véhicule, de vêtement, d'ordinateur, une certaine race de chien, de prendre possession d'un tel ou d'une telle comme époux/épouse… se dissimule une réalité fort complexe à laquelle chaque individu, chaque collectivité doit réfléchir un peu plus.
--Nathalie Bleau (ICI.Radio-Canada.ca)

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